Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits… on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.…
Tartous… notre dernière étape avant de retourner à Damas… En route nous nous serons longuement arrêtés aux monastères de Mar Yakub à Qara puis de
Deir Mar Moussa al-Habashi aux environs d'An-Nabk, dans le désert syrien… Sans oublier les délicieuses pâtisseries pour la route de chez "Abo Alezz"…
Tartous, ayons une pensée toute particulière pour l'Armée russe…
Goûtons au plaisir de la Méditerranée, des eaux à la température encore fort agréable en ce mois d'octobre, des restaurants accueillants leurs poissons et fruits de mer… Une atmosphère de fête familiale en ce début de week-end… Les hôtels affichent complet… C'est la première fois que nous le constatons depuis ces dernières années… pas même en plein mois d'août nous n'avions rencontré une telle affluence. Manifestation que la vie reprend, intensément… Tourisme domestique, une foule syrienne vivante joyeuse partout sur la plage, les restaurants… Orchestres qui feront danser la jeunesse, et beaucoup de bien moins jeunes, jusqu'au petit matin…
Notre hôtel habituel, en plein cœur de la ville est complet. Il nous faut nous résoudre à aller un peu à l'extérieur… Un endroit plus populaire, des familles entières des petits enfants aux grands-parents sont venues profiter du soleil et de la mer… Nombreux cars de tourisme, qui repartiront dès la fin du week-end… Si nous sacrifions au confort, notre bonheur ne sera que plus grand proche de la vie de ce peuple en vacances…
Dès notre arrivée à Tartous nous entrons dans la fête… Rues désertes. L'évènement, un match de foot… Les gens sont tous à la maison ou dans les cafés devant la télévision… Notre chauffeur, impatient nous arrête d'autorité dans un de ces cafés… Déjà sur la route nous avions eu droit à un pieux mensonge : je ne sais plus quel problème l'appelait d'urgence. Peu compatissants nous avions traînaillé, à notre arrivée c'était presque la fin du match… mais moment hautement important, le plus important peut-être de toute la rencontre. La Syrie menée 1 à 0 devant l'Australie venait d'obtenir un pénalty… Nous étions arrivés à point pour assister au tir de ce pénalty par le nº 9 syrien… Égalisation 1 à 1. L'espoir était revenu dans le camp syrien. Si le match d'aujourd'hui plutôt que de se jouer en Syrie comme l'aurait voulu l'équité du sport - embargo et toutes autres méchantes mesquineries obligeant - se jouait en Malaisie, le match retour pour la qualification à la Coupe du monde 2018 se ferait en Australie… L'espoir demeurait…
Le nº 9 syrien prêt à tirer le but égalisateur… et porteur d'un immense espoir !
En d'autres circonstances qui parmi ces spectateurs se serait intéressé à un match de foot ? La solidarité avec un peuple revêt parfois des aspects inattendus…
En fait nous assistions plus qu'à un simple match de football… Ce match de football était l'occasion d'une monstrueuse démonstration de cohésion nationale. Ce jour-là la Syrie unanime était derrière ceux qui face à la Planète entière les représentaient… - Invité dans une famille syrienne repliée de Maaloula dans le quartier de Bab Charqi à Damas je vivrai en communion avec ce peuple le match retour -… Cet espoir revenu devait s'exprimer jusque tard dans la nuit par de spectaculaires manifestions de joie dans toute la ville de Tartous… et certainement partout ailleurs en Syrie…
Qui pourra m'expliquer pourquoi ?… en Syrie c'est toujours la fête !
Levé tôt le matin malgré une courte nuit ce sera une promenade sur la plage pour assister au coucher de la Lune, encore pleine… Des visites sont encore prévues pour cette journée… Mais en cette fin de voyage nos pensées seront davantage orientée vers la réflexion… Que nous a enseigné cette nouvelle rencontre avec le peuple syrien de plus que les précédentes ?
Au petit matin à Tartous la Lune s’en va se coucher, en même temps que les derniers noctambules de cette fin de semaine..
Promenade solitaire matinale, moment propice à la réflexion…
Un centre hôtelier populaire encore endormi…
Le hasard - mais y a-t-il vraiment hasard quand on sait choisir ses sources pour ne retenir que les seules pertinentes ? -, les circonstances, donc, ont voulu que je tombe sur le témoignage d'un Américain qui, avec un autre groupe, a séjourné en Syrie dans la même période, début octobre…
Cet Américain, Brandon Turbeville, est venu en Syrie plusieurs fois depuis ces six dernières années, un bonus certain par rapport à nous qui n'avons commencé à fréquenter la Syrie en guerre qu'à partir de 2015… Mais j'ai immédiatement été séduit par les premiers mots de son récit… Aucune fanfaronnade, aucun mystère sur d'obscurs informateurs… Pour Brandon Turbeville venir en Syrie c'est d'abord un plaisir… Je renchérirai : quiconque ne se fait pas d'abord un plaisir de rendre visite à la Syrie n'a rien à y faire ! Les informateurs et les guides de Brandon Turbeville ? Tout simplement le peuple syrien, le hasard des rencontres, des inconnus…
Réception à la préfecture - ici de Tartous - mais combien plus édifiantes auront été les rencontres au hasard, avec des inconnus !
La reine Zénobie, hall de la préfecture
Salle de réception de la préfecture
Suivant à peu près le même itinéraire que le nôtre - Damas, Alep, Homs, Tartous et de nombreuses places intermédiaires - Brandon Turbeville constate qu'aujourd'hui le plus important à retenir de son voyage ce ne sont ni l'architecture ni les paysages mais ce sont les gens eux-mêmes…
"… Le peuple syrien est l'un des peuples parmi les plus accueillants, amicaux et humains qui soient au monde. Dès le premier instant de l'entrée dans le pays, nous avons été accueillis par des soldats syriens qui, pratiquement à chaque check-point, nous ont souhaité la bienvenue en Syrie… Puis Damas où le peuple syrien nous a manifesté sa fameuse hospitalité. Partout où nous sommes allés pour la totalité de notre visite, nous avons été accueillis par des « bienvenue en Syrie », émanant de soldats, de simples passants dans la rue, d'entrepreneurs, bref de tous ceux avec qui avons été en contact. Des bienvenues franchement authentiques. Partout tout le monde était manifestement content et se sentait étrangement honoré que des étrangers visitent aujourd'hui la Syrie. Beaucoup ont exprimé leur bonheur que les touristes retournent en Syrie après six années de guerre. Un signe que les choses reviennent lentement à la normale."
Exactement ce que nous avons écrit, sous une forme ou une autre tout au long des articles relatant ce huitième voyage de solidarité avec le peuple syrien…
Brandon Turbeville insiste ensuite sur les idées fausses que se font les Américains à propos des Syriens, les confondant souvent avec les Saoudiens et leur obscurantisme… Qu'en est-il du peuple français ? En dénonçant la presse américaine - CNN, MSNBC -, sa propagande, ses mensonges, Brandon Turbeville n'hésite pas à qualifier leurs productions de "bullshit", que je ne saurais pas vraiment traduire en français ! Tout en sachant qu'il en est de même pour les vomis - "bullshit" - du PAF, du Monde, du Figaro, sans oublier Libération et autres torchons gavés de subventions publiques qui osent encore parler de guerre civile en Syrie et d'un président qui "bombarderait son peuple"… L'expression "bon boulot" en parlant des exactions des terroristes "mandataires américains des cavernes" semblant n'avoir pas dépassé le périmètre médiatique français…
Ali amputé des deux jambes, son épouse et leur enfant… construire courageusement ensemble une famille malgré le "bon boulot" des amis de la France ou - qui sait ? - des "mandataires américains des cavernes"
Brandon Turbeville porte également un regard sur les femmes syriennes…
"Pour dissiper quelques-uns de ces mythes qui auraient dû être dissipés il y a longtemps, il vaut peut-être la peine de mentionner que la représentation traditionnelle du Moyen-Orient (femmes couvertes, sauvagerie et décapitation) est plus proche de la réalité de l'Arabie Saoudite. La Syrie a des déserts à coup sûr, mais elle a aussi des montagnes, des zones verdoyantes, des régions côtières et des lacs. Les femmes peuvent conduire, voter, occuper des fonctions publiques et faire pratiquement tout ce qu'un homme peut faire en Syrie si elles le désirent. Les femmes ne sont pas couvertes. Promenez-vous dans les rues de Damas ou de toute autre grande ville et vous rencontrerez de très nombreuses femmes non couvertes portant jeans serrés et débardeurs. Nulle police religieuse pour les traquer. L'État syrien est authentiquement laïc et impose la laïcité tant dans la loi que dans sa politique. La liberté religieuse s'applique aux musulmans, aux juifs et aux chrétiens."
À propos des interdits religieux ailleurs imposés Brandon Turbeville rappelle qu'en Syrie vente et consommation d'alcool sont libres. Qui n'en a pas profité et dégusté son arak tout en dînant ?
Des reconstructions, mais aussi une activité artistique jamais interrompue
Ensuite Brandon Turbeville parle longuement de la formidable capacité de résilience du peuple syrien, et partout au-delà de ruines qui ne seront bientôt que mauvais souvenir d'un passé révolu, des reconstructions… La Syrie est désormais un pays farouchement et de toute son énergie en reconstruction… Tel est l'essentiel de ce que nous avons pu observer tout au long de notre séjour - l'Américain Brandon Turbeville également…
Une dorade à Tartous... moment aussi de solitude et de réflexion…
Le week-end est fini, tard dans la nuit les cars ramèneront les dernières familles encore là à la maison… Demain sera une nouvelle journée de travail pour ces Syriens, comme pour tous les autres peuples.
Dernière journée hors de Damas, demain soir départ vers Beyrouth pour la plupart… Ce retour vers Damas - comme lors de tous nos précédents voyages, de jour ou qu'il fasse déjà nuit - n'échappe pas à une halte à Qara, en bord de route… Centre majeur d'intérêt, une pâtisserie… Comme l'annonce l'enseigne nous sommes chez "Abo Alezz" [أبوالعز]… Pâtisseries à consommer sur place… et une fois que l'on y a goûté achat irrésistible afin de prolonger le plaisir jusqu'après notre retour à la maison… Quelques commerçants aussi, tapis, peaux de mouton…
Intense animation… Voyageurs, mais aussi hommes armés en habits de combat… L'enseigne d'Abo Aleez nous dit, en y prêtant davantage attention, que l'établissement est tenu par des chiites… Ces hommes sont des combattants du Hezbollah… En pick-up ou en moto… Deux hommes venus ici pour quelques achats sont particulièrement remarqués… Ils sont sur le départ… Calmes, souriants… Une Kalachnikov affectueusement serrée près du corps, ils enfourchent une moto étincelante de chrome, la selle agrémentée de la douceur d'une peau de mouton… Ils ne peuvent que susciter attention admiration respect d'étrangers de passage… Tentation de photos, contre laquelle pas de résistance possible… Superbe indifférence des combattants face à ce mitraillage… Alors que partout ailleurs il y a prescription absolue de photographier un militaire - tout au moins sans son autorisation - doit-on voir dans cette impassibilité une belle assurance de combattants ne craignant plus rien ?…
قارة أبوالعز - Abo Alezz
Des pâtisseries mais aussi eau et autres boissons toujours servies avec le sourire…
Un grand choix de délicieuses pâtisseries à emporter
Tapis et peaux de mouton
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Autres étapes du 8ème voyage de "solidarité avec le peuple syrien" de la Communauté syrienne de France, octobre 2017
Avec la Communauté syrienne de France, venant de Tartous, nous arrivons à Qara 80 km avant Damas, au sud de Homs près de la frontière libanaise aux environs de Baalbek…
Sœur Claire-Marie nous souhaite la bienvenue au monastère de Mar Yakub…
Qara… Sœur Claire-Marie nous souhaite la bienvenue au monastère Saint-Jacques le Mutilé ou Saint-Jacques le Persan… Mar Yakub en arabe… Ce monastère datant du VIe siècle abrite une petite communauté « L'unité d'Antioche » appartenant à l’Église grecque melkite catholique. « Melkites » (du syriaque mlaka et de l'araméen malik, « roi »), est le nom donné au Vème siècle aux chrétiens des patriarcats de Jérusalem, d'Alexandrie et d'Antioche. Tout comme le pape et l'empereur byzantin, ils acceptaient la définition des deux natures du Christ telle qu'elle fut énoncée par le concile de Chalcédoine en 451. C'est pourquoi les monophysites, qui soutenaient que le Christ n'avait qu'une seule nature (divine) et rejetaient de fait la position du Concile, les surnommèrent « melchites » (« royalistes », c'est-à-dire partisans de l'Empereur).
Après le schisme de 1054, les melchites rejoignirent l'Église orthodoxe mais au cours des siècles suivants certains groupes revinrent à l'Église catholique. On parla alors d'Église catholique melchite (l'une des Églises de rite oriental). De nos jours, la communauté catholique melchite est constituée de quelque 470 000 fidèles. Parmi eux, 270 000 résident sur le territoire du patriarcat, dont le centre est à Damas et l'actuel et nouveau patriarche melchite catholique Sa Béatitude Youssef. Leurs prêtres peuvent se marier, les services sont dits en arabe ou, si autorisation en est donnée, dans la langue vernaculaire du pays.
En la maison de Jésus : « Que tous soient un… afin que le monde croie ! » (Jean 17:21)
En la maison de Jésus, la communauté grecque-melkite catholique de Qara, « L'unité d'Antioche », de tradition carmélitaine, en pleine union avec le pape, se consacre à l'adoration de Dieu se voulant en communion avec tous les amoureux du Christ, renforçant et construisant des ponts entre protestants, orthodoxes et catholiques, et un regard d'amour envers nos frères musulmans… « Que tous soient un… afin que le monde croie ! »(Jean 17:21).
Mère Agnès-Mariam de la Croix : "Ce que nous vivons en Syrie" (début 2016)
Mère Agnès Mariam de la Croix est l'higoumène du monastère de Mar Yakub. Elle court le monde pour ouvrir les yeux des Occidentaux sur le drame syrien dont leurs politiciens sont les seuls responsables.
"Qara" est un mot araméen. Il signifie "le grand froid", un vent froid a tendance à souffler ici de l'ouest. Le village de Qara est bâti dans une long plateau de 55 kilomètres s’étendant entre la chaîne de montagnes de l’Anti-Liban à l'ouest et la chaîne de montagnes du Qalamun à l'est. L’altitude du village est d'environ 1300 mètres.
L'église du XIème siècle
Crucifix orthodoxe
Crucifix catholique
Crucifix, cellules des sœurs
L'église du XIème siècle… autour de l'iconostase des traces de fresques anciennes
De la crypte, un souterrain conduisait jusqu'au Liban, à 15 km… Ce tunnel est aujourd'hui condamné du fait d'éboulements
Centre Notre-Dame de l'Unité, son logo
L'église principale sert actuellement d'entrepôt à une communauté aux activités intenses…
Frère Jean nous accueille ce jour-là en tenue de travail… Autour des fresques murales décorant la crypte, il nous conte l'histoire de Saint Jacques le Persan
Pour nous recevoir, frère Jean a abandonné son travail quelques brefs instants…
Environ 30 hectares de terres dépendent de Mar Yakub, qui sont plantés et cultivés. L’eau y provient d’un puits creusé à 300 mètres de profondeur. La communauté du monastère est peu nombreuse aussi le travail ne manque pas… L'objectif du monastère serait de devenir auto-suffisant et de pouvoir prendre soin de ses terres lui-même après avoir appris les anciennes techniques agricoles des villageois.
"Seigneur, remplis ton désert syrien de moines et de moniales, tel qu'il l’était autrefois !"
Les terres du monastère sont plantées d'arbres fruitiers : pommiers, cerisiers, poiriers… oliviers, amandiers, vignes. Des légumes sont aussi cultivés selon les saisons : épinards, oignons, patates, ail en hiver ainsi que des céréales ; concombres, tomates, poivrons, melons en été.
Une vie de travail et de prière à Mar Yakub (automne 2015)
Sœur Claire-Marie présente les icônes peintes aux monastère… "Un iconographe doit être plus qu'un artiste. Un iconographe est un théologien autant qu'il est un artiste. Peindre une icône, suppose, de la part de l'iconographe un mode de vie de prière, de méditation et de jeûne."
Salle des Chevaliers, la cloche logée dans une meurtrière… Des murs d'une épaisseur de 4 mètres !
Safita cité du gouvernorat de Tartous, se situe au nord-est de son chef-lieu et au nord-ouest du Krak des Chevaliers. Sa population de 33 000 âmes se répartit à égalité entre Grecs orthodoxes et Alaouites. Au sein de la chaîne de montagnes côtière de Syrie du djebel Ansarieh, la ville se niche entre les hauteurs de trois collines et leurs vallées. Son château, la
Tour Blanche [برج صافيتا], ainsi nommé en l'honneur de Blanche de Castille, reine de France et mère de Saint Louis, a été construit par les Templiers. Safita a connu une activité de premier plan lors les Croisades, et a été habitée par les Templiers…
Recueillement en la chapelle Saint Michel… Salle des Chevaliers à l'étage… Escaliers vers la terrasse d'où s'offre une vue panoramique vers le
Liban et Tripoli au sud, vers le Krak des Chevaliers d'où nous venons, Tartous et la Méditerranée notre prochaine étape…