Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

vendredi 27 décembre 2019

Dans le silence de Deir Mar Moussa al-Habashi… avec la Communauté syrienne de France



Pour la première fois en octobre 2017, la Communauté syrienne de France s'aventurait sur les pentes orientales de l'Anti-Liban à la frontière du désert syrien jusqu'au monastère Deir Mar Moussa al-Habashi [دير مار موسى الحبشي] (monastère de Saint Moïse l'Abyssin), dans le district d'An-Nabek… Silence des pierres…
 Que nous puissions accéder sans risques - et sans escorte - dans cette zone était une preuve manifeste supplémentaire de la reconquête de son territoire par la Syrie légitime sur les envahisseurs djihadistes… En effet, si les bâtisses de ce monastère en pierres locales se fondent dans le paysage, son environnement sécuritaire est resté longtemps ces récentes années tout aussi flou… C'est avec une immense joie que nous devions y retourner lors de notre dernier voyage en ce mois d'octobre 2019…

Le monastère Deir Mar Mousa al-Habashi serait-il le lieu spirituel  sacré le plus magique de Syrie ?  Ici, dans ce haut lieu saint, nous allumerons une bougie… En cet incroyable monastère byzantin de Saint Moïse l'Abyssin s'enflammera notre foi… sur ses pentes, devant chaque pierre, au sein de chaque bâtisse, dans le silence de son sanctuaire catholique syriaque…

Là où s'impose un silence de bon aloi…


Visitons les lieux… Une visite se veut d'abord découverte de lieux, mais comment ne pas nous interroger quant à ceux qui les ont occupés, dans le lointain ou tout récemment… Construit à l'origine au milieu du VIème siècle le monastère était en grande partie en ruine quand en 1982 Paolo Dall'Oglio, un jeune jésuite italien alors âgé de 27 ans, s'éprend du lieu et décide de s'y établir…  Le fougueux Paolo Dall'Oglio élabore alors un généreux projet de restauration et de refondation du monastère…  En 1984, il est ordonné prêtre en rite syriaque catholique… Les travaux de restauration se poursuivent… La vie reprend dans le monastère. Une nouvelle étape est franchie en 1992 quand Paolo Dall'Oglio fonde une nouvelle communauté monastique, une communauté religieuse œcuménique mixte, la Communauté al-Khalil (en arabe "l'ami de Dieu"), du nom biblique et coranique du patriarche Abraham. Cette communauté se donne pour axe principal le dialogue islamo-chrétien… Arrive 2011 et le terrorisme islamiste… Les choix politiques "ambigus" et "confus" de l'Italien Paolo Dall'Oglio qui  n'hésite pas à prôner une intervention armée internationale contre son pays d'adoption, la Syrie, lui valent dès 2012 un arrêté d'expulsion auquel il n'obtempèrera que sur injonction de son évêque…


Paolo Dall'Oglio

Suivent alors quelques mois d'errance, avec de probables retours en Syrie jusqu'au samedi 27 juillet 2013. Paolo Dall'Oglio revient en Syrie après avoir traversé la frontière turque. Il se rend à Raqqa, alors occupée par les djihadistes de l'État islamique. Son intention aurait été de négocier la libération de journalistes retenus en otages. Dès le lundi 29 juillet 2013 les djihadistes exécutent l'un de ses accompagnateurs alors que le sort du jésuite reste incertain. Sans donner de preuves, La Croix affirme dans un article daté du 6 novembre 2017 - selon le témoignage d'un djihadiste marocain récemment fait prisonnier - que le prêtre aurait été assassiné par les islamistes dès les jours suivant son enlèvement… Paolo Dall'Oglio, un personnage fougueux et complexe… Gardons-nous de juger… Qu'une visite des lieux et les interrogations qu'elle pose soit une incitation à des recherches plus approfondies… Seuls s'imposent respect, silence, prières…
… En juillet 2017, l’Œuvre d’Orient a appelé les autorités syriennes et internationales à retrouver les traces du père Dall’Oglio, ainsi que des deux évêques orthodoxes Mgr Boulos Yazigi et Mgr Yohanna Ibrahim, enlevés la même année à Alep… 



Deir Mar Moussa al-Habachi [‏دير مار موسى الحبشي], le monastère de Saint Moïse l'Abyssin, se dresse à environ 90 km au nord de Damas à 13 km de Nebek. Une petite route conduit au pied de la falaise où est perché Mar Moussa. Il faut alors grimper les escaliers de pierre une vingtaine de minutes. Une montée agréable et aisée… Un funiculaire - à condition qu'un contact préalable ait été établi avec les moines -  devrait permettre aux plus paresseux d'y accéder… Après avoir été longtemps désaffecté, le monastère a repris vie à la fin du XXe siècle et abrite une petite communauté religieuse œcuménique double de rite syriaque occidental (8 moines et moniales et 2 novices en 2010) qui prône le dialogue des religions et veut renouer avec la tradition des moines hospitaliers… 













Un funiculaire devrait permettre d'accéder au monastère…
































Deir Mar Musa 01
Vue du monastère


Deir Mar Musa 08
Vue du bâtiment le plus ancien du monastère























L'église du monastère abrite de belles fresques qui datant du XIème au XIIIème siècle…









Deir Mar Moussa : détail de la fresque représentant le Jugement dernier, les élus sont conduits par les premiers martyrs Étienne et Jacques
photo : Henri Pidoux


Frescoes, Monastery of Saint Moses the Abyssinian, Mar Musa or Deir Mar Musa al-Habashi, Nabk, approximately 80 kilometers north of Damascus, Syria - 1
Une des fresques du monastère



Deir Mar Musa2
Fresque restaurée à l’intérieur de l’église

Deir Mar Moussa al-Habachi

Daech affirme avoir tué le Père Paolo Dall’Oglio après son enlèvement en 2013

Le Père Paolo Dall’Oglio était enlevé il y a quatre ans à Rakka

La Croix (15 novembre 2018) : Le mystère d'une disparition… Qu’est-il arrivé au père Paolo en Syrie ? une enquête de Jérémy André, envoyé spécial de La Croix à Rakka, Rome, Paris et en Turquie

Triste personnage, illuminé et tordu, selon certains habitants d’Alep qui l’ont bien connu, et à leur grand malheur… « … Seul l’ancien provincial de la Compagnie de Jésus au Proche-Orient au moment des faits, le père Victor Assouad, veut bien parler. Il déplore "un manque de volonté au niveau politique". Tout le monde a intérêt à ce que la lumière ne soit pas faite, admet-il. Le père Paolo, fondateur de la communauté Al-Khalil, avait pris son indépendance par rapport à la Compagnie de Jésus. Son engagement radical pour les révolutionnaires en Syrie avait choqué, même un ami de trente ans comme le père Victor. Mais à la curie jésuite à Rome, on regrette aujourd’hui qu’il soit ainsi plongé dans l’oubli. "Combien de temps faut-il attendre pour faire son deuil ?", demande ce chrétien de Syrie devenu romain – le chemin inverse de Dall’Oglio… »


Le père Paolo Dall’Oglio (à gauche), devant le monastère de Mar Moussa, le 25 avril 2008.
Crédit : Ed Kashi/VII/Redux/REA

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de la Communauté syrienne de France








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