La mère : Zia Ali Al-Hamoui [ضياء علي الحموي]
Le père : Fawaz Ahmed Al-Harak [فواز أحمد الحرك]
Lieu : Village de Teldra [تلدرة], Salamyeh [السلمية]
Quand mon fils Nimr [نمر] est tombé martyr pendant l’offensive sur Salamyeh, j’ai couru vers le buffet à provisions et j’ai cassé tous les bocaux… Dieu de par sa volonté a fait tomber le buffet qui s'est brisé… pour que ma colère se brise avec lui… et aussi ma voix. Mon fils est tombé en martyr [شهيد ]... Je ne dois pas crier quand la souffrance m’accable… La Chahadeh [الشهادة ] est plus grande récompensée par des larmes.
N.B. : La Chahadeh [الشهادة ] est le Martyre… Quand un homme tombe au combat pour la défense de la mère patrie, il est Chahid [شهيد ]… aux parents du Chahid l'on dit : Félicitation pour la Chahadeh.
Quand mon deuxième fils Faouz [فوز] est tombé en martyr, je venais de l'inviter à manger un taboulé et une friture… J’ai alors entendu une explosion, la terre sous mes pieds a tremblé… et mon cœur s'est mis à palpiter... Mon cœur m’a jamais trompée. J’attends toujours que mon fils Faouz vienne déjeuner avec moi…
Mon troisième martyr c’est Mohammed [محمد ]. Il est né un 6 mai à 11 heures, et il est tombé en martyr un 6 mai à 11 heures. Il était fiancé et sa fiancée l’attend toujours pour acheter le talbisseh [التلبيسة]… Cet achat du talbisseh était prévu pour le 8 mai... mais ce que nous avons fait pour
son enterrement lui convient encore plus… il était le marié...
N.B. : Le talbisseh [التلبيسة] est ce que l’homme offre à sa fiancée le jour des fiançailles : une alliance, une bague, un collier et des boucles d’oreilles, en or bien sûr. En Syrie, quand un jeune-homme célibataire tombe en martyr, on dit lors de son enterrement que c’est son mariage.
Mon fils Rahim [ رحيم ] est le quatrième martyr… Lui a pris toute ma tristesse. La vengeance pour son pays et ses frères ne l'avait jamais quitté. La dernière fois qu'il est venu me rendre visite, en montant les escaliers avant de partir il avait un goût amer… Je lui ai dit : "Comment ? Tu pars sans me dire au revoir ?"… J’ai couru vers lui comme un courant d’air, je l’ai embrassé et j’ai alors senti qu’il respirait intensément mon odeur comme s'il voulait qu’elle reste imprimée en sa mémoire. J’ai su qu’il ne reviendrait plus. À cette époque il faisait très froid, j’ai senti en mon âme des flammes envahir mon corps, pour toujours.
Digam [ضيغم] mon fils est le cinquième martyr. Il est un inventeur. Des étrangers lui ont proposé des millions pour acheter son invention, mais il a refusé. Il a tout quitté à Damas, il est retourné ici et s'est présenté comme volontaire dans l’Armée syrienne à Salamyeh pour combler le vide laissé par ses quatre frères martyrs.
Et dans cette nuit noire, les monstres nous attaquent… J’ai entendu des tirs de balles briser l’obscurité de la nuit. J’ai couru vers l’hôpital… Ils ne voulaient pas me laisser entrer, j’ai leur dit que je vais bien. Je suis entrée dans sa chambre, il était branché par un fil posé sur sa poitrine… Une balle s'était logée dans son cœur. J’ai retiré le fil… Et j'ai alors lu la Fatiha [الفاتحة], pour lui ainsi que pour les 11 martyrs qui gisaient près lui… …
[Un très grand merci à Rima pour cette traduction.]