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vendredi 26 août 2016

Hommage à Hélie Denoix de Saint-Marc, Grand-Croix de la Légion d'Honneur


Le Commandant Hélie DENOIX de SAINT-MARC s'est éteint le lundi 26 août 2013
Ses obsèques solennelles ont célébrées vendredi 30 août 2013  à 15 heures
en la primatiale Saint-Jean-Baptiste-et-Saint-Étienne de Lyon
Le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, primat des Gaules, a célèbré la messe
Le général Martial de Braquilanges, gouverneur militaire, a organisé les honneurs militaires
L’ADIMAD était représentée, entre autres, par son vice-président Jean Favarel


MÉMOIRE DE LA RÉSISTANCE ALGÉRIE FRANÇAISE


Hélie Denoix de Saint-Marc, né le 11 février 1922 à Bordeaux, est unanimement respecté pour son humanisme… Résistant, déporté, officier de la Légion étrangère, il participe au putsch des généraux, en 1961. Arrêté, il reste cinq ans en prison avant d'être gracié. Il est l'auteur de nombreux livres, dont ses Mémoires d'homme sage attaché à la vérité : "Les Champs de braise".  Hélie Denoix de Saint-Marc incarne, mieux que quiconque, le destin tragique de toute une génération de militaires, une histoire que retrace le récent Prix Goncourt.

Mais pour la plupart d'entre nous Hélie Denoix de Saint-Marc reste avant tout cet officier mythique du putsch d’avril 1961… La vie de cet officier parachutiste membre de l’état-major du général Massu lors de la Bataille d’Alger en 1957, participant au putsch d’avril 1961, ne peut que susciter une immense admiration. Il fut de ceux qui défendirent avec loyauté une certaine idée de l’Algérie française ou tout du moins une solution dans un cadre français. Le respect de la parole donnée contre la trahison du pouvoir gaulliste l’a toujours hanté. Il s’est constitué prisonnier au lendemain du putsch, mais n’a jamais exprimé la moindre critique à l’encontre des officiers qui ne l’ont pas suivi.

En 2011, il est élevé à la dignité de Grand-Croix de la Légion d’honneur, la plus haute distinction de la République, par Nicolas Sarkozy, dans la cour d’honneur des Invalides.

Outre la dignité de Grand-Croix de la Légion d’honneur, le commandant Hélie Denoix de Saint-Marc
 est titulaire de très nombreuses décorations :

- Croix de guerre 1939-1945 avec 1 citation
- 
Croix de guerre des TOE avec 8 citations
- 
Croix de la valeur militaire avec 4 citations
-
 Médaille de la résistance 

- Croix du combattant volontaire de la Résistance 

- Croix du combattant 

- Médaille coloniale avec agrafe « Extrême-Orient » 

- Médaille commémorative de la guerre 1939-1945 

- Médaille de la déportation et de l'internement pour faits de Résistance 

- Médaille commémorative de la campagne d'Indochine 

- Médaille commémorative des opérations au Moyen-Orient (1956) 

- Médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l'ordre en Afrique du Nord (1958) avec agrafes « Algérie » et « Tunisie »
- 
Insigne des blessés militaires (2) 

- Officier dans l'ordre du mérite civil des Sip Hoc Chau (Fédération thaï)


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"À vingt cinq ans, il mena le combat à la frontière de Chine, à la tête de partisans qui parlaient à peine quelques mots de français."
Ordre du Mérite Civil des Sip Hoc Chau

Brevet de l'Ordre du Mérite civil des Sip Hoc Chau

Je voudrais particulièrement insister sur cette décoration : l'Ordre du Mérite Civil des Sip Hoc Chau, d'abord à cause d'une erreur reproduite sur plusieurs sites dont Wikipédia. Cette décoration reste totalement étrangère au Royaume de Thaïlande ! Il s'agit de la région Sip Song Chau Tai (le Pays Thaï) actuellement nommé au Viêtnam "Haute-Région", qui est une zone montagneuse prolongeant le plateau du Yunnan s'étendant au nord-ouest du Tonkin, bordé par la frontière chinoise au nord, la frontière laotienne au sud et à l'ouest… Ensuite et surtout pour saisir l'occasion de souligner le courage et l'abnégation dont ont fait preuve ces Bataillons thaïs, notamment à Diên Biên Phu… L'épopée de ces bataillons thaïs est relatée dans l'admirable ouvrage de Michel David et Louis-Marie Regnier : "Les Bataillons thaïs en Indochine"… Annexée au Tonkin par la France en 1888, la région Sip Song Chau Tai (le Pays Thaï) devint en 1948 la Fédération Taï autonome au sein de l'Union Française, elle disparut avec la fin de l'Indochine Française.


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Ordre du Mérite Civil des Sip Hoc Chau
  
 
Hélie de Saint Marc sur l'Indochine



Hélie de Saint Marc raconte l'Algérie française



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Témoignage de Alain M. :  "Je rentre tout juste de Lyon où j'ai assisté aux obsèques de notre regretté ami, le commandant Hélie Denoix de Saint-Marc. Quel bel hommage que celui qui lui a été rendu dans la cathédrale Saint-Jean bondée à ce point que beaucoup de participants ont dû rester debout pendant les deux heures qu'a duré la cérémonie religieuse. Une quarantaine de drapeaux et des centaines d'anciens paras et légionnaires massés dans le chœur de l'édifice religieux situé dans le vieux Lyon au pied de la colline de Fourvière. Les Pieds-Noirs aussi étaient là, venus nombreux. Beaucoup de couronnes des cercles algérianistes de Lyon, de Béziers, et du cercle national, mais aussi du souvenir du 26 mars 1962 et des anciens de Notre-Dame d'Afrique. Après le très émouvant hommage de ses filles à leur "papa chéri", c'est le cardinal Barbarin, primat des Gaules, qui a évoqué la grande figure de l'homme et du soldat qui a "réalisé l'idéal de sa jeunesse". Il y avait beaucoup d'émotion, beaucoup de gratitude aussi dans cette assemblée d'hommes et de femmes aux cheveux gris unis dans une même foi chrétienne et patriotique. Quelques personnalités étaient présentes, au premier rang desquelles Francique Collomb, maire de Lyon qui se tenait à côté du préfet du Rhône. Michel Noir, ancien maire de la capitale des Gaules, était venu ainsi que Charles Millon, l'ancien ministre de la Défense et le député de la Drôme Hervé Mariton. Perdu dans la foule, Jacques Peyrat, l'ancien maire de Nice était venu aussi rendre un dernier hommage à celui qui fut son chef en Indochine.
À l'issue de la cérémonie religieuse, les honneurs militaires ont été rendus sur le parvis de la cathédrale au commandant Denoix de Saint-Marc lors d'une cérémonie présidée par le général Bruno Dary, ancien gouverneur militaire de Paris, avec le concours de la musique de la légion étrangère."

Communiqué AFP : Les obsèques de Hélie Benoît [sic!!!] de Saint Marc, ancien résistant et déporté et ancien officier putschiste en mai 1961 à Alger, décédé lundi à l'âge de 91 ans, ont été célébrées vendredi en la cathédrale Saint-Jean de Lyon, avant que lui soient rendus les honneurs militaires.
De nombreux militaires, en uniforme ou en civil, notamment des légionnaires reconnaissables à leur béret vert et arborant leurs médailles, avaient pris place dans la primatiale, à peine assez grande pour accueillir la foule qui s'y pressait.
Au premier rang, à côté de la famille, se trouvaient le général Bertrand Ract-Madoux, chef d'état-major de l'armée de terre, représentant le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian; le préfet du Rhône, Jean-François Carenco, et le maire de Lyon, Gérard Collomb.
De nombreux parlementaires de droite étaient également présents, ainsi que l'ancien ministre de la Défense Charles Millon.
L'extrême-droite politique n'avait en revanche envoyé aucun représentant officiel.
Sur le cercueil, recouvert du drapeau tricolore et entouré par une haie de porte-drapeaux, avaient été placés trois coussins avec le béret vert de l'ancien comandant de parachutistes, ses décorations, dont la médaille de la Résistance, et la grand-croix de la Légion d'honneur, la plus haute distinction de la République, qui lui avait été remise en 2011 par Nicolas Sarkozy.
Après une des filles du disparu soulignant que son père avait "préféré l'honneur aux honneurs", c'est le cardinal Philippe Barbarin qui, a évoqué, sobrement, la vie et la personnalité complexe de l'ancien résistant, déporté à Buchenwald, avant de devenir ce "soldat perdu" condamné à 10 ans de réclusion pour sa participation au putsch d'Alger à la tête du 1er régiment étranger de parachutistes (REP), puis d'être réhabilité.
Parlant lui aussi "d'honneur", mais aussi "de fidélité, d'engagement et de courage", l'archevêque de Lyon a affirmé que Hélie Denoix de Saint Marc "a toujours agi comme il croyait devoir le faire, en jugeant avec sa conscience", même, a-t-il ajouté citant le défunt, quand il fallait "choisir entre le crime de l'illégalité et le crime de l'inhumanité".
À l'issue de l'office, les honneurs militaires lui ont été rendus sur le parvis de la cathédrale par un détachement du 1er régiment étranger d'Aubagne, en présence notamment du général Martial de Braquilanges, gouverneur militaire de Lyon, du commandant de la Légion Christophe de Saint-Chamas et du colonel Benoît Desmeules, chef de corps du 2e régiment étranger de parachutistes.
Après l'hommage lu par le général Bruno Dary, président de l'Association des anciens légionnaires parachutistes et ancien gouverneur de Paris, la cérémonie s'est conclue par un chant entonné par d'anciens légionnaires et repris par une partie de l'assistance.

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Mon commandant, mon ancien,

Ils sont là, ils sont tous présents, qu’ils soient vivants ou disparus, oubliés de l’histoire ou célèbres, croyants, agnostiques ou incroyants, souffrant ou en pleine santé, jeunes soldats ou anciens combattants, civils ou militaires, ils sont tous présents, si ce n’est pas avec leur corps, c’est par leur cœur ou par leur âme ! Tous ceux qui, un jour, ont croisé votre chemin, ou ont fait avec vous une partie de votre route ou plutôt de votre incroyable destinée, sont regroupés autour de vous : les lycéens de Bordeaux, les résistants du réseau Jade-Amicol, les déportés du camp de Langenstein, vos frères d’armes, vos légionnaires que vous avez menés au combat, ceux qui sont morts dans l’anonymat de la jungle ou l’indifférence du pays, les enfants de Talung que vous avez dû laisser derrière vous, les harkis abandonnés puis livrés aux mains du FLN ! Je n’oublie pas vos parents et votre famille, qui ont partagé vos joies et vos épreuves ; il faut ajouter à cette longue liste, les jeunes générations, qui n’ont connu, ni la Guerre de 40, ni l’Indochine, pas plus que l’Algérie, mais qui ont dévoré vos livres, qui vous ont écouté et que vous avez marqués profondément !

Cette liste ne serait pas complète, si n’était pas évoquée la longue cohorte des prisonniers, des déchus, des petits et des sans-grades, les inconnus de l’histoire et des médias, ceux que vous avez croisés, écoutés, respectés, défendus, compris et aimés et dont vous avez été l’avocat. Eux tous s’adressent à vous aujourd’hui, à travers ces quelques mots et, comme nous en étions convenus la dernière fois que nous nous sommes vus et embrassés chez vous, je ne servirai que d’interprète, à la fois fidèle, concis et surtout sobre.

Aujourd’hui, Hélie, notre compagnon fidèle, c’est vous qui nous quittez, emportant avec vous vos souvenirs et surtout vos interrogations et vos mystères ; vous laissez chacun de nous, à la fois heureux et fier de vous avoir rencontré, mais triste et orphelin de devoir vous quitter. Vous laissez surtout chacun de nous, seul face à sa conscience et face aux interrogations lancinantes et fondamentales qui ont hanté votre vie, comme elles hantent la vie de tout honnête homme, qui se veut à la fois homme d’action et de réflexion, et qui cherche inlassablement à donner un sens à son geste !

Parmi tous ces mystères, l’un d’eux ne vous a jamais quitté. Il a même scandé votre vie ! C’est celui de la vie et de la mort. Car qui d’autres mieux que vous, aurait pu dire, écrire, prédire ou reprendre à son compte ce poème d’Alan Seeger, cet Américain, à la fois légionnaire et poète, disparu à 20 ans dans la tourmente de 1916 : « j’ai rendez-vous avec la  mort » ?

C’est à 10 ans que vous avez votre premier rendez-vous avec la mort, quand gravement malade, votre maman veille sur vous, nuit et jour ; de cette épreuve, vous vous souviendrez d’elle, tricotant au pied de votre lit et vous disant : « Tu vois Hélie, la vie est ainsi faite comme un tricot : il faut toujours avoir le courage de mettre un pied devant l’autre, de toujours recommencer, de ne jamais s’arrêter, de ne jamais rien lâcher ! »

Cette leçon d’humanité vous servira et vous sauvera quelques années plus tard en camp de concentration. Votre père, cet homme juste, droit et indépendant, qui mettait un point d’honneur durant la guerre, à saluer poliment les passants, marqués de l’étoile jaune, participera aussi à votre éducation ; il vous dira notamment de ne jamais accrocher votre idéal, votre ‘‘étoile personnelle’’ à un homme, aussi grand fût-il ! De l’époque de votre jeunesse, vous garderez des principes stricts et respectables, que les aléas de la vie ne vont pourtant pas ménager ; c’est bien là votre premier mystère d’une éducation rigoureuse, fondée sur des règles claires, simples et intangibles, que la vie va vous apprendre à relativiser, dès lors qu’elles sont confrontées à la réalité !

Puis, à 20 ans, vous aurez votre deuxième rendez-vous avec la mort ! Mais cette fois-ci, vêtu d’un méchant pyjama rayé, dans le camp de Langenstein. Deux ans de déportation mineront votre santé et votre survie se jouera à quelques jours près, grâce à la libération du camp par les Américains. Mais votre survie se jouera aussi par l’aide fraternelle d’un infirmier français qui volait des médicaments pour vous sauver d’une pneumonie, puis celle d’un mineur letton, qui vous avait pris en affection et qui chapardait de la nourriture pour survivre et vous aider à supporter des conditions de vie et de travail inhumaines. En revanche, vous refuserez toujours de participer à toute forme d’emploi administratif dans la vie ou l’encadrement du camp d’internement, ce qui vous aurait mis à l’abri du dénuement dans lequel vous avez vécu. Vous y connaitrez aussi la fraternité avec ses différentes facettes : d’un côté, celle du compagnon qui partage un quignon de pain en dépit de l’extrême pénurie, du camarade qui se charge d’une partie de votre travail malgré la fatigue, mais de l’autre, les rivalités entre les petites fraternités qui se créaient, les cercles, les réseaux d’influence, les mouvements politiques ou les nationalités… Mystère, ou plutôt misère, de l’homme confronté à un palier de souffrances tel qu’il ne s’appartient plus ou qu’il perd ses références intellectuelles, humaines et morales !

Vous avez encore eu rendez-vous avec la mort à 30 ans, cette fois, à l’autre bout du monde, en Indochine. Vous étiez de ces lieutenants et de ces capitaines, pour lesquels de Lattre s’était engagé jusqu’à l’extrême limite de ses forces, comme sentinelles avancées du monde libre face à l’avancée de la menace communiste. D’abord à Talung, petit village à la frontière de Chine, dont vous avez gardé pieusement une photo aérienne dans votre bureau de Lyon. Si les combats que vous y avez mené n’eurent pas de dimension stratégique, ils vous marquèrent profondément et définitivement par leur fin tragique : contraint d’abandonner la Haute région, vous avez dû le faire à Talung, sans préavis, ni ménagement ; ainsi, vous et vos légionnaires, quittèrent les villageois, en fermant les yeux de douleur et de honte ! Cette interrogation, de l’ordre que l’on exécute en désaccord avec sa conscience, vous hantera longtemps, pour ne pas dire toujours ! Plus tard, à la tête de votre Compagnie du 2° Bataillon étranger de parachutistes, vous avez conduit de durs et longs combats sous les ordres d’un chef d’exception, le chef d’escadron RAFFALLI : Nhia Lo, la Rivière Noire, Hoa Binh, Nassan, la Plaine des Jarres. Au cours de ces combats, à l’instar de vos compagnons d’armes ou de vos aînés, vous vous sentiez invulnérables ; peut-être même, vous sentiez-vous tout permis, parce que la mort était votre plus proche compagne : une balle qui vous effleure à quelques centimètres du cœur, votre chef qui refuse de se baisser devant l’ennemi et qui finit par être mortellement touché ; Amilakvari et Brunet de Sairigné vous avaient montré le chemin, Segrétain, Hamacek, Raffalli et plus tard Jeanpierre, Violès, Bourgin, autant de camarades qui vous ont quitté en chemin. Parmi cette litanie, on ne peut oublier, votre fidèle adjudant d’unité, l’adjudant Bonnin, qui vous a marqué à tel point, que, plus tard, vous veillerez à évoquer sa personnalité et sa mémoire durant toutes vos conférences ! Et avec lui, se joignent tous vos légionnaires, qui ont servi honnêtes et fidèles, qui sont morts, dans l’anonymat mais face à l’ennemi, et pour lesquels vous n’avez eu le temps de dire qu’une humble prière. Tel est le mystère de la mort au combat, qui au même moment frappe un compagnon à vos côtés et vous épargne, pour quelques centimètres ou une fraction de seconde !

10 ans plus tard, vous aurez encore rendez-vous avec la mort ! Mais cette fois-ci, ce ne sera pas d’une balle perdue sur un champ de bataille, mais de 12 balles dans la peau, dans un mauvais fossé du Fort d’Ivry. En effet, vous veniez d’accomplir un acte grave, en vous rebellant contre l’ordre établi et en y entraînant derrière vous une unité d’élite de légionnaires, ces hommes venus servir la France avec honneur et fidélité. Or retourner son arme contre les autorités de son propre pays reste un acte très grave pour un soldat ; en revanche, le jugement qui sera rendu - 10 ans de réclusion pour vous et le sursis pour vos capitaines - montre qu’en dépit de toutes les pressions politiques de l’époque, en dépit des tribunaux d’exception et en dépit de la rapidité du jugement, les circonstances atténuantes vous ont été reconnues. Elles vous seront aussi été reconnues 5 ans après, quand vous serez libéré de prison, comme elles vous seront encore reconnues quelques années plus tard quand vous serez réhabilité dans vos droits ; elles vous seront surtout reconnues par la nation et par les médias à travers le succès éblouissant de vos livres, celui de vos nombreuses conférences et par votre témoignage d’homme d’honneur. Ces circonstances atténuantes se transformeront finalement en circonstances exceptionnelles, lorsque, 50 ans plus tard, en novembre 2011, le Président de la République en personne vous élèvera à la plus haute distinction de l’Ordre de la Légion d’Honneur ; au cours de cette cérémonie émouvante, qui eut lieu dans le Panthéon des soldats, nul ne saura si l’accolade du chef des armées représentait le pardon du pays à l’un de ses grands soldats ou bien la demande de pardon de la République pour avoir tant exigé de ses soldats à l’époque de l’Algérie. Le pardon, par sa puissance, par son exemple et surtout par son mystère, fera le reste de la cérémonie !… Aujourd’hui, vous nous laissez l’exemple d’un soldat qui eut le courage, à la fois fou et réfléchi, de tout sacrifier dans un acte de désespoir pour sauver son honneur ! Mais vous nous quittez en sachant que beaucoup d’officiers ont aussi préservé leur honneur en faisant le choix de la discipline. Le mot de la fin, si une fin il y a, car la tragédie algérienne a fait couler autant d’encre que de sang, revient à l’un de vos contemporains, le général de Pouilly, qui, au cours de l’un des nombreux procès qui suivirent, déclara, de façon magistrale et courageuse, devant le tribunal : « Choisissant la discipline, j’ai également choisi de partager avec la Nation française la honte d’un abandon… Et pour ceux qui, n’ayant pas pu supporter cette honte, se sont révoltés contre elle, l’Histoire dira sans doute que leur crime est moins grand que le nôtre » !

Et puis, quelque 20 ans plus tard, alors que, depuis votre sortie de prison, vous aviez choisi de garder le silence, comme seul linceul qui convienne après tant de drames vécus, alors que vous aviez reconstruit votre vie, ici même à Lyon, vous êtes agressé un soir dans la rue par deux individus masqués, dont l’un vous crie, une fois que vous êtes à terre : « Tais-toi ! On ne veut plus que tu parles ! » Cette agression survenait après l’une de vos rares interventions de l’époque ; elle agira comme un électrochoc et vous décidera alors à témoigner de ce que vous avez vu et vécu à la pointe de tous les drames qui ont agité la France au cours du XXème siècle. Ainsi, au moment où vous comptiez prendre votre retraite, vous allez alors commencer, une 3° carrière d’écrivain et de conférencier. Alors que le silence que vous aviez choisi de respecter, vous laissait en fait pour mort dans la société française, ce nouvel engagement va vous redonner une raison de vivre et de combattre ! Toujours ce mystère de la vie et de la mort ! Au-delà des faits et des drames que vous évoquerez avec autant d’humilité que de pudeur, vous expliquerez les grandeurs et les servitudes du métier des armes et plus largement de celles de tout homme. À l’égard de ceux qui ont vécu les mêmes guerres, vous apporterez un témoignage simple, vrai, poignant et dépassionné pour expliquer les drames vécus par les soldats, qui, dans leur prérogative exorbitante de gardien des armes de la cité et de la force du pays, sont en permanence confrontés aux impératifs des ordres reçus, aux contraintes de la réalité des conflits et aux exigences de leur propre conscience, notamment quand les circonstances deviennent exceptionnellement dramatiques. À l’égard des jeunes générations, qui n’ont pas connu ces guerres, ni vécu de telles circonstances, mais qui vous ont écouté avec ferveur, vous avez toujours évité de donner des leçons de morale, ayant vous-même trop souffert quand vous étiez jeune, des tribuns qui s’indignaient sans agir, de ceux qui envoyaient les jeunes gens au front en restant confortablement assis ou de notables dont la prudence excessive servait d’alibi à l’absence d’engagement. Vous êtes ainsi devenu une référence morale pour de nombreux jeunes, qu’ils fussent officiers ou sous-officiers ou plus simplement cadres ou homme de réflexion.

Puis dans les dernières années de votre vie, vous avez aussi eu plusieurs rendez-vous avec la mort, car votre « carcasse » comme vous nous le disiez souvent, finissait pas vous jouer des tours et le corps médical, avec toute sa compétence, sa patience et son écoute, ne pouvait plus lutter contre les ravages physiques des années de déportation, les maladies contractées dans la jungle indochinoise et les djebels algériens, les conséquences des années de campagnes, d’humiliation ou de stress. Pourtant, vous avez déjoué les pronostics et vous avez tenu bon, alors que vous accompagniez régulièrement bon nombre de vos frères d’armes à leur dernière demeure ! Là encore, le mystère de la vie et de la mort vous collait à la peau.

Et puis, aujourd’hui, Hélie, notre ami, vous êtes là au milieu de nous ; vous, l’homme de tous les conflits du XXème siècle, vous vous êtes endormi dans la paix du Seigneur en ce début du XXIème siècle, dans votre maison des Borias que vous aimiez tant, auprès de Manette et de celles et ceux qui ont partagé l’intimité de votre vie.

Mais, Hélie, êtes-vous réellement mort ? Bien sûr, nous savons que nous ne croiserons plus vos yeux d’un bleu indéfinissable ! Nous savons que nous n’écouterons plus votre voix calme, posée et déterminée ! Nous savons aussi que, lors de nos prochaines étapes à Lyon, seule Manette nous ouvrira la porte et nous accueillera ! Nous savons aussi que vos écrits sont désormais achevés !

Mais, Hélie, à l’instar de tous ceux qui sont ici présents, nous avons envie nous écrier, comme cet écrivain français : « Mort, où est ta victoire ? »
Mort, où est ta victoire, quand on a eu une vie aussi pleine et aussi intense, sans jamais baisser les bras et sans jamais renoncer ?
Mort, où est ta victoire, quand on n’a cessé de frôler la mort, sans jamais chercher à se protéger ?
Mort, où est ta victoire, quand on a toujours été aux avant-gardes de l’histoire, sans jamais manqué à son devoir ?
Mort, où est ta victoire, quand on a su magnifier les valeurs militaires jusqu’à l’extrême limite de leur cohérence, sans jamais défaillir à son honneur ?
Mort, où est ta victoire, quand on s’est toujours battu pour son pays, que celui-ci vous a rejeté et que l’on est toujours resté fidèle à soi-même ?
Mort, où est ta victoire, quand après avoir vécu de telles épreuves, on sait rester humble, mesuré et discret ? Mort, où est ta victoire, quand son expérience personnelle, militaire et humaine s’affranchit des époques, des circonstances et des passions et sert de guide à ceux qui reprendront le flambeau ?
Mort, où est ta victoire, quand après avoir si souvent évoqué l’absurde et le mystère devant la réalité de la mort, on fait résolument le choix de l’Espérance ?

Hélie, notre frère, toi qui a tant prôné l’Espérance, il me revient maintenant ce vieux chant scout que tu as dû chanter dans ta jeunesse et sans doute plus tard, et que tous ceux qui sont présents pourraient entonner : « Ce n’est qu’un au revoir, mon frère ! Ce n’est qu’un au revoir ! Oui, nous nous reverrons Hélie ! Oui, nous nous reverrons » !
Oui, Hélie, oui, nous nous reverrons à l’ombre de Saint Michel et de Saint Antoine, avec tous tes compagnons d’armes, en commençant par les plus humbles, dans un monde sans injure, ni parjure, dans un monde sans trahison, ni abandon, dans un monde sans tromperie, ni mesquinerie, dans un monde de pardon, d’amour et de vérité !

À Dieu, Hélie… À Dieu, Hélie et surtout merci ! Merci d’avoir su nous guider au milieu des « champs de braise ! »




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