Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

mercredi 29 novembre 2023

Henri Dehérain : Rimbaud en Afrique


 




Et pourquoi ne pas rapprocher ce récit d’un voyageur qui se rend effectivement au Harar début 2012 avec ce qu’écrivait, près de 90 ans plus tôt Henri Dehérain, historien et géographe (1867-1941) particulièrement passionné par les voyageurs d’un autre temps. Sans être particulièrement privilégié dans ses travaux Arthur Rimbaud se retrouve dans plusieurs de ses publications, dont un bref article donné au supplément littéraire du Figaro du dimanche 14 janvier 1923 :


La scène se passe à Harar, la grande ville de transit de l’Afrique Orientale, où les produits apportés d’Abyssinie et des pays gallas sont concentrés pour être expédiés vers les ports de la mer Rouge. Un blanc en costume colonial est entouré d’hommes de couleur. Il fait peser du café, de l’ivoire, des cuirs et il en discute les prix avec les vendeurs indigènes, avec l’un en harari, le dialecte local, avec l’autre en galla qui se parle sur les plateaux du Sud, avec un troisième en amhara, la langue des montagnards de l’Abyssinie.
Ce négociant si attentivement appliqué à sa besogne mercantile, cet Européen qui s’exprime si aisément en ces étranges idiomes africains, c’est Arthur Rimbaud ; cas rare, unique probablement dans notre histoire coloniale, pourtant si féconde en destinées extraordinaires, d’un poète transformé en traitant et en explorateur.
La vie africaine d’Arthur Rimbaud n’est pas inconnue, mais quelques documents nouveaux nous ayant été obligeamment communiqués, notamment par M. Georges-Emmanuel Lang, l’occasion nous a paru propice pour revenir sur son aventure.

I

On sait que Rimbaud, après avoir entièrement rompu avec les milieux littéraires où il avait fréquenté dans sa prime jeunesse, erra longtemps à travers le monde. En août 1880, il arriva à Aden, et l’Orient éthiopien s’empara de lui. Il entra comme employé dans la maison de commerce Mazeran, Vianney et Bardey, aux appointements mensuels de 330 francs, portés en 1883 à 416 francs, plus la nourriture et 2% sur les bénéfices. Cette maison ayant ouvert un comptoir à Harar, il y fut envoyé.
« Je suis arrivé dans ce pays après vingt jours de cheval à travers le désert çomali, écrivait-il à sa famille le 13 décembre 1880. Harar est une ville colonisée par les Egyptiens et dépendant de leur gouvernement. La garnison est de plusieurs milliers d’hommes. Là se trouvent notre agence et nos magasins. Les produits marchands de la contrée sont le café, l’ivoire, les parfums, l’or, etc. »


Ces pays d’où il tirait ce café, cet ivoire, ces parfums, il voulut les connaître. Par nécessité professionnelle, il devint explorateur et géographe. Au sud de Harar s’étend, dans la direction de l’Océan Indien, un pays nommé l’Ogaden, qui est traversé par le Ouabi Chebeli. Ce grand fleuve a en quelque sorte manqué sa destinée. Il se dirige vers l’Océan Indien, mais avant de l’atteindre, il s’évapore et disparaît. Dépourvu de voie d’accès côtière, protégé en outre par la xénophobie de ses habitants, l’Ogaden resta terre inconnue jusque dans le dernier quart du XIX° siècle. A Rimbaud revient le mérite d’avoir apporté les premières notions sur ce pays.
Lui-même fit plusieurs expéditions au sud de Harar, dans le Boubassa, où il créa des marchés d’ivoire et de cuirs. Il fallait du courage pour y pénétrer, car les populations de ces contrées haïssent l’étranger, et vers cette même époque, le Français Lucereau et l’Italien Sacconi y furent assassinés.
Rimbaud organisait aussi des voyages pour le compte de sa maison. « Il dirige toutes nos expéditions du Çomal et des pays gallas, écrivait son patron Bardey, le 24 novembre 1883. L'initiative de l’exportation [sic ! lire ‘exploration’] du Ouabi, qui coule dans le pays d'Ogaden, lui est due. » Le plus fructueux de ces voyages fut celui du Grec Constantinu Sottiro qui s’avança, véritable exploit, jusqu’à une distance de 140 kilomètres au sud de Harar. Des observations qu’il avait faites, des notions rapportées par les agents subalternes ou données par les indigènes, Rimbaud composa une notice sur l’Ogaden, succincte mais pleine de substance, que Bardey eut la bonne idée d’adresser à la Société de Géographie de Paris, laquelle s’empressa de la publier.
Rimbaud réussit auprès des indigènes. Il se rendit promptement maître de leurs langues, dont, comme il l’écrivait un jour, « il se remplit la mémoire ».
Et puis, il traitait les hommes de couleur en hommes et qui méritent des égards ; il réussit à apprivoiser ces Çomalis de caractère pourtant si ombrageux. Il se fit des relations parmi les chefs de l’Ogaden, et il appelle quelque part l’oughaz de Malingour « notre ami Aram Hussein ». Les opérations commerciales auxquelles Rimbaud se livra furent assez fructueuses. Il fit des économies. En juillet 1884, il pensait envoyer à sa famille « au moins dix mille francs ». Et pendant plus d’une année, il continua « à ramasser quelques sous ».
Après une « violente discussion », il se sépara de son patron, Bardey, en octobre 1885. Il s’associa alors à un négociant français, nomme Pierre Labatut, qui faisait des affaires au Choa.

II

Ménélik commença sa carrière comme simple chef de la province la plus méridionale de l’Abyssinie : le Choa. Quand il mourut il était empereur d’Ethiopie, souverain par conséquent de toute l’Abyssinie et il avait conquis au sud du Choa un immense territoire qui jouxtait la colonie anglaise de l’Afrique orientale. Or, l’instrument de cette politique et de ces conquêtes, ce fut le fusil. Avoir des fusils, beaucoup de fusils avec les munitions nécessaires, telle était, les récits de tous les voyageurs concordent sur ce point, la préoccupation principale de tous les Abyssins, depuis Ménélik jusqu’au plus humble de ses sujets.
Labatut avait justement reçu de Ménélik, en 1885, une importante commande d’armes. Rimbaud participa à l’affaire et il y mit la plus grande partie de ses économies.
Pour recevoir les caisses d’armes et organiser la caravane qui devait les transporter au Choa, il séjourna dix mois, de décembre 1885 à octobre 1886, sur les rivages de la mer Rouge, à Tadjourah, localité située en face de Djibouti, malsaine et très désagréable. Que de difficultés il eut à surmonter ! avec les indigènes toujours, avec le gouvernement français, qui croyait devoir interdire le transport d’armes au Choa. Et puis, son associé Labatut tomba malade, partit pour la France et y mourut. Rimbaud pensa alors faire le voyage avec Paul Soleillet, un africaniste d’une certaine notoriété, qui avait jadis exploré le Soudan et récemment passé deux années en Abyssinie. Mais, à son tour, Soleillet succomba à Aden. En définitive, Rimbaud partit seul en octobre 1886. Il traversa l’affreux et dangereux désert de Danakil, gravit les pentes du massif abyssin et, le 9 février 1887, il atteignit Ankober, l’ancienne capitale du Choa. Il y rencontra Jules Borelli, un Français qui fit d’importants voyages en Abyssinie, de 1887 à 1888. De prime abord, Rimbaud donna une impression d’énergie à Borelli, qui écrit dans son journal :
« M. Rimbaud sait l’arabe et parle l’amharigna et l’oromo. Il est infatigable. Son aptitude pour les langues, une grande force de volonté et une patience à toute épreuve le classent parmi les voyageurs accomplis. »
Rimbaud séjourna trois mois en Abyssinie. D’Ankober il se rendit à Entotto, où Ménélik résidait avant la fondation d’Addis-Ababa. Il y reçut la lettre suivante, que nous croyons peu connue :
« Envoyé par le roi Ménélik.
« Parvienne à M. Rimbaud.
« Comment te portes-tu ? Moi, par la grâce de Dieu, je me porte bien.
« Ta lettre m’est parvenue. Je suis arrivé hier à Fel-Ouha (près d’Entotto).
« Cinq jours  me suffiront pour voir les marchandises. Tu pourras partir ensuite.
« Ecrit le 3 myarzya  [février ou mars 1887].

Financièrement, l’expédition échoua :
« Mon affaire a très mal tourné et j’ai craint quelque temps de redescendre sans un thaler » écrivait plus tard Rimbaud. Mais sous un tout autre rapport il réussit. Il redescendit en effet à Harar par un itinéraire qu’aucune Européen n’avait encore suivi. Accompagné de Borelli, il partit d’Entotto le 1er mai 1887 et arriva à Harar le 21, après avoir traversé le plateau du Mindjar, « pays magnifique, puis Carayou, halliers couverts d’arbres épineux, séjour des buffles et des éléphants », et finalement suivit la crête du Tchercher « où la végétation est incomparablement belle ».
La découverte de cette voie nouvelle fut très remarquée dans les milieux géographiques français et étrangers : succès auquel assurément Rimbaud ne s’attendait pas. Cette nouvelle route fut désormais fréquemment suivie, et notamment par la mission du commandant Marchand, pendant la dernière étape de sa célèbre traversée de l’Afrique.


III

Revenu d’Abyssinie, Rimbaud, après un court séjour au Caire, se fixa définitivement à Harar, non plus comme agent commercial, mais comme chef de factorerie. Le régime du pays avait changé depuis qu’il l’avait quitté. Les Egyptiens l’avaient évacué et les Abyssins l’occupaient : « Le gouvernement est le gouvernement abyssin du roi Ménélik, c'est-à-dire un gouvernement négro-chrétien, mais somme toute on est en paix et en sûreté relative. »
Grâce à la position importante qu’il s’était faite à Harar, grâce à ses relations avec le ras Makonnen et à son expérience, Rimbaud rendit des services aux Français et aux étrangers qui y passèrent en ces années 1888-1890. Il exerçait largement l’hospitalité. Il reçut, par exemple, pendant six semaines le Suisse Alfred Ilg, qui, arrivé en Abyssinie comme ingénieur y devint le conseiller et le ministre d’Etat de Ménélik. De ses rapports avec Rimbaud, Ilg avait surtout conservé le souvenir d’un homme renfermé et taciturne, ainsi qu’il nous l’écrivait il y a quelques années. Bardey a, plus tard, rappelé la bonté de Rimbaud pour les imprudents qui, pleins d’illusions, se lancent dans les pays exotiques et qui n’y éprouvent que déboires.
Jamais, dans ses lettres, Rimbaud ne faisait allusion à son passé, et, dans cette vie de la brousse pourtant favorable à l’abandon, il ne se laissait aller à aucune confidence. Que Verlaine ait pensé à Rimbaud, le poème Læti et errabundi permet de le supposer:
Nous allions, vous en souvient-il,
Voyageur où ça disparu ?
Filant légers dans l'air subtil,
Deux spectres joyeux, on eût cru !
Mais de ses anciennes amitiés, lui, Rimbaud, ne parlait jamais.

* * *

Qui ne connaît le martyre de ses derniers mois ? En février 1891, il éprouva dans le genou des douleurs qui, chaque jour, devinrent plus vives. Aucun médecin européen n’exerçant à Harar, il résolut d’aller se faire soigner à Aden. Il partit le 8 avril 1891, transporté dans une civière car il était incapable de se tenir à cheval. La traversée du désert çomali dura quinze jours. A Zeila, il est hissé à bord d’un bateau, et il arrive à Aden où le médecin de l’hôpital diagnostique « une tumeur synovite arrivée à un point très dangereux ».
Rimbaud décide alors de s’embarquer pour la France. En novembre 1891, il expire à l’hôpital de la Conception de Marseille.
Or, ce fut vers ces temps-là que la renommée littéraire d’Arthur Rimbaud commença de poindre et de s’élever au-dessus de l’horizon.

Henri Dehérain

lundi 20 novembre 2023

Alphonse Juin, Maréchal de France, est élu à l'Académie française le 20 novembre 1952



« … lorsque nous m’avez fait l’honneur de m’appeler à siéger parmi vous, il n’a échappé à personne, et encore moins au récipiendaire, que c’était au soldat et uniquement à lui qu’étaient allés vos suffrages. » (25 juin 1953)

Maréchal Alphonse Juin (dernier Maréchal de France), 2 juillet 1962 :


« … Que les Français, en grande majorité aient, par referendum, confirmé, approuvé l'abandon de l'Algérie, ce morceau de la France, trahie et livrée à l'ennemi, qu'ils aient été ainsi complices du pillage, de la ruine et du massacre des Français d'Algérie, de leurs familles, de nos frères musulmans, de nos anciens soldats qui avaient une confiance totale en nous et ont été torturés, égorgés, dans des conditions abominables, sans que rien n'ait été fait pour les protéger : cela je le pardonnerai jamais à mes compatriotes. La France est en état de péché mortel. Elle connaîtra un jour le châtiment. »




Fils d’un gendarme en poste à Mostaganem, Alphonse Juin fit ses études secondaires en Algérie, aux lycées d’Alger puis de Constantine, avant d’intégrer Saint-Cyr en 1910. Sorti major de sa promotion en 1912, il servit pendant deux ans au Maroc. Quand éclata la Première Guerre mondiale, il fut rappelé en Métropole et participa aux combats avec les Tabors marocains. Blessé en 1915, il perdit l’usage de son bras droit. Il repartit alors pour le Maroc où, après quelques mois de convalescence il refuse le poste d’officier d’ordonnance du général Lyautey pour servir à l’état-major de Rabat avant de recevoir, en décembre 1916, le commandement d’une compagnie de mitrailleuses du 1er régiment de tirailleurs marocains. En octobre 1918 enfin, il devait rejoindre l’état-major de la 153e division d’infanterie, puis fut détaché à la mission militaire française près de l’armée américaine.

Après la guerre, il enseigna une année à l’École de guerre avant de regagner l’Afrique, où il se battit dans le Rif. Son action vigoureuse en faveur de la pacification du Maroc au début des années 20 lui valut d’être proposé à titre exceptionnel pour le grade de chef de bataillon.

Étant repassé vers 1930 par l’École de guerre pour y dispenser un cours de tactique générale, il gravit tous les échelons de la hiérarchie militaire, fut promu chef d’état-major des forces armées de l’Afrique du Nord, puis, à la fin de l’année 1938, général de l’Armée d’Afrique.

En 1939, au moment de la déclaration de guerre, il fut nommé commandant de la 15e division d’infanterie motorisée. Il couvrit la retraite de Dunkerque en mai 1940, mena un combat désespéré, mais fut fait prisonnier le 19 mai. Libéré à la demande de Vichy en juin 1941, il fut envoyé pour succéder à Weygand comme commandant en chef des forces d’Afrique du Nord.

S’étant rallié aux Américains en novembre 1942, il prit la tête du contingent français qui arrêta la force de l’Axe en Tunisie, et contribua à l’anéantissement de l’Afrikacorps. Appelé à la tête du corps expéditionnaire français en Italie, il imposa aux Alliés son plan d’offensive et perça en mai 1944 le front allemand sur le Garigliano, ouvrant la route de Rome et de Sienne. Son corps fut ensuite affecté au débarquement de Provence… … 


par
André Maurois
directeur de l’Académie française
à l’occasion du décès du
Maréchal Alphonse Juin
décédé le 27 janvier 1967, à Paris


Le peuple de Paris, le Gouvernement, l’Église et l’Armée ont fait hier au Maréchal Juin des funérailles dignes d’un héros. Pour l’Académie française, ce deuil est intime et douloureux. Nous admirions le chef de guerre ; nous aimions le confrère et l’ami. Sa simplicité, sa bonté nous avaient conquis. Avant les événements et la maladie qui attristèrent sa fin, sa gaieté confiante éclairait nos rencontres du jeudi. « Les gens graves ne sont pas sérieux » disait-il. Nous savions qu’il était, sur le champ de bataille, le chef le plus ferme et le plus précis. Ici nous l’avons toujours vu cordial, attentif et prêt à prendre sa part de nos tâches familières. Ce grand soldat, quand il le voulait, devenait un écrivain.

Mais nous l’avions élu surtout parce que l’Armée française lui devait d’avoir retrouvé sa plus vieille amie : la victoire. On ne dira jamais assez ce qu’ont été son rôle et celui de l’Armée d’Afrique de 1942 à 1944. Que cette Armée ait été préservée, maintenue, entraînée et même accrue après la défaite, est un miracle dont deux des nôtres : Weygand et Juin, furent les artisans. Les armes sauvées avaient été camouflées, cachées dans des grottes de montagne, dans des puits de mine, sous les scènes des théâtres. Le devoir des commissions d’armistice ennemies eût été de découvrir ces ruses. Mais j’ai copié en 1943, lorsque j’étais à Alger sous ses ordres, une note du général Juin sur les réponses à faire aux commissions de contrôle. Elle n’a jamais été publiée et je me permets de vous en citer quelques phrases parce qu’elles montrent comment Juin, bien avant le débarquement, résistait à l’ennemi et préparait les combats futurs.

« Il convient, disait-il, que tout officier sache exactement dans quel sens il doit répondre pour éviter les pièges des questionnaires allemands. Les questions posées peuvent avoir pour but de connaître : 1°) la mission de l’unité en opération. Sur ce point il convient de rester absolument muet ; il y a lieu de répondre que l’on ne sait rien et que des directives seront données en temps utile par le commandement. 2°) l’orientation qui est donnée à l’instruction. Il y a intérêt à ce que les Allemands ignorent jusqu’à quel point est poussée l’instruction dans les particularités du combat moderne. Répondre par des généralités sur les chapitres bien connus du règlement. 3°) le degré d’entraînement et la valeur de la troupe. Sur ce point il faut éviter un double écueil. Si l’on exagère la faiblesse de l’Armée d’Afrique, on inspire aux Allemands le désir de se substituer à nous ; si l’on étale complaisamment les qualités de cette armée, on peut amener les Allemands à penser qu’elle constitue pour eux un danger. C’est entre ces deux écueils qu’il faut tenir le juste milieu. Signé : JUIN, commandant en chef. »

Voilà pourquoi il existait encore, en 1943, une Armée d’Afrique. Elle était mal vêtue, mal équipée, mal nourrie, mais elle possédait des soldats merveilleux, d’excellents officiers, de nobles et anciennes traditions. Elle était capable, au prix de souffrances et de privations, de faire campagne. En fait ce fut elle qui, après le débarquement et en attendant l’arrivée des grands détachements alliés, arrêta seule, avec ses pauvres moyens, l’avance des blindés ennemis. Je le répète, on ne dira jamais assez que, sans Juin et ses hommes, il n’aurait pas été possible de tenir en Tunisie. En pensant à leur dénuement, on les rapproche des soldats de l’An Deux ; en pensant à leur ténacité, à leur foi, on évoque les soldats de la Marne.

La fin de la campagne fut épique et foudroyante. Une manœuvre, dont le général Juin avait eu l’idée, fit roquer deux divisions blindées de la droite à la gauche du dispositif allié. L’ennemi, entièrement surpris, s’effondra. Toute son armée (224 000 hommes, 26 généraux, 1 000 canons, 250 chars) fut prise. La bataille d’Afrique était terminée. Le général Eisenhower, dans son bulletin de victoire, écrivait : « Les Français, avec un équipement pauvre et désuet ont effectué sur le champ de bataille un magnifique travail. Leurs combats ont égalé ce que l’on peut attendre de mieux de la meilleure armée du monde. »

Au général Juin, qui s’était révélé grand stratège, fut confié le commandement du Corps Expéditionnaire français en Italie. Là il me conduisit au pied des terribles montagnes qu’il fallait franchir et m’emmena dans ses tournées d’inspection aux avant-postes. Il inquiétait un peu son état-major par sa hardiesse et sa volonté de tout voir. Ses hommes adoraient ce chef qui, la pipe au bec et le béret étoilé en bataille, venait en jeep jusqu’aux points les plus dangereux. Ils aimaient sa bonhomie, ses boutades. On aurait pu dire de lui ce que Bossuet disait de Condé : « Jamais homme ne craignit moins que la familiarité ne blessât le respect. »

Avec sa remarquable intuition stratégique il fut le premier à comprendre que l’on n’enlèverait pas le Monte Cassino par une attaque frontale. Nourri des principes napoléoniens, il proposa une fois encore de créer la surprise par la manœuvre. (…) « Juin dessine d’un trait ferme le plan de sa manœuvre ». Il proposait de faire traverser en secret le Garigliano par 30 000 hommes et de jeter les tabors du général Guillaume dans le massif de Petrella que l’ennemi croyait inviolable. Il eut grand-peine à faire approuver ce plan hardi par les Alliés. Puis, non seulement ils acceptèrent ce ferme dessin tracé par un Français, mais ce fut l’Armée d’Afrique qui força le verrou des Abruzzes. Le général américain Clark écrivit à Juin : « Vous êtes en train de prouver à une France anxieuse que l’armée française a conservé ses plus belles traditions. » Quelques jours plus tard le général Juin faisait dans Rome une entrée triomphale. La défaite de 40 était effacée par la victoire de Garigliano.

Juin aurait voulu exploiter cette victoire. Il avait été Bonaparte à l’armée d’Italie ; il espérait pousser jusqu’au Brenner, entrer en Autriche et, qui sait, remporter une nouvelle victoire de Wagram. Mais des engagements avaient été pris et les plans des Alliés étaient différents. Il dut quitter son cher Corps Expéditionnaire pour devenir le chef d’état-major général de la Défense nationale. On sait comment, après la victoire finale, il revint au Maroc où ses anciens goumiers, ses tirailleurs, gens de poudre et d’honneur, lui faisaient une escorte invisible ; comment il devint commandant en chef des armées alliées de Centre-Europe ; comment il fut, à l’approbation de la France entière, fait Maréchal de France ; comment enfin cette éblouissante carrière fut brusquement interrompue par les événements d’Algérie. Né dans ce pays, il fut alors écartelé entre son attachement à sa terre natale et son respect de la discipline. À ses loyalismes il sacrifia sa vie. Il aura eu du moins cette consolation : la certitude d’avoir fait en toute circonstance ce que lui commandait sa conscience. En ces grands déchirements l’âme seule est juge.

Pour nous, le souvenir que nous conservons de lui est à la fois celui du confrère souriant et affectueux qui, chargé de gloire, se pliait avec tant de bonne grâce à nos paisibles travaux, et celui du chef qui, debout au milieu de ses troupes, entrevoyait, en des éclairs de génie, les manœuvres décisives. En votre nom, je dis la respectueuse sympathie de l’Académie à la Maréchale Juin, à ses deux fils et aussi à ses soldats d’Italie qui, ayant servi sous ses ordres et l’ayant aimé, se souviennent avec gratitude qu’il les conduisit à la victoire.


Académie française : Discours de réception du maréchal Juin (25 juin 1953)

Académie française : Réponse de M. Maurice Genevoix au discours de M. le maréchal Juin (25 juin 1953)

Académie française : Allocution lors du décès du maréchal Alphonse Juin (2 février 1967)

Académie française : Alphonse Juin, élu le 20 novembre 1952 au fauteuil 4, biographie


*     *    *


Le hasard a voulu que je relise à la veille de ce 20 novembre 2023 des éléments biographiques de deux immenses soldats : celle du Maréchal de France Alphonse Juin (élu à l’Académie française le 20 ovembre 1952) ainsi que celle du général Franco (décédé à Madrid le 20 novembre 1975).

Jamais je n’avais encore réalisé combien leur contemporain le politicien DeGaulle le dispute tout autant au dérisoire qu’à la grandiloquence du ridicule… certes trouvant encore grâce auprès de quelques vieux fidèles psittacidés au plumage flétri, d'homologues politiciens modernes à droite ou à gauche mus par un ego incertain et une ambition verbeuse, sans oublier une chienlit immature murée dans l’infantilisme…






In memoriam : Generalísimo Francisco Franco, Caudillo de España por la Gracia de Dios


Francisco Franco Bahamonde, né le 4 décembre 1892 à Ferrol et décédé le 20 novembre 1975 à Madrid, est un soldat et homme d'État espagnol. Durant la guerre d'Espagne, il s'impose comme chef du camp nationaliste qui remporte la victoire sur les républicains. De 1939 à 1975, il dirige un régime politique (État franquiste) avec le titre de Caudillo (chef ou guide) : « Generalísimo Francisco Franco, Caudillo de España por la Gracia de Dios ».



Conscient de son inexpérience en matière politique, Franco s'appuya sur son beau-frère, Ramón Serrano Súñer, la Phalange et l'Église catholique, ralliée à son camp après les massacres anticléricaux de 1936, sans oublier les monarchistes (carlistes, conservateurs et autres). Il reçut le soutien des Espagnols effrayés par l'anti-catholicisme et la violence à laquelle avait fait face la République comme l'assassinat de Calvo Sotelo, les massacres de 7 000 prêtres et autres manifestations de sacrophobie.

En revanche, Franco n'est ni phalangiste, ni carliste, ni fasciste, ni libéral, ni démocrate-chrétien. Ce n'est pas un idéologue mais un militaire conservateur, déçu tout à la fois par Alphonse XIII et par la République. Sa stratégie repose sur son prestige personnel. Elle consiste à s'entourer de toutes les familles idéologiques de son camp et à arbitrer leurs conflits sans jamais souscrire personnellement à aucune tendance. Sa conception de la société et de l'État est dans la lignée de la pensée de Juan Donoso Cortés. Il voulait un État et un gouvernement en accord avec les anciens principes de l'Église catholique.

L'anticommunisme constitue l'autre grand pilier de sa politique. Franco considère insensée la guerre mondiale qui oppose les peuples de l'Europe au seul profit de l'Union soviétique. Il lui paraît qu'il y a deux guerres : une, légitime, celle de l'Europe contre le communisme (ce qui explique l'envoi de la Division bleue en réponse aux Brigades internationales), l'autre, illégitime, entre les Alliés et l'Axe. Selon l'historien américain Robert Paxton, Franco était « d'une hostilité maladive à la démocratie, au libéralisme, au sécularisme, au marxisme et tout spécialement à la franc-maçonnerie ».
Selon Pierre Milza ce régime ne répond pas, du fait de son appui principal sur l'Armée et l'Église, à la définition du fascisme tel qu'il s'est installé dans l'entre-deux guerres en Italie et en Allemagne.


Par ces liens familiaux, le général Franco très proche de la France légitime !…
Maria del Carmen Polo y Martínez-Valdés (1902-1988), après avoir rencontré Franco en 1917, l'épouse en 1923 et en 1926, donne naissance à leur seul enfant, María del Carmen. Elle est décédée à Madrid en 1988.

María del Carmen Ramona Felipa de la Cruz Franco y Polo, duchesse de Franco : sa fille. Elle a épousé Cristóbal Martínez Bordiú, marquis de Villaverde, le 10 avril 1950. Elle vit aujourd'hui surtout à Miami (Floride). Elle dirige La Fundación Nacional Francisco Franco, fondée en 1977, avec pour objectif de défendre la mémoire de son père.

Carmen Martínez-Bordiú y Franco, sa petite-fille, aînée des enfants de Carmen. Elle avait épousé en première noce Alphonse de Bourbon, duc de Cadix, cousin du roi d'Espagne Juan Carlos et aîné des Bourbons.

Leur fils Louis de Bourbon est aujourd'hui le prétendant légitimiste à la couronne de France. Il est à la fois l'arrière-petit-fils de Franco et l'arrière-petit-fils du roi d'Espagne Alphonse XIII.



Le prince Louis de Bourbon en compagnie de son épouse la princesse Marie Marguerite
et de leurs enfants la princesse Eugénie, le prince Louis et le prince Alphonse…

De jure, Louis XX, roi de France.
Arrière-petit-fils du Generalísimo Francisco Franco, Caudillo de España por la Gracia de Dios 
et arrière-petit-fils du roi d'Espagne Alphonse XIII…



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Le hasard a voulu que je relise à la veille de ce 20 novembre 2023 des éléments biographiques de deux immenses soldats : celle du Maréchal de France Alphonse Juin (élu à l’Académie française le 20 ovembre 1952) ainsi que celle du général Franco (décédé à Madrid le 20 novembre 1975).

Jamais je n’avais encore réalisé combien leur contemporain le politicien DeGaulle le dispute tout autant au dérisoire qu’à la grandiloquence du ridicule… certes trouvant encore grâce auprès de quelques vieux fidèles psittacidés au plumage flétri, d'homologues politiciens modernes à droite ou à gauche mus par un ego incertain et une ambition verbeuse, sans oublier une chienlit immature murée dans l’infantilisme…






mardi 31 octobre 2023

Marcel Berthomé, maire de Saint-Seurin-sur-l’Isle : un Homme d'Honneur



MARCEL BERTHOMÉ (1922-2023)




 
Ce que les media ont retenu de Marcel Berthomé est tout à son honneur. Titulaire de 25 décorations, Grand Officier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre avec Palmes, cinq fois cité, il fut le Maire inamovible de Saint-Seurin-sur-l’Isle (1971- 2020), en Gironde, jusqu’à devenir pendant six ans le doyen des Maires de France (2014-2020).

Mais ce que cette presse aux ordres occulte avec sa servilité coutumière, c’est que ce Commandant de réserve ayant servi dans l’aviation, notamment en Indochine, et titulaire de la Médaille Coloniale, manifestait la plus haute estime pour le Général Salan ainsi que pour les ultimes combattants de l’Algérie Française.

Beaucoup moins consensuel que ce que prétend la presse locale, il avait institué dans sa commune une place du Général Salan et élevé deux stèles, l’une au général Raoul Salan, dernier soldat de l’Empire au service exclusif de la France et l’autre en mémoire des fusillés, des patriotes, des résistants, des disparus et des harkis tombés pour que vive la France en Algérie.

Inaugurées en présence des responsables de l’ADIMAD, ces stèles, on s’en doute, avaient été l’occasion de vives polémiques, mais Marcel Berthomé avait tenu bon, renouvelant, chaque 26 mars, une cérémonie à laquelle l’ADIMAD était invitée. Il a fallu son remplacement par son ancienne adjointe pour que le démantèlement de nos stèles soit voté par le Conseil municipal. ` (ADIMAD-MRAF )


UN HOMME D’EXCEPTION

Nos media locaux se sont faits très discrets à l’annonce du décès à l’âge de 101 ans, d’une personnalité haute en couleur, Marcel Berthomé (4 avril 1922-24 octobre 2023), ex-doyen des maires de France, en omettant certains faits le concernant. Lui rendant hommage, le journal Sud-Ouest écrivait en date du 25/10/2023 : « “Il était incontestablement l’une des âmes combattantes et vivifiantes du Libournais”, ce sont par ces mots que Philippe Buisson, maire de Libourne et président de l’Agglo du Libournais, a annoncé, ce mardi 24 octobre, le décès de Marcel Berthomé à 101 ans. L’homme aux mille et une vies est notamment connu pour avoir été le doyen des maires de France à Saint- Seurin-sur-l’lsle, dans le Nord-Libournais, qu’il administra de 1971 à 2020. Un homme aty- pique qui, au-delà de ses huit mandats d’élu, connut trois guerres et deux épopées footballistiques avec l’AS Saint-Seurin dont il fut joueur, capitaine, entraîneur puis président, lors de la montée du club en Ligue 2. » Par conscience et honnêteté professionnelles, il aurait fallu ajouter que, pendant ses 49 ans d’exercice, Marcel Berthomé n’avait jamais caché ses fidélités politiques. C’est grâce à lui que ceux d’entre nous qui n’oublient rien avaient le privilège de ve- nir se recueillir, chaque année, devant les deux stèles qu’il avait fait ériger dans sa commune de Saint-Seurin-sur-l’Isle. Justice doit cependant être rendue à un article d’archive élogieux, paru voici plus d’une décennie, le 06/04/2013, ayant sans aucun doute échappé à la censure actuelle. Sous la plume de Jean-Charles Galiacy, on pouvait lire : « Quand Saint-Seurin célèbre le chef de l’OAS ». À la suite du départ de Marcel Berthomé en 2020, les deux stèles, d’abord dégradées, furent finalement détruites par le nouveau maire, Mme Éveline Lavaure-Cardona, la rue Raoul Salan ayant au préalable changé de nom, alors qu’ayant été gracié, le nom du général Salan avait été réhabilité.
Que Marcel Berthomé repose en paix ! (Michelle FAVARD-JIRARD)


Sud-Ouest Gironde : « le père, le soldat, l’élu et l’ami d’exception », Marcel Berthomé a reçu un dernier vibrant hommage

Sud-Ouest : (En images) Gironde, le vibrant hommage à Marcel Berthomé, ancien doyen des maires de France et légende de l’armée de l’air

Une trentaine de porte-drapeaux et des membres de l’armée de l’air,
dont a fait partie Marcel Berthomé durant vingt-neuf ans, étaient présents

© Crédit photo : Linda Douifi


Yolande et Anne Berthomé, la femme et la fille de Marcel Berthomé.
(Linda Douifi)


La cérémonie religieuse s’est tenue en l’église de Saint-Médard-de-Guizières, son village natal,
avant son inhumation à Saint-Seurin-sur-l’Isle, son village de cœur dont il fût maire de 1971 à 2020
(Linda Douifi)



Porte-drapeaux, anciens combattants, militaires
ainsi que la colonelle Nathalie Picot, commandante de la base aérienne 106 de Mérignac,
ont salué le héros de Guerre que fut Marcel Berthomé
(Linda Douifi)


Le père Guy Metereau, aumônier réserviste de Cazaux,
a présidé la bénédiction tenue dans une église comble
(Linda Douifi


Anne Berthomé, la fille de Marcel, a rendu un poignant hommage à « ce père exceptionnel »
(Linda Douifi)


Des jeunes du club de foot de Saint-Seurin, dont Marcel Berthomé fut joueur, capitaine,
entraîneur puis président, ont été associés à cette cérémonie
(Linda Douifi)


Les 260 places de l’église de Saint-Médard-de-Guizières n’ont pas suffi à accueillir
les 500 personnes désireuses de saluer une dernière fois cette figure du Libournais et de la République
(Linda Douifi)


Après la dernière bénédiction, le cercueil a quitté l’église au son de « I will survive » de Gloria Gaynor,
un hymne que Marcel Berthomé avait fait sien lors de chaque cérémonie de vœux
(Linda Douifi)



Armée de l'Air et de l'Espace : Le commandant Marcel Berthomé, 101 ans,
élevé à la dignité de grand officier de la Légion d’honneur

*   *   *

Le 26 mars 2013, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées pour une cérémonie d'une intense émotion, devant la stèle dédiée au général Raoul Salan

Marcel Berthomé, ancien combattant et maire de Saint-Seurin-sur-l’Isle,
devant la stèle dédiée au général Raoul Salan,
sur la place qui porte son nom (photo J.-C. G. )

Marcel Berthomé se sait volontiers à contre-courant. Mais après de nombreuses années à bourlinguer en Afrique et ailleurs pour l’Armée française, plus de quarante ans de vie politique et huit mandats à la tête de la commune de Saint-Seurin-sur-l’Isle, on ne changera pas le nonagénaire ultra-droit dans des convictions ultra-droites.

Voilà sans doute pourquoi les appels des services de l’État et les lettres d’opposants ne l’ont pas fait vaciller d’un iota dans son ambition d’organiser, le 26 mars dernier, une cérémonie d’hommage au général Raoul Salan. Salan, une figure du XXe siècle (1899-1984), héros de deux guerres mondiales, commandant en chef en Indochine et en Algérie, sans doute l’un des militaires les plus décorés de l’armée française… mais aussi un symbole de la France coloniale, partisan acharné de l’Algérie française, général putschiste en 1961, passé à la clandestinité - et, pour beaucoup d’historiens, au terrorisme - lorsqu’il est devenu chef de l’Organisation armée secrète, notre respectée OAS. [Arrêté en 1962, Raoul Salan a été condamné à la détention à perpétuité. Il a été libéré en 1968, "gracié" par DeGaulle. Raoul Salan fut réintégré dans ses prérogatives de général d’armée en 1982, à la suite d’une loi d’amnistie votée sous la présidence de François Mitterrand.]

Entre 80 et 300 personnes

Un peu plus de trois mois après la reconnaissance par Flanby, prétendu président de la république, et donc de l’État, des « souffrances » infligées à l’Algérie par la colonisation, la tenue de cette « cérémonie du souvenir de l’Algérie française à ses victimes militaires et civiles » aurait pu paraître pour le moins incongrue. Une manifestation tombée un mardi et suivie tout de même par 300 personnes selon le principal organisateur, 80 selon ses détracteurs, ainsi qu’un peloton de gendarmerie, discrètement placé là en cas de débordements.

Marcel Berthomé, qui a connu trois guerres, se battant notamment en Indochine et en Algérie, ne raconte forcément pas la même histoire que celle déclinée dans les manuels de classe. « On a vendu l’Algérie, explique-t-il. On avait dit aux militaires de garder l’Algérie française […] Le drame, c’est qu’on a gagné la guerre mais qu’on a donné l’Algérie. Aujourd’hui, on célèbre le 19 mars, mais c’est un jour de deuil et de honte. »

À Saint-Seurin, le maire a choisi le 26 mars, commémoration de la fusillade de la rue d’Isly à Alger, jour au cours duquel des partisans du statu quo de l’Algérie française avaient été pris pour cible par l’Armée française. Et la cérémonie s’est tenue devant une double stèle dédiée au général Salan, « général d’armée, dernier soldat de l’Empire au service exclusif de la France » et aux « fusillés, patriotes, résistants, disparus tombés pour que la France reste en Algérie. »

Dans le cortège de Saint-Seurin le 26 mars dernier, outre le fils du général, Victor Salan, on recensait aussi les représentants d’associations proches des anciens de l’Algérie française, particulièrement de l'Adimad et du Collectif du Non au 19 Mars.  

« La vraie France »

Louis Martinez, délégué pour l’association 4ACg (Association des anciens appelés en Algérie-Tunise-Maroc contre la guerre et leurs amis), fut l’un de ceux qui ayant demandé l’annulation d’un tel rassemblement, écrivant au préfet de la Gironde : « Nous vous demandons […] de bien vouloir interdire cette initiative qui ne peut être que douloureuse pour toutes les victimes civiles et militaires de ces factieux qui veulent poursuivre leurs détestables actions de division de 1962 […] ». Présent « en catimini » le 26 mars dernier, Louis Martinez a observé « un homme en tenue de camouflage, trois autres avec des bérets rouges qui sentaient fort la nostalgie », et écouté les discours, notamment celui qui s’est terminé « en parlant de la vraie France  ». « Mais qu’est ce qu’il y a dans cette expression ? », s’interroge-t-il. 

Sourd aux polémiques, le maire entend bien renouveler l’hommage l’année prochaine

Pas question en tout cas pour le maire Marcel Berthomé de plier devant la polémique. Le 26 mars 2014, sans aucun doute, une nouvelle cérémonie sur la place du Général-Raoul-Salan (le maire a rebaptisé cet espace municipal en 2006) - devrait être organisée : « Nous sommes un certain nombre à avoir vécu cette période. Tant que nous serons encore en vie, nous ferons vivre son souvenir ».


Sud-Ouest : Quand Saint-Seurin célèbre le chef de l’OAS

Sud-Ouest : Un nouvel hommage au chef de l’OAS à Saint-Seurin-sur-l’Isle (33) l'année prochaine

Toulouse : Le pont de l'Infâmie… 19 mars 1962, le "maire" Cohen ose célébrer une capitulation !!!

Le CLAN-R (Comité de liaison des Associations Nationales des Rapatriés) : Saint Seurin sur L’Isle… Avant/Après



samedi 14 octobre 2023

La Grande Syrie d'Antoun Saadé… présentée par Régina Sneifer d'après les mémoires de Juliette el-Mir, épouse d'Antoun Saadé… "le livre le plus important de ces 20 dernières années sur le Moyen-Orient" !



Avec « Une femme dans la tourmente de la Grande Syrie », fin juin 2019 Régina Sneifer exhume et publie les mémoires de Juliette el-Mir, épouse d’Antoun Saadé chantre de l’idéal d’une Grande Syrie laïque et sociale, pour la première fois dans le monde arabe une doctrine sociale et nationale émancipée de toutes considérations confessionnelles…

« Une femme dans la tourmente de la Grande Syrie », était alors présenté comme « le livre le plus important de ces 20 dernières années sur le Moyen-Orient ! »… En aurions-nous confirmation ?

À lire ou relire d’urgence… Un outil indispensable pour quiconque, affranchi de l’abrutissement de la propagande d’une Communauté internationale hors-sol, veut comprendre les évènements actuels frappant la région… et envisager un avenir serein pour ses enfants…


Une femme dans la tourmente de la Grande Syrie
D'après les mémoires de Juliette Antoun Saadé 

Régina Sneifer nous propose la première biographie de Juliette el-Mir, épouse d'Antoun Saadé (1909-1963), le leader du projet de la "Grande Syrie" et penseur du Moyen-Orient. Son engagement politique et romantique jusqu'à être la première prisonnière politique. Un livre-document inédit à partir de documents de premières mains mais écrit comme un roman…
- la première biographie d'une grande avocate de l'idéal politique d'Antoun Saadé, homme politique syro-libanais de premier plan ;
- des sources de premières mains pour la première fois accessibles en français ;
- un livre évènement au Liban et en Syrie ainsi que pour les milieux orientaux français ;
- un préfacier prestigieux : le professeur et ministre Georges Corm ;
- une écriture romancée très facile d'accès et une histoire de femme battante, première prisonnière politique du Moyen-Orient.



- Le livre contient 16 chapitres précédés d’une préface de Georges Corm et d’un avant propos. Il s’achève sur un épilogue, suivi d’une abondante bibliographie.

Chapitre 1 : la première traversée (1909-1920)
Chapitre 2 : La première séparation (1920-1939)
Chapitre 3 : Engagée (1939-1940)
Chapitre 4 : Les Amants de Cordoba (Mars-Avril 1940)
Chapitre 5 : Dans le bonheur et les épreuves (1940-1941)
Chapitre 6 : Au bout du Mahjar (1942-1946)
Chapitre 7 : Nous rentrons (1946-1947
Chapitre 8 : À contre-courant, visionnaire (1947-1948)
Chapitre 9 : Mille et une trahisons (Janvier- Juin 1948)
Chapitre 10: L’EXÉCUTION
Chapitre 11 : En ligne de mire (9 juillet- 14 août 1949)
Chapitre 12 : Des répliques en cascade (15 août 1949-1954)
Chapitre 13 : À l’isolement (1854-1955)
Chapitre 14 : Tous les coups sont permis (août 1955-1958)
Chapitre 15 : Mazzeh, le trou noir de l’Union (1958-1960)
Chapitre 16 : Plus forte qu’une forteresse (1960-26 décembre 1963)
Épilogue (28 décembre 1963-24 juin 1976)
Bibliographie





Depuis mars 2011, la Syrie est victime d’une « guerre civilo-globale » très meurtrière. Les États-Unis, leurs supplétifs européens, les pays du Golfe et leur allié israélien veulent réaliser en Syrie ce qu’ils ont fait en Afghanistan, Irak, Libye et Palestine : destruction de l’État-nation, fragmentations territoriales et cristallisations confessionnalo-religieuses au profit d’un ordre mondialisé sous la conduite de Washington et des grandes sociétés transnationales.

Dans ce contexte d’hystérie géopolitique, où les accords internationaux n’ont plus aucune valeur, qui se souvient de l’idéal d’une « Grande Syrie » laïque, démocratique et sociale ? La tragédie d’Antoun Saadé – son inventeur et promoteur – ne se réduit pas à son exécution sommaire mais s’identifie à celle de l’histoire du Croissant fertile, à celle d’une œuvre magistrale de philosophie politique qui fondait – pour la première fois dans le monde arabe – une doctrine sociale et nationale émancipée de toutes considérations ethnico-confessionnelles.

Son épouse – Juliette el-Mir (1900–1976) – l’accompagnera et le soutiendra avec la dernière énergie au prix de neuf années d’emprisonnement sévère. Aimante et romantique, elle rédigera ses mémoires, gardienne de l’âme et de l’œuvre de son époux face aux injures du temps et de l’histoire officielle. C’est la vie et le destin de ce couple révolutionnaire que retrace Régina Sneifer1 à partir de ces écrits qui dormaient dans le coffre d’une banque de Genève, publiés en arabe en 2003 et jamais traduits depuis. Pour la première fois, le livre-événement de Régina Sneifer donne accès aux lecteurs francophones à cette séquence culminante de l’histoire des Proche et Moyen-Orient. Tout en restant scrupuleusement fidèle au témoignage de Juliette Antoun Saadé, ce livre exceptionnel intègre nombre de recherches et d’archives historiques mises au service d’une biographie critique. Impressionnante, cette biographie historique s’impose aussi comme un grand roman. Ce qui ne gâche rien !

L’auteure – Régina Sneifer – n’est pas n’importe qui. Journaliste et écrivaine libanaise, on lui doit déjà l’un des meilleurs livres sur la guerre du Liban (1975–1990) : Guerres maronites (éditions de l’Harmattan, 1994). En 2006, elle publie le témoignage bouleversant de son engagement et de son évolution personnelle dans la tourmente du Pays du Cèdre : J’ai déposé les armes – Une femme dans la guerre du Liban (éditions de l’Atelier). En 2013, elle nous convie à un voyage plus poétique au cœur des mémoires phéniciennes : Benta’el, fille de l’alphabet (éditions Geuthner).

Avec son dernier ouvrage, elle poursuit cette quête d’intelligence et de compréhension des Proche et Moyen-Orient, saluée par son préfacier, le grand historien et politologue Georges Corm : « aujourd’hui, en nous faisant pénétrer dans l’intimité d’Antoun et de Juliette Saadé et de leur lutte permanente pour réaliser l’unité de la ‘Grande Syrie’, Régina Sneifer apporte enfin un éclairage nouveau et passionnant d’une question, plus que jamais vitale et d’actualité pour l’apaisement des conflits du Proche-Orient et la paix en Méditerranée ».

OBSTACLES ÉPISTÉMOLOGIQUES

Pourquoi Antoun Saadé, sa vie et son œuvre sont-ils à ce point ignorés, sinon caricaturés par les écoles françaises, anglo-saxonnes et arabes de sciences humaines et de géopolitique ? C’est comme si cet homme et sa pensée politique ne présentaient aucun intérêt, comme si – surtout – il ne fallait pas en parler… Ce blanc, cette impasse, cet impensé sont d’autant plus suspects que les rares allusions à Antoun Saadé – dans la bibliographie francophone - s’accompagnent, la plupart du temps, de noms d’oiseaux ou de différents qualificatifs des plus péjoratifs visant à en faire un admirateur d’Adolf Hitler. Rien n’est plus faux !

Cette torsion idéologique a longtemps été bien commode pour justifier le désintérêt, sinon le silence entretenu sur l’œuvre de Saadé… En l’occurrence et en matière de filiation nazie et fascisante, Pierre Gemayel – le fondateur du parti bien nommé des « Phalanges » – est l’homme politique libanais qui, au retour des jeux olympiques de Berlin en 1936, a le plus ouvertement proclamé son admiration et son allégeance au fondateur du Troisième Reich et au franquisme dont il a copié les mots d’ordre : « Dieu, Patrie, Famille ». Mais de cette filiation-là, les commentateurs politiquement corrects sont beaucoup plus avares.

Hormis ce parti-pris idéologique, ce sont plutôt l’œuvre de philosophie politique et l’action d’Antoun Saadé qui fonctionnent comme autant d’obstacles épistémologiques – au sens donné à ce concept par Gaston Bachelard – : ceci explique partiellement les dédains académiques et politiques dont reste victime ce penseur qui sort aujourd’hui progressivement de l’oubli. Cette justice tardive qui l’exhume d’un purgatoire entretenu n’est pas seulement le fait du livre de Régina Sneifer qui arrive à point nommé, mais aussi la résultante d’une série d’échecs idéologiques qui minent les Proche et Moyen-Orient – des impérialismes occidentaux aux différentes expériences avortées du nationalisme arabe, de l’islamisme politique aux terrorismes islamiques. Antoun Saadé s’est opposé aux uns comme aux autres : aux empires centraux français et britannique, aux inventeurs d’un nationalisme arabe calqué sur celui des puissances européennes, aux activistes religieux (musulmans, juifs et chrétiens) de toutes obédiences.

Cyrano de Bergerac oriental, Antoun Saadé a accumulé les ennemis. Ses rejets multiples ont fini par converger pour aboutir à son exécution en 1949. Cette mise à mort arrangeait tout le monde, du moins les principaux acteurs politiques régionaux et internationaux engagés dans une phase décisive de reconfiguration et de partage de l’Orient au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Au fil des pages de Régina Sneifer, on comprend mieux pourquoi et comment les concepts majeurs de la philosophie politique d’Antoun Saadé et son action politique ont fonctionné comme autant d’obstacles épistémologiques devenus des menaces pour sa propre vie, celles de sa famille et pour son œuvre. Avec la même passion qui accompagne la lecture des plus grandes tragédies, on découvre les enchaînements terribles de cette vie shakespearienne.

LE PSNS

Antoun Saadé est né le 1er mars 1904 dans le village de Dhour Choueir au Mont Liban. Il entame ses études au Caire et les poursuit à Broumana au Liban. Après la Première Guerre mondiale, il émigre au Brésil où il rejoint ses parents et commence à s’intéresser au nationalisme latino-américain, notamment à la « révolution bolivarienne » qui va beaucoup influencer la construction de sa pensée. Celle-ci se structure en proximité de la philosophie d’Auguste Comte et, plus tard, des conceptions nationales naissantes du péronisme argentin. Il participe à la rédaction du magazine littéraire Al-Majalla, un journal fondé par son père Khalil Saadé. Durant cet exil hyper-actif, il apprend aussi à parler le portugais, l’anglais, l’espagnol, l’allemand, le français et le russe.

En 1924, il fonde son premier mouvement politique affichant l’objectif principal de la libération de la Syrie sous mandat français. En 1930 à Damas, il collabore au journal al-Ayam. En 1932, il rentre au Liban et enseigne à l’Université américaine de Beyrouth. Avec cinq de ses étudiants, il crée le 16 novembre 1932 le Parti social national syrien (PSNS), hostile aux occupations européennes du Levant et prônant une unification de l’Orient, similaire à la libération que le général vénézuélien Simon Bolivar revendiquait pour le continent latino-américain autour d’une « Grande Colombie ».

Organisation clandestine dissimulée derrière le paravent d’une société commerciale, le PSNS engrange les succès au point d’inquiéter fortement les autorités mandataires. Le 16 novembre 1935, Antoun Saadé est arrêté et condamné à six mois de prison pour activité subversive. En prison, il écrit un livre fondateur : La Genèse des nations (Nouchoû el Ouman). Le manuscrit d’une deuxième version sera confisqué et sans doute détruit. Retrouvant la liberté, il est de nouveau interpellé en 1937, alors que le PSNS est légalisé. Ses militants combattent violemment les « Phalangistes » de Pierre Gémayel à Bikfaya et dans d’autres localités du Liban.

À cette époque, rapporte Régina Sneifer, Antoun Saadé déclare : « si l’on veut absolument que le Liban constitue une entité, il faut au moins que cette entité soit commune à tous les Libanais et qu’elle ne soit pas accaparée par une secte dominante qui réduit le Liban à elle-même. Nous exigeons la fin des privilèges d’une seule secte confessionnelle et nous dénonçons l’arrogance du parti fasciste qui s’est proclamé son représentant ».

Suite à de nouveaux affrontements avec les « PhalangistesV» de la famille Gemayel, Antoun Saadé est devenu l’homme à abattre. En 1938, il doit s’exiler de nouveau en Argentine où il rencontre sa future épouse. En 1939, les autorités françaises interdisent son parti. Durant la Seconde Guerre mondiale et les soulèvements contre les autorités mandataires, Saadé est condamné par contumace à vingt ans de prison. En 1946, il rentre au Liban mais doit prendre le maquis pour fuir la justice libanaise qui veut aussi le neutraliser. Le PSNS est à nouveau autorisé en 1947, bien que dénonçant radicalement la partition de la Palestine et la tension fabriquée entre le Liban et la Syrie. Le PSNS condamne radicalement le démembrement du Croissant fertile, imposé par les accords franco-britanniques Sykes-Picot (16 mai 1916) et la déclaration Balfour (2 novembre 1917).

Lors d’élections législatives, Antoun Saadé lance un appel pour mettre fin au confessionnalisme libanais et pour l’instauration d’un État « laïc » et « démocratique ». Sa popularité est alors à son comble. Le gouvernement de Riyad el-Solh et les Phalangistes décident de s’unir pour détruire son mouvement qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Les Phalangistes ont mis un contrat sur sa tête. Inlassablement traqué, il réagit en fomentant une insurrection qui va se retourner contre lui : plus de 3 000 militants du PSNS sont arrêtés. Antoun Saadé se réfugie à Damas. Dans un premier temps, il est bien accueilli par l’ancien colonel putschiste Zaïm. Mais, soumis à de fortes pressions internationales, le gouvernement syrien le livre aux autorités libanaises.

QU’EST-CE QUE « LA GRANDE SYRIE » ?

Après une parodie de jugement – moins de quarante-huit heures après son transfert – il est exécuté précipitamment le 8 juillet 1949. L’anéantissement de l’amour de sa vie n’apporte pas le point final aux tourments de Juliette. Les ennemis de la « Grande Syrie » vont attenter plusieurs fois à sa vie, multiplier les emprisonnements, la forcer à un nouvel exil européen. Elle doit aussi faire face à de nombreux retournements, sinon aux trahisons de plusieurs cadres du parti. En 1965, elle quitte l’Europe pour l’Afrique. Établie au Ghana, elle entreprend la rédaction de ses mémoires. Juliette a soixante ans lorsqu’elle met le point final à ce témoignage pour l’Histoire avant de rentrer au Liban en 1970.

Régina Sneifer : « au sortir de sa vie, une nouvelle ruse de l’histoire lui joue encore un tour. Elle s’éteint à Beyrouth le 24 juin 1976 au début d’une guerre qui déchirera le Liban pendant quinze ans. En présence d’une poignée de fidèles, sa dépouille est inhumée au cimetière de Mar-Elias de Beyrouth, à côté de la tombe vide de son mari. Peu importe ! désormais, rien, plus rien, ni la mort, ni aucune autre ruse, ne la séparera de son Zaïm ».

Dans un entretien avec l’auteur de ces lignes Régina Sneifer insiste sur l’une des motivations essentielles de cette écriture passionnée qui a pris plusieurs années : « des mémoires de Juliette subsistent la puissance d’un grand amour mais aussi cette idée de la "Grande Syrie” qui a donné lieu à tellement de contresens et de caricatures ». En effet, Antoun Saadé était hostile à l’idéologie réductrice du nationalisme arabe parce que – pour lui – une nation ne se fonde pas sur une langue, une religion ou une quelconque ethnie. Au contraire, la nation a vocation d’accueillir plusieurs communautés. Pour lui, l’identité du citoyen c’est le territoire et sa géographie.

Dans la première version de La Genèse des nations, il explique : « une nation résulte du mariage d’un groupe d’hommes et d’une terre ». Encore : « la nation résulte non de l’origine ethnique commune, mais du processus unificateur du milieu social et physique ambiant. L’identité des Arabes ne provient pas du fait qu’ils descendraient d’un ancêtre commun, mais qu’ils ont été façonnés par le milieu géographique : le désert de l’Arabie, l’Assyrie pour la Syrie, le Maghreb… ».

Même s’il admet et intègre l’arabité de la Syrie, il n’en fait pas le facteur dominant qui, selon lui, doit être politique. Renvoyant dos à dos les internationalismes « capitaliste » et « marxiste », de même que les prétentions politiques de toutes les religions, Antoun Saadé anticipe une forme très moderne de multilatéralisme.

En effet, sa « Grande Syrie », n’a rien à voir avec la construction théocratique d’un improbable « Grand Israël », ni avec le « Christianistan » de la bande à Walid Pharès, obsédée de murs et de purification ethnique… Non, la « Grande Syrie » d’Antoun Saadé, c’est l’unification progressive du Croissant fertile. À défaut de toujours servir à faire la guerre, la géographie finit par imposer aux relations internationales d’intangibles réalités. C’est ce que nous sommes actuellement en train de redécouvrir avec la fin prochaine des opérations militaires lourdes en Syrie. Les reconstructions politique et économique du pays concerneront non seulement la Russie et la Chine, mais aussi l’Iran, l’Irak, le Liban, la Turquie et d’autres pays de la région. Et cette dynamique ne sera pas sans conséquence sur les frontières des uns et des autres. Toujours est-il – comme le souligne Georges Corm – que la Grande Syrie de Saadé et sa volonté d’unification pourront inspirer les futurs faiseurs de paix…

HORS DE TOUTES CONSIDÉRATIONS D’APPAREIL

L’un des autres grands mérites du livre-événement est d’être resté en dehors de toute espèce de considération d’appareil. S’en tenant aux mémoires de Juliette, pris comme fil rouge, l’auteure a d’emblée écarté toute consultation des militants et cadres du PSNS, afin de ne prêter aucune prise aux inévitables querelles d’appareil qui ne manquent pas d’alimenter l’histoire des formations politiques.

Par contre, son travail de journaliste et d’historienne s’est évertué à vérifier et compléter le récit de Juliette en l’enrichissant de multiples archives et éclairages dont atteste une imposante bibliographie placée en fin de volume.

Régina Sneifer : « disons-le d’entrée de jeu ! La première difficulté est liée au Parti social national syrien, le PSNS, fondé par Antoun Saadé en 1932. Ce parti que Saadé a voulu comme vecteur de changement, s’est heurté à la géopolitique complexe et enchevêtrée des Proche et Moyen-Orient du XXème siècle. Enlisé dans le bourbier de la guerre du Liban où la logique milicienne et la violence avaient envahi l’espace politique, le PSNS avait l’excuse facile. Dans ces conditions extrêmes, le ciment interne s’est lentement fissuré dans une myriade de luttes concurrentielles aux conséquences désastreuses sur le devenir de cette formation auparavant très prometteuse ».

Plus loin : « il est extrêmement rare pour un parti dans cette région du monde de disposer d’une documentation aussi riche et abondante. Pourtant, je n’ai pas tenté d’éplucher la masse de ces traces. L’archive ne dit pas spontanément l’histoire vraie. Je n’aurai pas su faire le tri. Je n’aurai pas su non plus démontrer si le PSNS a mis à exécution efficacement les idées et le projet de Saadé bien que les chefs successifs du parti s’y soient référés ». Pour un livre d’une telle importance, tout va pour le mieux en le disant !

On l’a compris, prochetmoyen-orient.ch recommande chaudement la lecture et la diffusion de ce livre-évènement. Elle n’hésite pas à le classer parmi les ouvrages les plus importants des dix dernières années, pour mieux comprendre l’Orient compliqué.










dimanche 18 juin 2023

18 juin : journée nationale des Psittacidés en France…



Aux résidus gaullistes : « … la bêtise est une force indomptable. »
Albert Paraz
R…Appel pour un 18 juin !
En ce 18 juin, de volières en volières se répercutent des appels de Psittacidés… Se répète et se rabâche ce que l'histoire officielle enseigne dans les écoles de la République en France… Une France qui n'a certes pas le monopole des falsifications historiques, quasi universellement répandues…

Au petit matin de ce 18 juin, désagréable réveil par le chœur des Psittacidés anonymes, cacophonie à laquelle répond depuis sa gloriette le gloussement de notre dinde nationale… Une bien affligeante journée…



Bien d'autres dates auraient pu être choisies pour cette commémoration… Dates s'inspirant des péripéties de la Révolution en France et sa Grande Terreur… Celle-là, d'un 18 juin, présente l'avantage d'être plus proche des générations actuelles… Date liée à la grande honte de la défaite de 1940 imputable à l'incurie des politiciens de la République d'alors et à l'impuissance de l'État-major de ses armées… Le gros du danger passé, réaction bien humaine, le bon peuple de France en viendra à haïr ceux qui dans les moments les plus difficiles auront été témoins de sa honte mais seront restés près de lui s'efforçant de le conduire vers un honneur retrouvé… Ce bon peuple libéré, ingrat et toujours honteux portera alors son dévolu sur un imposteur bonimenteur… Un général micro… Micro aux deux sens du terme… Par son arme de prédilection la démagogie mensongère du discours et aussi parce que ce prétendu valeureux soldat n'avait jamais connu de champ de bataille hormis cabinets ministériels et studios d'enregistrement… Parmi les actes de bravoure de ce bonimenteur les historiographes officiels en charge de l'éducation du peuple promulgueront l'enregistrement au micro d'un studio à l'étranger le 18 juin comme date fondatrice du mythe…

Ces falsificateurs devaient être d'autant mieux servis par un don sinon une tare du personnage… son histrionisme, cette attitude théâtralisante que d'autres qualifieraient d'hystérie…

Le général Spears et sa «recrue», DeGaulle
Les Anglais qui avaient besoin d'un képi à opposer au prestige et l'action du Maréchal,
envoyèrent le général Spears de l'Intelligence service, débaucher
le vaniteux DeGaulle ulcéré de ne pas avoir été pris dans le gouvernement Pétain.

Ainsi avait grandi un mythe porteur qui devait permettre au général-micro exploitant le désarroi des populations d'Algérie de revenir au pouvoir en 1958, recevant comme lors de l'Épuration de 1944 l'appui des communistes…

Gaullistes et communistes encore complices dans les mois les plus sombres de l'Algérie de 1962…

Complices des massacres mais aussi complices des mêmes objectifs mondialistes… En juin 1940, le déserteur DeGaulle ne s'était emparé d'un micro que parce qu'ulcéré dans sa vanité de n'avoir pas été retenu dans le gouvernement du Maréchal Pétain… C'est le général Spears de l'Intelligence service, que les Anglais envoyèrent en émissaire saisir l'opportunité d'opposer un képi au prestige et à l'action du Maréchal… Débaucher et recruter l'histrion DeGaulle ne présenta alors pas grande difficulté…

Pour les communistes le contexte a aujourd'hui changé avec l'effondrement de l'Union soviétique… Jadis moteurs privilégiés du mondialisme et du sionisme ils ont été supplantés par l'islamisme… Communistes et islamistes ont bien parmi leurs promoteurs des hommes de même origine, juifs déclarés ou directement d'origine juive pour les communistes, Dönmeh pour les islamistes, Frères musulmans et Wahhabites… À la volonté mondialiste du slogan « prolétaires de tous pays, unissez-vous ! » a succédé l'arme de la propagation de la charia… manipulée au bénéfice des mêmes puissances occultes… Et voilà nos communistes cocus du mondialisme qui voudraient donner le change… se muant en "nationalistes" et "antisionistes"… L'Histoire a de beaux retournements !… Si les gaullistes, eux, ne renient pas leur sionisme, ils voudraient comme les communistes inclure le nationalisme - d'un traître à la Patrie - dans leur image mythique… Encore et toujours des falsifications… Que cette journée des psittacidés soit aussi l'occasion de faire un inventaire de toutes les autres falsifications et de les dénoncer !…






Rémy Porte vient de prendre sa retraite après une carrière complète d’officier, qu’il a terminée comme officier référent « Histoire » pour l’armée de Terre. Il dirige aujourd’hui le site http://guerres-et-conflits.over-blog.com/, site d’actualité de la presse et de l’édition en histoire.

Après une première partie de carrière dans les transmissions et la guerre électronique, il a fait le choix du statut des officiers experts avec une double spécialité de relations internationales et d’histoire. Il est titulaire d’un diplôme de Sciences Po., d’un DEA de droit international, d’un doctorat en histoire et habilité à diriger des recherches. Ses travaux portent essentiellement sur les guerres des XIXe au XXIe et l’histoire de l’armée française au cours des deux derniers siècles (avec trois axes principaux de recherche : l’organisation du commandement, les questions de renseignement, le soutien logistique) et il a publié une vingtaine de livres dont le dernier, 1940, aux éditions Perrin.

Breizh-Info l'a interrogé à ce sujet.


Rémy Porte : 1940, Vérités et légendes

Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a amené à écrire cet ouvrage sur 1940 ?

Rémy Porte : J’étais un peu fatigué par l’ineptie des discours mémoriels, qui déforment régulièrement l’histoire pour la faire correspondre aux attentes des autorités. Paradoxalement, les évènements de 1939-1940 sont à la fois régulièrement commémorés mais mal connus et coincés entre deux mémoires aussi irréalistes l’une que l’autre : les pauvres manœuvres des rescapés de la 7ème compagnie pour échapper aux Allemands tout en fuyant les combats d’une part, et le récit inutilement héroïque d’une exceptionnelle résistance de l’armée française d’autre part. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit bien d’une des plus graves défaites militaires de notre histoire et l’on ne peut donc exonérer l’armée de l’époque de toute responsabilité. Mais il ne peut pas y avoir, pour un effondrement d’une telle ampleur, de cause unique et les autorités politiques, les partis, les industriels comme les journalistes faiseurs d’opinion par exemple doivent assumer les leurs. Enfin, je suis lassé par le poids des idéologies dans la présentation des évènements historiques et l’instrumentalisation de notre histoire militaire.

Breizh-info.com : Parmi les interrogations auxquelles vous avez répondu, quels sont les principaux mythes qui ont la tête dure ?

Rémy Porte : La question des blindés français reste une source inépuisable de bêtises répétées à l’envi par les grands médias au fil des différentes commémorations. Non, la France n’avait pas moins de chars que l’Allemagne et c’est bien un problème de doctrine d’emploi des unités qu’il faut prendre en compte. On peut également citer le mythe de l’abandon des Français par les Britanniques à Dunkerque. Les Anglais ont sacrifié 250 navires de tous types et 180 avions pour sauver (légitimement) leur corps expéditionnaire, mais aussi, il ne faut pas l’oublier, près de 125 000 soldats français. Enfin, comment ne pas évoquer les ambiguïtés qui entourent les récits sur la ligne Maginot, trop chère et inutile pour les uns, quasiment victorieuse pour les autres.

Breizh-info.com : Vous expliquez notamment que l’armée allemande n’était pas aussi puissante qu’il a été raconté durant des décennies. Quid ?

Rémy Porte : L’armée allemande de 1940 est encore en voie de montée en puissance. Il ne faut pas oublier que la reconstitution d’une puissance militaire au sein du Reich commence en 1934, mais passer de 100 000 hommes à 4,7 millions en cinq ans exige énormément de moyens matériels pour équiper, armer, former, entretenir de tels effectifs. En outre, les pertes supportées pendant la campagne de Pologne aggravent encore les déficits. La Wehrmacht est en fait écartelée entre modernité et tradition, entre unités à la capacité opérationnelle élevée et unités de valeur très moyenne.

Contrairement à une idée reçue, elle reste majoritairement hippomobile, ses Panzer I et II sont surclassés par les chars français et les divisions de formation récente manque encore d’entraînement. Finalement, la capacité du commandement de contact à saisir les opportunités favorables et à manœuvrer dans un environnement interarmes et interarmées permettra de compenser ces faiblesses.

Breizh-info.com : Vous relativisez également l’appel du 18 juin ou plutôt son impact au moment où il a été fait. Racontez-nous ?

Rémy Porte : À la mi-juin 1940, des millions de Français sont sur les routes de l’exode et pour les autres, ils ont dans leur très grande majorité d’autres préoccupations que d’écouter la radio de Londres, surtout pour entendre un général inconnu. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que Pétain, chef du gouvernement à partir du 16 juin à la demande du président de la République, est extrêmement populaire. Il a prononcé un discours à la radio le 17, dans lequel il annonce rechercher l’ouverture de conversations avec l’Allemagne pour mettre fin aux combats, ce qui est compris par beaucoup comme l’annonce de l’arrêt des hostilités.

Dans ce contexte, l’appel du 18 juin au soir sur les ondes de la BBC, même renouvelé les jours suivants, n’avait objectivement que peu de chances d’être largement entendu. Il marque en fait surtout une rupture et l’annonce que quelques uns, progressivement rassemblés autour de DeGaulle, refusent la défaite.

Breizh-info.com : N’y-a-t-il pas aujourd’hui une méconnaissance des évènements militaires de la Seconde Guerre mondiale notamment chez la jeunesse ? L’étude « thématique » et politique (plutôt que chronologique) de cette guerre n’y est-elle pas pour quelque chose ?

Rémy Porte : La question déborde largement le cadre des évènements de mai-juin 1940. L’oubli de la chronologie est une erreur absolue en histoire puisque aucun évènement n’apparaît soudainement. Il peut par ailleurs conduire au péché d’anachronisme : on n’apprécie pas une situation passée à l’aune des idées et des principes d’aujourd’hui. Il faut toujours pouvoir prendre en compte l’environnement du moment et comprendre les formes, la densité, la vitesse des évolutions qui conduisent à tel ou tel fait marquant. L’approche thématique peut être passionnante, mais elle exige en amont d’avoir une solide connaissance d’ensemble. Avant de rédiger des poèmes, il faut savoir écrire correctement et acquérir un riche vocabulaire. Avant de composer une symphonie, il faut connaître les capacités des différents instruments. Avant d’étudier une thématique en histoire, il faut avoir étudié les évènements dans leur globalité. Enfin, lorsqu’il s’agit d’histoire militaire, on ne peut faire l’impasse sur une connaissance fine des armées en présence. L’approche politique est tout aussi réductrice, avec en outre le grave défaut d’être souvent handicapée par un biais idéologique qui conduit à déformer les faits pour les faire « coller » à un parti pris.

Breizh-info.com : Est-ce que des nouveautés historiques vont être apprises prochainement grâce à de nouvelles ouvertures d’archives ?

Rémy Porte : Il est peu probable que de nouvelles archives publiques viennent bouleverser notre connaissance des évènements de l’époque. Elles sont bien connues et accessibles. Par contre, il peut surgir à tout moment des fonds privés, des archives familiales qui n’ont pas encore été portées à la connaissance des chercheurs et du public et qui permettent d’affiner les analyses, de préciser certains points. Ces documents familiaux nous aident par exemple à comprendre les processus souvent complexes de prise de décision en prenant en compte le facteur humain. Enfin, sur des sujets d’histoire militaire qui, par nature, concernent plusieurs nations, plusieurs peuples, on ne peut pas se limiter aux seules archives françaises (ou britanniques, ou américaines, ou allemandes, etc.). Il faut croiser les archives officielles et privées de différentes origines et les différentes sources (témoignages oraux et écrits sur le vif ou ultérieurs, presse de l’époque, etc.) pour approcher la réalité des situations.

Breizh-info.com : Y a-t-il pour vous des films, des livres, indispensables pour bien comprendre la Seconde Guerre mondiale ?

Rémy Porte : Question bien difficile au regard des milliers de livres publiés et des centaines de films tournés sur la Seconde Guerre mondiale ! Parle-t-on des opérations à l’ouest ? Du front de l’est ? De la guerre du Pacifique ? Des combats en Afrique du Nord ? De la guerre terrestre, navale ou aérienne ? Des productions françaises, allemandes, britanniques, américaines, soviétiques (pour ne citer que les principales) ? Pour les livres, je ne peux que conseiller de commencer par les grandes études classiques qui donnent une compréhension d’ensemble du conflit avant d’aborder les études sectorielles sur telle ou telle campagne. Pour les films, je crois qu’il ne faut pas chercher dans une œuvre de fiction et de divertissement une quelconque « vérité historique ». Il me semble préférable de les considérer comme un loisir et à ce titre prendre simplement plaisir à une reconstitution ou à un jeu d’acteur.

Propos recueillis par Yann Vallerie



*   *   *

Proposons ici à titre d'illustration la relation d'un des crimes les plus graves de DeGaulle, un crime qu'une histoire mythifiée voudrait aussi faire oublier… Un choix très personnel… De nombreux autres crimes tout aussi graves sinon plus auraient pu être retenus… Un choix justifié surtout parce que de ce crime-là j'en ai personnellement vécu toutes  les péripéties, avant, pendant et après…


Jeudi 5 juillet 1962. Cinq heures du matin. Le jour commence à se lever sur Oran. Il devrait faire très chaud. Un souffle de sirocco vient de franchir la barrière des hauts plateaux et se laisse glisser vers la mer. Comme le reste du pays, la ville a voté l’indépendance le dimanche 1er juillet. Celle-ci est effective depuis le 3.

Les festivités populaires sont pour la journée du 5. C’est une rumeur insistante qui l’annonce, de rue en rue, de quartier en quartier. Sur les 200 000 Oranais français d’origine européenne et 30 000 de religion juive, sont encore là environ 40 000 personnes, hommes, femmes et enfants mêlés. Peut-être moins. Dans des conditions matérielles inimaginables, les autres ont déjà pris le terrible et définitif chemin de l’exil…

Oran, le 5 juillet 1962… Mentez, mentez salauds !…
Arabes, Berbères, Européens… nous tous Français d'Algérie, nous n'oublierons jamais…

Quarante mille vivants, mais dont deux tiers sont pris au piège du manque de moyens de transport. Et pour cause : le gouvernement gaulliste n’a pas ajouté la moindre rotation — de navire ou d’avion — pour répondre à l’immense et prévisible torrent des départs : les Pieds-noirs ne sont pas les bienvenus. Mais l’ont-ils jamais été hors en 1914 - 1918 et 1944 - 1945 ? Les abords de l’aéroport de La Sénia et la zone portuaire sont ainsi devenus des lieux d’entassement, de désordre indescriptible et de désespoir. Le chaos humanitaire s’ajoute au chaos militaire. Paris a choisi de l’ignorer.

Restent donc quelques milliers d’Oranais pieds-noirs qui, volontairement, n’ont pas encore quitté leur terre natale. Eux ont choisi d’attendre et voir (« Tout va peut-être rapidement s’améliorer… »), ou par opportunisme personnel, ou craignant pour leur entreprise, leur commerce ou leurs biens. Des vieillards isolés aussi, qui n’ont plus la force de partir vers une terre que pour la plupart ils ne connaissent pas.

Ou plus volontairement encore pour quelques centaines d’entre eux. Ces derniers sont logiques avec eux-mêmes et le choix politique qui les a conduits à soutenir plus ou moins activement le FLN. Pour eux, bientôt, le mirage d’une carte d’identité algérienne. Ceux que l’on appellera plus tard les « pieds-verts ». Un pour cent des Français d’Algérie.

Officiellement, la guerre est stoppée

5 juillet 1962. Depuis plus de trois mois, et contre toute évidence, la guerre est officiellement terminée. L’armée française qui a stoppé unilatéralement toute action militaire depuis le 19 mars à midi, ne protège plus la population civile européenne. Encore plus qu’avant, les Pieds-noirs sont ainsi livrés depuis ce jour de défaite et de deuil, aux innombrables attentats aveugles du FLN et aux enlèvements qui augmentent en flèche. Désormais seule, face aux tueurs FLN et l’inflexibilité du parjure, l’OAS fondée à la mi-1961. Ses commandos ont poursuivi le combat contre l’inéluctable. À un contre dix. Contre le FLN et les forces françaises devenus désormais alliés contre nature.

Le gigantesque incendie du port pétrolier est le point final de cette guerre dans la guerre. Collines et Autonomes ont quitté Oran pour l’Espagne dès le 26 juin. L’Organisation armée secrète n’est plus, et avec elle son rêve de conserver l’Algérie à la France. Il ne reste plus un seul de ses quelques centaines de jeunes hommes survivants d’une année d’ultra-violence, et durant laquelle —vcomme à Alger — ils se sont battus contre le sanglant terrorisme FLN, et l’impitoyable répression d’une armée française dirigée contre un million de civils français désarmés. Français dits « d’Algérie »… De ces commandos oranais, la moitié d’entre eux est tombée les armes à la main en moins de douze mois. Et majoritairement face aux balles de l’armée française et la terrible et tortionnaire gendarmerie mobile.

Impitoyable et aveugle répression dirigée contre ces petits blancs coupables d’avoir cru jusqu’au bout au « Vive l’Algérie française » crié devant 100 000 personnes le 4 juin 1958 à Mostaganem à 90 km à l’est d’Oran, et par DeGaulle lui-même. Le Général-parjure.

Le chaos a tout dévoré. Entre un monde qui vient de mourir et celui qui ne lui a pas encore succédé, vient de s’ouvrir une béance d’apocalypse où le pire et l’impossible deviennent ordinaires. Malgré l’apparence, plus aucune structure officielle ne fonctionne. Bien à l’abri dans ses cantonnements urbains, l’armée française observe et ne bouge plus. Pour la seule ville, 16 000 hommes en armes et leurs officiers, réduits sur ordre au déshonneur. Oran-la-Française, Oran-la-Rebelle finit de mourir.

Sept heures. Le soleil est déjà haut. Santa-Cruz, son fort et sa basilique vont tenter une dernière fois de veiller sur les survivants. La nuit n’a pas été calme malgré les rues désertées. Pas de fusillades, pas d’explosions, et pourtant peu nombreux sont ceux qui ont pu dormir. Les bruits les plus contradictoires se font entendre partout. Une tension de plus en plus palpable a précédé le progressif envahissement des avenues et des boulevards par une foule déchaînée. Même les murs ont peur.

Cette tension qui monte, peu à peu se fait tintamarre. Tandis que le centre-ville tarde à s’ouvrir au présent, les faubourgs surpeuplés se répandent dans les rues étroites. Direction le centre. Depuis deux jours le bled a investi Oran pour y célébrer l’indépendance et matérialiser la victoire sur la France.

La ville entre en ébullition

La couronne de quartiers périphériques entre progressivement en ébullition. Ébullition de joies et de triomphe politique, modérée d’incertitudes soigneusement provoquées et entretenues par des meneurs du FLN. Comme l’annonce l’une de leurs banderoles : « L’indépendance n’est qu’une étape »…

Mais pour qui œuvrent-ils ? Pour le clan Ben Bella ou celui du seul Boumediene et son armée des frontières ? Pour l’un des multiples courants d’un Gouvernement provisoire de la République algérienne déjà dépassé ? Pour l’un ou l’autre des nombreux clans avides de pouvoir ? Nul ne le sait. Et cela n’a pas d’importance ; le peuple algérien triomphe pour quelques jours encore tandis que chaque faction veut démontrer l’incompétence de l’autre et confisquer à son bénéfice les rênes du pouvoir naissant.

Le Maroc n’est pas loin, et « Radio Trottoir » assure que l’armée des frontières fonce depuis cette nuit dans la direction de cette capitale de l’Ouest algérien… Capitale dont le contrôle lui ouvrira ensuite la route d’Alger et d’un pouvoir à prendre.

Huit heures. Une chaleur qui s’annonce étouffante et lourde va s’infiltrer partout. Le soleil déjà écrase la ville. Les faubourgs commencent leur lente descente vers le centre-ville. Médioni, Lamur, Victor-Hugo, Ville-Nouvelle, le Village-Nègre, le sanguinaire quartier des Planteurs, Eckmühl… Des dizaines de milliers d’Algériens, ivres de joie et de vengeance, déferlent vers le centre. Dans toutes les bouches, les cris, les slogans révolutionnaires et les chants de mort se mêlent en un charivari de violence et de transe. Cette marée humaine se retrouve progressivement aux portes des quartiers à dominante européenne.

Entre neuf heures et dix heures, trois points névralgiques sont investis : par la rue d’Oudjda, la rue de Tlemcen et le boulevard du 2ème Zouaves, dix mille manifestants surexcités convergent vers la place Karguentah. Le lieu est devenu politiquement symbolique même si les Pieds-noirs l’ignorent : la vaste place ovale est dominée par l’étrange bâtiment nommé « Maison du colon ». En Algérie, jusqu’en 1962, « colon » est le titre de noblesse de celui qui travaille une terre difficile. Après 1962, ce sera autre chose… C’est donc l’équivalent d’une Maison des agriculteurs… Dans "Le Minotaure ou la halte d’Oran", Albert Camus a longuement brocardé ce bâtiment très original et de belle taille, mais à l’architecture inclassable et surprenante.

Son faîte en forme de coupe renversée domine la cohue vociférante. À quelques centaines de mètres, au terme du boulevard de Mascara et du boulevard Joffre, la place d’Armes — vaste espace arboré bordé de bâtiments officiels — est maintenant noyée elle aussi d’une masse humaine maintenant déchaînée, hurlant et gesticulant. De rares meneurs en civil — commissaires politiques — s’y sont infiltrés, et tentent là aussi d’amplifier et diriger cette puissance que plus rien ne pourra bientôt contenir.

Là aussi, deux ou trois dizaines de milliers d’hommes jeunes surtout, excités par les you-you stridents des femmes. Cette mer humaine se répartit entre la mairie et sa façade de mini-Versailles, le remarquable et gracieux théâtre municipal construit au début du siècle, et enfin le Cercle militaire, mess des officiers où des centaines de soldats français sont retranchés sur ordre. Ils savent qu’ils ne bougeront pas. « Quoi qu’il arrive », comme cela a été décidé à l’Élysée.

Et puis, dernier lieu symbolique un peu plus bas vers cette avenue du Général-Leclerc qui mène vers le cœur urbain de la place des Victoires, le square Jeanne d’Arc au pied des escaliers de la cathédrale, à la façade de style néo-mauresque. Là aussi enfin, une foule gigantesque occupe tout ce qui peut l’être et entoure la statue équestre de la Pucelle. Celle-ci, toute dorée des sabots jusqu’à l’épée inclinée vers le sol, élève depuis trente et un ans son visage vers le ciel. Encore quelques instants, puis escaladée par les plus agiles, elle va se retrouver porteuse d’un immense drapeau vert et blanc.

Le triangle de la mort prend forme

Le triangle de la mort est ainsi tracé et scellé. Le décor est en place. Il ne manque plus que les trois coups d’une prévisible et inévitable tragédie… Trois coups bientôt frappés à la porte du malheur… Le rideau va se lever sur le plus grand massacre de civils de toute la guerre d’Algérie. Et dont pourtant celle-ci ne fut pas avare.

Aussi étrange que cela puisse paraître aujourd’hui, de nombreux Pieds-noirs marchent sans crainte au milieu de cette foule. Oran la populaire se maintient fidèle à sa vieille tradition cosmopolite. Depuis toujours, dans l’Oran populaire, on cohabitait, on était voisin, la pauvreté partagée était le meilleur lien…

Les derniers Oranais français observent, certains se réjouissent, d’autres tentent de rejoindre leur lieu de travail par volonté ou habitude. Avec le temps, ils se sont habitués aux attentats aveugles, aux grenades, aux brusques fusillades, aux bombes du FLN, aux attaques brutales des groupes OAS, aux mitrailleuses 12,7 et aux canons de 37 de l’armée française. La guerre et la mort n’ont pas réussi à empêcher ce peuple d’âme espagnole à continuer de vivre.

Et puis, cette guerre qui n’a jamais dit son nom, n’est-elle pas finie depuis plus de trois mois ? L’armée française l’a placardé partout ; ce doit donc être vrai puisqu’elle l’affirme. Et puis, et puis elle est bien toujours là ; c’est donc bien que tout va rentrer dans l’ordre. L’Oranais n’est pas avare de contradictions…

Une détonation et la ville s’embrase

Onze heures. Ou quelques minutes avant. Place Karguentah. Soudain un coup de feu, parti d’on ne sait où ; suivi de plusieurs autres. Quelqu’un est tombé. La panique. Des cris, des hurlements ; des doigts se tendent selon un automatisme parfait. « La Maison du colon ! C’est là ! C’est là ! L’OAS ! C’est l’OAS ! »

Presque à la même seconde, devant la cathédrale, même tir, mêmes doigts qui se tendent, eux, vers les balcons des immeubles proches, mêmes cris : « C’est l’OAS ! C’est l’OAS ! » Le massacre peut enfin commencer.

En quelques secondes, c’est la chasse à l’homme blanc. D’abord vont mourir ces Européens présents parmi la foule. Les couteaux jaillissent des poches, des pistolets, des cordes, des haches, des ongles de femmes, de lourdes et tranchantes pierres toutes bien préparées… Le double abattoir qui vient simultanément de s’ouvrir va engloutir en quelques minutes les premières dizaines de victimes. L’horreur ne peut se décrire… Place de la Cathédrale, place Karguentah, on tue. On tue comme on chante ; on tue comme on respire…

Malheur au blanc et à tout ce qui s’en rapproche

Place d’Armes, les manifestants, après de multiples égorgements, font maintenant des prisonniers. Tout ce qui montre allure européenne, vêtements, visages, langage, tout est capturé, dépouillé, roué de coups, blessé. Malheur au blanc et à tout ce qui s’en rapproche. Là aussi, des dizaines et des dizaines d’hommes de femmes ou d’enfants touchent à leur dernier jour. La ville n’est plus qu’une clameur multiple de cris de mourants, de pogroms et de haine brutale.

La contagion est instantanée : en moins d’une heure le massacre pousse ses métastases partout et s’organise selon d’épouvantables modes. Ici, on tue à la chaîne. Là, c’est à l’unité, à la famille. En quelques lieux, le sang a envahi les caniveaux. Ailleurs, on assassine, on démembre, on violente, on blesse pour faire plus longtemps souffrir ; le parent meurt devant le parent provisoirement épargné.

Douze heures trente. La place d’Armes est devenue maintenant un lieu de détention et de transit. Tandis qu’à cinquante mètres, à l’abri du Cercle militaire et des arbres qui le dissimulent, les soldats français ne peuvent pas ne pas entendre l’affreux concert de mort qui va durer jusqu’à dix-sept heures.

Plus connu sous le nom de « Boucher d’Oran », le général Katz nommé à cette fonction par un autre général-président, effectuera même à cette heure-là un rapide survol en hélicoptère. Sans rien repérer de particulier certifiera t-il, sinon quelques attroupements et défilés de manifestants joyeux. « Ne craignez rien, mon Général, aucun imprévu notable dans cette ville où vous avez prononcé l’un de vos meilleurs discours, et qui vous a tant acclamé… »

« Mort aux Roumis ! », « Mort aux Youdis ! »

Treize heures. Place d’Armes toujours. Des camions militaires se présentent et s’alignent. Dans les premiers, on entasse ceux des prisonniers qui tiennent encore debout. Les autres sont chargés de cadavres. De dizaines et de dizaines de cadavres jetés les uns sur les autres. Ces camions proviennent des Établissements du Matériel de l’armée française. Camions que celle-ci a remis depuis le 19 mars au FLN pour la logistique de la force locale chargée d’effectuer la transition et le maintien de l’ordre.

Tous se dirigent vers le sinistre quartier du Petit Lac. Où les vivants sont atrocement massacrés, et tous les corps enfouis dans d’innommables charniers rapidement ouverts à la pelleteuse, ou au fond de ces marigots d’eau salée et putride qui lui ont donné son nom.

Treize heures. L’horreur couvre maintenant toute la ville. Partout des chasses à l’homme menées aux cris de « Mort aux Roumis ! », « Mort aux Youdis ! » Les tueurs sont innombrables. Ici, on égorge une famille. Un peu plus loin, une autre est fusillée contre un mur déjà balafré de sang. Là, on arrête les voitures ; les occupants blancs meurent ou prennent la direction du Petit Lac tandis que la voiture est volée ou incendiée. Ailleurs, des groupes déchaînés pénètrent dans les immeubles, éventrent les portes et tuent tout ce qui est pied-noir. Ailleurs encore, un vieil homme est jeté du haut de son balcon. Plus loin une femme court et tente inutilement d’échapper à ses poursuivants.

Des groupes indistincts d’hommes et de femmes, les mains en l’air, sont conduits à pied vers le commissariat central, ou un autre lieu de détention qui deviendra vite lieu de mort. Peu de coups de feu. Beaucoup de cris d’agonie. Des hurlements, des ordres encore. Des poursuites.

Des hangars, des gymnases, des dépôts commerciaux deviennent lieux de détention. Détention très provisoire. Et durant ces heures maudites, les mêmes camions poursuivent leur lent travail de noria et d’effacement des traces. C’est ainsi qu’au quartier de la Marine proche de la Calère, plus d’une centaine de « suspects » sont regroupés dans un vaste local duquel ils seront libérés, leur a-t-on dit, après vérification de leur identité. Il n’y aura pas un survivant. Tous disparaissent à jamais.

Quinze heures. Un bref accrochage a lieu sur l’esplanade de la gare, tandis que finit de se consumer à même le sol le corps d’un homme jeune qui a longtemps hurlé. L’accrochage est le fait d’une section de soldats français menée par un jeune officier qui sans le savoir va tenter à lui seul de sauver l’honneur d’une armée déshonorée. Sa section reprend ainsi un petit groupe de prisonniers conduit à pied vers leur destin. De la même façon, plus bas vers le centre, un lieutenant courageux va ravir plus d’une dizaine d’otages européens en passe de disparaître dans les sous-sols du commissariat central.

Une bouteille à la mer

Quinze heures encore. Place de la Bastille. Dans le bâtiment de la Grande Poste, plus précisément dans la partie occupé par le central téléphonique relié à la métropole, se trouvent encore des téléphonistes — dont une majorité de jeunes femmes. Celles-ci ont lancé un appel au secours sur les fréquences internationales. Comme on lance une dernière bouteille à la mer. Cet appel aurait été capté par un navire anglais qui l’aurait amplifié et transmis vers le Nord-Méditerranée. Mais cet appel a aussi été capté par les radios de l’armée FLN des frontières. Ses hommes viennent d’encercler le bâtiment et l’investissent. La plupart des occupants sont tués sur place. Les survivants chargés sur leurs véhicules pour disparaître à jamais. Là aussi, nul ne sera jamais retrouvé.

Même le dieu des chrétiens abandonne les siens ; les églises n’ont su protéger les quelques fuyards éperdus qui espéraient y trouver refuge. La grande synagogue du boulevard Joffre n’a pu faire mieux. « Mort aux Youdis ! »,« Mort aux Roumis ! »

Ça et là, cependant, de très rares prisonniers échappent au massacre. Le hasard, autre nom du destin, fait passer un Algérien musulman près d’un groupe de vivants provisoires. Celui-ci y reconnaît un voisin, un ami, un employeur, une femme ; quelqu’un qu’il connaît peut-être depuis l’enfance. Si l’homme a réussi à convaincre exécuteurs ou garde-chiourmes, un homme est épargné, une femme revit. Ces retours de l’enfer restent hélas rarissimes.

Dix sept heures. Ou un peu avant. Les rumeurs internationales commencent à se faire trop insistantes. Les questions des capitales affluent vers Paris. « Que se passe-t-il à Oran ? » Est-ce là la seule cause du changement d’attitude ? Soudain, de plusieurs casernes simultanément, surgissent des patrouilles armées et quelques blindés. Un corps militaire FLN se joint à elles. Le secret politique ne livrera rien des rapides accrochages, des rares échanges de feu. Le calme est rétabli dans l’heure qui suit. Même les bourreaux ont besoin de repos.

Mais si cette réaction reste bien timide, elle suffit pourtant à stopper les massacres et ses tragédies. L’ALN publie aussitôt un communiqué affirmant que l’ordre est rétabli dans Oran, et que les ennemis de la révolution algérienne ne sont pas parvenus à leurs fins. « Des meneurs, disent-ils, ont été arrêtés et seront jugés et punis par les tribunaux de la République algérienne démocratique et populaire. »

Le couvre-feu est instauré à partir du coucher du soleil à 19h55. Mais pas pour tout le monde. Pendant la nuit, les mêmes camions nettoient la ville de ces derniers cadavres et effacent les traces et les preuves du carnage. La gendarmerie mobile française prend quelques photos des derniers entassements de cadavres. Ces photos sont introuvables.

Le 6 juillet, rien n’y paraît plus

Le 6 juillet, la ville est propre. Même si ça et là, quelques tueurs sont encore à l’œuvre. Les journalistes français présents sortent des bâtiments militaires où la France a assuré leur protection. Mais il n’y a plus rien à voir, ils peuvent circuler…

Dans les jours qui suivent, des hélicoptères français ramèneront d’indiscutables clichés, pris au-dessus du Petit Lac, et montrant de multiples et longues fosses parallèles en passe d’être refermées.

L’Algérie nouvelle vient de naître. Son acte de naissance est paraphé des sept cents noms des victimes françaises, sacrifiées sur l’autel du vent de l’Histoire et celui de l’anticolonialisme.

Cinquante quatre ans après, un bilan plus précis reste difficile à établir. Sans doute entre sept cents et mille deux cents morts. L’administration française, la civile aussi bien que la militaire, a tout fait pour que la vérité ne puisse sortir du puits qu’elle a contribué à fermer avec l’aide active des différents pouvoirs algériens.

Le pouvoir gaulliste ne peut être coupable. Le pouvoir algérien non plus. L’amitié franco-algérienne est intouchable. Cette perversion du silence fonctionne toujours aujourd’hui, ardemment soutenue par la gauche française.

D’abord, il fut question de 25 morts (général Katz). Puis d’une petite centaine, un an plus tard et dans la presse parisienne. Ce nombre a plafonné ensuite à 325, pendant quarante ans, de 1970 à 2010. Sans listes nominatives précises ni recherches réelles. Il a fallu la volonté et l’obstination d’un chercheur historien pour pouvoir rompre « à titre exceptionnel » le secret des archives officielles françaises, et découvrir dans l’épouvante et l’horreur, la réalité de la tragédie du 5 juillet 1962 à Oran.

Raison d’État…

Sept cents morts… Au minimum. À 95%, les corps n’ont jamais été retrouvés. C’est à dire qu’ils n’ont jamais été recherchés. La France et son allié l’Algérie ne pouvant être soupçonnées d’assassinats collectifs et de complicité. Cela se nomme « raison d’État ».

Aujourd’hui encore et pour le nombre, rien n’est sûr, rien n’est prouvé. Seuls savent les pieds-noirs d’Oran et les vieux Algériens qui se souviennent et en parlent discrètement encore entre eux. Le sujet est devenu une bombe à retardement politique qui finira inéluctablement par exploser.

Mais les sept cents morts du 5 juillet 1962 ne sont qu’une partie d’un bilan encore plus lourd. Après la signature des accords dits d’Évian, et ne pouvant poursuivre les assassinats de Pieds-noirs avec la même liberté qu’auparavant, le FLN a développé une terrible politique d’enlèvements. Pour briser, chez ce peuple, la volonté de se maintenir. Et lui imposer la seule alternative, celle de « la valise ou du cercueil… »

De ce funeste mois de mars 1962 jusqu’à mars 1963, il y a eu plus de 2 000 enlèvements effectués sur cette part de la population française. Des blédards surtout, des petits blancs qui refusaient de perdre cette terre qu’ils aimaient et qui avait été leur patrie. Parmi eux, quelques centaines ont été libérés vivants, quelques dizaines de corps retrouvés. Les autres, avec ceux du 5 juillet 1962, ont désormais leurs noms gravés sur le Mur des Disparus à Perpignan. Tel qu’il est écrit à l’entrée du monument : « C’est ici leur premier et ultime tombeau »…

Combien de temps va t-il encore falloir attendre pour que ce jour affreux trouve enfin la page toujours blanche qui l’attend dans les livres d’histoire ? Combien de temps va t-il encore falloir attendre pour que soient sondés les charniers du Petit Lac ? Combien de temps va t-il encore falloir attendre pour que s’ouvrent toutes les archives, et que la France ait la grandeur de reconnaître sa complicité dans ce crime d’abandon de son propre peuple ? Et, comme pour ceux d’Oradour-sur-Glane, recevoir en son sein la mémoire de ces Disparus qui n’avaient cessé de croire en elle. Oui, combien de temps encore ?

Réveille-toi Antigone, Créon est toujours de ce monde. À nouveau Polynice a besoin de toi…


Oran, 5 juillet 1962, ces Européens s'étaient réfugiés dans l'église du Saint-Esprit, place de la Bastille…
les hordes du FLN sont venues les enlever sous les yeux du prêtre impuissant…


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Gaullistes et communistes dans leurs œuvres : femmes françaises accusées de collaboration et tondues (Paris, été 1944)

L'Épuration… on remarquera de trop nombreuses et troublantes similitudes entre certaines scènes de cette période sombre de l'Épuration gaullo-communiste des années 1944-45 et les massacres d'Oran du 5 juillet 1962, mauvais sang ne saurait mentir !



Nouvelles de Saintonge - La période de l’Épuration à Jonzac en 1944/1945 : établir des listes de traîtres et de suspects…

Jean-Paul Perrin : L’Épuration en région montluçonnaise (1944-1949)

Max Lagarrigue : Épuration sauvage, légale : vengeance ou soif de justice de la Résistance ?

José Castaño : Les crimes de l’Épuration




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Le Gaullisme maladie sénile de la droite

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Statut de DeGaulle après sa désertion…


Journal officiel du 24 juin 1940
MINISTÈRES DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DE LA GUERRE

ÉTAT-MAJOR GÉNÉRAL
Par décision ministérielle du 22 juin 1940, la promotion au grade de général de brigade à titre temporaire de M. le colonel d'infanterie breveté de Gaulle (Charles-André-Joseph- Marie) est annulée.

ADMISSION À LA RETRAITE
Armée active
Par décret en date du 23 juin 1940 M. le colonel d'infanterie breveté d'état-major de Gaulle (Charles-André-Joseph-Marie) est admis d'office à la retraite, par mesure de discipline.


- Par décision ministérielle du 22 juin 1940, la promotion au grade de général de brigade à titre temporaire
de M. le colonel d'infanterie breveté de Gaulle (Charles-André-Joseph- Marie) est annulée.

- Par décret en date du 23 juin 1940 M. le colonel d'infanterie breveté d état-major de Gaulle (Charles-André-Joseph-Marie)
est admis d'office à la retraite, par mesure de discipline.
Après ce 23 juin 1940, DeGaulle Charles mis à la retraite d'office par mesure disciplinaire et avec le grade de colonel d'infanterie n'a plus jamais exercé de fonction militaire. DeGaulle est bien retraité avec le grade de colonel. Il a reçu une pension de colonel. Si, en tant que politicien, il s'est ensuite affublé d'un uniforme de général c'est en toute illégalité… Encore une de ses falsifications, et pas la moindre !





Constatation du statut de déserteur
8 décembre 1940 : déchéance de la nationalité française pour De Gaulle :
par décret du 8 décembre 1940, publié au Journal officiel du 10 décembre 1940, page 6044,
Charles De Gaulle est déchu de la nationalité française, à effet du 2 août 1940,
sur le fondement de la loi du 23 juillet 1940.






Première page de l’expédition du jugement du tribunal militaire permanent de la 13e Région,
séant à Clermont-Ferrand et jugeant :
le colonel d'Infanterie breveté d'État-major en retraite DeGaulle Charles, né le 22 novembre 1890 à Lille

Les questions, le tribunal devait répondre à six questions :
- Entretien d'intelligence avec une puissance étrangère, l'Angleterre ;
- Allocutions radiodiffusées de nature à provoquer, de la part de l'Angleterre, des agissements nuisibles à la France ;
- Provocation de militaires et de marins à passer au service de l'Angleterre ;
- Risque provoqué contre les Français, en affirmant que les clauses de l'armistice ne seraient pas respectées ;
- Désertion ;
- Désertion ayant eu lieu sur un territoire en état de guerre.

Les réponses

La sentence


Les signatures des juges (les généraux Frère, Noël, de La Laurencie, de La Porte du Theil, Langlois, Etcheberrigaray et Bérard),
suivies de celle du greffier (Moissenet)



Le Figaro, édition de Clermont-Ferrand le samedi 3 août 1940
Un simple entrefilet révélant la maigre importance donnée alors au procès et au condamné


Lettre du Maréchal Pétain rendant non exécutoire la condamnation à mort de DeGaulle



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