Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

mardi 9 novembre 2010

Déclaration du colonel Jean Bastien-Thiry devant la Cour Militaire de Justice
2 février 1963

Nous sommes solidaires de tous ceux qui, dans les prisons, dans la clandestinité, à l’étranger ou en France, aux postes officiels ou dans les diverses couches de la population, constituent la résistance française à l’abandon et à la dictature. La résistance nationale française est une : elle ne se laissera pas diviser; elle sera debout tant que durera la dictature et tant que durera l’abandon.

Nous croyons avoir dit la vérité, après beaucoup d’autres hommes qui ont dit cette vérité avant nous en de nombreux discours et en d’innombrables écrits; nous pensons que, tôt ou tard, cette vérité sera connue des Français et l’emportera sur l’imposture et sur les mensonges des hommes au pouvoir, sur les déclarations lénifiantes de beaucoup, et sur les silences complices de la radio d'État, de la télévision d’État et de certains organes de presse. Peut-être nos propos seront-ils déformés par la radio d’État, par la télévision d’État et par ces organes de presse, comme ont été déformés ceux que nous avons tenus au moment de notre arrestation; on n’empêchera pas qu’ils reflètent l’expression de la vérité.

Malgré l’extraordinaire mauvaise foi des hommes au pouvoir, malgré leur extraordinaire cynisme, c’est une vérité qu’il y a eu, qu’il y a en France et en Algérie, des milliers de morts et de martyrs, qu’il y a des milliers de disparus et des centaines de milliers d’exilés, qu’il y a des camps de détention et de tortures, qu’il y a eu de nombreux viols et de nombreux massacres, qu’il y a des femmes françaises obligées de se prostituer dans les camps du F.L.N.

C’est une vérité que le pouvoir de fait aurait pu épargner ou limiter toutes ces horreurs s’il l’avait voulu ; mais c’est une vérité qu’il ne l’a pas voulu. C’est aussi une vérité que ce pouvoir fait le jeu du communisme en divisant le monde libre. C’est une vérité que l’homme contre lequel nous avons agi est, à tous moments, passible de la Haute Cour, et qu’il suffirait d’un minimum de clairvoyance et de courage de la part des parlementaires pour l’y traduire ; le dossier de ses forfaitures, de ses crimes et de ses trahisons existe, et des milliers d’hommes sont prêts à témoigner de la réalité de ces forfaitures, de ces crimes et de ces trahisons.

Nous avons exercé le droit de légitime défense contre un homme, au nom de ses victimes, au nom de nos concitoyens et au nom de nos enfants, cet homme est ruisselant de sang français et il représente la honte actuelle de la France. Il n’est pas bon, il n’est pas moral, il n’est pas légal que cet homme reste longtemps à la tête de la France ; la morale, le droit et la raison humaine s’unissent pour le condamner. La vérité que nous avons dite, et que bien d’autres que nous ont dite avant nous, restera attachée au nom de cet homme, où qu’il aille et quoi qu’il fasse. Un jour cet homme rendra compte de ses crimes : devant Dieu, sinon devant les hommes.

Le pouvoir de fait a la possibilité de nous faire condamner ; mais il n’en a pas le droit. Les millions d’hommes et de femmes qui ont souffert dans leur chair, dans leur cœur et dans leur biens, de la politique abominable et souverainement injuste qui a été menée, sont avec nous dans ce prétoire pour dire que nous n’avons fait que notre devoir de Français. Devant l’histoire, devant nos concitoyens et devant nos enfants, nous proclamons notre innocence, car nous avons fait que mettre en pratique la grande et éternelle loi de solidarité entre les hommes.

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