Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

vendredi 23 juillet 2021

Déclaration du Maréchal de France Philippe Pétain le 23 juillet 1945 lors de l'ouverture de son procès








Le lundi 23 juillet 1945 vers 13 heures, dans la salle de la 1ère chambre de la Cour d’Appel de Paris où siège la Haute Cour, le Maréchal de France Philippe Pétain, 89 ans, entre dans la salle d’audience suivi de ses trois avocats, puis la cour, le président Mongibeaux et le procureur Mornet. Les tribunes étaient combles, les éclairs de magnésium des appareils photo crépitaient. Les jurés parlementaires s’assirent dans les travées latérales à la droite de la cour et les jurés résistants à sa gauche. Les journalistes furent placés de part et d’autres du prétoire devant les deux groupes de jurés.
Après l'appel des témoins et au moment où l'interrogatoire devait commencer le Maréchal de France Philippe Pétain demande la parole pour lire une déclaration


« C’est le peuple français qui, par ses représentants réunis en Assemblée nationale le 10 juillet 1940, m’a confié le pouvoir, c’est à lui que je suis venu rendre des comptes.

La Haute Cour, telle qu’elle est constituée, ne représente pas le peuple français, et c’est à lui seul que s’adresse le Maréchal de France, chef de l’État.

Je ne ferai pas d’autre déclaration. Je ne répondrai à aucune question. Mes défenseurs ont reçu de moi la mission de répondre à des accusations qui veulent me salir et n’atteignent que ceux qui les profèrent.

J’ai passé ma vie au service de la France. Aujourd’hui, âgé de près 90 ans, jeté en prison, je veux continuer à la servir, en m’adressant à elle une fois encore. Qu’elle se souvienne ! J’ai mené ses armées à la victoire en 1918. Puis, alors que j’avais mérité le repos, je n’ai cessé de me consacrer à elle.

J’ai répondu à tous ses appels, quels que fussent mon âge et ma fatigue. Le jour le plus tragique de son Histoire, c’est encore vers moi qu’elle s’est tournée.

Je ne demandais rien, je ne désirais rien. On m’a supplié de venir : je suis venu. Je devenais ainsi l’héritier d’une catastrophe dont je n’étais pas l’auteur. Les vrais responsables s’abritaient derrière moi pour écarter la colère du peuple.

Lorsque j’ai demandé l’armistice, d’accord avec nos chefs militaires, j’ai rempli un acte nécessaire et sauveur.

Oui, l’armistice a sauvé la France et contribué à la victoire des Alliés en assurant une Méditerranée libre et l’intégrité de l’Empire.

Le pouvoir m’a été confié et légitimement reconnu par tous les pays du monde, du Saint-Siège à l’U.R.S.S. De ce pouvoir, j’ai usé comme d’un bouclier pour protéger le peuple français. Pour lui, je suis allé jusqu’à sacrifier à mon prestige. Je suis demeuré à la tête d’un pays sous l’occupation.

Voudra-t-on comprendre la difficulté de gouverner dans de telles conditions ? Chaque jour, un poignard sur la gorge, j’ai lutté contre les exigences de l’ennemi. L’Histoire dira tout ce que je vous ai évité, quand mes adversaires ne pensent qu’à me reprocher l’inévitable.

L’occupation m’obligeait à ménager l’ennemi, mais je ne le ménageais que pour vous ménager vous-mêmes, en attendant que le territoire soit libéré.

L’occupation m’obligeait aussi, contre mon gré et contre mon cœur, à tenir des propos, à accomplir certains actes dont j’ai souffert plus que vous, mais devant les exigences de l’ennemi, je n’ai rien abandonné d’essentiel à l’existence de la patrie.

Au contraire, pendant quatre années, par mon action, j’ai maintenu la France, j’ai assuré aux Français la vie et le pain, j’ai assuré à nos prisonniers le soutien de la Nation.

Que ceux qui m’accusent et prétendent me juger s’interrogent du fond de leur conscience pour savoir ce que, sans moi, ils seraient peut-être devenus.
Pendant que le Général De Gaulle, hors de nos frontières, poursuivait la lutte, j’ai préparé les voies de la libération, en conservant une France douloureuse mais vivante.

À quoi, en effet, eût-il servi de libérer des ruines et des cimetières ?

C’est l’ennemi seul qui, par sa présence sur notre sol envahi, a porté atteinte à nos libertés et s’opposait à notre volonté de relèvement.

J’ai réalisé, pourtant, des institutions nouvelles ; la Constitution que j’avais reçu mandat de présenter était prête, mais je ne pouvais la promulguer.

Malgré d’immenses difficultés, aucun pouvoir n’a, plus que le mien, honoré la famille et, pour empêcher la lutte des classes, cherché à garantir les conditions du travail à l’usine et à la terre.
La France libérée peut changer les mots et les vocables. Elle construit, mais elle ne pourra construire utilement que sur les bases que j’ai jetées.

C’est à de tels exemples que se reconnaît, en dépit des haines partisanes, la continuité de la Patrie. Nul n’a le droit de l’interrompre.

Pour ma part, je n’ai pensé qu’à l’union et à la réconciliation des Français. Je vous l’ai dit encore le jour où les Allemands m’emmenaient prisonnier parce qu’ils me reprochaient de n’avoir cessé de les combattre et de ruiner leurs efforts.

Je sais qu’en ce moment, si certains ont oublié, depuis que je n’exerce plus le pouvoir, ce qu’ils ont dit, écrit ou fait.

Des millions de Français pensent à moi, qui m’ont accordé leur confiance et me gardent leur fidélité.

Ce n’est point à ma personne que vont l’une et l’autre, mais pour eux comme pour bien d’autres, à travers le monde, je représente une tradition qui est celle de la civilisation française et chrétienne, face aux excès de toutes les tyrannies.

En me condamnant, ce sont des millions d’hommes que vous condamnerez dans leur espérance et leur foi. Ainsi, vous aggraverez ou vous prolongerez la discorde de la France, alors qu’elle a besoin de se retrouver et de s’aimer pour reprendre la place qu’elle tenait autrefois parmi les nations.

Mais ma vie m’importe peu. J’ai fait à la France le don de ma personne. C’est à cette minute suprême que mon sacrifice ne doit plus être mis en doute.

Si vous deviez me condamner, que ma condamnation soit la dernière et qu’aucun Français ne soit plus jamais détenu pour avoir obéi aux ordres de son chef légitime.

Mais, je vous le dis à la face du monde, vous condamneriez un innocent en croyant parler au nom de la justice et c’est un innocent qui en porterait le poids, car un Maréchal de France ne demande de grâce à personne.

À votre jugement répondront celui de Dieu et celui de la postérité. Ils suffiront à ma conscience et à ma mémoire.

Je m’en remets à la France ! »


Le procès Pétain, un procès politique









mercredi 14 juillet 2021

Pierre d'Angles : « Je ne fêterai pas votre révolution », janvier 1989


 

 
« On voit la paille dans l'œil de son voisin,
mais pas la poutre qui est dans le sien ».


« Je ne fêterai pas votre révolution »,
Pierre d'Angles,
janvier 1989
(partie 1/3)



Jeune historien, Amaury Guitard nous confie : « Je passe mes vacances en Vendée depuis que je suis petit. Au cours de ces années, j’ai pu constater qu’il existait deux versions de l’histoire sur ce qu’il s’est passé en Vendée durant la Révolution française »… Aussi Amaury Guitard nous propose de découvrir à l'appui d'un superbe texte en alexandrins de Pierre d'Angles l'authenticité des faits. Voici son analyse…


Grâce aux prisonniers !
Grâce aux prisonniers !

L'origine...

La révolution française, ce grand socle mythifié sur lequel repose toute l'histoire française moderne depuis plus de deux siècles, est la cible principale du poème de Pierre d'Angles :
« Je ne fêterai pas votre révolution »
Dès le titre (qui constitue aussi le premier vers du poème), le poète est catégorique, et le lecteur sait déjà à quoi s'en tenir. À travers ce texte composé au tout début de l'année 1989 (année du bicentenaire), Pierre d'Angles exprime clairement sa volonté de ne pas se joindre, ni de cautionner les commémorations révolutionnaires à venir, qu'il présente comme une grande supercherie historique, et se revendique solidaire au regard des victimes.
Véritable prouesse poétique et littéraire qui prend des airs de plaidoyer en défense d'une mémoire plus juste et surtout moins sélective, ce poème de 21 quatrains se propose de revenir, avec force détails, sur certains faits marquants, trop souvent occultés par l'historiographie républicaine…

Je ne fêterai pas votre révolution.
On ne célèbre pas le vol, le viol, le crime.
Mais je prendrai le deuil de vos pauvres victimes.
Elles seules ont droit à ma vénération.

Je ne fêterai pas l’espérance trahie
Du peuple demandant l’arbitrage royal
Jusqu’alors rendu juste, équitable et loyal
Mais au nom d’une foi par votre orgueil haïe.

Je ne célèbrerai pas votre intolérance.
Ni vos sacrilèges, ni vos profanations.
Ni les grands mots ronflants de vos proclamations
Prônant la liberté dont vous priviez la France.

Je ne fêterai pas l’infâme Cordelier
Faisant assassiner, par sa triste colonne,
En l’Eglise du Luc, près de six cents personnes
Dont cent cinquante enfants réunis pour prier.

On ne pardonne pas les Oradours-sur-Glane
Et vous seriez fondés d’en tarer les nationaux-socialistes
Si vous n’aviez, chez nous, fait pire aussi
Vous êtes précurseurs, Messieurs, et non profanes.

Quand vous jetiez aux fours, par vous chauffés à blanc,
Les mères, les enfants, les vieillards, les mystiques,
Vous disiez faire le pain de la République…
Mais Amey, mieux qu’Hitler, les y jetait vivants !

Car c’est bien cet Amey, de sinistre mémoire,
L’un de vos généraux prétendu glorieux,
Qui fut l’instigateur de ce supplice odieux…
Vous avez, aussi vous, eu vos fours crématoires.

Et Turreau trouvait tant de plaisir à ces jeux
Qu’il faisait ajouter, quand manquaient les dévotes,
Et malgré tous leurs cris, les femmes patriotes…
Votre fraternité les unissait au feu.

Décryptons ensemble les huit premières strophes de ce poème...

Une prouesse littéraire et poétique

Exclusivement sous forme de quatrains (strophe de base de la poésie française), ce poème est majoritairement composé en alexandrins, vers de douze pieds traditionnellement réservé aux sujets graves et solennels.

Les très nombreuses rimes de ce poème ne sont jamais anodines, et ce n'est pas un hasard si Pierre d'Angles réussit à faire rimer « crime » avec « victimes », « arbitrage royal » et « équitable et loyal » (exprimant ainsi la nostalgie d'une époque à laquelle la révolution a subitement mis fin), « profanations » et « proclamations », et les non-moins symboliques « dévotes » / « patriotes », soulignant par là que les populations, qu'elles fussent Blanches ou Bleues, étaient massacrées sans distinction, pourvu que cela divertisse leurs bourreaux (« plaisir », « jeux »).

Et des bourreaux, il en est bel et bien question dans ces quelques strophes, qu'ils soient anonymes (« vos », « messieurs »), ou clairement identifiés : Cordelier, tout d'abord, jugé « infâme », puis c'est au tour des généraux « prétendu(s) glorieux » Amey et Turreau d'être évoqués ensemble successivement dans les deux dernières strophes.

Turreau et Amey, deux généraux présentés comme instigateurs des même barbaries ; deux généraux dont les patronymes se trouvent justement inscrits dans la pierre des voûtes de l'Arc de Triomphe… Coïncidence, ou volonté délibérée du poète de dénoncer les panthéons artificiels fabriqués par une histoire républicaine amnésique ? On peut légitimement se poser la question.
De quelle mémoire parle t-on ?, est-ce cela que vous voulez fêter ?, semble nous souffler le poète.

L'histoire mise en forme

En parfait connaisseur de ce qui s'est passé en Vendée, Pierre d'Angles ne manque pas d'adresser une petite piqûre de rappel au sujet de toutes les exactions commises par ces généraux, devenus tristement célèbres :

Cordelier et sa « triste colonne » sont bien évidemment associés au sanglant massacre des Lucs-sur-Boulogne (28 février 1794), et l'extrême barbarie dont ils firent preuve ce jour-là (« assassiner ») contraste avec l'innocence et l'inoffensivité de leurs victimes, (« six-cents personnes dont cent-cinquante enfants »), massacrées en haine de la foi : « réunis pour prier ».



Vitrail de l'église des Lucs
Vitrail de l'église des Lucs


Par-delà cette cruauté, Pierre d'Angles n'hésite pas à tisser un lien très clair entre ces mises à mort et celles qui eurent lieu en juin 1944, dans l'église du village d'Oradour-sur-Glane, par les Panzergrenadier de la Waffen-SS. La filiation entre ces deux actes apparaît toute tracée.
Vu sous cet angle, le reproche à peine déguisé que le poète adresse aux défenseurs de la révolution : « Vous seriez fondés d'en tarer les nazis si vous n'aviez, chez nous, fait pire aussi » trouve-là un écho historique, et le verdict : « Vous êtes précurseurs, Messieurs, et non profanes » tombe comme un couperet (pardonnez-moi l'expression…).



* En janvier 1794, l'officier de police Gannet témoigne de ce qu'il a vu :
« Amey fait allumer des fours et lorsqu'ils sont bien chauffés, il y jette les femmes et les enfants. Nous lui avons fait des représentations ; il nous a répondu que c'était ainsi que la République voulait faire cuire son pain ».
Ces crémations, Pierre d'Angles les reprend dans son poème quand il évoque et accuse « Les fours, par vous, chauffés à blanc ». Normalement connu pour être l'œuvre des tortionnaires nazis lors de la seconde guerre mondiale, ce procédé n'aurait donc rien de nouveau puisqu'en Vendée, la folie révolutionnaire n'a donc pas hésité, pour « faire le pain de la République », à inaugurer ce « supplice odieux », qui sera malheureusement repris cent-cinquante années plus tard… Pour le poète, sur l'échelle de l'horreur, la cruauté d'Amey surpasserait même celle d'Hitler, puisque les victimes étaient alors incinérées vivantes, unies dans les flammes par « Votre fraternité », un de « ces mots ronflants » nés de la révolution.
Par-delà cette mention des fours crématoires, l'historien avertit peut aussi y voir une subtile allusion à un autre procédé lui aussi mis en œuvre contre les « brigands » vendéens : la fonte de graisse humaine, que l'on envoyait ensuite aux hôpitaux de la région.

Entre histoire et poésie

À la croisée des chemins entre histoire et poésie, ce poème pointe du doigt "la face cachée" de la révolution, et toutes les horreurs que celle-ci a engendrées. La longue liste de faits historiques évoqués par Pierre d'Angles apparaît alors, sous un jour poétique, comme autant de justifications qu'il apporte à son « Je ne fêterai pas votre révolution » initial, qui sonne comme un refrain tout au long de ces huit premières strophes.




 

Amaury Guitard nous propose de nous intéresser à présent aux huit prochaines strophes, qui constituent la partie centrale du poème de Pierre d'Angles.


Taillé pour toujours dans la pierre…
Taillé pour toujours dans la pierre…


Je ne fêterai pas vos tanneries humaines
Dont votre chirurgien, Pecquel, fut l’écorcheur,
Ni son ami Langlois, de Meudon, le tanneur…
Ni votre grand Saint-Just disant qu’en ce domaine

Peau d’homme vaut bien mieux que celle du chamois
Que celle de la femme plus souple et plus fine…
Vous étiez sans culottes, alors ça se devine
Vous vous en fîtes faire en peau de villageois.

Quand vous abominez les gardiens sataniques
De l’affreux Buchenvald écorchant de leur peau
Nos morts, les laissant nus en leurs chairs en lambeaux
Avez-vous des remords ou restez-vous cyniques ?

Je ne fêterai pas les enterrés vivants
Dans les puits de Clisson et ceux de mon bocage
Ni du fameux Carrier les célèbres mariages
Voulus républicains mais surtout révoltants.

Attachant l’un à l’autre, une fille et son père,
Une mère et son fils, un prêtre et une sœur,
Et nus, bien entendu, pour que leurs massacreurs
Aient, humiliant leur mort, à rire et se distraire.

Quand, en les entassant dans barques à sabords
On les faisait sombrer dans les eaux de la Loire.
Et le fleuve royal garde encore leur mémoire,
Il apparaît plus triste à l’approche du port.

Je ne fêterai pas, non plus, la guillotine,
Ce symbole attitré de la révolution.
Ce moyen fraternel d’abreuver nos sillons,
Comme vous le chantez d’un sang que moi j’estime.

Je ne chanterai pas votre révolution.
Elle a fait trop coulé de sang, de pleurs, de larmes.
De notre vieux royaume elle a rompu le charme
Et fait perdre, au pays, sa noble vocation

La guerre de Vendée en poésie : « Je ne fêterai pas votre révolution », Pierre d'Angles, Janvier 1989 (partie 2/3)


Tout au long de cette seconde partie, le poète s'adresse aux farouches défenseurs de la révolution en leur exposant toute une série de crimes, tous plus innommables les uns que les autres, qui font que Pierre d'Angles ne peut se reconnaître ni même cautionner de telles cérémonies commémoratives…

Les tanneries de peaux humaines

Dès la première strophe, Pierre d'Angles introduit une pléiade de noms de bourreaux qui s'illustrèrent naguère en Vendée par les actes particulièrement odieux qu'ils commirent. Et afin de donner encore plus d'impact à ses accusations, le poète accole un attribut spécifique à chaque patronyme : Pecquel, chirurgien de métier, est « écorcheur » ; de même que Langlois est « tanneur »… L'un commence le travail, l'autre le termine.
L'ajout du possessif « votre » (« votre chirurgien », « votre grand Saint-Just ») est pour le poète une façon très habile de se désolidariser et de dénoncer ces pratiques barbares qui vont même jusqu'à remettre en question toute la dignité des victimes.

Bien que l'historiographie républicaine du XIXe siècle (période charnière pour la construction de l'histoire nationale officielle) ait bien bien souvent présenté ces tanneries comme des actes ponctuels, isolés, voire inventés de toute pièce, les archives, de leur côté, sont sans équivoque. J'en veux pour preuve ce document retrouvé aux Archives Départementales du Maine et Loire (1L127/3), qui nous livre la déposition d'un témoin de l'époque qui, le 19 Brumaire an II (novembre 1793), raconte :

« Dans le nombre, il y en a eu une trentaine [de victimes] que le nommé Pecquel, officier de santé, a fait écorcher. Il a ensuite envoyé les peaux chez des tanneurs des Ponts-Libres, qui refusèrent de les travailler. Un seul, nommé Langlois, a laissé travailler six peaux chez lui ».

Le fait que Pierre d'Angles ait eu ce témoignage à sa connaissance n'est que trop certain : l'évidente allusion qu'il fait dans son poème ne laisse guère de place au doute.
Pour étayer ses accusations (et toujours en se servant de l'alexandrin pour seule arme), il reproduit indirectement les propos du conventionnel Saint-Just qui, dans son rapport du 14 août 1793, explique :
« La peau qui provient d'hommes est d'une consistance et d'une bonté supérieure à celle du chamois. Celle des sujets féminins est plus souple, mais elle présente moins de solidité ».

Ces propos pourraient paraître surréalistes, mais ils sont pourtant historiquement attestés. Le lecteur attentif remarquera au passage le jeu de mots autour du terme de « sans-culottes », afin de tourner en dérision ceux qui chercheraient de vaines justifications à ces actes impardonnables.
Encore une fois, Pierre d'Angles établit un parallèle historique entre ces faits et les exactions nazies qui furent commises de manière à peu près similaire lors de la Seconde Guerre mondiale, dans le camp de concentration de Buchenwald, près de Weimar. Là encore, ces pratiques, plus récentes, sont attestées par de nombreux témoins qui passèrent aux aveux par la suite : il suffit de lire cet extrait des actes du procès de Nuremberg pour s'en convaincre :

« - [À Buchenwald], on a donc écorché des gens ?
On leur enlevait la peau, répond un témoin rescapé du camp, puis on la tannait.
Pourriez-vous donner des informations plus précises ?
J'ai vu des S.S sortir du Bloc 2, des peaux tannées sous le bras. Des camarades travaillant dans ce bloc m'ont dit qu'on y recevait des commandes de peaux et que l'on donnait des peaux tannées à des gardes et à des visiteurs.
 »
 
À la lueur de cet extrait, l'expression « gardiens sataniques de l'affreux Buchenwald » prend tout son sens. Et face aux drames humains que ces barbaries ont engendrées (et ce à quelque époque que ce fût), l'auteur se permet d'adresser une remontrance, en signe de bravade : « Avez-vous des remords ou restez-vous cyniques ? ».
Avec cette interrogation purement rhétorique, Pierre d'Angles fait coup double, reprenant à son compte le célèbre proverbe : « On voit la paille dans l'œil de son voisin, mais pas la poutre qui est dans le sien ».
Sans doute une manière de dire que au sujet de la Vendée de Robespierre ou bien à propos des camps d'Hitler, le temps passe mais le souvenir reste. Malgré tout.

Les « mariages républicains »
En guise de transition entre les tanneries et les mariages républicains, le poète n'omet pas de signaler brièvement (deux vers) les « enterrés vivants », dans les puits de Clisson notamment, puisque ceux-ci sont devenus tristement célèbres lors de la guerre de Vendée.

Lorsqu'il s'apprête ensuite à parler du « fameux Carrier » et de ses sinistres mises à mort, Pierre d'Angles oppose les adjectifs « républicains » et « révoltants »… Histoire de montrer que derrière une notion en apparence anodine peut se cacher une bien cruelle réalité.
Au cas où le lecteur ne serait pas au courant, le poète prend le temps de détailler ce en quoi consiste ces « célèbres mariages ».
Loin d'être inutiles, ces quelques précisions ont la double fonction de rafraîchir encore une fois la mémoire de ces ardents révolutionnaires qui au moment de l'écriture (1989), se revendiquent dignes héritiers de 1789, et qui s'apprêtent à célébrer cela comme il se doit, avec faste et louanges.

Les bourreaux, les organisateurs de ces mariages sont présentés de manière chaque fois plus cruelle : en effet, ils ne se contentent pas de donner la mort, mais, comble de l'indécence, il faut qu'ils « aient […] à rire et se distraire » en « humiliant leur victimes ». Si les tanneries précédemment évoquées étaient une barbarie "post-mortem", les présents mariages relèvent ici d'une cruauté qui intervient avant même l'exécution des victimes. L'horreur est totale. L'effroi, complet.
Car une fois attachées, celles-ci étaient chargées dans des « barques à sabords » [on remarquera au passage l'usage du verbe « entasser », pour souligner toute la déshumanisation qu'exercèrent les révolutionnaires à l'égard de leurs victimes], puis noyées « dans les eaux de la Loire », alors appelée « torrent révolutionnaire » ou « baignoire nationale » par Carrier et ses acolytes.
Destin tragique de ces victimes qui furent noyées par centaines au nom de cette révolution beaucoup trop extrémiste et qui ne rencontre aucune entrave sur sa route. Les eaux ligériennes furent donc leur linceul, et grâce à Pierre d'Angles, la mort et la tragédie sont ici poétisées, ce qui renforce considérablement l'impact et l'émotion véhiculés par ces explications sur le lecteur.

L'expression « le fleuve royal » est bien évidemment un clin d'œil au grand héritage qui, historiquement, unit la Loire aux différents monarques de « notre vieux royaume » (châteaux, demeures royales et enjeux stratégiques du fleuve et de ses abords…).
 
Les mariages républicains : un homme, une femme, attachés dos à dos (et de préférence nus)…
Les mariages républicains : un homme, une femme, attachés dos à dos (et de préférence nus)…


La guillotine et la Marseillaise, emblèmes de la Révolution..

Dans les deux dernières strophes, Pierre d'Angles s'attarde sur la machine à Guillotin, du nom de son inventeur, et qui est selon lui devenue un « symbole attitré de la révolution ». Mais ce terrible instrument est, dans le poème, accompagné d'un autre emblème révolutionnaire qui est lui aussi un pur produit de cette trouble période : La Marseillaise, devenue notre hymne national, et dont le seul refrain : « Marchons, marchons, qu'un sang impur abreuve nos sillons » est loin d'être un appel à devenir philanthrope…
Pour le poète, la guillotine est un bon complément à la Marseillaise puisqu'en plus d'être un symbole, elle doit être avant tout considérée comme « un moyen fraternel d'abreuver nos sillons ». Tout est dit. C'est clair comme de l'eau de roche.
La volonté de Pierre d'Angles de s'inscrire en opposition à cela se reflète dans l'alternance et le contraste des pronoms personnels « vous » / « moi », revendiquant clairement que, lui, estime beaucoup le sang français que d'autres se complaisent à faire couler.

Enfin, la dernière strophe de cette seconde partie prend des allures de bilan, comme un récapitulatif de tout ce que la Révolution a laissé derrière elle : « sang », « pleurs », « larmes »... Rien de positif.
Et pour le poète, c'est même pire que ça puisqu'en voulant bâtir le nouveau monde qu'elle promettait à tous les citoyens, la révolution a détruit complètement l'ancien, c'est-à-dire le « vieux royaume » de France, qui donnait au pays tout son charme, et qui lui a depuis lors fait perdre sa « noble vocation ». Un nouveau monde qui a vu le jour dans la douleur. La montagne a accouché d'une souris.

Conclusion

Dans cette seconde partie, par-delà la folie révolutionnaire, c'est bel et bien l'horreur des massacres qui est mise en scène. Aucun détail n'est laissé au hasard par Pierre d'Angles, qui manie à merveille les alexandrins pour donner au poème toute sa force évocatrice.

Amaury Guitard





Pour clore cette étude sur la guerre de Vendée en poésie, voici le troisième et dernier volet sur le poème de Pierre d'Angles, « Je ne fêterai pas votre révolution ».
Amaury Guittard s'attarde sur les cinq dernières strophes du poème, qui nous conduiront progressivement vers une conclusion générale, véritable récapitulatif de tout ce que le poète a détaillé auparavant…


« Je ne fêterai pas votre révolution » ou La guerre de Vendée en poésie, Pierre d'Angles, Janvier 1989 (partie 3/3)


Vous avez tout brûlé, chez nous, châteaux, chaumières,

Étables et clochers. Vous traîniez les enfers

Pour faire du bocage un immense désert

Sans une âme qui vive et sans pierre sur pierre…

Vous n’aviez pas pensé que tout le sang versé

Au terroir de l’amour serait semence vive.

Il germe en attendant nos prochaines métives ;

Il fleurira, demain, épi de liberté.

La liberté de croire en un Dieu qui pardonne.

En un ordre qui met, au sommet, le devoir

Le courage et la foi. Qui veut que le pouvoir
Ne dépende jamais du nombre et de la somme…

Aujourd’hui nous pouvons vous juger à vos faits.

Votre révolution a incendié notre terre.

Elle a porté, partout, la misère et la guerre,

Quand le monde a jamais plus désiré la paix…

Je ne peux pas fêter votre révolution.

On ne célèbre pas le vol, le viol, le crime.

Je porterai le deuil de toutes ses victimes.

Elles seules ont droit à ma vénération


Un douloureux bilan...

 
« Je ne fêterai pas votre révolution » ou La guerre de Vendée en poésie, Pierre d'Angles, Janvier 1989 (partie 3/3)




Pierre d'Angles dresse tout d'abord une longue liste de tous les ravages que la Révolution a laissés derrière elle. Ses affirmations, qui prennent des allures de reproches et d'accusation, visent en fait à montrer que les dégâts (matériels [« pierre »] et humains [« âme »]) provoqués par les armées de la République en Vendée sont inoubliables et indélébiles, tellement ils ont marqué de manière profonde le conscient et l'inconscient populaires pendant plusieurs générations.
Avec cette liste qui n'en finit pas de s'allonger, l'énumération « vous avez tout brûlé, chez nous, châteaux, chaumières, étables et clochers » montre bien qu'il s'agit d'une destruction totale (« sans une âme qui vive et sans pierre sur pierre »), menée au nom de cette Révolution que d'autres s'apprêtent, en 1989, à louer et à célébrer . Cette destruction concerne d'ailleurs la population dans son ensemble : nobles et aristocrates (« châteaux »), prêtres et paroissiens (« clochers »), paysans et gens du peuple (« étables », « chaumières »)...
Les armées républicaines sont ici assimilées à des légions sataniques (« vous trainiez les enfers »). Sans doute un clin d'œil aux terribles colonnes dites infernales du général Turreau, qui en Vendée, pratiquaient la politique de la terre brûlée. Le temps a passé, mais pour le poète, le souvenir reste néanmoins très vivace, et si certains feignent d'être amnésiques (ou ne veulent pas, tout simplement, reconnaître cette froide réalité), d'autres, comme Pierre d'Angles, se souviennent et accusent.
Cette perrénité du souvenir se reflète d'ailleurs dans la présence du champ lexical de la fécondité, de la fertilité et de la récolte : « semance », « il germe », « métives », « fleurira », « épi ».
Les rimes des termes « sang versé », « vive », avec « liberté » et « métives », sont là encore loin d'être anodines. Le poète nous suggère par là que lors de sa Grand'guerre, la Vendée n'a pas souffert pour rien, et que le sang que ses fils ont versé pour elle, n'a pas été inutile : il a, par la suite, généré l'amour qui aujourd'hui, enveloppe le souvenir tragique de ces drames.
Parce que la Vendée est morte, la Vendée est née.

Une liberté revendiquée haut et fort

« Je ne fêterai pas votre révolution » ou La guerre de Vendée en poésie, Pierre d'Angles, Janvier 1989 (partie 3/3)



Comme un pied de nez à la sacro-sainte « Liberté » si chère aux révolutionnaires d'hier et d'aujourd'hui, le poète revendique, lui, sa propre liberté : la liberté de culte tout d'abord, c'est à dire, pouvoir « croire en un dieu qui pardonne ». L'historien avertit peut voir à travers ces mots une subtile allusion au Pardon des Vendéens, connu aussi sous le nom Pardon de Bonchamps. Le Pardon, une des valeurs fondatrices du christianisme.
L'évocation de cet « ordre » que certains se sont acharnés à détruire permet à Pierre d'Angles de replacer « le devoir, le courage et la foi » comme valeurs suprêmes. Des valeurs fermes et sûres, qui font que le pouvoir n'obéisse plus à l'arbitraire « du nombre et de la somme ».

Le terme « Aujourd'hui » actualise les propos du poète dans un contexte précis et clairement identifiable : 1989, année du bicentenaire.
La sentence « Votre révolution a incendié notre terre » est un coup porté à cet événement mythifié, glorifié, au point de devenir deux-cents ans plus tard le socle de toute l'histoire française moderne. Le bilan de cette révolution ne peut qu'être négatif puisqu' « elle a porté, partout, la misère et la guerre », à une époque où « le monde a jamais plus désiré la paix »… Pierre d'Angles souligne ici l'un des grands paradoxes de notre révolution. À cette remarque, on ne peut s'empêcher de repenser aux propos d'Alexandre Soljenitsyne qui, le 25 septembre 1993, au moment de l'inauguration du Mémorial de la Vendée, faisait remarquer :

« Le mot révolution lui-même, du latin revolvere, signifie rouler en arrière, revenir, éprouver à nouveau, rallumer. Dans le meilleur des cas, mettre sens dessus dessous. Bref, une kyrielle de significations peu enviables. De nos jours, si de par le monde on accole au mot révolution l'épithète de «grande», on ne le fait plus qu'avec circonspection et, bien souvent, avec beaucoup d'amertume ».

C'est pourquoi, au moment de l'écriture, Pierre d'Angles ne peut se joindre ni se reconnaître dans de telles célébrations commémoratives.
Le verbe « pouvoir », placé ici dans sa forme négative : « Je ne peux », révèle justement cette incapacité du poète. Comme des justifications apportées, celui-ci remarque : « On ne célèbre pas le vol, le viol, le crime ». Et comment pourrait-on le faire ?, semble t-il nous murmurer.
Une fois encore, il s'inscrit en totale opposition à tout cela, et se réclame solidaire des victimes dont il endosse le deuil, plein de respect et d'humilité, car finalement, « elles seules ont droit à [sa] vénération ».

Conclusion

« Je ne fêterai pas votre révolution » ou La guerre de Vendée en poésie, Pierre d'Angles, Janvier 1989 (partie 3/3)

 
Véritable prouesse littéraire, majoritairement composée en alexandrins, ce poème de Pierre d'Angles est parfaitement abouti, tant dans sa forme et que dans son contenu. Mêlant deux registres (l'histoire au service de la poésie) qui n'ont d'ordinaire pas l'habitude de se rencontrer, ce poème est emprunt d'une musicalité particulière : les très nombreux « Je ne fêterai pas votre révolution » sonnent comme un refrain, alors que les différentes strophes de cette ode à l'histoire de la guerre de Vendée peuvent être vues comme autant de couplets complémentaires.
Composé en 1989, ce poème s'avère être singulièrement moderne et atemporel, il aura retrouvé toute sa pertinence à l'occasion du 220è anniversaire de l'insurrection vendéenne en 2013. Mais ça, c'est une autre histoire…
Amaury Guitard
Amaury Guitard à La Durbelière
Amaury Guitard à La Durbelière

Sources : Vendée Chouannerie - L'Histoire à la Une

« Je ne fêterai pas votre révolution », Pierre d'Angles, janvier 1989 (partie 1/3)

La guerre de Vendée en poésie : « Je ne fêterai pas votre révolution », Pierre d'Angles, janvier 1989 (partie 2/3)

« Je ne fêterai pas votre révolution » ou La guerre de Vendée en poésie, Pierre d'Angles, Janvier 1989 (partie 3/3)

Y'a une route !… Thibault Devienne de retour de Corée du Nord…









dimanche 11 juillet 2021

Les Georgia Guidestones : dix commandements pour l’après-catastrophe



Voici un texte publié il y a environ 12 ans… Les Georgia Guidestones et leurs dix commandements s’imposent sans doute comme une référence majeure pour des évènements gravissimes à venir ? À venir quand ? Belle occasion que ce texte écrit il y a douze ans pour souligner cette faiblesse très contemporaine de l’esprit humain s’enfermant obstinément dans l’immédiat… Il y a douze ans la « grande catastrophe » c’était ce “chaos planétaire” de l’effondrement du système financier américain qui devait se traduire par de graves perturbations de l’approvisionnement en pétrole et en produits alimentaires, des émeutes à grande échelle et des guerres ethniques dans le monde entier, tout cela devant aboutir au « Grand Évènement » le 21 décembre 2012… Qui aujourd’hui s’en souvient ? Depuis une crise bien plus grave nous occupe, une pandémie ravalant au second plan les soucis financiers. Sommes-nous bien là dans les prémisses de la réalisation des prédictions des Georgia Guidestones ? Une pandémie qui sera oubliée dans quelques années ? Nous savons que le pire à venir est toujours possible… Attendons pire !



Dix commandements pour l’après-catastrophe


Source : Courrier Internantional, publié le

 

L’impressionnant mégalithe érigé il y a trente ans dans le sud des États-Unis n’a toujours pas révélé son mystère. Qui en est le commanditaire, et quelle est sa finalité ?

 


Le monument le plus étrange des États-Unis se dresse dans le nord-est de la Géorgie, sur un tertre dé­so­lé. Cinq imposants blocs de granit poli dessinant une étoile s’élèvent vers le ciel. Lorsqu’on s’approche de cette construction, on pense immédiatement au site mégalithique de Stonehenge, en Grande-Bretagne, ou encore à l’inquiétant monolithe du film 2001 : l’Odyssée de l’espace. Erigés en 1980, ces blocs gris pâle attendent paisiblement la fin du monde.

Les Georgia Guidestones [littéralement, “Pierres directrices de Géorgie”], comme on les appelle, sont un mystère : personne ne sait qui a commandé l’ouvrage ni pourquoi. Les seules indications sur son origine sont une plaque placée à proximité sur le sol (elle en précise les dimensions et explique le sens d’une série d’entailles et d’orifices correspondant aux mouvements du soleil et des étoiles) et des instructions gravées directement dans le roc. Ces instructions sont données en huit langues et témoignent d’une singulière idéologie new age. Certaines sont vaguement eugénistes (“Orientez sagement la reproduction – de façon à améliorer la santé et la diversité”), d’autres prônent un mysticisme hippie bon teint (“Appréciez la vérité – la beauté – l’amour – en cherchant l’harmonie avec l’infini”).
 

Les Guidestones, pense-t-on le plus souvent, sont censées indiquer aux survivants d’une prochaine apocalypse la marche à suivre pour tenter de reconstituer la civilisation. Mais cette idée n’est pas du goût de tous. Quelques jours avant mon passage, le monument avait été barbouillé de peinture, et des slogans du genre “Mort au nouvel ordre mondial” y avaient été tagués à la bombe. C’est le premier acte de vandalisme grave de l’histoire des Guidestones, mais pas la première manifestation d’hostilité à leur égard. Depuis plus de trente ans, cette étrange structure érigée en pleine Bible Belt [“ceinture de la Bible”, nom donné aux Etats du sud-est des Etats-Unis, où l’on trouve une forte proportion de chrétiens fondamentalistes] suscite des réactions qui vont de l’émerveillement à l’horreur. Ses partisans (parmi lesquels Yoko Ono) louent ses messages comme autant d’appels au rationalisme, quand ses détracteurs y voient les dix commandements de l’Antéchrist.

Quels que soient les maîtres d’ouvrage des Guidestones, ils savaient ce qu’ils faisaient : il s’agit d’une structure savamment conçue, qui suit le soleil à la perfection. Et qui, grâce à une aura de mystère soigneusement entretenue, exerce une fascination infinie.
L’histoire des Georgia Guidestones débute un vendredi après-midi de juin 1979 : un élégant monsieur aux cheveux gris se rend au siège de l’entreprise de taille de granit Elberton Granite Finishing, où il se présente comme Robert C. Christian. Il dit représenter “un petit groupe de bons Américains” qui projette la création d’un monument d’une dimension et d’une complexité inhabituelles. Si Robert C. Christian est venu à Elberton, la capitale mondiale du granit, c’est qu’il est convaincu que les carrières de la région produisent la plus belle pierre du monde.

“J’ai un timbré ici qui veut un monument insensé”

Joe Fendley, directeur général d’Elberton Granite, hoche la tête d’un air absent. Mais, quand Christian commence à lui décrire ce qu’il en a tête, il interrompt ce qu’il est en train de faire. Car non seulement son visiteur demande des pierres comme on n’en a jamais extraites dans le comté, mais il veut aussi qu’elles soient taillées, polies et assemblées de façon à former une sorte de gigantesque instrument astronomique.

Mais dans quel but ? s’enquiert Fendley. Robert C. Christian explique que la structure qu’il envisage servira de boussole, de calendrier et d’horloge. Il faudra aussi qu’on y grave un ensemble d’instructions dans huit des langues les plus parlées au monde. Et elle doit pouvoir résister aux pires catastrophes, afin qu’une humanité décimée puisse se servir de ces directives pour rebâtir une civilisation meilleure que celle qui est en passe de s’autodétruire.



Monumental Precision

Built to survive the apocalypse, the Georgia Guidestones are not merely instructions for the future—the massive granite slabs also function as a clock, calendar, and compass.

The monument sits at the highest point in Elbert County and is oriented to track the sun's east-west migration year-round.
On an equinox or solstice, visitors who stand at the west side of the "mail slot" are positioned to see the sun rise on the horizon.
An eye-level hole drilled into the center support stone allows stargazers on the south side to locate Polaris, the North Star.
A 7/8-inch hole drilled through the capstone focuses a sunbeam on the center column and at noon pinpoints the day of the year.Text: Erik Malinowski; illustration: Steve Sanford









Fendley est aujourd’hui décédé, mais un journaliste d’une chaîne de télévision d’Atlanta avait pu recueillir son témoignage peu après l’édification des Guidestones. “Je me suis dit : ‘J’ai affaire à un cinglé. Comment le mettre dehors ?’” Le chef d’entreprise tente alors de décourager son visiteur en lui donnant un prix plusieurs fois supérieur à celui de tous les chantiers réalisés par son entreprise. Il faut des outils spéciaux, du matériel lourd, et faire appel à des consultants extérieurs, justifie-t-il. Mais Robert C. Christian se contente de hocher la tête et s’enquiert de la durée du chantier. Six mois au moins, hasarde Fendley. De toute façon, ajoute-t-il, ne serait-ce que pour étudier un projet de cette envergure, il lui faut des garanties financières. Lorsque Christian lui demande s’il y a en ville un banquier ayant sa confiance, Fendley voit là l’occasion de se dé­barrasser de l’importun : il l’envoie chez Wyatt Martin, le directeur de la Granite City Bank.

Wyatt Martin (seule personne à Elberton, avec Fendley, à avoir rencontré R.C. Christian) est aujourd’hui âgé de 78 ans. “Fendley m’a appelé et m’a dit : ‘J’ai un timbré ici qui veut un monument insensé.’ Mais, quand j’ai vu le gars arriver, il portait un costume très élégant, très cher, ce qui m’a incité à le prendre un peu plus au sérieux. Et puis, il s’exprimait bien, c’était visiblement quelqu’un d’un certain niveau.” Naturellement, Wyatt Martin est surpris quand l’homme lui annonce que “R.C. Christian” est un pseudonyme. Son groupe nourrit ce projet en secret depuis vingt ans, explique-t-il, et il souhaite conserver à jamais l’anonymat. “Quand il m’a raconté leur projet, j’ai failli tomber à la renverse, se souvient Wyatt Martin. Je lui ai dit : ‘Autant jeter l’argent par les fenêtres.’ Il m’a simplement regardé en secouant la tête, comme s’il avait un peu pitié de moi, et a dit : ‘Vous ne comprenez pas.’”

Wyatt Martin conduit Christian sur la place de la localité, où trône une imposante fontaine du Bicentenaire [de l’indépendance des États-Unis] commandée par la municipalité, dont les treize panneaux de granit, disposés en cercle, représentent les treize colonies originelles. “Je lui ai dit que c’était le projet le plus important jamais entrepris dans le coin et que c’était sans commune mesure avec ce dont il parlait. Cela n’a pas semblé le déranger.” Christian promet de revenir le lundi suivant ; il affrète un avion et passe le week-end à faire du repérage depuis les airs. “A partir de là, j’ai commencé à le croire à moitié”, se rappelle Wyatt Martin.


Joe Fendley of Elberton Granite Finishing
posing with his masterpiece.
Photo: Courtesy of Fendley Enterprises Inc.


Quand Christian se présente à nouveau à la banque le lundi, le banquier lui explique qu’il ne peut pas lancer la procédure sans connaître sa véritable identité et obtenir la garantie qu’il est solvable. Les deux hommes aboutissent finalement à un accord : Christian lui révélera son vrai nom à condition que Wyatt s’engage à être son seul intermédiaire, à signer un accord de confidentialité en vertu duquel il ne dévoilera jamais l’information à âme qui vive et il détruira l’ensemble des documents et archives une fois le chantier terminé. “Il m’a précisé qu’il virerait la somme depuis différentes banques dans le pays, raconte Wyatt Martin. Il m’a bien fait comprendre qu’il ne prenait pas à la légère la question du secret.”

Avant de quitter Elberton, Christian rencontre à nouveau Fendley, à qui il remet une boîte à chaussures contenant une maquette en bois du monument souhaité, accompagnée d’un cahier des charges d’une bonne dizaine de pages. Fendley accepte la maquette et le document, mais il est encore sceptique. Le vendredi suivant, Wyatt Martin lui annonce par téléphone qu’il vient de recevoir un virement de 10 000 dollars. Dès lors, l’entrepreneur se met au travail et ne posera plus de questions. “Mon père adorait les défis”, se souvient sa fille, Melissa Fendley Caruso. “Il disait que c’était le projet le plus ambitieux de l’histoire du comté d’Elbert.”

La construction des Guidestones commence un peu plus tard cet été-là. Joe Fendley et Wyatt Martin ont aidé Christian à trouver un site adéquat dans le comté d’Elbert : une butte surplombant les pâturages d’une vaste exploitation agricole, avec un panorama à 360 degrés. Pour 5 000 dollars, son propriétaire, Wayne Mullinex, cède une parcelle d’un peu plus de 2 hectares. En sus de l’argent, Christian octroie à Mullinex et à ses enfants un droit de pâturage à vie pour le bétail, et l’entreprise de BTP de Mullinex se charge de réaliser les fondations du monument.

Une fois le terrain acheté, l’avenir des Guides­tones est assuré. Christian prend congé de Fendley. “Vous ne me reverrez plus jamais”, dit-il avant de sortir, sans même une poignée de main. Dès lors, Christian ne communiquera plus qu’avec Wyatt Martin. Il lui écrit quelques semaines plus tard pour lui demander de transférer la propriété du terrain et du monument au comté d’Elbert, qui en est encore aujourd’hui le propriétaire : le mystérieux maître d’ouvrage pense que la fierté des administrés se chargera avec le temps de protéger les Guidestones. “Les lettres de M. Christian provenaient à chaque fois de villes différentes, raconte Martin. Il n’a jamais posté un courrier deux fois du même endroit.”


Daybreak: A carefully cut slot in the Guidestones' center column frames the sunrise on solstices and equinoxes.  Photo: Dan Winters


Les spécifications astronomiques pour les Guidestones sont si complexes que Fendley doit s’assurer les services d’un astronome de l’université de Géorgie. Les quatre pierres extérieures doivent être orientées en fonction de la course annuelle du soleil. Sur la colonne centrale, deux éléments nécessitent un calibrage minutieux : une ouverture à travers laquelle l’étoile polaire sera visible en permanence, et une fente devant s’aligner sur la position du soleil levant les jours de solstice et d’équinoxe. La pierre faîtière, elle, se caractérise par un orifice de 2 centimètres par lequel un rayon de soleil doit passer chaque jour à midi et tomber sur la date du jour indiquée sur la pierre centrale.

La particularité la plus remarquable du monument reste néanmoins ses dix préceptes gravés sur les deux faces des pierres extérieures en huit langues : anglais, espagnol, russe, chinois, arabe, hébreu, hindi et swahili. Une sorte d’énoncé de mission (“Que ces pierres nous guident vers un âge de la raison”) doit par ailleurs être gravé sur les côtés de la pierre faîtière en hiéroglyphes égyptiens, en grec ancien, en sanskrit et en caractères cunéiformes babyloniens. Les traductions, fournies pour certaines par les Nations unies (notamment pour les langues mortes), sont inscrites au pochoir sur la pierre, puis gravées à la sableuse.


L’artisan a été distrait par une musique étrange et des voix confuses

Le monument suscitera la controverse avant même d’être achevé. La première rumeur est colportée par les membres de l’Association des industriels du granit d’Elberton, jaloux de l’attention dont bénéficie un des leurs : c’est Joe Fendley qui est derrière tout cela, assurent-ils, avec la complicité de son ami le banquier Wyatt Martin. Les ragots se font si pernicieux que les deux hommes acceptent de se soumettre au détecteur de mensonges. La rumeur faiblit lorsque le journal local, The Elberton Star, rapporte qu’ils ont tous deux passé le test avec succès, mais cette médiatisation suscite de nouveaux griefs. Quand la teneur des inscriptions commence à se répandre, se souvient Wyatt Martin, même des gens qu’il considère comme ses amis lui demandent pourquoi il a accepté d’exécuter l’œuvre du Malin. James Travenstead, un pasteur de la région, prédit que des “groupes occultes” vont affluer et met en garde : “Un jour, un sacrifice aura lieu ici.” Quant à ceux qui sont plutôt pour le projet, ils sont refroidis par les propos de Charlie Clamp, l’artisan chargé de graver les caractères sur les pierres : il y a passé des heures, raconte-t-il, et a constamment été distrait de sa tâche par “une musique étrange et des voix confuses”.

L’inauguration, le 22 mars 1980, est une fête pour toute la ville. Le député de la circonscription, Doug Barnard, s’exprime devant 400 personnes qui ont afflué sur la colline, notamment des équipes de télévision venues d’Atlanta. Elberton ne tarde pas à devenir une destination touristique, et l’on vient du monde entier pour voir les Guidestones. “Nous avons eu des visiteurs du Japon, de Chine, d’Inde, d’un peu partout, qui voulaient monter voir le monument”, raconte Wyatt Martin. Au printemps 2005, la revue National Geographic Traveler mentionne les Georgia Guidestones dans son guide des Appalaches.

“Gouvernez toutes choses par la raison et la modération”

Mais les inscriptions sur les pierres per­turbent plus d’un visiteur. Le précepte numéro 1 jette d’emblée un froid : “Maintenez l’humanité sous la barre des 500 millions d’individus en équilibre constant avec la nature.” La planète compte à l’époque 4,5 milliards d’êtres humains, ce qui signifie qu’il faut en faire disparaître 8 sur 9 (aujourd’hui, ce serait de l’ordre de 12 sur 13). Et cette instruction est rappelée et développée dans le précepte numéro 2 : “Orientez sagement la reproduction – de façon à améliorer la santé et la diversité.” Pas besoin d’être particulièrement imaginatif pour faire le parallèle avec les pratiques eugénistes des nazis, entre autres. L’instruction numéro 3 enjoint à l’humanité de s’unir derrière une nouvelle langue vivante : voilà qui fait frissonner les pasteurs de la région, qui savent bien que, d’après l’Apocalypse, une langue commune et un gouvernement mondial font partie des réalisations de l’Antéchrist.

Le précepte numéro 4 (“Gouvernez la passion – la foi – la tradition – et toutes choses par la modération et la raison”) est tout aussi déplaisant pour les chrétiens attachés à la primauté absolue de la foi. En comparaison, les six autres sont simplement d’un moralisme ennuyeux : “Protégez les peuples et les nations par des lois équitables et des tribunaux justes. Que toutes les nations se gouvernent elles-mêmes et résolvent les conflits externes devant un tribunal mondial. Evitez les lois mesquines et les fonctionnaires inutiles. Maintenez l’équilibre entre droits individuels et devoirs sociaux. Appréciez la vérité – la beauté – l’amour – en cherchant l’harmonie avec l’infini. Ne soyez pas un cancer pour la Terre –  laissez de la place à la nature –  laissez de la place à la nature.”

Alors que les habitants s’interrogent sur la validité de ces commandements, les sombres prédictions du pasteur Travenstead semblent se vérifier. Un groupe de sorcières d’Atlanta organise des sabbats le week-end au pied des Guidestones pour y pratiquer divers rituels païens (“des danses, des chants, ce genre de choses”, précise Wyatt Martin) et même, en une occasion, une cérémonie de mariage entre sorciers. Aucun être humain n’est sacrifié sur l’autel de granit, mais le bruit court que des poulets y sont décapités.

Un membre haut placé d’une “société secrète luciférienne”

Les visiteurs continuent d’affluer, mais, après plusieurs enquêtes infructueuses sur la véritable identité de R.C. Christian, les médias finissent par se désintéresser du lieu. Un regain de curiosité a lieu en 1993, au moment où Yoko Ono enregistre pour un album en hommage au compositeur d’avant-garde John Cage un morceau intitulé Georgia Stone, dans lequel elle scande presque mot pour mot le dixième et dernier précepte : “Ne soyez pas un cancer pour la Terre – laissez de la place à la nature – laissez de la place à la nature.” Pendant tout ce temps, Robert C. Christian est resté en contact avec Wyatt Martin, tant et si bien qu’entre les deux hommes est née une véritable amitié épistolaire.

Le mystère Robert C. Christian et l’absence d’information sur la véritable signification des Guidestones ont naturellement enflammé les théoriciens du complot et les “enquêteurs” en tout genre. Pas étonnant que, trente ans plus tard, les curieux se pressent encore devant le monument pour tenter de combler le vide par des hypothèses diverses et variées.

Parmi eux se trouve Mark Dice, auteur d’un ouvrage intitulé The Resistance Manifesto [Le manifeste de la résistance]. Depuis 2005, cet homme exige que les Guidestones soient “brisées en des millions de morceaux”. Selon lui, le monument a “une origine satanique profonde”, affirmation qui lui a valu l’attention des médias. R.C. Christian, assure-t-il, était un membre haut placé d’une “société secrète luciférienne”, fer de lance du nouvel ordre mondial. “L’élite planche sur la mise au point dans les décennies à venir de technologies de prolongement de la vie qui mettront fin au vieillissement, affirme Mark Dice, et elle craint qu’avec une planète aussi densément peuplée qu’aujourd’hui les masses n’utilisent les ressources qu’elle veut se réserver pour elle-même. Les Guide­s­tones sont les dix commandements du nouvel ordre mondial. Elles sont aussi un moyen pour l’élite de rire aux dépens des masses non informées : leur projet est clair comme de l’eau de roche, et ces zombies ne s’en rendent même pas compte.”

L’interprétation de Mark Dice n’a fait qu’accroître l’intérêt pour les Georgia Guidestones. Et attirer de nouveaux visiteurs, dissuadant d’autant plus les responsables du comté d’Elbert de se débarrasser du seul grand atout touristique de leur région. Phyllis Brooks, qui dirige la chambre de commerce du comté, s’est dit horrifiée quand, en novembre dernier, les Guide­stones ont été vandalisées pour la première fois de leur histoire. Si Mark Dice nie être impliqué dans l’affaire, il semble bien en être l’inspirateur : les messages bombés au spray sur la pierre disaient “Jésus vous vaincra, sales satanistes” ou “Non au gouvernement mondial”. D’autres tags clamaient que les attentats du 11 septembre 2001 étaient l’œuvre du gouvernement américain et que Barack Obama était musulman.

Wyatt Martin grimace chaque fois qu’il entend Dice parler de “société secrète luciférienne” à propos des Guidestones. Bien qu’en désaccord, il reconnaît n’avoir aucune certitude. “Tout ce que je peux vous dire, c’est que M. Christian m’a toujours paru être un gars très correct et très honnête.”

Naturellement, Mark Dice est loin d’être le seul à avoir sa théorie sur les Guidestones. Jay Weidner, ancien animateur radio à Seattle devenu expert en théories du complot, a consacré un temps et une énergie considérables à échafauder l’une des hypothèses les plus prisées. Pour lui, Christian et ses associés étaient des rosicruciens, des membres de l’ordre mystique de la Rose-Croix, une société secrète apparue dans l’Allemagne du bas Moyen Age qui affirmait connaître sur la nature, l’univers et la spiritualité des vérités ésotériques échappant au commun des mortels. Le nom de R.C. Christian, avance Jay Weidner, est un hommage à Christian Rosenkreutz, le personnage mythique censé être le fondateur légendaire de la Rose-Croix au xive siècle. Le culte du secret, poursuit-il, a toujours caractérisé les rosicruciens, qui se sont fait connaître au début du xviie siècle par deux manifestes anonymes qui firent sensation dans toute l’Europe, même si personne n’a jamais pu identifier un seul membre de cette société secrète. De fait, si les préceptes gravés sur les Guide­stones sont en contradiction flagrante avec l’eschatologie chrétienne, ils collent assez bien aux principes de la Rose-Croix, qui mettent l’accent sur la raison et prônent l’harmonie avec la nature.

“Je ne peux rien dire, j’ai fait une promesse”

Jay Weidner a également une théorie sur la raison d’être des Guidestones. Spécialiste des traditions hermétistes et alchimiques qui donnèrent naissance à la Rose-Croix, il est convaincu que, depuis des générations, l’Ordre transmet la connaissance d’un cycle solaire culminant tous les treize mille ans. Lors de cet apogée cyclique, de gigantesques éjections de masse coronale devraient dévaster la Terre. En attendant, estime Weidner, l’organisation secrète à l’origine des Guidestones orchestre un “chaos planétaire” qui a débuté avec le récent effondrement du système financier américain et se traduira à terme par de graves perturbations de l’approvisionnement en pétrole et en produits alimentaires, des émeutes à grande échelle et des guerres ethniques dans le monde entier, qui aboutiront au 21 décembre 2012 – le Grand Evénement. “Ils veulent faire décroître la population, assure Jay Weidner, et c’est ainsi qu’ils pensent y parvenir. Les Guidestones sont là pour instruire les survivants.”




A worker uses a special burner to finish a slab of Pyramid Blue granite.
Photo: Courtesy of Fendley Enterprises Inc.

 

Informé des idées de Weidner, Wyatt Martin secoue la tête : c’est “le genre de chose qui me donne envie de dire tout ce que je sais”. Le banquier a depuis longtemps pris sa retraite et ne vit plus à Elberton, mais il reste le gardien officiel (et unique) du secret des Guidestones. “Mais je ne peux rien dire”, s’empresse d’ajouter le vieux monsieur. “J’ai fait une promesse.” Wyatt Martin s’est aussi engagé à détruire toutes les traces de ses tractations avec Robert C. Christian – mais cette promesse-là, il ne l’a pas tenue, pas encore. Au fond de son garage, une grande caisse en plastique (la valise capitonnée d’un ordinateur IBM qu’il a acheté en 1983) contient tous les documents liés aux Guidestones qui sont passés entre ses mains, y compris les lettres de Christian.

Pendant des années, Wyatt Martin a pensé qu’il écrirait peut-être un livre, mais il sait aujourd’hui qu’il ne le fera pas. Pas plus qu’il ne m’autorisera à jeter un œil à ses archives. Quand je lui demande s’il est prêt à emporter ce qu’il sait dans la tombe, il répond que c’est exactement ce que Christian souhaitait qu’il fasse. “Il n’a jamais cessé de dire que son identité et son origine devaient rester secrètes. Il disait que c’est ainsi que fonctionnent les mystères. Pour garder l’intérêt des gens, il faut leur en révéler très peu.”

Randall Sullivan

 

Doomsday machine

Stanley Kubrick en a cauchemardé dans son film Docteur Folamour (1964), les Soviétiques l’auraient fait. Ils auraient mis au point dans les années 1980 une machine infernale (Doomsday Machine ou machine du Jugement dernier) “garantissant une réponse soviétique automatique à une frappe nucléaire américaine”, explique le mensuel américain Wired. L’existence de ce système, baptisé Périmètre, est confirmée dans le magazine par plusieurs anciens hauts responsables militaires russes mais toujours niée officiellement. Pourquoi “les Soviétiques ne l’ont-ils pas dit au monde, ou au moins à la Maison-Blanche ?” Citant deux militaires russes, le magazine avance l’hypothèse selon laquelle “en garantissant que Moscou pourrait riposter, Périmètre a en fait été conçu pour empêcher un militaire ou un politique soviétique trop zélé de déclencher une frappe prématurée en cas de crise”.

■ À lire

2012 Scénarios pour une fin du monde, de Didier Jamet et Fabrice Mottez (Belin, coll. “Pour la science”, 2009).
Un journaliste scientifique s’associe à un astrophysicien pour démonter les scénarios apocalyptiques les plus répandus et explorer les thèses catastrophistes qui demeurent possibles au regard de la science. La fin du monde aura bien lieu, au plus tard dans un milliard d’années environ, mais la science ne saurait être plus précise dans ses prédictions !

 

Source

Wired

San Francisco
www.wired.com

Wired - San Francisco

Mensuel
870 000 exemplaires
anglais
Fondée en 1993, cette revue à la maquette détonante est une référence internationale de la culture technophile. "Câblé" couvre sans complaisance l'actualité internationale en mettant l'accent sur les nouvelles technologies et les sciences. En 2009, le magazine a été décliné dans des éditions britannique (Wired UK) et italienne (Wired Italia).

Le site reprend les articles du mensuel tout en proposant un très grand nombre d'articles exclusifs et des tests de matériels (gadgets, hi-fi, vidéo, etc.). Il compte une communauté extrêmement active de blogueurs et accueille 24 millions de visiteurs uniques par mois.
 

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American Stonehenge: Monumental Instructions for the Post-Apocalypse



The Georgia Guidestones may be the most enigmatic monument in the US: huge slabs of granite, inscribed with directions for rebuilding civilization after the apocalypse. Only one man knows who created them—and he’s not talking. Photo: Dan Winters The strangest monument in America looms over a barren knoll in northeastern Georgia. Five massive slabs of polished […]
 

 

 

The Georgia Guidestones may be the most enigmatic monument in the US: huge slabs of granite, inscribed with directions for rebuilding civilization after the apocalypse. Only one man knows who created them—and he's not talking. Photo: Dan Winters The strangest monument in America looms over a barren knoll in northeastern Georgia. Five massive slabs of polished granite rise out of the earth in a star pattern. The rocks are each 16 feet tall, with four of them weighing more than 20 tons apiece. Together they support a 25,000-pound capstone. Approaching the edifice, it's hard not to think immediately of England's Stonehenge or possibly the ominous monolith from 2001: A Space Odyssey. Built in 1980, these pale gray rocks are quietly awaiting the end of the world as we know it.

Called the Georgia Guidestones, the monument is a mystery—nobody knows exactly who commissioned it or why. The only clues to its origin are on a nearby plaque on the ground—which gives the dimensions and explains a series of intricate notches and holes that correspond to the movements of the sun and stars—and the "guides" themselves, directives carved into the rocks. These instructions appear in eight languages ranging from English to Swahili and reflect a peculiar New Age ideology. Some are vaguely eugenic (guide reproduction wisely—improving fitness and diversity); others prescribe standard-issue hippie mysticism (prize truth—beauty—love—seeking harmony with the infinite).

What's most widely agreed upon—based on the evidence available—is that the Guidestones are meant to instruct the dazed survivors of some impending apocalypse as they attempt to reconstitute civilization. Not everyone is comfortable with this notion. A few days before I visited, the stones had been splattered with polyurethane and spray-painted with graffiti, including slogans like "Death to the new world order." This defacement was the first serious act of vandalism in the Guidestones' history, but it was hardly the first objection to their existence. In fact, for more than three decades this uncanny structure in the heart of the Bible Belt has been generating responses that range from enchantment to horror. Supporters (notable among them Yoko Ono) have praised the messages as a stirring call to rational thinking, akin to Thomas Paine's The Age of Reason. Opponents have attacked them as the Ten Commandments of the Antichrist.

Whoever the anonymous architects of the Guidestones were, they knew what they were doing: The monument is a highly engineered structure that flawlessly tracks the sun. It also manages to engender endless fascination, thanks to a carefully orchestrated aura of mystery. And the stones have attracted plenty of devotees to defend against folks who would like them destroyed. Clearly, whoever had the monument placed here understood one thing very well: People prize what they don't understand at least as much as what they do.

The story of the Georgia Guidestones began on a Friday afternoon in June 1979, when an elegant gray-haired gentleman showed up in Elbert County, made his way to the offices of Elberton Granite Finishing, and introduced himself as Robert C. Christian. He claimed to represent "a small group of loyal Americans" who had been planning the installation of an unusually large and complex stone monument. Christian had come to Elberton—the county seat and the granite capital of the world—because he believed its quarries produced the finest stone on the planet.

Joe Fendley, Elberton Granite's president, nodded absently, distracted by the rush to complete his weekly payroll. But when Christian began to describe the monument he had in mind, Fendley stopped what he was doing. Not only was the man asking for stones larger than any that had been quarried in the county, he also wanted them cut, finished, and assembled into some kind of enormous astronomical instrument.

 What in the world would it be for? Fendley asked. Christian explained that the structure he had in mind would serve as a compass, calendar, and clock. It would also need to be engraved with a set of guides written in eight of the world's major languages. And it had to be capable of withstanding the most catastrophic events, so that the shattered remnants of humanity would be able to use those guides to reestablish a better civilization than the one that was about to destroy itself.

 


Monumental Precision

Built to survive the apocalypse, the Georgia Guidestones are not merely instructions for the future—the massive granite slabs also function as a clock, calendar, and compass.

The monument sits at the highest point in Elbert County and is oriented to track the sun's east-west migration year-round.
On an equinox or solstice, visitors who stand at the west side of the "mail slot" are positioned to see the sun rise on the horizon.
An eye-level hole drilled into the center support stone allows stargazers on the south side to locate Polaris, the North Star.
A 7/8-inch hole drilled through the capstone focuses a sunbeam on the center column and at noon pinpoints the day of the year.Text: Erik Malinowski; illustration: Steve Sanford




Fendley is now deceased, but shortly after the Guidestones went up, an Atlanta television reporter asked what he was thinking when he first heard Christian's plan. "I was thinking, 'I got a nut in here now. How am I going get him out?'" Fendley said. He attempted to discourage the man by quoting him a price several times higher than for any project commissioned there before. The job would require special tools, heavy equipment, and paid consultants, Fendley explained. But Christian merely nodded and asked how long it would take. Fendley didn't rightly know—six months, at least. He wouldn't be able to even consider such an undertaking, he added, until he knew it could be paid for. When Christian asked whether there was a banker in town he considered trustworthy, Fendley saw his chance to unload the strange man and sent him to look for Wyatt Martin, president of the Granite City Bank.

The tall and courtly Martin—the only man in Elberton besides Fendley known to have met R. C. Christian face-to-face—is now 78. "Fendley called me and said, 'A kook over here wants some kind of crazy monument,'" Martin says. "But when this fella showed up he was wearing a very nice, expensive suit, which made me take him a little more seriously. And he was well-spoken, obviously an educated person." Martin was naturally taken aback when the man told him straight out that R. C. Christian was a pseudonym. He added that his group had been planning this secretly for 20 years and wanted to remain anonymous forever. "And when he told me what it was he and this group wanted to do, I just about fell over," Martin says. "I told him, 'I believe you'd be just as well off to take the money and throw it out in the street into the gutters.' He just sort of looked at me and shook his head, like he felt kinda sorry for me, and said, 'You don't understand.'"

Martin led Christian down the street to the town square, where the city had commissioned a towering Bicentennial Memorial Fountain, which included a ring of 13 granite panels, each roughly 2 by 3 feet, signifying the original colonies. "I told him that was about the biggest project ever undertaken around here, and it was nothing compared to what he was talking about," Martin says. "That didn't seem to bother him at all." Promising to return on Monday, the man went off to charter a plane and spend the weekend scouting locations from the air. "By then I half believed him," Martin says.

When Christian came back to the bank Monday, Martin explained that he could not proceed unless he could verify the man's true identity and "get some assurance you can pay for this thing." Eventually, the two negotiated an agreement: Christian would reveal his real name on the condition that Martin promise to serve as his sole intermediary, sign a confidentiality agreement pledging never to disclose the information to another living soul, and agree to destroy all documents and records related to the project when it was finished. "He said he was going to send the money from different banks across the country," Martin says, "because he wanted to make sure it couldn't be traced. He made it clear that he was very serious about secrecy."

Before leaving town, Christian met again with Fendley and presented the contractor with a shoe box containing a wooden model of the monument he wanted, plus 10 or so pages of detailed specifications. Fendley accepted the model and instructions but remained skeptical until Martin phoned the following Friday to say he had just received a $10,000 deposit. After that, Fendley stopped questioning and started working. "My daddy loved a challenge," says Fendley's daughter, Melissa Fendley Caruso, "and he said this was the most challenging project in the history of Elbert County."

Construction of the Guidestones got under way later that summer. Fendley's company lovingly documented the progress of the work in hundreds of photographs. Jackhammers were used to gouge 114 feet into the rock at Pyramid Quarry, searching for hunks of granite big enough to yield the final stones. Fendley and his crew held their breath when the first 28-ton slab was lifted to the surface, wondering if their derricks would buckle under the weight. A special burner (essentially a narrowly focused rocket motor used to cut and finish large blocks of granite) was trucked to Elberton to clean and size the stones, and a pair of master stonecutters was hired to smooth them.

Fendley and Martin helped Christian find a suitable site for the Guidestones in Elbert County: a flat-topped hill rising above the pastures of the Double 7 Farms, with vistas in all directions. For $5,000, owner Wayne Mullinex signed over a 5-acre plot. In addition to the payment, Christian granted lifetime cattle-grazing rights to Mullinex and his children, and Mullinex's construction company got to lay the foundation for the Guidestones.

With the purchase of the land, the Guidestones' future was set. Christian said good-bye to Fendley at the granite company office, adding, "You'll never see me again." Christian then turned and walked out the door—without so much as a handshake.

From then on, Christian communicated solely through Martin, writing a few weeks later to ask that ownership of the land and monument be transferred to Elbert County, which still holds it. Christian reasoned that civic pride would protect it over time. "All of Mr. Christian's correspondence came from different cities around the country," Martin says. "He never sent anything from the same place twice."

 

Daybreak: A carefully cut slot in the Guidestones' center column frames the sunrise on solstices and equinoxes.  Photo: Dan Winters


 The astrological specifications for the Guidestones were so complex that Fendley had to retain the services of an astronomer from the University of Georgia to help implement the design. The four outer stones were to be oriented based on the limits of the sun's yearly migration. The center column needed two precisely calibrated features: a hole through which the North Star would be visible at all times, and a slot that was to align with the position of the rising sun during the solstices and equinoxes. The principal component of the capstone was a 7\8-inch aperture through which a beam of sunlight would pass at noon each day, shining on the center stone to indicate the day of the year.

The main feature of the monument, though, would be the 10 dictates carved into both faces of the outer stones, in eight languages: English, Spanish, Russian, Chinese, Arabic, Hebrew, Hindi, and Swahili. A mission statement of sorts (let these be guidestones to an age of reason) was also to be engraved on the sides of the capstone in Egyptian hieroglyphics, classical Greek, Sanskrit, and Babylonian cuneiform. The United Nations provided some of the translations (including those for the dead languages), which were stenciled onto the stones and etched with a sandblaster.

By early 1980, a bulldozer was scraping the Double 7 hilltop to bedrock, where five granite slabs serving as a foundation were laid out in a paddle-wheel design. A 100-foot-tall crane was used to lift the stones into place. Each of the outer rocks was 16 feet 4 inches high, 6 feet 6 inches wide, and 1 foot 7 inches thick. The center column was the same (except only half the width), and the capstone measured 9 feet 8 inches long, 6 feet 6 inches wide, and 1 foot 7 inches thick. Including the foundation stones, the monument's total weight was almost 240,000 pounds. Covered with sheets of black plastic in preparation for an unveiling on the vernal equinox, the Guidestones towered over the cattle that continued to graze beneath it at the approach of winter's end.

The monument ignited controversy before it was even finished. The first rumor began among members of the Elberton Granite Association, jealous of the attention being showered on one of their own: Fendley was behind the whole thing, they said, aided by his friend Martin, the banker. The gossip became so poisonous that the two men agreed to take a lie detector test at the Elberton Civic Center. The scandal withered when The Elberton Star reported that they had both passed convincingly, but the publicity brought a new wave of complaints. As word of what was being inscribed spread, Martin recalls, even people he considered friends asked him why he was doing the devil's work. A local minister, James Travenstead, predicted that "occult groups" would flock to the Guidestones, warning that "someday a sacrifice will take place here." Those inclined to agree were hardly discouraged by Charlie Clamp, the sandblaster charged with carving each of the 4,000-plus characters on the stones: During the hundreds of hours he spent etching the guides, Clamp said, he had been constantly distracted by "strange music and disjointed voices."

 

The team that built the Guidestones didn't know who was financing the project
—just that it was the biggest monument in county history.
Local banker Wyatt Martin inspects the English lettering
with sandblaster Charlie Clamp before the 1980 unveiling.
Photo: Courtesy of Fendley Enterprises Inc.


The unveiling on March 22, 1980, was a community celebration. Congressmember Doug Barnard, whose district contained Elberton, addressed a crowd of 400 that flowed down the hillside and included television news crews from Atlanta. Soon Joe Fendley was the most famous Elbertonian since Daniel Tucker, the 18th-century minister memorialized in the folk song "Old Dan Tucker." Bounded by the Savannah and Broad rivers but miles from the nearest interstate—"as rural as rural can be," in the words of current Star publisher Gary Jones—Elberton was suddenly a tourist destination, with visitors from all over the world showing up to see the Guidestones. "We'd have people from Japan and China and India and everywhere wanting to go up and see the monument," Martin says. And Fendley's boast that he had "put Elberton on the map" was affirmed literally in spring 2005, when National Geographic Traveler listed the Guidestones as a feature in its Geotourism MapGuide to Appalachia.

But many who read what was written on the stones were unsettled. Guide number one was, of course, the real stopper: maintain humanity under 500,000,000 in perpetual balance with nature. There were already 4.5 billion people on the planet, meaning eight out of nine had to go (today it would be closer to 12 out of 13). This instruction was echoed and expanded by tenet number two: guide reproduction wisely—improving fitness and diversity. It didn't take a great deal of imagination to draw an analogy to the practices of, among others, the Nazis. Guide number three instructed readers to unite humanity with a living new language. This sent a shiver up the spine of local ministers who knew that the Book of Revelations warned of a common tongue and a one-world government as the accomplishments of the Antichrist. Guide number four—rule passion—faith—tradition—and all things with tempered reason—was similarly threatening to Christians committed to the primacy of faith over all. The last six guides were homiletic by comparison. protect people and nations with fair laws and just courts. let all nations rule internally resolving external disputes in a world court. avoid petty laws and useless officials. balance personal rights with social duties. prize truth—beauty—love—seeking harmony with the infinite. be not a cancer on the earth—leave room for nature—leave room for nature.

Even as locals debated the relative merits of these commandments, the dire predictions of Travenstead seemed to be coming true. Within a few months, a coven of witches from Atlanta adopted the Guidestones as their home away from home, making weekend pilgrimages to Elberton to stage various pagan rites ("dancing and chanting and all that kind of thing," Martin says) and at least one warlock-witch marriage ceremony. No humans were sacrificed on the altar of the stones, but there are rumors that several chickens were beheaded. A 1981 article in the monthly magazine UFO Report cited Naunie Batchelder (identified in the story as "a noted Atlanta psychic") as predicting that the true purpose of the guides would be revealed "within the next 30 years." Viewed from directly overhead, the Guidestones formed an X, the piece in UFO Report observed, making for a perfect landing site.

Visitors kept coming, but after several failed investigations into the identity of R. C. Christian, the media lost interest. Curiosity flared again briefly in 1993, when Yoko Ono contributed a track called "Georgia Stone" to a tribute album for avant-garde composer John Cage, with Ono chanting the 10th and final guide nearly verbatim: "Be not a cancer on Earth—leave room for nature—leave room for nature." A decade later, however, when comedienne Roseanne Barr tried to work a bit on the Guidestones into her comeback tour, nobody seemed to care.

Christian kept in touch with Martin, writing the banker so regularly that they became pen pals. Occasionally, Christian would call from a pay phone at the Atlanta airport to say he was in the area, and the two would rendezvous for dinner in the college town of Athens, a 40-mile drive west of Elberton. By this time, Martin no longer questioned Christian's secrecy. The older man had successfully deflected Martin's curiosity when the two first met, by quoting Henry James' observations of Stonehenge: "You may put a hundred questions to these rough-hewn giants as they bend in grim contemplation of their fallen companions, but your curiosity falls dead in the vast sunny stillness that enshrouds them." Christian "never would tell me a thing about this group he belonged to," Martin says. The banker received his last letter from Christian right around the time of the 9/11 terrorist attacks and assumes the man—who would have been in his mid-eighties—has since passed away.

Joe Fendley of Elberton Granite Finishing
posing with his masterpiece.
Photo: Courtesy of Fendley Enterprises Inc.

 

 The mysterious story of R. C. Christian and the absence of information about the true meaning of the Guidestones was bound to become an irresistible draw for conspiracy theorists and "investigators" of all kinds. Not surprisingly, three decades later there is no shortage of observers rushing to fill the void with all sorts of explanations.

Among them is an activist named Mark Dice, author of a book called The Resistance Manifesto. In 2005, Dice (who was using a pseudonym of his own—"John Conner"—appropriated from the Terminator franchise's main character) began to demand that the Guidestones be "smashed into a million pieces." He claims that the monument has "a deep Satanic origin," a stance that has earned him plenty of coverage, both in print and on the Web. According to Dice, Christian was a high-ranking member of "a Luciferian secret society" at the forefront of the New World Order. "The elite are planning to develop successful life-extension technology in the next few decades that will nearly stop the aging process," Dice says, "and they fear that with the current population of Earth so high, the masses will be using resources that the elite want for themselves. The Guidestones are the New World Order's Ten Commandments. They're also a way for the elite to get a laugh at the expense of the uninformed masses, as their agenda stands as clear as day and the zombies don't even notice it."

Ironically, Dice's message has mainly produced greater publicity for the Guidestones. This, in turn, has brought fresh visitors to the monument and made Elbert County officials even less inclined to remove the area's only major tourist attraction.

Phyllis Brooks, who runs the Elbert County Chamber of Commerce, pronounced herself aghast last November when the Guidestones were attacked by vandals for the first time ever. While Dice denies any involvement in the assault, he seems to have inspired it: Spray-painted on the stones were messages like "Jesus will beat u satanist" and "No one world government." Other defacements asserted that the Council on Foreign Relations is "ran by the devil," that the 9/11 attacks were an inside job, and that President Obama is a Muslim. The vandals also splashed the Guidestones with polyurethane, which is much more difficult to remove than paint. Despite the graffiti's alignment with his views, Dice says he disapproves of the acts. "A lot of people were glad such a thing happened and saw it as standing up against the New World Order," Dice says, "while others who are unhappy with the stones saw the actions as counterproductive and inappropriate."

Martin winces every time he hears Dice's "Luciferian secret society" take on the Guidestones. But while he disagrees, he also admits that he doesn't know for sure. "All I can tell you is that Mr. Christian always seemed a very decent and sincere fella to me."


A worker uses a special burner to finish a slab of Pyramid Blue granite.
Photo: Courtesy of Fendley Enterprises Inc.

 

Dice, of course, is far from the only person with a theory about the Guidestones. Jay Weidner, a former Seattle radio commentator turned erudite conspiracy hunter, has heavily invested time and energy into one of the most popular hypotheses. He argues that Christian and his associates were Rosicrucians, followers of the Order of the Rosy Cross, a secret society of mystics that originated in late medieval Germany and claim understanding of esoteric truths about nature, the universe, and the spiritual realm that have been concealed from ordinary people. Weidner considers the name R. C. Christian an homage to the legendary 14th-century founder of the Rosicrucians, a man first identified as Frater C.R.C. and later as Christian Rosenkreuz. Secrecy, Weidner notes, has been a hallmark of the Rosicrucians, a group that announced itself to the world in the early 17th century with a pair of anonymous manifestos that created a huge stir across Europe, despite the fact that no one was ever able to identify a single member. While the guides on the Georgia stones fly in the face of orthodox Christian eschatology, they conform quite well to the tenets of Rosicrucianism, which stress reason and endorse a harmonic relationship with nature.

Weidner also has a theory about the purpose of the Guidestones. An authority on the hermetic and alchemical traditions that spawned the Rosicrucians, he believes that for generations the group has been passing down knowledge of a solar cycle that climaxes every 13,000 years. During this culmination, outsize coronal mass ejections are supposed to devastate Earth. Meanwhile, the shadowy organization behind the Guidestones is now orchestrating a "planetary chaos," Weidner believes, that began with the recent collapse of the US financial system and will result eventually in major disruptions of oil and food supplies, mass riots, and ethnic wars worldwide, all leading up to the Big Event on December 21, 2012. "They want to get the population down," Weidner says, "and this is what they think will do it. The Guidestones are there to instruct the survivors."

On hearing Weidner's ideas, Martin shakes his head and says it's "the sort of thing that makes me want to tell people everything I know." Martin has long since retired from banking and no longer lives in Elberton, yet he's still the Guidestones' official—and only—secret-keeper. "But I can't tell," the old man quickly adds. "I made a promise." Martin also made a promise to destroy all the records of his dealings with Christian, though he hasn't kept that one—at least not yet. In the back of his garage is a large plastic bin (actually, the hard-sided case of an IBM computer he bought back in 1983) stuffed with every document connected to the Guidestones that ever came into his possession, including the letters from Christian.

For years Martin thought he might write a book, but now he knows he probably won't. What he also won't do is allow me to look through the papers. When I ask whether he's prepared to take what he knows to his grave, Martin replies that Christian would want him to do just that: "All along, he said that who he was and where he came from had to be kept a secret. He said mysteries work that way. If you want to keep people interested, you can let them know only so much." The rest is enshrouded in the vast sunny stillness.

Randall Sullivan (randysul@aol.com) wrote about the electric-vehicle company ZAP in issue 16.04.

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