Un groupe de jeunes Karens, venant de Thaïlande et en route pour Madrid, font étape sur les hauts lieux spirituels de France… Reçus par l'archevêché de Rouen… Rencontre avec d'autres jeunes catholiques, Français. Malgré toutes les différences culturelles, communion parfaite entre ces jeunes… Témoignage de l'universalité de l'Église…
Pour aller plus loin…
Voici un excellent article signé Joël Prache, et publié sur l'excellent blog "O.N.G. Extrême Orient(é)" :
Un pionnier chez les Karens du nord de Maesot : le père Joseph Quintard
par Joël Prache
http://www.ongasie.com/tag/Tha%C3%AFlande/p20-0.html
Parmi les Français qui ont vécu en Thaïlande à notre époque et qui se sont illustrés par une œuvre exemplaire, le nom du Père Quintard (1934-2003) des Missions Étrangères de Paris (MEP) mérite d’être retenu. Joseph Quintard est un des premiers prêtres catholiques à s’être rendu dans les montagnes du nord-ouest de la Thaïlande pour venir en aide aux Karens de la région de Maesot (province de Tak), groupe ethnique de quelques milliers de personnes vivant alors dans le plus grand dénuement, replié sur lui-même avec sa propre langue non écrite et ses coutumes ancestrales. Né en 1934 a Saint-Félix-de Lunel, en Aveyron, il entre au séminaire des Missions Étrangères a Paris. Il accomplit son service militaire dans les Zouaves à Tataouine (Tunisie), il est ordonné prêtre en 1960 puis, en 1961, il est envoyé en Thaïlande par les MEP. Très doué pour les langues il apprend rapidement le thaï à Bangkok où il exerce en paroisse. Homme de caractère, doté d’un esprit vif, il est vite remarqué par ses supérieurs qui décident en 1963 de le nommer dans la nouvelle paroisse de Maesot pour aider le père Verdiere, déjà sur place. Il se met avec enthousiasme à l’étude de la langue Karen qu’il parlera bientôt couramment. Bien que les Karens soient très fortement implantés en Birmanie, ceux de Thaïlande sont venus directement des montagnes du Yunnan, il y a environ 300 ans, sans doute en délicatesse avec les Hans et se sont installés sur des terres disponibles en hauteur dans les régions de Chiangmai et de Maesot.
Les MEP en fondant la mission de Maesot ne souhaitaient pas faire de prosélytisme, mais tout simplement parler de l’enseignement des Évangiles à ceux des Karens qui voulaient bien écouter, d’aller vers des pauvres en leur apportant un soutien moral, car cette population de croyance animiste était devenue très pessimiste quant à son avenir.
Le père Quintard réside d’abord à Maesot, d’où il organise de véritables expéditions à pied vers les villages karens disséminés dans les montagnes environnantes, que jouxte la frontière birmane, partant parfois plusieurs semaines. Cela lui permet de connaitre les habitants, de gagner leur confiance et d’évaluer leurs besoins. Il se rend vite compte que ceux-ci sont immenses, car ils sont délaissés par le pouvoir central.
Les Karens vivaient alors d’une économie de subsistance, consistant en une maigre culture du riz et du maïs, culture sur brulis, ainsi que dans l’élevage de porcs et de volaille. Ils avaient aussi en commun avec plusieurs villages voisins un petit nombre d’éléphants pour le transport et les travaux forestiers. Il n’y avait pas de routes, ce qui ne facilitait pas les échanges, ni eau courante, ni électricité, ni école, ni dispensaire.
Pendant plusieurs années à partir du centre de Maesot, le père Joseph parcourt sans relâche "sa région", longue de 200 km sur 50 de large, et avec ses faibles moyens il encourage les uns et les autres, des familles se convertissent, l’élan est donné…
Avec méthode, il commence sa véritable œuvre de missionnaire, il demande de l’aide à ses supérieurs tant en hommes qu’en moyens matériels. Il est rapidement convenu que le centre de Maesot sera confié à de jeunes prêtres Thaïs de sorte que les quelques missionnaires des MEP plus expérimentés pourront résider chacun dans un village karen.
Il va alors, lui-même, s’établir dans le village de Maewé (district de Tha Song Yang), premier village devenu chrétien, au nord de Maesot. Ce village est à 200 km de Maesot, dans une cuvette, à 13 km de la route nationale, par une piste construite par les Karens eux-mêmes. Ce centre sert de relai à la trentaine de villages situés sur les hauteurs, à plusieurs heures voire à plusieurs jours de marche.
Sa vie s’organise à Maewé, les rapports avec les Karens sont confiants, tout le monde le connaît et l’apprécie. Il va pouvoir donner le meilleur de lui-même. Sa devise est simple : "éduquer, former, construire". Il continue de parcourir inlassablement les sentiers de montagne pour visiter les villages. Il sera toute sa vie un missionnaire itinérant.
L’éducation, comme facteur d’assimilation et de progrès social, a toujours été une des ses principales préoccupations. Il commença par trouver et former des instituteurs pour son école de Maewé. L’idée étant qu’une fois obtenu le certificat d’études primaires thaïlandais, les élèves Karens pourraient alors entrer dans une école thaïe de la vallée jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire. L’économie des villages montagnards ne peut donner du travail à tout le monde et les jeunes iraient après en ville chercher un travail décent, certains pourraient même revenir dans les villages pour devenir instituteur.
Petit à petit, un réseau d’écoles primaires va s’établir dans les villages, organisé par d’anciens élèves Karens. Puis il ouvre un foyer au sous-district de Maetawo, dans la vallée le long de la rivière Moei, ou il rassemble les écoliers les plus doués des petites écoles de village, afin de leur permettre de pouvoir suivre des études secondaires à l’école publique de Maetawo même, puis après pour certains continuer vers l’enseignement supérieur .
Pour la santé de ses protégés, le père Quintard organise des équipes médicales volantes avec des médecins et des dentistes thaïs qui viennent bénévolement le week-end soigner ceux qui en ont besoin. Il n’hésite pas a aller avec eux le sac à dos rempli de médicaments. De même pour l’amélioration de l’hygiène quotidienne, le père Quintard installe l’eau courante dans son village de Maewé en la faisant descendre des sommets par gravité. Ce procédé simple a été repris dans d’autres villages.
Il se fit aussi constructeur de routes. En 1997 n’écrivait-il pas dans un bulletin des MEP : « Le percement de la piste-route de Poblaki est un peu ma dernier fierté. En 1996, une centaine de montagnards ont manié la pioche pendant trois mois pour percer une route carrossable (en 4×4) de 17 km. Cette route permet de désenclaver des dizaines de villages. » Par voie de conséquence, la construction de routes permit le raccordement d’un certain nombre de villages au réseau électrique et ce à la fin du vingtième siècle seulement !
Après 40 années de vie bien remplie chez les Karens, il décède en 2003 dans un accident de voiture prés de Maeramat, en route pour son apostolat. Dès l’annonce de la triste nouvelle, un millier de Karens descendent spontanément à Maewé pour rendre un vibrant hommage à leur bienfaiteur. Il est enterré en terre thaïlandaise au cimetière de Nakorn Sawan, siège de son diocèse.
Missionnaire-pionnier, administrateur- éclairé, le père Joseph était connu comme « le loup blanc » dans sa région. Comme lui a dit un jour un officiel de Maesot : « Vous êtes l’un des nôtres », signe de l’appréciation de son travail par les autorités locales. Il a vécu simplement pour « ses Karens », toujours en mouvement, sans recherche des honneurs, dans la foi et l’amour des autres.
Aujourd’hui, son œuvre est poursuivie par son successeur, le père Alain Bourdery (MEP), qui avec le même esprit et la même énergie fait resplendir la mission Karen du nord de Maesot. Cette mission catholique partie de peu est maintenant aidée par des associations caritatives et compte à l’heure actuelle en incluant les religieuses et les catéchistes une quarantaine de personnes dont plusieurs prêtres Karens.
Joël Prache