Cette lettre sera brève. Le temps presse. Le sang gicle. Ce n’est plus le moment de disserter.
La semaine dernière, dans une lettre fictive adressée aux quatre principaux Charlie
passés dans l’au-delà, je regrettais que le président de la République
n’ait pas invité leurs suivants survivants à calmer le jeu des insultes
prétendument humoristiques à l’égard de celui que vous considérez comme
votre prophète. Il eût été simple de dire qu’après des abattages aussi
atroces qu’inattendus, le bras de fer n’était pas de mise. Mais non ! La
sacro-sainte liberté d’expression, libre de toute entrave, se devait de
poursuivre comme une brute sa route.
Et le discours s’en est allé par là :
« Hommes, femmes, grands,
jeunes musulmans qui tenez à protéger Mahomet de la moindre attaque,
qu’importe vos pensées, vos manières d’agir ou de réagir, nous allons
vous mâter, chevaux sauvages, jusqu’à ce que vous tourniez bien
tranquillement en manège rangé dans le sens laïciste que nous allons
vous indiquer. Aussi, nous commençons le dressage par la publication
d’un bon Charlie Hebdo
à 3 euros où les fidèles de l’islam et, en passant, ceux du Christ, en prendront plein la poire ! »
Raté ! En un instant, le cheval s’est cabré ! Un enfant de sixième
aurait pu le prévoir, mais… quand les idées l’emportent sur le réel,
c’est bien connu, les fruits sont souvent mauvais.
En vérité, en vérité, qui ne le sait ? À vouloir dresser et même
redresser à coups de trique les rebelles (trique : dans le sens de fouet
ou de sexe toujours omniprésent sur nos jolis dessins), on obtient le
contraire. La preuve est aujourd’hui livrée sur un plateau de violence
en Somalie, au Niger, au Pakistan, au Yémen, à Gaza, où la hargne
humaine s’en donne à cœur joie.
Et je crains fort, tout en pleurant, qu’à l’heure présente elle ne
prenne que son élan. Devant ce gaspillage de sang par trop innocent, je
pleure aussi sur notre irresponsabilité, je pleure sur notre fixité
idéologique, je pleure sur la France qui refuse au respect des croyances
d’être artisan de paix. Ce respect n’est pourtant pas une faiblesse,
qu’on se le dise ; il n’exclut ni la résistance ni le combat face au
fanatisme, mais il vomit résolument toute forme de mépris à l’égard de
l’ennemi.
Chers musulmans qui souffrez de nos dessins bêtes et méchants, ne
croyez pas – c’est un prêtre catholique qui vous parle – que le cœur
chrétien les admet. Aussi, je vous en supplie, ne brûlez plus d’églises,
ne lacérez plus le livre des Évangiles, ne tuez plus vos frères
chrétiens, vous vous trompez de cible ! Nous ne sommes pas plus aimés
que vous par notre pays qui condamne à mort, tous les jours davantage,
l’avenir de la transcendance.
Et puisque je suis chrétien jusqu’au bout du cœur, et votre ami comme
le Christ me demande de l’être, permettez-moi d’ajouter à votre endroit
un simple mot salutaire : ne cherchez plus à vous venger des insulteurs
et des irrespectueux. Qui sort son épée périra par l’épée. Ne portez
plus atteinte à une seule vie humaine, répondez à la haine par la pitié,
et vous plairez à Dieu, et il vous bénira, lui qui n’aime que l’amour…
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