Carnets de Voyages en Syrie avec la Communauté syrienne de France

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jeudi 1 septembre 2011

"Advienne que pourra !" : Adonis, libres propos…

Ali Ahmed Saïd Esber… alias Adonis… Adonis, dieu d’origine phénicienne… Symbole du renouveau cyclique…
« Écoute-moi, illustre Adonis, que j'invoque sous différents noms, dieu à la belle chevelure, qui te plais dans la solitude et qui brilles par les grâces les plus délicates, conseiller bienveillant, dieu aux formes variées, noble aliment de toutes choses, jeune vierge et jeune homme tout à la fois, Adonis toujours florissant, toi qui as succombé et qui renais au retour des saisons annuelles, dieu toujours jeune et aimable, toi qu'on adore en versant des larmes, dieu charmant qui aimes la chasse, dieu à la magnifique chevelure, cœur bien-aimé de Cypris [Aphrodite], germe d'amour, toi qu'enfanta la divine Proserpine aux beaux cheveux, toi qui habites maintenant dans les profondeurs du Tartare, reviens de nouveau dans l'Olympe et accorde à tes prêtres les fruits délicieux de la terre. »

Édités par le Mercure de France, les livres d’Adonis ont pour thème l’injustice, la dictature, la guerre, la misère… le lien néfaste entre État et religion…



Adonis le Syrien, 78 ans, le plus grand poète arabe vivant, ne fait pas langue de bois… En début d’année 2011, il s’exprimait à la Bibliothèque nationale d’Alger :

- « Les intellectuels arabes sont des sbires du pouvoir. »
- « Je suis contre tout État bâti sur la religion. »
- « Je m’oppose à l’islam régime, à l’islam institution. »

- « Nos intellectuels sont des instruments du pouvoir, ce sont des lâches ! »
En Algérie, le vieux poète crache ses vérités, vomit le fond de sa pensée, maudit les gouvernements arabes restés aujourd’hui à la traîne des nations. Des hommes politiques qui ont pourtant été parmi "les libérateurs de leurs États du joug de la colonisation" :
- « Vers une résistance radicale et globale ! »
Conférence sur l’impasse de la pensée arabe et la crise de modernité qui secoue les sociétés arabes. Sa venue a drainé un public fou, tant son discours est en rupture totale avec le politiquement correct, la langue de bois, le discours officiel dominant…

D’emblée, il s’attaque à la question de la « nécessaire » sécularisation des pays musulmans :
« Je suis respectueux de l’islam. Je suis au-delà de toutes les religions, je vais au bout de toutes les spiritualités et des expériences humaines. Mais je suis totalement opposé à l’islam institution, à l’islam régime. »
De la provocation. De l’audace. Du courage, en veux-tu en voilà. Le conférencier ne mâche pas ses mots. Il dénonce les régimes arabes, particulièrement ceux qui ont pris le pouvoir depuis la seconde moitié du 20e siècle et qui vivent un échec cuisant :
« Ils n’ont pas pu libérer l’Homme et asseoir des États modernes basés sur le droit et le respect de l’individu »…
« Ces politiques ont des réflexes tribaux, ils nient l’individu et la liberté individuelle. Les élites politiques qui se disent progressistes et laïques, qui ont libéré leurs pays du joug de la colonisation, n’ont fait que perpétuer le clanisme et le népotisme et sont soutenus par des intellectuels, ce sont leurs complices ! »
Adonis tire à boulets rouges sur ces « intellectuels » qui n’ont aucune conscience morale :
« Dans nos sociétés arabes et musulmanes, l’élite intellectuelle ne remplit aucun critère de probité morale qui lui permet d’être à l’avant-garde des changements nécessaires. C’est-à-dire la sécularisation de la société qui est au cœur de la crise de la modernité dans ces sociétés. »
Il va encore plus loin, écœuré et blasé par la situation actuelle, politique, culturelle, sociale et économique qui prévaut dans les pays arabes, ce poète hors normes vomit le fond de sa pensée et il le dit tel quel :
« Advienne que pourra ! »…
« Les intellectuels dans le monde arabe manquent de courage, ils sont frileux lorsqu’il s’agit d’évoquer la question de la laïcité : le texte (le Coran) est constant, mais son interprétation change, or il n’y a aucun effort de questionnement théorique en la matière. »
Ainsi, l’absence de pensée critique a coupé l’intellectuel arabe de la société, faisant de lui non pas un être autonome pensant par lui-même, mais un «instrument» au service des gouvernants.

Il explique que le monde arabe est privé aujourd’hui d’une élite intellectuelle qui remettra en cause la pensée traditionaliste et les modèles tribaux :
« Nos sociétés sont sclérosées. Nous sommes absents de la carte du monde actuel et en marge du cours de l’Histoire. »


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