Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

mercredi 29 novembre 2023

Henri Dehérain : Rimbaud en Afrique


 




Et pourquoi ne pas rapprocher ce récit d’un voyageur qui se rend effectivement au Harar début 2012 avec ce qu’écrivait, près de 90 ans plus tôt Henri Dehérain, historien et géographe (1867-1941) particulièrement passionné par les voyageurs d’un autre temps. Sans être particulièrement privilégié dans ses travaux Arthur Rimbaud se retrouve dans plusieurs de ses publications, dont un bref article donné au supplément littéraire du Figaro du dimanche 14 janvier 1923 :


La scène se passe à Harar, la grande ville de transit de l’Afrique Orientale, où les produits apportés d’Abyssinie et des pays gallas sont concentrés pour être expédiés vers les ports de la mer Rouge. Un blanc en costume colonial est entouré d’hommes de couleur. Il fait peser du café, de l’ivoire, des cuirs et il en discute les prix avec les vendeurs indigènes, avec l’un en harari, le dialecte local, avec l’autre en galla qui se parle sur les plateaux du Sud, avec un troisième en amhara, la langue des montagnards de l’Abyssinie.
Ce négociant si attentivement appliqué à sa besogne mercantile, cet Européen qui s’exprime si aisément en ces étranges idiomes africains, c’est Arthur Rimbaud ; cas rare, unique probablement dans notre histoire coloniale, pourtant si féconde en destinées extraordinaires, d’un poète transformé en traitant et en explorateur.
La vie africaine d’Arthur Rimbaud n’est pas inconnue, mais quelques documents nouveaux nous ayant été obligeamment communiqués, notamment par M. Georges-Emmanuel Lang, l’occasion nous a paru propice pour revenir sur son aventure.

I

On sait que Rimbaud, après avoir entièrement rompu avec les milieux littéraires où il avait fréquenté dans sa prime jeunesse, erra longtemps à travers le monde. En août 1880, il arriva à Aden, et l’Orient éthiopien s’empara de lui. Il entra comme employé dans la maison de commerce Mazeran, Vianney et Bardey, aux appointements mensuels de 330 francs, portés en 1883 à 416 francs, plus la nourriture et 2% sur les bénéfices. Cette maison ayant ouvert un comptoir à Harar, il y fut envoyé.
« Je suis arrivé dans ce pays après vingt jours de cheval à travers le désert çomali, écrivait-il à sa famille le 13 décembre 1880. Harar est une ville colonisée par les Egyptiens et dépendant de leur gouvernement. La garnison est de plusieurs milliers d’hommes. Là se trouvent notre agence et nos magasins. Les produits marchands de la contrée sont le café, l’ivoire, les parfums, l’or, etc. »


Ces pays d’où il tirait ce café, cet ivoire, ces parfums, il voulut les connaître. Par nécessité professionnelle, il devint explorateur et géographe. Au sud de Harar s’étend, dans la direction de l’Océan Indien, un pays nommé l’Ogaden, qui est traversé par le Ouabi Chebeli. Ce grand fleuve a en quelque sorte manqué sa destinée. Il se dirige vers l’Océan Indien, mais avant de l’atteindre, il s’évapore et disparaît. Dépourvu de voie d’accès côtière, protégé en outre par la xénophobie de ses habitants, l’Ogaden resta terre inconnue jusque dans le dernier quart du XIX° siècle. A Rimbaud revient le mérite d’avoir apporté les premières notions sur ce pays.
Lui-même fit plusieurs expéditions au sud de Harar, dans le Boubassa, où il créa des marchés d’ivoire et de cuirs. Il fallait du courage pour y pénétrer, car les populations de ces contrées haïssent l’étranger, et vers cette même époque, le Français Lucereau et l’Italien Sacconi y furent assassinés.
Rimbaud organisait aussi des voyages pour le compte de sa maison. « Il dirige toutes nos expéditions du Çomal et des pays gallas, écrivait son patron Bardey, le 24 novembre 1883. L'initiative de l’exportation [sic ! lire ‘exploration’] du Ouabi, qui coule dans le pays d'Ogaden, lui est due. » Le plus fructueux de ces voyages fut celui du Grec Constantinu Sottiro qui s’avança, véritable exploit, jusqu’à une distance de 140 kilomètres au sud de Harar. Des observations qu’il avait faites, des notions rapportées par les agents subalternes ou données par les indigènes, Rimbaud composa une notice sur l’Ogaden, succincte mais pleine de substance, que Bardey eut la bonne idée d’adresser à la Société de Géographie de Paris, laquelle s’empressa de la publier.
Rimbaud réussit auprès des indigènes. Il se rendit promptement maître de leurs langues, dont, comme il l’écrivait un jour, « il se remplit la mémoire ».
Et puis, il traitait les hommes de couleur en hommes et qui méritent des égards ; il réussit à apprivoiser ces Çomalis de caractère pourtant si ombrageux. Il se fit des relations parmi les chefs de l’Ogaden, et il appelle quelque part l’oughaz de Malingour « notre ami Aram Hussein ». Les opérations commerciales auxquelles Rimbaud se livra furent assez fructueuses. Il fit des économies. En juillet 1884, il pensait envoyer à sa famille « au moins dix mille francs ». Et pendant plus d’une année, il continua « à ramasser quelques sous ».
Après une « violente discussion », il se sépara de son patron, Bardey, en octobre 1885. Il s’associa alors à un négociant français, nomme Pierre Labatut, qui faisait des affaires au Choa.

II

Ménélik commença sa carrière comme simple chef de la province la plus méridionale de l’Abyssinie : le Choa. Quand il mourut il était empereur d’Ethiopie, souverain par conséquent de toute l’Abyssinie et il avait conquis au sud du Choa un immense territoire qui jouxtait la colonie anglaise de l’Afrique orientale. Or, l’instrument de cette politique et de ces conquêtes, ce fut le fusil. Avoir des fusils, beaucoup de fusils avec les munitions nécessaires, telle était, les récits de tous les voyageurs concordent sur ce point, la préoccupation principale de tous les Abyssins, depuis Ménélik jusqu’au plus humble de ses sujets.
Labatut avait justement reçu de Ménélik, en 1885, une importante commande d’armes. Rimbaud participa à l’affaire et il y mit la plus grande partie de ses économies.
Pour recevoir les caisses d’armes et organiser la caravane qui devait les transporter au Choa, il séjourna dix mois, de décembre 1885 à octobre 1886, sur les rivages de la mer Rouge, à Tadjourah, localité située en face de Djibouti, malsaine et très désagréable. Que de difficultés il eut à surmonter ! avec les indigènes toujours, avec le gouvernement français, qui croyait devoir interdire le transport d’armes au Choa. Et puis, son associé Labatut tomba malade, partit pour la France et y mourut. Rimbaud pensa alors faire le voyage avec Paul Soleillet, un africaniste d’une certaine notoriété, qui avait jadis exploré le Soudan et récemment passé deux années en Abyssinie. Mais, à son tour, Soleillet succomba à Aden. En définitive, Rimbaud partit seul en octobre 1886. Il traversa l’affreux et dangereux désert de Danakil, gravit les pentes du massif abyssin et, le 9 février 1887, il atteignit Ankober, l’ancienne capitale du Choa. Il y rencontra Jules Borelli, un Français qui fit d’importants voyages en Abyssinie, de 1887 à 1888. De prime abord, Rimbaud donna une impression d’énergie à Borelli, qui écrit dans son journal :
« M. Rimbaud sait l’arabe et parle l’amharigna et l’oromo. Il est infatigable. Son aptitude pour les langues, une grande force de volonté et une patience à toute épreuve le classent parmi les voyageurs accomplis. »
Rimbaud séjourna trois mois en Abyssinie. D’Ankober il se rendit à Entotto, où Ménélik résidait avant la fondation d’Addis-Ababa. Il y reçut la lettre suivante, que nous croyons peu connue :
« Envoyé par le roi Ménélik.
« Parvienne à M. Rimbaud.
« Comment te portes-tu ? Moi, par la grâce de Dieu, je me porte bien.
« Ta lettre m’est parvenue. Je suis arrivé hier à Fel-Ouha (près d’Entotto).
« Cinq jours  me suffiront pour voir les marchandises. Tu pourras partir ensuite.
« Ecrit le 3 myarzya  [février ou mars 1887].

Financièrement, l’expédition échoua :
« Mon affaire a très mal tourné et j’ai craint quelque temps de redescendre sans un thaler » écrivait plus tard Rimbaud. Mais sous un tout autre rapport il réussit. Il redescendit en effet à Harar par un itinéraire qu’aucune Européen n’avait encore suivi. Accompagné de Borelli, il partit d’Entotto le 1er mai 1887 et arriva à Harar le 21, après avoir traversé le plateau du Mindjar, « pays magnifique, puis Carayou, halliers couverts d’arbres épineux, séjour des buffles et des éléphants », et finalement suivit la crête du Tchercher « où la végétation est incomparablement belle ».
La découverte de cette voie nouvelle fut très remarquée dans les milieux géographiques français et étrangers : succès auquel assurément Rimbaud ne s’attendait pas. Cette nouvelle route fut désormais fréquemment suivie, et notamment par la mission du commandant Marchand, pendant la dernière étape de sa célèbre traversée de l’Afrique.


III

Revenu d’Abyssinie, Rimbaud, après un court séjour au Caire, se fixa définitivement à Harar, non plus comme agent commercial, mais comme chef de factorerie. Le régime du pays avait changé depuis qu’il l’avait quitté. Les Egyptiens l’avaient évacué et les Abyssins l’occupaient : « Le gouvernement est le gouvernement abyssin du roi Ménélik, c'est-à-dire un gouvernement négro-chrétien, mais somme toute on est en paix et en sûreté relative. »
Grâce à la position importante qu’il s’était faite à Harar, grâce à ses relations avec le ras Makonnen et à son expérience, Rimbaud rendit des services aux Français et aux étrangers qui y passèrent en ces années 1888-1890. Il exerçait largement l’hospitalité. Il reçut, par exemple, pendant six semaines le Suisse Alfred Ilg, qui, arrivé en Abyssinie comme ingénieur y devint le conseiller et le ministre d’Etat de Ménélik. De ses rapports avec Rimbaud, Ilg avait surtout conservé le souvenir d’un homme renfermé et taciturne, ainsi qu’il nous l’écrivait il y a quelques années. Bardey a, plus tard, rappelé la bonté de Rimbaud pour les imprudents qui, pleins d’illusions, se lancent dans les pays exotiques et qui n’y éprouvent que déboires.
Jamais, dans ses lettres, Rimbaud ne faisait allusion à son passé, et, dans cette vie de la brousse pourtant favorable à l’abandon, il ne se laissait aller à aucune confidence. Que Verlaine ait pensé à Rimbaud, le poème Læti et errabundi permet de le supposer:
Nous allions, vous en souvient-il,
Voyageur où ça disparu ?
Filant légers dans l'air subtil,
Deux spectres joyeux, on eût cru !
Mais de ses anciennes amitiés, lui, Rimbaud, ne parlait jamais.

* * *

Qui ne connaît le martyre de ses derniers mois ? En février 1891, il éprouva dans le genou des douleurs qui, chaque jour, devinrent plus vives. Aucun médecin européen n’exerçant à Harar, il résolut d’aller se faire soigner à Aden. Il partit le 8 avril 1891, transporté dans une civière car il était incapable de se tenir à cheval. La traversée du désert çomali dura quinze jours. A Zeila, il est hissé à bord d’un bateau, et il arrive à Aden où le médecin de l’hôpital diagnostique « une tumeur synovite arrivée à un point très dangereux ».
Rimbaud décide alors de s’embarquer pour la France. En novembre 1891, il expire à l’hôpital de la Conception de Marseille.
Or, ce fut vers ces temps-là que la renommée littéraire d’Arthur Rimbaud commença de poindre et de s’élever au-dessus de l’horizon.

Henri Dehérain

lundi 20 novembre 2023

Alphonse Juin, Maréchal de France, est élu à l'Académie française le 20 novembre 1952



« … lorsque nous m’avez fait l’honneur de m’appeler à siéger parmi vous, il n’a échappé à personne, et encore moins au récipiendaire, que c’était au soldat et uniquement à lui qu’étaient allés vos suffrages. » (25 juin 1953)

Maréchal Alphonse Juin (dernier Maréchal de France), 2 juillet 1962 :


« … Que les Français, en grande majorité aient, par referendum, confirmé, approuvé l'abandon de l'Algérie, ce morceau de la France, trahie et livrée à l'ennemi, qu'ils aient été ainsi complices du pillage, de la ruine et du massacre des Français d'Algérie, de leurs familles, de nos frères musulmans, de nos anciens soldats qui avaient une confiance totale en nous et ont été torturés, égorgés, dans des conditions abominables, sans que rien n'ait été fait pour les protéger : cela je le pardonnerai jamais à mes compatriotes. La France est en état de péché mortel. Elle connaîtra un jour le châtiment. »




Fils d’un gendarme en poste à Mostaganem, Alphonse Juin fit ses études secondaires en Algérie, aux lycées d’Alger puis de Constantine, avant d’intégrer Saint-Cyr en 1910. Sorti major de sa promotion en 1912, il servit pendant deux ans au Maroc. Quand éclata la Première Guerre mondiale, il fut rappelé en Métropole et participa aux combats avec les Tabors marocains. Blessé en 1915, il perdit l’usage de son bras droit. Il repartit alors pour le Maroc où, après quelques mois de convalescence il refuse le poste d’officier d’ordonnance du général Lyautey pour servir à l’état-major de Rabat avant de recevoir, en décembre 1916, le commandement d’une compagnie de mitrailleuses du 1er régiment de tirailleurs marocains. En octobre 1918 enfin, il devait rejoindre l’état-major de la 153e division d’infanterie, puis fut détaché à la mission militaire française près de l’armée américaine.

Après la guerre, il enseigna une année à l’École de guerre avant de regagner l’Afrique, où il se battit dans le Rif. Son action vigoureuse en faveur de la pacification du Maroc au début des années 20 lui valut d’être proposé à titre exceptionnel pour le grade de chef de bataillon.

Étant repassé vers 1930 par l’École de guerre pour y dispenser un cours de tactique générale, il gravit tous les échelons de la hiérarchie militaire, fut promu chef d’état-major des forces armées de l’Afrique du Nord, puis, à la fin de l’année 1938, général de l’Armée d’Afrique.

En 1939, au moment de la déclaration de guerre, il fut nommé commandant de la 15e division d’infanterie motorisée. Il couvrit la retraite de Dunkerque en mai 1940, mena un combat désespéré, mais fut fait prisonnier le 19 mai. Libéré à la demande de Vichy en juin 1941, il fut envoyé pour succéder à Weygand comme commandant en chef des forces d’Afrique du Nord.

S’étant rallié aux Américains en novembre 1942, il prit la tête du contingent français qui arrêta la force de l’Axe en Tunisie, et contribua à l’anéantissement de l’Afrikacorps. Appelé à la tête du corps expéditionnaire français en Italie, il imposa aux Alliés son plan d’offensive et perça en mai 1944 le front allemand sur le Garigliano, ouvrant la route de Rome et de Sienne. Son corps fut ensuite affecté au débarquement de Provence… … 


par
André Maurois
directeur de l’Académie française
à l’occasion du décès du
Maréchal Alphonse Juin
décédé le 27 janvier 1967, à Paris


Le peuple de Paris, le Gouvernement, l’Église et l’Armée ont fait hier au Maréchal Juin des funérailles dignes d’un héros. Pour l’Académie française, ce deuil est intime et douloureux. Nous admirions le chef de guerre ; nous aimions le confrère et l’ami. Sa simplicité, sa bonté nous avaient conquis. Avant les événements et la maladie qui attristèrent sa fin, sa gaieté confiante éclairait nos rencontres du jeudi. « Les gens graves ne sont pas sérieux » disait-il. Nous savions qu’il était, sur le champ de bataille, le chef le plus ferme et le plus précis. Ici nous l’avons toujours vu cordial, attentif et prêt à prendre sa part de nos tâches familières. Ce grand soldat, quand il le voulait, devenait un écrivain.

Mais nous l’avions élu surtout parce que l’Armée française lui devait d’avoir retrouvé sa plus vieille amie : la victoire. On ne dira jamais assez ce qu’ont été son rôle et celui de l’Armée d’Afrique de 1942 à 1944. Que cette Armée ait été préservée, maintenue, entraînée et même accrue après la défaite, est un miracle dont deux des nôtres : Weygand et Juin, furent les artisans. Les armes sauvées avaient été camouflées, cachées dans des grottes de montagne, dans des puits de mine, sous les scènes des théâtres. Le devoir des commissions d’armistice ennemies eût été de découvrir ces ruses. Mais j’ai copié en 1943, lorsque j’étais à Alger sous ses ordres, une note du général Juin sur les réponses à faire aux commissions de contrôle. Elle n’a jamais été publiée et je me permets de vous en citer quelques phrases parce qu’elles montrent comment Juin, bien avant le débarquement, résistait à l’ennemi et préparait les combats futurs.

« Il convient, disait-il, que tout officier sache exactement dans quel sens il doit répondre pour éviter les pièges des questionnaires allemands. Les questions posées peuvent avoir pour but de connaître : 1°) la mission de l’unité en opération. Sur ce point il convient de rester absolument muet ; il y a lieu de répondre que l’on ne sait rien et que des directives seront données en temps utile par le commandement. 2°) l’orientation qui est donnée à l’instruction. Il y a intérêt à ce que les Allemands ignorent jusqu’à quel point est poussée l’instruction dans les particularités du combat moderne. Répondre par des généralités sur les chapitres bien connus du règlement. 3°) le degré d’entraînement et la valeur de la troupe. Sur ce point il faut éviter un double écueil. Si l’on exagère la faiblesse de l’Armée d’Afrique, on inspire aux Allemands le désir de se substituer à nous ; si l’on étale complaisamment les qualités de cette armée, on peut amener les Allemands à penser qu’elle constitue pour eux un danger. C’est entre ces deux écueils qu’il faut tenir le juste milieu. Signé : JUIN, commandant en chef. »

Voilà pourquoi il existait encore, en 1943, une Armée d’Afrique. Elle était mal vêtue, mal équipée, mal nourrie, mais elle possédait des soldats merveilleux, d’excellents officiers, de nobles et anciennes traditions. Elle était capable, au prix de souffrances et de privations, de faire campagne. En fait ce fut elle qui, après le débarquement et en attendant l’arrivée des grands détachements alliés, arrêta seule, avec ses pauvres moyens, l’avance des blindés ennemis. Je le répète, on ne dira jamais assez que, sans Juin et ses hommes, il n’aurait pas été possible de tenir en Tunisie. En pensant à leur dénuement, on les rapproche des soldats de l’An Deux ; en pensant à leur ténacité, à leur foi, on évoque les soldats de la Marne.

La fin de la campagne fut épique et foudroyante. Une manœuvre, dont le général Juin avait eu l’idée, fit roquer deux divisions blindées de la droite à la gauche du dispositif allié. L’ennemi, entièrement surpris, s’effondra. Toute son armée (224 000 hommes, 26 généraux, 1 000 canons, 250 chars) fut prise. La bataille d’Afrique était terminée. Le général Eisenhower, dans son bulletin de victoire, écrivait : « Les Français, avec un équipement pauvre et désuet ont effectué sur le champ de bataille un magnifique travail. Leurs combats ont égalé ce que l’on peut attendre de mieux de la meilleure armée du monde. »

Au général Juin, qui s’était révélé grand stratège, fut confié le commandement du Corps Expéditionnaire français en Italie. Là il me conduisit au pied des terribles montagnes qu’il fallait franchir et m’emmena dans ses tournées d’inspection aux avant-postes. Il inquiétait un peu son état-major par sa hardiesse et sa volonté de tout voir. Ses hommes adoraient ce chef qui, la pipe au bec et le béret étoilé en bataille, venait en jeep jusqu’aux points les plus dangereux. Ils aimaient sa bonhomie, ses boutades. On aurait pu dire de lui ce que Bossuet disait de Condé : « Jamais homme ne craignit moins que la familiarité ne blessât le respect. »

Avec sa remarquable intuition stratégique il fut le premier à comprendre que l’on n’enlèverait pas le Monte Cassino par une attaque frontale. Nourri des principes napoléoniens, il proposa une fois encore de créer la surprise par la manœuvre. (…) « Juin dessine d’un trait ferme le plan de sa manœuvre ». Il proposait de faire traverser en secret le Garigliano par 30 000 hommes et de jeter les tabors du général Guillaume dans le massif de Petrella que l’ennemi croyait inviolable. Il eut grand-peine à faire approuver ce plan hardi par les Alliés. Puis, non seulement ils acceptèrent ce ferme dessin tracé par un Français, mais ce fut l’Armée d’Afrique qui força le verrou des Abruzzes. Le général américain Clark écrivit à Juin : « Vous êtes en train de prouver à une France anxieuse que l’armée française a conservé ses plus belles traditions. » Quelques jours plus tard le général Juin faisait dans Rome une entrée triomphale. La défaite de 40 était effacée par la victoire de Garigliano.

Juin aurait voulu exploiter cette victoire. Il avait été Bonaparte à l’armée d’Italie ; il espérait pousser jusqu’au Brenner, entrer en Autriche et, qui sait, remporter une nouvelle victoire de Wagram. Mais des engagements avaient été pris et les plans des Alliés étaient différents. Il dut quitter son cher Corps Expéditionnaire pour devenir le chef d’état-major général de la Défense nationale. On sait comment, après la victoire finale, il revint au Maroc où ses anciens goumiers, ses tirailleurs, gens de poudre et d’honneur, lui faisaient une escorte invisible ; comment il devint commandant en chef des armées alliées de Centre-Europe ; comment il fut, à l’approbation de la France entière, fait Maréchal de France ; comment enfin cette éblouissante carrière fut brusquement interrompue par les événements d’Algérie. Né dans ce pays, il fut alors écartelé entre son attachement à sa terre natale et son respect de la discipline. À ses loyalismes il sacrifia sa vie. Il aura eu du moins cette consolation : la certitude d’avoir fait en toute circonstance ce que lui commandait sa conscience. En ces grands déchirements l’âme seule est juge.

Pour nous, le souvenir que nous conservons de lui est à la fois celui du confrère souriant et affectueux qui, chargé de gloire, se pliait avec tant de bonne grâce à nos paisibles travaux, et celui du chef qui, debout au milieu de ses troupes, entrevoyait, en des éclairs de génie, les manœuvres décisives. En votre nom, je dis la respectueuse sympathie de l’Académie à la Maréchale Juin, à ses deux fils et aussi à ses soldats d’Italie qui, ayant servi sous ses ordres et l’ayant aimé, se souviennent avec gratitude qu’il les conduisit à la victoire.


Académie française : Discours de réception du maréchal Juin (25 juin 1953)

Académie française : Réponse de M. Maurice Genevoix au discours de M. le maréchal Juin (25 juin 1953)

Académie française : Allocution lors du décès du maréchal Alphonse Juin (2 février 1967)

Académie française : Alphonse Juin, élu le 20 novembre 1952 au fauteuil 4, biographie


*     *    *


Le hasard a voulu que je relise à la veille de ce 20 novembre 2023 des éléments biographiques de deux immenses soldats : celle du Maréchal de France Alphonse Juin (élu à l’Académie française le 20 ovembre 1952) ainsi que celle du général Franco (décédé à Madrid le 20 novembre 1975).

Jamais je n’avais encore réalisé combien leur contemporain le politicien DeGaulle le dispute tout autant au dérisoire qu’à la grandiloquence du ridicule… certes trouvant encore grâce auprès de quelques vieux fidèles psittacidés au plumage flétri, d'homologues politiciens modernes à droite ou à gauche mus par un ego incertain et une ambition verbeuse, sans oublier une chienlit immature murée dans l’infantilisme…






In memoriam : Generalísimo Francisco Franco, Caudillo de España por la Gracia de Dios


Francisco Franco Bahamonde, né le 4 décembre 1892 à Ferrol et décédé le 20 novembre 1975 à Madrid, est un soldat et homme d'État espagnol. Durant la guerre d'Espagne, il s'impose comme chef du camp nationaliste qui remporte la victoire sur les républicains. De 1939 à 1975, il dirige un régime politique (État franquiste) avec le titre de Caudillo (chef ou guide) : « Generalísimo Francisco Franco, Caudillo de España por la Gracia de Dios ».



Conscient de son inexpérience en matière politique, Franco s'appuya sur son beau-frère, Ramón Serrano Súñer, la Phalange et l'Église catholique, ralliée à son camp après les massacres anticléricaux de 1936, sans oublier les monarchistes (carlistes, conservateurs et autres). Il reçut le soutien des Espagnols effrayés par l'anti-catholicisme et la violence à laquelle avait fait face la République comme l'assassinat de Calvo Sotelo, les massacres de 7 000 prêtres et autres manifestations de sacrophobie.

En revanche, Franco n'est ni phalangiste, ni carliste, ni fasciste, ni libéral, ni démocrate-chrétien. Ce n'est pas un idéologue mais un militaire conservateur, déçu tout à la fois par Alphonse XIII et par la République. Sa stratégie repose sur son prestige personnel. Elle consiste à s'entourer de toutes les familles idéologiques de son camp et à arbitrer leurs conflits sans jamais souscrire personnellement à aucune tendance. Sa conception de la société et de l'État est dans la lignée de la pensée de Juan Donoso Cortés. Il voulait un État et un gouvernement en accord avec les anciens principes de l'Église catholique.

L'anticommunisme constitue l'autre grand pilier de sa politique. Franco considère insensée la guerre mondiale qui oppose les peuples de l'Europe au seul profit de l'Union soviétique. Il lui paraît qu'il y a deux guerres : une, légitime, celle de l'Europe contre le communisme (ce qui explique l'envoi de la Division bleue en réponse aux Brigades internationales), l'autre, illégitime, entre les Alliés et l'Axe. Selon l'historien américain Robert Paxton, Franco était « d'une hostilité maladive à la démocratie, au libéralisme, au sécularisme, au marxisme et tout spécialement à la franc-maçonnerie ».
Selon Pierre Milza ce régime ne répond pas, du fait de son appui principal sur l'Armée et l'Église, à la définition du fascisme tel qu'il s'est installé dans l'entre-deux guerres en Italie et en Allemagne.


Par ces liens familiaux, le général Franco très proche de la France légitime !…
Maria del Carmen Polo y Martínez-Valdés (1902-1988), après avoir rencontré Franco en 1917, l'épouse en 1923 et en 1926, donne naissance à leur seul enfant, María del Carmen. Elle est décédée à Madrid en 1988.

María del Carmen Ramona Felipa de la Cruz Franco y Polo, duchesse de Franco : sa fille. Elle a épousé Cristóbal Martínez Bordiú, marquis de Villaverde, le 10 avril 1950. Elle vit aujourd'hui surtout à Miami (Floride). Elle dirige La Fundación Nacional Francisco Franco, fondée en 1977, avec pour objectif de défendre la mémoire de son père.

Carmen Martínez-Bordiú y Franco, sa petite-fille, aînée des enfants de Carmen. Elle avait épousé en première noce Alphonse de Bourbon, duc de Cadix, cousin du roi d'Espagne Juan Carlos et aîné des Bourbons.

Leur fils Louis de Bourbon est aujourd'hui le prétendant légitimiste à la couronne de France. Il est à la fois l'arrière-petit-fils de Franco et l'arrière-petit-fils du roi d'Espagne Alphonse XIII.



Le prince Louis de Bourbon en compagnie de son épouse la princesse Marie Marguerite
et de leurs enfants la princesse Eugénie, le prince Louis et le prince Alphonse…

De jure, Louis XX, roi de France.
Arrière-petit-fils du Generalísimo Francisco Franco, Caudillo de España por la Gracia de Dios 
et arrière-petit-fils du roi d'Espagne Alphonse XIII…



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Le hasard a voulu que je relise à la veille de ce 20 novembre 2023 des éléments biographiques de deux immenses soldats : celle du Maréchal de France Alphonse Juin (élu à l’Académie française le 20 ovembre 1952) ainsi que celle du général Franco (décédé à Madrid le 20 novembre 1975).

Jamais je n’avais encore réalisé combien leur contemporain le politicien DeGaulle le dispute tout autant au dérisoire qu’à la grandiloquence du ridicule… certes trouvant encore grâce auprès de quelques vieux fidèles psittacidés au plumage flétri, d'homologues politiciens modernes à droite ou à gauche mus par un ego incertain et une ambition verbeuse, sans oublier une chienlit immature murée dans l’infantilisme…






mardi 31 octobre 2023

Marcel Berthomé, maire de Saint-Seurin-sur-l’Isle : un Homme d'Honneur



MARCEL BERTHOMÉ (1922-2023)




 
Ce que les media ont retenu de Marcel Berthomé est tout à son honneur. Titulaire de 25 décorations, Grand Officier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre avec Palmes, cinq fois cité, il fut le Maire inamovible de Saint-Seurin-sur-l’Isle (1971- 2020), en Gironde, jusqu’à devenir pendant six ans le doyen des Maires de France (2014-2020).

Mais ce que cette presse aux ordres occulte avec sa servilité coutumière, c’est que ce Commandant de réserve ayant servi dans l’aviation, notamment en Indochine, et titulaire de la Médaille Coloniale, manifestait la plus haute estime pour le Général Salan ainsi que pour les ultimes combattants de l’Algérie Française.

Beaucoup moins consensuel que ce que prétend la presse locale, il avait institué dans sa commune une place du Général Salan et élevé deux stèles, l’une au général Raoul Salan, dernier soldat de l’Empire au service exclusif de la France et l’autre en mémoire des fusillés, des patriotes, des résistants, des disparus et des harkis tombés pour que vive la France en Algérie.

Inaugurées en présence des responsables de l’ADIMAD, ces stèles, on s’en doute, avaient été l’occasion de vives polémiques, mais Marcel Berthomé avait tenu bon, renouvelant, chaque 26 mars, une cérémonie à laquelle l’ADIMAD était invitée. Il a fallu son remplacement par son ancienne adjointe pour que le démantèlement de nos stèles soit voté par le Conseil municipal. ` (ADIMAD-MRAF )


UN HOMME D’EXCEPTION

Nos media locaux se sont faits très discrets à l’annonce du décès à l’âge de 101 ans, d’une personnalité haute en couleur, Marcel Berthomé (4 avril 1922-24 octobre 2023), ex-doyen des maires de France, en omettant certains faits le concernant. Lui rendant hommage, le journal Sud-Ouest écrivait en date du 25/10/2023 : « “Il était incontestablement l’une des âmes combattantes et vivifiantes du Libournais”, ce sont par ces mots que Philippe Buisson, maire de Libourne et président de l’Agglo du Libournais, a annoncé, ce mardi 24 octobre, le décès de Marcel Berthomé à 101 ans. L’homme aux mille et une vies est notamment connu pour avoir été le doyen des maires de France à Saint- Seurin-sur-l’lsle, dans le Nord-Libournais, qu’il administra de 1971 à 2020. Un homme aty- pique qui, au-delà de ses huit mandats d’élu, connut trois guerres et deux épopées footballistiques avec l’AS Saint-Seurin dont il fut joueur, capitaine, entraîneur puis président, lors de la montée du club en Ligue 2. » Par conscience et honnêteté professionnelles, il aurait fallu ajouter que, pendant ses 49 ans d’exercice, Marcel Berthomé n’avait jamais caché ses fidélités politiques. C’est grâce à lui que ceux d’entre nous qui n’oublient rien avaient le privilège de ve- nir se recueillir, chaque année, devant les deux stèles qu’il avait fait ériger dans sa commune de Saint-Seurin-sur-l’Isle. Justice doit cependant être rendue à un article d’archive élogieux, paru voici plus d’une décennie, le 06/04/2013, ayant sans aucun doute échappé à la censure actuelle. Sous la plume de Jean-Charles Galiacy, on pouvait lire : « Quand Saint-Seurin célèbre le chef de l’OAS ». À la suite du départ de Marcel Berthomé en 2020, les deux stèles, d’abord dégradées, furent finalement détruites par le nouveau maire, Mme Éveline Lavaure-Cardona, la rue Raoul Salan ayant au préalable changé de nom, alors qu’ayant été gracié, le nom du général Salan avait été réhabilité.
Que Marcel Berthomé repose en paix ! (Michelle FAVARD-JIRARD)


Sud-Ouest Gironde : « le père, le soldat, l’élu et l’ami d’exception », Marcel Berthomé a reçu un dernier vibrant hommage

Sud-Ouest : (En images) Gironde, le vibrant hommage à Marcel Berthomé, ancien doyen des maires de France et légende de l’armée de l’air

Une trentaine de porte-drapeaux et des membres de l’armée de l’air,
dont a fait partie Marcel Berthomé durant vingt-neuf ans, étaient présents

© Crédit photo : Linda Douifi


Yolande et Anne Berthomé, la femme et la fille de Marcel Berthomé.
(Linda Douifi)


La cérémonie religieuse s’est tenue en l’église de Saint-Médard-de-Guizières, son village natal,
avant son inhumation à Saint-Seurin-sur-l’Isle, son village de cœur dont il fût maire de 1971 à 2020
(Linda Douifi)



Porte-drapeaux, anciens combattants, militaires
ainsi que la colonelle Nathalie Picot, commandante de la base aérienne 106 de Mérignac,
ont salué le héros de Guerre que fut Marcel Berthomé
(Linda Douifi)


Le père Guy Metereau, aumônier réserviste de Cazaux,
a présidé la bénédiction tenue dans une église comble
(Linda Douifi


Anne Berthomé, la fille de Marcel, a rendu un poignant hommage à « ce père exceptionnel »
(Linda Douifi)


Des jeunes du club de foot de Saint-Seurin, dont Marcel Berthomé fut joueur, capitaine,
entraîneur puis président, ont été associés à cette cérémonie
(Linda Douifi)


Les 260 places de l’église de Saint-Médard-de-Guizières n’ont pas suffi à accueillir
les 500 personnes désireuses de saluer une dernière fois cette figure du Libournais et de la République
(Linda Douifi)


Après la dernière bénédiction, le cercueil a quitté l’église au son de « I will survive » de Gloria Gaynor,
un hymne que Marcel Berthomé avait fait sien lors de chaque cérémonie de vœux
(Linda Douifi)



Armée de l'Air et de l'Espace : Le commandant Marcel Berthomé, 101 ans,
élevé à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur

*   *   *

Le 26 mars 2013, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées pour une cérémonie d'une intense émotion, devant la stèle dédiée au général Raoul Salan

Marcel Berthomé, ancien combattant et maire de Saint-Seurin-sur-l’Isle,
devant la stèle dédiée au général Raoul Salan,
sur la place qui porte son nom (photo J.-C. G. )

Marcel Berthomé se sait volontiers à contre-courant. Mais après de nombreuses années à bourlinguer en Afrique et ailleurs pour l’Armée française, plus de quarante ans de vie politique et huit mandats à la tête de la commune de Saint-Seurin-sur-l’Isle, on ne changera pas le nonagénaire ultra-droit dans des convictions ultra-droites.

Voilà sans doute pourquoi les appels des services de l’État et les lettres d’opposants ne l’ont pas fait vaciller d’un iota dans son ambition d’organiser, le 26 mars dernier, une cérémonie d’hommage au général Raoul Salan. Salan, une figure du XXe siècle (1899-1984), héros de deux guerres mondiales, commandant en chef en Indochine et en Algérie, sans doute l’un des militaires les plus décorés de l’armée française… mais aussi un symbole de la France coloniale, partisan acharné de l’Algérie française, général putschiste en 1961, passé à la clandestinité - et, pour beaucoup d’historiens, au terrorisme - lorsqu’il est devenu chef de l’Organisation armée secrète, notre respectée OAS. [Arrêté en 1962, Raoul Salan a été condamné à la détention à perpétuité. Il a été libéré en 1968, "gracié" par DeGaulle. Raoul Salan fut réintégré dans ses prérogatives de général d’armée en 1982, à la suite d’une loi d’amnistie votée sous la présidence de François Mitterrand.]

Entre 80 et 300 personnes

Un peu plus de trois mois après la reconnaissance par Flanby, prétendu président de la république, et donc de l’État, des « souffrances » infligées à l’Algérie par la colonisation, la tenue de cette « cérémonie du souvenir de l’Algérie française à ses victimes militaires et civiles » aurait pu paraître pour le moins incongrue. Une manifestation tombée un mardi et suivie tout de même par 300 personnes selon le principal organisateur, 80 selon ses détracteurs, ainsi qu’un peloton de gendarmerie, discrètement placé là en cas de débordements.

Marcel Berthomé, qui a connu trois guerres, se battant notamment en Indochine et en Algérie, ne raconte forcément pas la même histoire que celle déclinée dans les manuels de classe. « On a vendu l’Algérie, explique-t-il. On avait dit aux militaires de garder l’Algérie française […] Le drame, c’est qu’on a gagné la guerre mais qu’on a donné l’Algérie. Aujourd’hui, on célèbre le 19 mars, mais c’est un jour de deuil et de honte. »

À Saint-Seurin, le maire a choisi le 26 mars, commémoration de la fusillade de la rue d’Isly à Alger, jour au cours duquel des partisans du statu quo de l’Algérie française avaient été pris pour cible par l’Armée française. Et la cérémonie s’est tenue devant une double stèle dédiée au général Salan, « général d’armée, dernier soldat de l’Empire au service exclusif de la France » et aux « fusillés, patriotes, résistants, disparus tombés pour que la France reste en Algérie. »

Dans le cortège de Saint-Seurin le 26 mars dernier, outre le fils du général, Victor Salan, on recensait aussi les représentants d’associations proches des anciens de l’Algérie française, particulièrement de l'Adimad et du Collectif du Non au 19 Mars.  

« La vraie France »

Louis Martinez, délégué pour l’association 4ACg (Association des anciens appelés en Algérie-Tunise-Maroc contre la guerre et leurs amis), fut l’un de ceux qui ayant demandé l’annulation d’un tel rassemblement, écrivant au préfet de la Gironde : « Nous vous demandons […] de bien vouloir interdire cette initiative qui ne peut être que douloureuse pour toutes les victimes civiles et militaires de ces factieux qui veulent poursuivre leurs détestables actions de division de 1962 […] ». Présent « en catimini » le 26 mars dernier, Louis Martinez a observé « un homme en tenue de camouflage, trois autres avec des bérets rouges qui sentaient fort la nostalgie », et écouté les discours, notamment celui qui s’est terminé « en parlant de la vraie France  ». « Mais qu’est ce qu’il y a dans cette expression ? », s’interroge-t-il. 

Sourd aux polémiques, le maire entend bien renouveler l’hommage l’année prochaine

Pas question en tout cas pour le maire Marcel Berthomé de plier devant la polémique. Le 26 mars 2014, sans aucun doute, une nouvelle cérémonie sur la place du Général-Raoul-Salan (le maire a rebaptisé cet espace municipal en 2006) - devrait être organisée : « Nous sommes un certain nombre à avoir vécu cette période. Tant que nous serons encore en vie, nous ferons vivre son souvenir ».


Sud-Ouest : Quand Saint-Seurin célèbre le chef de l’OAS

Sud-Ouest : Un nouvel hommage au chef de l’OAS à Saint-Seurin-sur-l’Isle (33) l'année prochaine

Toulouse : Le pont de l'Infâmie… 19 mars 1962, le "maire" Cohen ose célébrer une capitulation !!!

Le CLAN-R (Comité de liaison des Associations Nationales des Rapatriés) : Saint Seurin sur L’Isle… Avant/Après



samedi 14 octobre 2023

La Grande Syrie d'Antoun Saadé… présentée par Régina Sneifer d'après les mémoires de Juliette el-Mir, épouse d'Antoun Saadé… "le livre le plus important de ces 20 dernières années sur le Moyen-Orient" !



Avec « Une femme dans la tourmente de la Grande Syrie », fin juin 2019 Régina Sneifer exhume et publie les mémoires de Juliette el-Mir, épouse d’Antoun Saadé chantre de l’idéal d’une Grande Syrie laïque et sociale, pour la première fois dans le monde arabe une doctrine sociale et nationale émancipée de toutes considérations confessionnelles…

« Une femme dans la tourmente de la Grande Syrie », était alors présenté comme « le livre le plus important de ces 20 dernières années sur le Moyen-Orient ! »… En aurions-nous confirmation ?

À lire ou relire d’urgence… Un outil indispensable pour quiconque, affranchi de l’abrutissement de la propagande d’une Communauté internationale hors-sol, veut comprendre les évènements actuels frappant la région… et envisager un avenir serein pour ses enfants…


Une femme dans la tourmente de la Grande Syrie
D'après les mémoires de Juliette Antoun Saadé 

Régina Sneifer nous propose la première biographie de Juliette el-Mir, épouse d'Antoun Saadé (1909-1963), le leader du projet de la "Grande Syrie" et penseur du Moyen-Orient. Son engagement politique et romantique jusqu'à être la première prisonnière politique. Un livre-document inédit à partir de documents de premières mains mais écrit comme un roman…
- la première biographie d'une grande avocate de l'idéal politique d'Antoun Saadé, homme politique syro-libanais de premier plan ;
- des sources de premières mains pour la première fois accessibles en français ;
- un livre évènement au Liban et en Syrie ainsi que pour les milieux orientaux français ;
- un préfacier prestigieux : le professeur et ministre Georges Corm ;
- une écriture romancée très facile d'accès et une histoire de femme battante, première prisonnière politique du Moyen-Orient.



- Le livre contient 16 chapitres précédés d’une préface de Georges Corm et d’un avant propos. Il s’achève sur un épilogue, suivi d’une abondante bibliographie.

Chapitre 1 : la première traversée (1909-1920)
Chapitre 2 : La première séparation (1920-1939)
Chapitre 3 : Engagée (1939-1940)
Chapitre 4 : Les Amants de Cordoba (Mars-Avril 1940)
Chapitre 5 : Dans le bonheur et les épreuves (1940-1941)
Chapitre 6 : Au bout du Mahjar (1942-1946)
Chapitre 7 : Nous rentrons (1946-1947
Chapitre 8 : À contre-courant, visionnaire (1947-1948)
Chapitre 9 : Mille et une trahisons (Janvier- Juin 1948)
Chapitre 10: L’EXÉCUTION
Chapitre 11 : En ligne de mire (9 juillet- 14 août 1949)
Chapitre 12 : Des répliques en cascade (15 août 1949-1954)
Chapitre 13 : À l’isolement (1854-1955)
Chapitre 14 : Tous les coups sont permis (août 1955-1958)
Chapitre 15 : Mazzeh, le trou noir de l’Union (1958-1960)
Chapitre 16 : Plus forte qu’une forteresse (1960-26 décembre 1963)
Épilogue (28 décembre 1963-24 juin 1976)
Bibliographie





Depuis mars 2011, la Syrie est victime d’une « guerre civilo-globale » très meurtrière. Les États-Unis, leurs supplétifs européens, les pays du Golfe et leur allié israélien veulent réaliser en Syrie ce qu’ils ont fait en Afghanistan, Irak, Libye et Palestine : destruction de l’État-nation, fragmentations territoriales et cristallisations confessionnalo-religieuses au profit d’un ordre mondialisé sous la conduite de Washington et des grandes sociétés transnationales.

Dans ce contexte d’hystérie géopolitique, où les accords internationaux n’ont plus aucune valeur, qui se souvient de l’idéal d’une « Grande Syrie » laïque, démocratique et sociale ? La tragédie d’Antoun Saadé – son inventeur et promoteur – ne se réduit pas à son exécution sommaire mais s’identifie à celle de l’histoire du Croissant fertile, à celle d’une œuvre magistrale de philosophie politique qui fondait – pour la première fois dans le monde arabe – une doctrine sociale et nationale émancipée de toutes considérations ethnico-confessionnelles.

Son épouse – Juliette el-Mir (1900–1976) – l’accompagnera et le soutiendra avec la dernière énergie au prix de neuf années d’emprisonnement sévère. Aimante et romantique, elle rédigera ses mémoires, gardienne de l’âme et de l’œuvre de son époux face aux injures du temps et de l’histoire officielle. C’est la vie et le destin de ce couple révolutionnaire que retrace Régina Sneifer1 à partir de ces écrits qui dormaient dans le coffre d’une banque de Genève, publiés en arabe en 2003 et jamais traduits depuis. Pour la première fois, le livre-événement de Régina Sneifer donne accès aux lecteurs francophones à cette séquence culminante de l’histoire des Proche et Moyen-Orient. Tout en restant scrupuleusement fidèle au témoignage de Juliette Antoun Saadé, ce livre exceptionnel intègre nombre de recherches et d’archives historiques mises au service d’une biographie critique. Impressionnante, cette biographie historique s’impose aussi comme un grand roman. Ce qui ne gâche rien !

L’auteure – Régina Sneifer – n’est pas n’importe qui. Journaliste et écrivaine libanaise, on lui doit déjà l’un des meilleurs livres sur la guerre du Liban (1975–1990) : Guerres maronites (éditions de l’Harmattan, 1994). En 2006, elle publie le témoignage bouleversant de son engagement et de son évolution personnelle dans la tourmente du Pays du Cèdre : J’ai déposé les armes – Une femme dans la guerre du Liban (éditions de l’Atelier). En 2013, elle nous convie à un voyage plus poétique au cœur des mémoires phéniciennes : Benta’el, fille de l’alphabet (éditions Geuthner).

Avec son dernier ouvrage, elle poursuit cette quête d’intelligence et de compréhension des Proche et Moyen-Orient, saluée par son préfacier, le grand historien et politologue Georges Corm : « aujourd’hui, en nous faisant pénétrer dans l’intimité d’Antoun et de Juliette Saadé et de leur lutte permanente pour réaliser l’unité de la ‘Grande Syrie’, Régina Sneifer apporte enfin un éclairage nouveau et passionnant d’une question, plus que jamais vitale et d’actualité pour l’apaisement des conflits du Proche-Orient et la paix en Méditerranée ».

OBSTACLES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Pourquoi Antoun Saadé, sa vie et son œuvre sont-ils à ce point ignorés, sinon caricaturés par les écoles françaises, anglo-saxonnes et arabes de sciences humaines et de géopolitique ? C’est comme si cet homme et sa pensée politique ne présentaient aucun intérêt, comme si – surtout – il ne fallait pas en parler… Ce blanc, cette impasse, cet impensé sont d’autant plus suspects que les rares allusions à Antoun Saadé – dans la bibliographie francophone - s’accompagnent, la plupart du temps, de noms d’oiseaux ou de différents qualificatifs des plus péjoratifs visant à en faire un admirateur d’Adolf Hitler. Rien n’est plus faux !

Cette torsion idéologique a longtemps été bien commode pour justifier le désintérêt, sinon le silence entretenu sur l’œuvre de Saadé… En l’occurrence et en matière de filiation nazie et fascisante, Pierre Gemayel – le fondateur du parti bien nommé des « Phalanges » – est l’homme politique libanais qui, au retour des jeux olympiques de Berlin en 1936, a le plus ouvertement proclamé son admiration et son allégeance au fondateur du Troisième Reich et au franquisme dont il a copié les mots d’ordre : « Dieu, Patrie, Famille ». Mais de cette filiation-là, les commentateurs politiquement corrects sont beaucoup plus avares.

Hormis ce parti-pris idéologique, ce sont plutôt l’œuvre de philosophie politique et l’action d’Antoun Saadé qui fonctionnent comme autant d’obstacles épistémologiques – au sens donné à ce concept par Gaston Bachelard – : ceci explique partiellement les dédains académiques et politiques dont reste victime ce penseur qui sort aujourd’hui progressivement de l’oubli. Cette justice tardive qui l’exhume d’un purgatoire entretenu n’est pas seulement le fait du livre de Régina Sneifer qui arrive à point nommé, mais aussi la résultante d’une série d’échecs idéologiques qui minent les Proche et Moyen-Orient – des impérialismes occidentaux aux différentes expériences avortées du nationalisme arabe, de l’islamisme politique aux terrorismes islamiques. Antoun Saadé s’est opposé aux uns comme aux autres : aux empires centraux français et britannique, aux inventeurs d’un nationalisme arabe calqué sur celui des puissances européennes, aux activistes religieux (musulmans, juifs et chrétiens) de toutes obédiences.

Cyrano de Bergerac oriental, Antoun Saadé a accumulé les ennemis. Ses rejets multiples ont fini par converger pour aboutir à son exécution en 1949. Cette mise à mort arrangeait tout le monde, du moins les principaux acteurs politiques régionaux et internationaux engagés dans une phase décisive de reconfiguration et de partage de l’Orient au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Au fil des pages de Régina Sneifer, on comprend mieux pourquoi et comment les concepts majeurs de la philosophie politique d’Antoun Saadé et son action politique ont fonctionné comme autant d’obstacles épistémologiques devenus des menaces pour sa propre vie, celles de sa famille et pour son œuvre. Avec la même passion qui accompagne la lecture des plus grandes tragédies, on découvre les enchaînements terribles de cette vie shakespearienne.

LE PSNS

Antoun Saadé est né le 1er mars 1904 dans le village de Dhour Choueir au Mont Liban. Il entame ses études au Caire et les poursuit à Broumana au Liban. Après la Première Guerre mondiale, il émigre au Brésil où il rejoint ses parents et commence à s’intéresser au nationalisme latino-américain, notamment à la « révolution bolivarienne » qui va beaucoup influencer la construction de sa pensée. Celle-ci se structure en proximité de la philosophie d’Auguste Comte et, plus tard, des conceptions nationales naissantes du péronisme argentin. Il participe à la rédaction du magazine littéraire Al-Majalla, un journal fondé par son père Khalil Saadé. Durant cet exil hyper-actif, il apprend aussi à parler le portugais, l’anglais, l’espagnol, l’allemand, le français et le russe.

En 1924, il fonde son premier mouvement politique affichant l’objectif principal de la libération de la Syrie sous mandat français. En 1930 à Damas, il collabore au journal al-Ayam. En 1932, il rentre au Liban et enseigne à l’Université américaine de Beyrouth. Avec cinq de ses étudiants, il crée le 16 novembre 1932 le Parti social national syrien (PSNS), hostile aux occupations européennes du Levant et prônant une unification de l’Orient, similaire à la libération que le général vénézuélien Simon Bolivar revendiquait pour le continent latino-américain autour d’une « Grande Colombie ».

Organisation clandestine dissimulée derrière le paravent d’une société commerciale, le PSNS engrange les succès au point d’inquiéter fortement les autorités mandataires. Le 16 novembre 1935, Antoun Saadé est arrêté et condamné à six mois de prison pour activité subversive. En prison, il écrit un livre fondateur : La Genèse des nations (Nouchoû el Ouman). Le manuscrit d’une deuxième version sera confisqué et sans doute détruit. Retrouvant la liberté, il est de nouveau interpellé en 1937, alors que le PSNS est légalisé. Ses militants combattent violemment les « Phalangistes » de Pierre Gémayel à Bikfaya et dans d’autres localités du Liban.

À cette époque, rapporte Régina Sneifer, Antoun Saadé déclare : « si l’on veut absolument que le Liban constitue une entité, il faut au moins que cette entité soit commune à tous les Libanais et qu’elle ne soit pas accaparée par une secte dominante qui réduit le Liban à elle-même. Nous exigeons la fin des privilèges d’une seule secte confessionnelle et nous dénonçons l’arrogance du parti fasciste qui s’est proclamé son représentant ».

Suite à de nouveaux affrontements avec les « PhalangistesV» de la famille Gemayel, Antoun Saadé est devenu l’homme à abattre. En 1938, il doit s’exiler de nouveau en Argentine où il rencontre sa future épouse. En 1939, les autorités françaises interdisent son parti. Durant la Seconde Guerre mondiale et les soulèvements contre les autorités mandataires, Saadé est condamné par contumace à vingt ans de prison. En 1946, il rentre au Liban mais doit prendre le maquis pour fuir la justice libanaise qui veut aussi le neutraliser. Le PSNS est à nouveau autorisé en 1947, bien que dénonçant radicalement la partition de la Palestine et la tension fabriquée entre le Liban et la Syrie. Le PSNS condamne radicalement le démembrement du Croissant fertile, imposé par les accords franco-britanniques Sykes-Picot (16 mai 1916) et la déclaration Balfour (2 novembre 1917).

Lors d’élections législatives, Antoun Saadé lance un appel pour mettre fin au confessionnalisme libanais et pour l’instauration d’un État « laïc » et « démocratique ». Sa popularité est alors à son comble. Le gouvernement de Riyad el-Solh et les Phalangistes décident de s’unir pour détruire son mouvement qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Les Phalangistes ont mis un contrat sur sa tête. Inlassablement traqué, il réagit en fomentant une insurrection qui va se retourner contre lui : plus de 3 000 militants du PSNS sont arrêtés. Antoun Saadé se réfugie à Damas. Dans un premier temps, il est bien accueilli par l’ancien colonel putschiste Zaïm. Mais, soumis à de fortes pressions internationales, le gouvernement syrien le livre aux autorités libanaises.

QU’EST-CE QUE « LA GRANDE SYRIE » ?

Après une parodie de jugement – moins de quarante-huit heures après son transfert – il est exécuté précipitamment le 8 juillet 1949. L’anéantissement de l’amour de sa vie n’apporte pas le point final aux tourments de Juliette. Les ennemis de la « Grande Syrie » vont attenter plusieurs fois à sa vie, multiplier les emprisonnements, la forcer à un nouvel exil européen. Elle doit aussi faire face à de nombreux retournements, sinon aux trahisons de plusieurs cadres du parti. En 1965, elle quitte l’Europe pour l’Afrique. Établie au Ghana, elle entreprend la rédaction de ses mémoires. Juliette a soixante ans lorsqu’elle met le point final à ce témoignage pour l’Histoire avant de rentrer au Liban en 1970.

Régina Sneifer : « au sortir de sa vie, une nouvelle ruse de l’histoire lui joue encore un tour. Elle s’éteint à Beyrouth le 24 juin 1976 au début d’une guerre qui déchirera le Liban pendant quinze ans. En présence d’une poignée de fidèles, sa dépouille est inhumée au cimetière de Mar-Elias de Beyrouth, à côté de la tombe vide de son mari. Peu importe ! désormais, rien, plus rien, ni la mort, ni aucune autre ruse, ne la séparera de son Zaïm ».

Dans un entretien avec l’auteur de ces lignes Régina Sneifer insiste sur l’une des motivations essentielles de cette écriture passionnée qui a pris plusieurs années : « des mémoires de Juliette subsistent la puissance d’un grand amour mais aussi cette idée de la "Grande Syrie” qui a donné lieu à tellement de contresens et de caricatures ». En effet, Antoun Saadé était hostile à l’idéologie réductrice du nationalisme arabe parce que – pour lui – une nation ne se fonde pas sur une langue, une religion ou une quelconque ethnie. Au contraire, la nation a vocation d’accueillir plusieurs communautés. Pour lui, l’identité du citoyen c’est le territoire et sa géographie.

Dans la première version de La Genèse des nations, il explique : « une nation résulte du mariage d’un groupe d’hommes et d’une terre ». Encore : « la nation résulte non de l’origine ethnique commune, mais du processus unificateur du milieu social et physique ambiant. L’identité des Arabes ne provient pas du fait qu’ils descendraient d’un ancêtre commun, mais qu’ils ont été façonnés par le milieu géographique : le désert de l’Arabie, l’Assyrie pour la Syrie, le Maghreb… ».

Même s’il admet et intègre l’arabité de la Syrie, il n’en fait pas le facteur dominant qui, selon lui, doit être politique. Renvoyant dos à dos les internationalismes « capitaliste » et « marxiste », de même que les prétentions politiques de toutes les religions, Antoun Saadé anticipe une forme très moderne de multilatéralisme.

En effet, sa « Grande Syrie », n’a rien à voir avec la construction théocratique d’un improbable « Grand Israël », ni avec le « Christianistan » de la bande à Walid Pharès, obsédée de murs et de purification ethnique… Non, la « Grande Syrie » d’Antoun Saadé, c’est l’unification progressive du Croissant fertile. À défaut de toujours servir à faire la guerre, la géographie finit par imposer aux relations internationales d’intangibles réalités. C’est ce que nous sommes actuellement en train de redécouvrir avec la fin prochaine des opérations militaires lourdes en Syrie. Les reconstructions politique et économique du pays concerneront non seulement la Russie et la Chine, mais aussi l’Iran, l’Irak, le Liban, la Turquie et d’autres pays de la région. Et cette dynamique ne sera pas sans conséquence sur les frontières des uns et des autres. Toujours est-il – comme le souligne Georges Corm – que la Grande Syrie de Saadé et sa volonté d’unification pourront inspirer les futurs faiseurs de paix…

HORS DE TOUTES CONSIDÉRATIONS D’APPAREIL

L’un des autres grands mérites du livre-événement est d’être resté en dehors de toute espèce de considération d’appareil. S’en tenant aux mémoires de Juliette, pris comme fil rouge, l’auteure a d’emblée écarté toute consultation des militants et cadres du PSNS, afin de ne prêter aucune prise aux inévitables querelles d’appareil qui ne manquent pas d’alimenter l’histoire des formations politiques.

Par contre, son travail de journaliste et d’historienne s’est évertué à vérifier et compléter le récit de Juliette en l’enrichissant de multiples archives et éclairages dont atteste une imposante bibliographie placée en fin de volume.

Régina Sneifer : « disons-le d’entrée de jeu ! La première difficulté est liée au Parti social national syrien, le PSNS, fondé par Antoun Saadé en 1932. Ce parti que Saadé a voulu comme vecteur de changement, s’est heurté à la géopolitique complexe et enchevêtrée des Proche et Moyen-Orient du XXème siècle. Enlisé dans le bourbier de la guerre du Liban où la logique milicienne et la violence avaient envahi l’espace politique, le PSNS avait l’excuse facile. Dans ces conditions extrêmes, le ciment interne s’est lentement fissuré dans une myriade de luttes concurrentielles aux conséquences désastreuses sur le devenir de cette formation auparavant très prometteuse ».

Plus loin : « il est extrêmement rare pour un parti dans cette région du monde de disposer d’une documentation aussi riche et abondante. Pourtant, je n’ai pas tenté d’éplucher la masse de ces traces. L’archive ne dit pas spontanément l’histoire vraie. Je n’aurai pas su faire le tri. Je n’aurai pas su non plus démontrer si le PSNS a mis à exécution efficacement les idées et le projet de Saadé bien que les chefs successifs du parti s’y soient référés ». Pour un livre d’une telle importance, tout va pour le mieux en le disant !

On l’a compris, prochetmoyen-orient.ch recommande chaudement la lecture et la diffusion de ce livre-évènement. Elle n’hésite pas à le classer parmi les ouvrages les plus importants des dix dernières années, pour mieux comprendre l’Orient compliqué.










vendredi 29 septembre 2023

Oran, buissons de mémoire d'un Margaillon…



Sapristi… pourquoi donc ces Espagnols d'Oranie comme tous les autres Européens implantés là-bas ont-ils oublié leur nature de Margaillons ? Que soit honni à jamais ce qualificatif de pied-noir ! Les mots ont un sens profond ; les mots qui s’incrustent dans l’usage courant dictent aussi leurs conséquences… parfois dramatiques ! Quelles sont les racines d’un pied ? Un Margaillon, lui, est indéracinable ! Il est certain que si le combat de ces Européens transplantés avait été mené en tant que Margaillons ses objectifs, ses formes, son issue en auraient été tout autres… Et aujourd’hui pourquoi leur mémoire, malgré le temps d’une sage réflexion, occulte-t-elle encore systématiquement ce souvenir de leur dénomination première, Margaillons ?… … Un Margaillon est indéracinable, quelle que soit la violence d'un défrichage il survit toujours un brin de racine au plus profond de sa terre natale…


Henri Pallès : Les Margaillons
¡Asopotamadre! dès 1862 ils étaient reconnus Margaillons, indéracinables.
Pourquoi donc, sapristi, ont-ils consenti à être chaussés de semelles de vent ?



Henri Pallès : Oran,  la Porte de Canastel



Henri Pallès : Oran, La Posada



Henri Pallès : À nos Cheminots



D'après Henri Pallès : La Fuguera a la San Juan
Como todos los años llega la noche de San Juan, donde la magia se une al fuego, donde la diversión y al superstición se dan la mano.
Y todo a las 12 de la noche. La hoguera tiene ese poder purificativo y regenerador.
Las leyendas cuentan que en los Ancares los mozos robaban la leña para hacer la “fuguera”,
y para salvarse de los maleficios de las brujas saltando por encima de la hoguera y gritando “Fuera Meigas”.

 


Oran des années 50 : Le coin de Henri Pallès


Algérie, mon pays : Santa-Cruz


Algerie mon pays : Oran



Cliquez ici pour agrandir le plan


Arrondissements et quartiers d'Oran



Lien de téléchargement des quartiers et rues d'Oran, anciens et nouveaux noms :
https://www.guideoran.com/index-des-rues-quartiers-oran/index%20oran.pdf

Algérie Cartes Postales Anciennes


Plateau Saint-Michel - 29 rue d'Assas, angle rue Bichat [juin 2007]


Plateau Saint-Michel - 29 rue d'Assas, en face bd Sébastopol et ancienne épicerie Benizri [juin 2007]


Plateau Saint-Michel - 29 rue d'Assas, dépendances de l'Hôpital [mars 2006]

Plateau Saint-Michel - rue Bichat, face au 29 rue d'Assas [juin 2007]



Plateau Saint-Michel - Carrefour Sébastopol-Dutertre, au fond l'Hôpital civil,
sur la gauche immeuble de 5 étages dont 2 surélevés : 29 rue d'Assas [février 2007]



L'entrée de l'Hôpital civil, tout au bout du boulevard Sébastopol, visible depuis ma fenêtre du 29 rue d'Assas



Rue El-Moungar, où je vis Oran pour la première fois… au n° 20, clinique Jarsaillon (maison à droite),
tout près du Lycée… et prêt à m'embarquer dans un car de la Sotac vers les plages…
l'immeuble en face, à gauche, abritait dans les années 50 un bar, le Coq Hardi…
Cette rue El-Moungar est devenue aujourd'hui rue des Sœurs Ben-Slimane, tout comme la clinique.



Clinique Jarsaillon… on a gagné un étage !



La rue El-Mougar aujourd'hui, qu'est devenue la clinique Jarsaillon ?…



Le marché du Plateau Saint-Michel…
vibrants souvenirs de ce qui était alors pour moi une belle promenade avec mon grand-père








Promenade de Létang
Créée en 1836 par orgre du Général de Létang, commandand de la Région d'Oran
sur l'emplacement des glacis nord et ouest du Rozalcazar (rebaptisé Château Neuf)
Site historique par ordre du Gouvernement général du 23 juillet 1952

Promenade de Létang
(déjà, à une époque ancienne l'on se méprenait quant à la graphie du nom)




Face au lycée Lamoricière, la Banque de l'Algérie…
(angle boulevard Galiéni et rue El-Moungar)


"Prélude d'amour", œuvre de Charles Valton, 1886
Amours contrariées…
Œuvre offerte en 1935 par la ville de Paris à la ville d’Oran lors de l’inauguration du musée Louis Demaeght…
initialement jouissant de la paix des jardins du musée, non loin du Penseur de Rodin,
ces amours ont été envoyées errer à travers la ville,
au jardin public puis au boulevard du Front de Mer, square Lyautey ;
la dernière fois elles ont été aperçues semble être en face du lycée Lamoricière, devant la Banque de l’Algérie…

Le lycée Lamoricière
L'horreur de l'enfermement
La confrontation aux imbécilités de la promiscuité



Librairie Claude Manhès, galerie Gabriel Pérez, boulevard Georges Clémenceau face au Prisunic



Le Clichy : rendez-vous de certains lycéens, le jeudi après-midi… pour un lait fraise !
(angle rue d'Arzew et rue Lamoricière)


École de garçons Berthelot, rue Daumas : l'entrée au fond de la photo, à droite


Copain d’avant… Jusqu’en juin 1951 enfance heureuse, tout en haut de la rue d’Assas, au 29 à l’angle du boulevard Sébastopol… Ma famille a quitté Oran pour Fleurus, dès lors j’ai perdu contact avec tous mes copains du Plateau, entrant en 6ème et interné au lycée Lamoricière ; ne fréquentant plus à Oran que le quartier de mes grands-parents paternels, Saint-Eugène - dont mon grand-oncle avait fondé l’église…
Perdu de vue tout mon entourage d’enfance du Plateau… J’avais parmi eux comme copain de classe, à l’école Berthelot, Houari Ferhaoui ; également copain de jeu en tant que proche voisin. Il habitait chez ses parents boulevard Sébastopol, un petit immeuble entre la rue Bichat et la rue Dutertre…
Houari Ferhaoui a sans doute ensuite fréquenté, comme la plupart des enfants du Plateau, Ardaillon… Je crois savoir qu’il y a animé une cellule FLN avant, sur le point d’être démasqué, de s’engager dans un maquis de l’ALN dans la région de Mostaganem où il aurait été tué vers la fin 1956… C’est à ce titre qu’un de mes lieux familiers, la place Hippolyte Giraud aurait été rebaptisée Ferhaoui Houari… Je n’en sais pas plus. Mes connaissances en arabe ne me permettent pas de recherches plus approfondies…
Peut-être que d’anciens d’Ardaillon et proches du plateau Saint-Michel à cette époque-là en savent davantage sur les faits auxquels Houari Ferhaoui a été mêlé…
Démarche incongrue jugeront certains… Il s’agit simplement pour moi d’en savoir plus sur un copain de classe et de jeu à une époque où nous étions à des années-lumière de penser qu’un jour la barbarie des adultes nous séparerait…

Un copain de classe à l'école Berthelot  et de jeu lors de mon enfance au Plateau Saint-Michel à Oran : Houari Ferhaoui [فرحاوي الهواري]   (accéder aux pages 103, 104)



La place Hippolyte Giraud, premier maire d'Oran, désormais Ferhaoui Houari…
Photo prise sur la place à l'angle de la rue d'Assas,
au fond tout à gauche on distingue la maison de mon enfance, 29 rue d'Assas…


La place Hippolyte Giraud et sa pharmacie, celle de mon enfance


Au cœur du Plateau Saint-Michel, la place Hippolyte Girayd et la pharmacie Saint-Michel…
Venant du haut  haut de la rue d'Assas, sur le chemin de Berthelot,
à droite le boulevard Lescure et l'intersection avec la rue Daumas…








28 octobre 1949, une date repère dans mon enfance






Itinéraire familier…
l'escalier de la Gare signifiant le passage du Plateau Saint-Michel vers le pont Saint-Charles puis Saint-Eugène


Le pont Saint-Charles



Église du Saint-Esprit, place de la Bastille




Venant d’Assi-Ameur on est ici à la sortie du village de Fleurus,
à droite route vers Saint-Cloud, à gauche route vers Legrand et Saint-Louis.
La liaison entre Oran et Fleurus était assurée par les Transports Angelotti



Schéma des rues de Fleurus
La photo ci-dessus a été prise depuis le jardin public, à l'extrême est du village
Nous habitions une ferme située le long d'un canal, accessible depuis la route de Saint-Cloud (hors plan)…
(Vivaient à Fleurus deux familles de même nom, dont la mienne venue tardivement et dont la fiche qui pourrait vouloir la concerner est totalement erronée.)



À l'angle du square Garbé et de la rue de Mostaganem,
le bureau des cars Angelotti, 13 rue de la Paix








En bordure du square Garbé on aperçoit un des cars Angelotti garé au départ de Saint-Louis.
En face, au coin opposé, le 13 rue des Lois et les bureaux des Transports Angelotti.









Une vue aérienne de la cathédrale et ses alentours… À gauche la rue des Lois, de notre époque il y avait les cars Chaussons pour voyageurs vers Arzew et Kristel, au n°13 les Transports Angelotti vers Saint-Louis et Saint-Cloud. En face la cathédrale, place Jeanne d'Arc, le boulevard du 2ème Zouaves et en perpendiculaire la rue Ozanam où se trouvait le Crédit municipal. En diagonale le boulevard Magenta et le square Garbé, à droite la rue Drago le palais de justice, la perpendiculaire à gauche du 2ème Zouaves, le boulevard Clemenceau.  Tout en haut la gendarmerie, la rue Montesquieu.

Le Square Garbé porte le nom de Charles Théodore Vicomte Garbé, secrétaire général et préfet de 1845 à 1850, puis conseiller général et maire d’Oran de 1867 à 1868. Le square Garbé où la fédération radicale avait son siège fut débaptisé en 1946 pour prendre le nom de Square Gandolphe, éminent avocat, bâtonnier d’Oran de 1924 à 1927, puis exerçant un poste à titre d’intérimaire entre 1940 et 1943, Gaston Gandolphe fut une figure importante du Parti socialiste. Après l’indépendance, deviendra Square Thuveny en hommage à maître Alphonse-Auguste Thuveny, un avocat français qui fut assassiné au Maroc le 28 novembre 1958 pour avoir défendu les nationalistes algériens. Cet avocat apporta dans les années 1950 son assistance au Comité d’avocats algériens qui défendait les membres de l’Organisation secrète (OS) algérienne.

 

Le Margaillon (Chamaerops humilis, buisson nain), une appellation dont seuls se souviennent les Oranais !

Le Margaillon 0ranais, 31 juillet 1919 (source : Gallica)


Le Margaillon 1934

Margaillon ? Tamazight de l’Atlas blidéen : palmier nain ou palmier doum (chamærops humilis)…

Oran, mémoire du temps jadis

Algerie mon pays : Oran

Jean-Yves Thorrignac : Algérie

Jean-Yves Thorrignac, Jean-Claude Rosso : Villes et villages d’Oranie

Denis Dar : Algérie

Christian Saulnier : Blog des anciens de Lamtar et des villages voisins (Sidi-Bel-Abbès)

Algerie, mes racines

Oran des années 50

Oran jadis

Histoire d'Oran

Fleurus d'Algérie (1848 - 1962)

Album photos du vieil Oran وهران

Index des rues et places d'Oran (pdf)

Portail d'Oran

Études-Coloniales : source de très nombreuses références

Cercle algérianiste : 5 juillet 1962 à Oran, la liste des Disparus

Benzaken : Oran, la ville de mes ascendants (une famille juive à Oran)

Jean Boisard, cœur de Harki… chronique de notre agonie…
(nombreuses références concernant l'histoire d'Oran)

Le café Gros, Foix : les destins croisés des Fieuzet
Oran, 12 décembre 1950 : accident de l'AVRO " ANSON "n° 37
http://remylaven.free.fr/Relais_site_Nordnet/Crash.htm



12 décembre 1950 – Au retour d’un vol d’entraînement, un AVRO Anson I de l’escadrille 56.S (s/n LT837 – 56.S-37) survole la ville d’Oran avant de regagner sa base de Lartigue. A la verticale du quartier du plateau Saint Michel, il est victime d’une rupture de la cellule et se désintègre littéralement en vol. Ce qui reste du fuselage s’écrase sur un garage heureusement inoccupé. Il n’y a aucun survivant parmi l’équipage qui était constitué des SM1 mécanicien volant Communardo, Gaston Accili, PM radio volant, instructeur Louis, Édouard Daumont, SM2 pilote Robert, Jean, Raoul Duval, Mot2 armurier d’aéronautique Lyonel, Lucien, Paul François, QM1 élève radio volant Marcel, Jean, Yves Fustec, Mt élève radio volant Pierre, Gaston, Jean Hamelin et SM2 élève radio volant Robert, François Le Porchou.

Pr. F. Mohamed Brahim : Histoire de l’Hôpital civil d’Oran, devenu CHU docteur Benzerdjeb

L’Algérie d’Apollinaire (première partie)

L’Algérie d’Apollinaire en 2017 (seconde partie)

L’Algérie d’Apollinaire : L’histoire d’un vieux quotidien et d’un vieil hôpital oranais (épilogue)

Le témoignage de Bachir Hadjadj : « les voleurs de rêves »

Bachir Hadjdadj [site personnel] : Les Voleurs de rêves, 150 ans d’histoire d’une famille algerienne.

Bachir, Héliette et les autres : mémoires de la guerre d’Algérie
 
Sofiane Taouchichet : La presse satirique illustrée française et la colonisation (1829-1990) [pdf]


Rue des Jardins, à gauche escalier vers rue de l'Aqueduc


































Oran, rue Jacques… cinéma Century, dernière aventure…



Teddy Alzieu - Mémoires en images : Oran



Avenue de Saint-Eugène, villa Delanoë




La Société de Géographie et d’Archéologie d’Oran : le cas d'une "société savante" tant en rupture qu'en continuité d’une tradition associative… 


*    *   *

  Comment Franco sauva des milliers de "Pieds-noirs" abandonnés par la République au FLN

Jo Torroja, avant son entrée dans un commando OAS à Oran évoquait ces actions : « Depuis plusieurs jours, de fortes explosions se font entendre dans le silence de la nuit et les commentaires vont bon train : ce sont les premières actions d’une révolte populaire, européenne cette fois. Il y a des groupes organisés, mais beaucoup d’initiatives personnelles. Tout ça fait beaucoup de bruit, et les journaux commencent à parler de ‘‘commandos’’ européens. »

… … « Trente-cinq ans, oui trente-cinq ans que le sillage du dernier bateau quittant les rives de notre belle province, s'est effacé dans la douleur et la honte. Douleur d'abandonner notre terre, nos souvenirs, nos morts ; honte d'avoir dû plier devant une Métropole Gaulienne, trompée par le parjure et la trahison. » Alors que tant d'ouvrages, certains admirables, d'autres ignobles, ont tenté de nous transmettre leur vision de l'OAS, peu d'écrivains ont eu la sagesse d'attendre que les passions soient apaisées et qu'éclate enfin, l'exactitude de l'Histoire. Ce n’est que trente-cinq ans après, trente-cinq ans de réflexion, soit seulement en 1977, que Jo Torroja a cru pouvoir s’exprimer. Dans un récit dont l'émotion bien souvent nous conduit aux larmes, il nous fait revivre ces 14 mois héroïques que furent les combats de la résistance française en Algérie. Dans une langue simple, un style typiquement de là-bas, il nous guide à travers d'authentiques faits d'armes, jusqu'à la frustration extrême, celle de ne pas avoir risqué avec lui "notre peau au bout de nos idées" comme l'a si bien écrit Pierre Sergent. « Oui, j'étais de l'OAS, écrit-il, ici lecteur, tu souffriras peut-être de ne pouvoir dire, toi aussi : "Moi aussi, j'en étais !" »
Malheureusement son premier ouvrage, encore présent dans quelques fonds de bonnes bibliothèques reste aujourd’hui introuvable : « D'agneau à... loup : O.A.S.- Oran, mai 1961-juin 1962 » publié aux éditions Industrias Graficas Espana, 1977.

Puis ce fut l'agonie…

Le départ des Oranais secourus par la Marine espagnole, le 30 juin 1962

Le 12 juin 1962, l'officier qui commandait la garnison de Nemours venait m'apprendre que ses hommes, fusiliers marins, les harkis qu'il commandait, se mettaient à notre disposition pour défendre Oran. Donc j'y ai cru, convaincu qu'on allait se battre quand même.

Le 25, il y eut un court-circuit au central téléphonique, provoquant qu'Oran se trouvât totalement isolée de la France, de l'Europe. J'étais en contact avec le consulat général d'Espagne, car alors toutes les communications du gouvernement espagnol passaient exclusivement par l'armée, et Madrid avait décidé de faire évacuer ses ressortissants.
L'Espagne avait demandé l'autorisation à la France d'envoyer des bateaux. La France refusa, comme elle l'avait déjà fait aux États-Unis, à l'Italie et à la Grèce. Paris ne voulait pas qu'on puisse croire qu'un vent de panique s'emparait de la population, et désirait maintenir des lignes régulières et tranquilles. Le gouvernement espagnol, malgré cela, envoya donc deux transbordeurs qui faisaient d'ordinaire le parcours Barcelone - Palma de Majorque : le Vírgen de África et le Victoria. Ces deux navires arrivèrent le 24 ou le 25 au large d`Oran, mais l'entrée du port leur fut refusée. Sur les quais du port s'étaient déjà accumulés des gens en provenance de Relizane, de Dublineau, de Mascara, arrivés en convois avec leurs camions chargés de meubles, et des camionnettes protégées par l'armée. Ils aboutiront sur le port face à l'usine thermique où il n'y avait ni points d'eau, ni toilettes, et rien pour s'abriter. Il faut organiser un campement afin de dormir à même le sol ou dans les voitures.
La majorité des ressortissants espagnols qui n'ont pas fui en convoi n'arriveront jamais au port. 0n les aura arrêtés sur la route en les dépossédant de tout, et souvent en les assassinant. N'ayant plus de liens directs avec l'Espagne, car leurs ancêtres l'avaient quittée une centaine d'année avant, et n'étant pas non plus recensées par la France, ils n'apparaitront nulle part recensés comme victimes. Et elles furent nombreuses.

Le 27, le gouvernement espagnol insiste pour faire rentrer ses bateaux. Nouveau refus. Je savais tout ça par le biais du consulat général d'Espagne, ainsi que de l'Armée, car nous avions un officier qui nous passait tous les messages confidentiels.
Le 27 également, les bateaux demandent la permission d'envoyer une chaloupe pour acheter des vivres pour les équipages, car tout avait été prévu en principe comme un rapide aller-retour. Permission accordée et les embarcations quittent les navires, toujours situés en eaux internationales, afin de mener à bien l'opération de ravitaillement.

Le 28, même statut quo.

Le 29, ça change, car le gouvernement espagnol, exaspéré de voir la France lui refuser l'entrée des navires alors que près de 3 000 ressortissants se trouvent bloqués sur les quais, décide de mettre la marine de guerre et l'aviation en branle-bas de combat.
Ainsi, le vendredi 29, à 16 heures, deux bâtiments de guerre lâchent le port de Carthagène et se dirigent vers Oran. L'aviation militaire elle aussi, basée à San Javier, près de Murcie, est mise en état d'alerte.

Le 30 au matin, c'est-à-dire la veille même de l'indépendance ; le gouvernement français qui a été informé que les bateaux de guerre se dirigent sur Oran, et que l'option militaire a été choisie par Madrid, décide alors d'accorder l'autorisation aux bateaux espagnols de pénétrer dans le port à 10 heures du matin. À 13 heures, les deux transbordeus accostent sur le quai, et on nous annonce une grande nouvelle ! Nous pourrons embarquer les voitures, car nous étions tous convaincus qu'il faudrait les abandonner et partir seulement avec les deux valises réglementaires. La plupart sont des valises en carton, avec des ficelles car les serrures ne tenaient pas, et elles nous serviront pendant quelque temps de table de salle à manger.

Donc, dès 1 heure nous voilà en train d'embarquer vu que les deux navires peuvent nous recevoir avec nos nos biens.
Après un strict contrôle d'identité, les CRS fouillent les voitures et tout ce qui est emballé. On a peine à comprendre un tel zèle car, de toutes manières, les bateaux ne se dirigent pas vers la France mais vers l'Espagne. Mais les ordres sont les ordres, et on passe au peigne fin même les berceaux des enfants. Finalement, on nous laisse tous embarquer.

C'est alors que les CRS prétendent monter à bord car, soi-disant, il y aurait des membres d'une certaine organisation qui auraient embarqué. Le capitaine, sur la passerelle, ainsi que le vice-consul, s'opposent à ce que les CRS montent à bord. S'ensuit un moment de forte tension en attendant que les CRS, après avoir contacté leur commandement en ville, admettent que le capitaine du navire est dans son droit de refuser leur entrée, vu que les bateaux sont assimilés à des territoires espagnols.
Les CRS se retirent alors, on enlève les passerelles et on lève les amarres, et nous partons. Il est 4 heures de l'après-midi, et dès que nous arrivons dans les eaux internationales, les navires de guerre nous escortent et nous voguons vers l'Espagne.

L'aviation espagnole nous survole plusieurs fois. Nous parvenons à Alicante vers deux heures du malin. Les Alicantins nous attendent avec la Croix Rouge aux multiples attentions et soins, offrant boissons, sandwichs, port de valises, et prêt d'argent aux plus démunis. Bref, un accueil aussi extraordinaire que surprenant...

Jo Torroja : Algérie - Alicante 1962-2012; Mémoires d'un exode: Juan Ramon Roca - RVF Autores-Editores

Épisode honteux pour un pouvoir gaulliste pour qui la vie des Français d'Algérie importait très peu: c'est d'Espagne qu'est venu le salut pour ces Oranais que le pouvoir voulait abandonner en victimes expiatoires, au couteau des assassins. Cela se vérifiera le 5 juillet.



rapporté par Jo Torroja sur Calaméo


Alfred Salinas : Oran l’Andalouse, terre d’asile

Rudy Chaulet et Olga Ortega, « Le rachat de captifs espagnols à Alger au XVIe siècle. Le cas de la rédemption de Diego de Cisneros (1560-1567) », Cahiers de la Méditerranée 87/2013

Récits d’Orient dans les littératures d’Europe, XVIe-XVIIe siècles
Anne Duprat (dir.), Émilie Picherot (dir.), 2008
Alexandra Merle : D’une captivité l’autre - Récits de captifs espagnols à Constantinople et à Alger au Siècle d’or page 161
Jeune homme de modeste condition, Diego Galán, à l’âge de 14 ans, quitte un beau jour sa ville natale de Consuegra, mû par le désir de voir le monde. Nous sommes sous le règne de Philippe II, en 1589. Le jeune Diego, en parfait béjaune, se laisse presque aussitôt recruter dans une compagnie de soldats qui s’embarque pour Oran où les Espagnols ont une garnison, mais après avoir quitté Málaga, leur embarcation est prise par huit galiotes d’Alger dont le capitaine est un renégat albanais, « Harrahut Mami » - Mami Arnaut, personnage bien connu, mentionné notamment dans la liste des raïs d’Alger…
[M.A. de Bunes et Matías Barchino (Biblioteca del Real Monasterio de El Escorial, 2001) : Relación del cautiverio y libertad de Diego Galán, natural de la villa de Consuegra y vecino de la ciudad de Toledo.]

Gaston-Jean Miane : L'Afrique du Nord, ma terre natale, Mémoire de Notre Temps - Les Éditions de Fossillon
(l’Histoire de l’Afrique du nord en 3 tomes, pas celle que l’on apprend à l’école actuelle et par les médias)
tome 1 - De la nuit des temps à la reddition d’Abd el Kader 325 pages
tome 2 - De 1847 à 1958 : des espoirs au désespoir 355 pages
tome 3 - De 1958 à 1962 : le temps des reniements 310 pages

Jean Yves Thorrignac : Algérie, ma mémoire

Juan‑David Sempere‑Souvannavong et Mariana Dominguez Villaverde : La mobilité des "Pieds‑noirs" entre l’Espagne et la France depuis 1962

Juan David Sempere Souvannavong, Universidad de Alicante : Los “Pieds-Noirs” en Alicante, las migraciones inducidas por la descolonización [pdf]

Opération Cisneros

Oran, Franco et l'opération Cisneros

Alfred Salinas Chercheur-écrivain

https://www.facebook.com/alfred.algarra.9

Alfred Salinas Bibliographie L'Harmattan

https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=auteurs&obj=artiste&no=9973


 




"L'Algérie, l'empreinte espagnole"
a été honoré du Prix littéraire algérianiste Jean Pomier 2023.
¡Enhorabuena!
Alfred Salinas qui a vécu son enfance à La Calère d'Oran près de la place de La Perle
recevra son prix lors des manifestations du cinquantenaire du Cercle algérianiste,
au Palais des Congrès de Béziers le dimanche 22 octobre 2023 à 10 heures 30…


Opération Torch

Opération Torch… Souvenir de cette tante handicapée par un éclat d’obus reçu au niveau de l’articulation acromio-claviculaire… C’était le 10 novembre 1942… Mes grands-parents demeuraient dans une maison à rez-de-chaussée surélevé donnant sur l’avenue de Saint-Eugène, face aux moulins Delanoë. J’étais chez eux, alors que ça guerroyait contre l'entrée des Yankees dans la ville… Cette tante, très attentionnée, me prit dans ses bras (j’avais alors à peine deux ans) pour m’inviter au spectacle sur le balcon. Furieux houspillage de ma grand-mère. Elle me ramène à l’intérieur. Immédiatement ressortie, elle chope un éclat d’obus dans le haut du bras dans lequel elle me portait peu avant. Une infirmité qu’elle aura gardée jusqu’à la fin de sa vie… C’était l’Opération Torch ! Je peux avoir quelque raison bien ancrée de devoir m’en méfier et de ne pas beaucoup ‘les’ aimer, ces Yankees. Une vraiment saine et bonne raison vitale ; pas une mesquine friction d’orgueil chiffonné comme un certain DeGaulle ! j’étais bien là ; pas scrupuleusement tenu à l’écart, ignoré…

L’enfance, ça a sa notion du temps bien à elle… En farfouillant sur la Toile je découvre qu’une de mes sœurs, plus jeune de pas même six ans, aurait fait en 2012 un voyage en Oranie vers le bled où elle a vécu. Et que récolte-t-elle, l'innocente ? Une unique et mesquine photo, celle d’une dalle de béton oubliée dans un des campements des troufions yankees de l’Opération Torch ! et dont l’authenticité serait attestée par une vulgaire inscription en anglais… découverte arrosée d’un savant gouglimatias. L’Archéologie tutoie parfois des sommets. Une photo qui m’a surpris, voire choqué d’autant plus que c’est la seule à ma connaissance qu’elle aura rendue publique à son retour ! Ma sœur, aujourd’hui décédée, avait six ans de moins que moi… c’est fou ce qu’une telle différence d’âge est importante dans l’enfance et dans ce qu’elle imprègne dans les mémoires…

Le bled c'est Fleurus, aujourd'hui devenu Hassiane Toual. La fameuse inscription figure sur l'une des quatre marches qui menaient à un podium sur lequel avait été scellée une plaque de bronze comprenant un planisphère et un aigle américain dominant le monde - déjà ! Cette inscription faite en 1944 voudrait commémorer le débarquement du 8 novembre 1942 à Oran et Arzew. "… STAGING AREA … B.N. … JAN. 1944" soit "… Zone de Rassemblement des Bataillons … janvier 1944". Toute l'histoire de Fleurus serait là résumée ? par cette référence à cette Opération Torch qui marqua le début de la mainmise yankee sur l'Europe et pour l'Oranie la fin de l'Opération Cisneros et des prétentions de l'Espagne sur la région…


 

Les Américains en Algérie

"Les Compagnons du 8 novembre"

Conférence d'Alfred Salinas du 29 novembre 2022 (après-midi) à Paris (Invalides) :
"L'état d'esprit des musulmans d'Algérie face à la présence américaine 1942-1945"
La lecture des archives des principales agences d'Intelligence américaines (Psychological Warfare Branch, G-2 de l'état-major d'Alger, JICANA-Joint Intelligence Collection...) suggère une vision renouvelée des rapports qui s'établirent pendant la période 1942-1945 entre la population musulmane d'Algérie et la présence des Américains.
Les documents contenus dans ces archives laissent apparaître le jeu équivoque et manipulateur des Américains dont le sentiment anticolonial donnait au courant nationaliste des raisons d'espérer en la création à brève échéance d'un Etat algérien indépendant.
Mais ce ne fut que dérobades et illusions, poussant les nationalistes sur la voie de la radicalité.
Ma conférence se déroulera dans le cadre du colloque international organisé par "Les Compagnons du 8 novembre" les 28 et 29 novembre 2022.

Colloque les compagnons du 8 Novembre 1942 - 28 novembre 2022, son enregistrement sur Youtube


Fraternisation entre musulmans d'Oran et un G.I, novembre 1942
(source Associated Press),


Casbah d'Alger est placée "off limits" (interdite d'accès aux soldats américains).
Des PM (military police) veillent au respect de l'interdiction, avril 1943.
(source : archives Ivan Dimitri)






Histoire d'Oran