Retranscription :
Le discours d’aujourd’hui sera consacré, bien entendu, à la situation et
aux conditions actuelles du monde dans lequel nous vivons,
ainsi qu’aux défis auxquels nous sommes
confrontés. Mais je tiens tout
d’abord à vous remercier tous pour le soutien, l’unité et la solidarité dont vous avez fait preuve
au cours des récents événements historiques
et cruciaux qui vont sérieusement influencer l’avenir de notre pays.
Cette année, nous avons été confrontés
à des épreuves auxquelles seule une nation unie et mature
et un État véritablement
souverain et fort peuvent résister. La Russie a prouvé
qu’elle peut protéger ses compatriotes et défendre l’honneur, la vérité
et la justice.
La Russie a pu accomplir cela grâce
à vous, les citoyens de
la Russie [Applaudissements], grâce
à votre travail et aux résultats que nous avons obtenus ensemble,
et grâce à notre profonde compréhension de l’essence et de l’importance
des intérêts nationaux. Nous avons pris conscience de l’indivisibilité
et de l’intégrité de la longue histoire
millénaire de notre patrie. Nous
sommes venus à croire en nous-mêmes,
à croire que nous pouvions faire
beaucoup de choses et atteindre tous
nos objectifs.
Aujourd’hui, nous ne pouvons bien évidemment pas ne pas évoquer
les événements historiques qui
ont eu lieu cette année. Comme vous le savez, un référendum a été organisé en Crimée en mars, dans lequel les
habitants de la péninsule ont clairement exprimé leur
désir de rejoindre la Russie. Après cela, le Parlement de Crimée – il convient de souligner que c’était un parlement tout à fait légitime,
qui avait été élu en 2010 – a adopté une
résolution d’indépendance. Et
enfin, nous avons assisté à la réunification historique de la Crimée et de Sébastopol
avec la Russie. [Applaudissements]
Ce fut un événement d’une importance
particulière pour notre pays et notre
peuple, parce que la Crimée est une
terre où vivent nos compatriotes, et que son territoire
est d’une importance stratégique pour
la Russie car c’est là que se trouvent les racines spirituelles
de la Nation russe, diverse mais solidement unie,
et de l’État russe centralisé. C’est en Crimée, dans l’ancienne ville de Chersonèse ou
Korsun, comme les anciens chroniqueurs russes
appelaient, que le Grand Prince Vladimir a
été baptisé avant d’apporter le christianisme au Rus'.
En plus de la similitude ethnique, de la langue commune, des éléments communs de leur culture matérielle, d’un territoire
commun – même si ses frontières
n’étaient pas tracées et stables –, d’échanges
économiques émergents et d’un gouvernement naissant, le
christianisme fut une puissante force unificatrice spirituelle qui a contribué à impliquer dans la création de la Nation russe et de l’État russe les diverses
tribus et alliances tribales
du vaste monde slave oriental. C’est grâce à cette unité spirituelle que nos ancêtres, pour la première fois
et pour toujours, se considérèrent comme
une nation unie. [Applaudissements] Tout cela nous amène à affirmer que la Crimée, l’ancienne Korsun ou Chersonèse, et
Sébastopol, ont une importance civilisationnelle
et même sacrée inestimable
pour la Russie, comme le Mont du
Temple à Jérusalem pour les
adeptes de l’Islam et du Judaïsme.
Et c’est ainsi que nous les considèrerons
toujours. [Applaudissements]
Chers amis,
Aujourd’hui, il est impossible de ne pas
revenir sur notre point de vue au sujet des développements en Ukraine et de la façon dont nous avons l’intention de travailler avec nos partenaires à travers
le monde.
Il est bien connu que la Russie a non seulement soutenu l’Ukraine et d’autres républiques frères de l’ancienne Union soviétique dans leurs aspirations à
la souveraineté, mais qu’elle a aussi grandement facilité ce processus dans les années 1990. Depuis lors, notre position n’a pas changé.
Chaque nation a le droit souverain et inaliénable de déterminer sa
propre voie de développement, de choisir ses alliés, son régime politique et la forme
d’organisation de sa société, de créer une économie
et d’assurer sa sécurité. La Russie a toujours respecté ces droits et les respectera toujours. Ils s’appliquent pleinement à l’Ukraine et au peuple ukrainien frère.
Il est vrai que nous avons condamné
le coup d’État et la prise violente du
pouvoir à Kiev en février dernier. Les développements
auxquels nous assistons actuellement en Ukraine et la tragédie qui se déroule dans le sud-est
du pays confirment pleinement la
justesse de notre position.
Comment tout cela a-t-il commencé ?
Je vais devoir vous rappeler ce qui s’est alors passé. Il est difficile de croire que tout a commencé avec
la décision technique par le Président
Ianoukovitch de reporter la signature de l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne. Ne vous méprenez pas sur ce point, il n’a pas
refusé de signer le document, mais
il a seulement reporté la finalisation de cet accord en
vue d’y faire quelques ajustements. Comme
vous le savez, cette décision a été prise en pleine
conformité avec le mandat constitutionnel d’un chef
d’Etat tout à fait légitime et internationalement
reconnu.
Dans un tel contexte, il
n’était pas question pour nous de soutenir le coup de force, la violence
et les meurtres. Il suffit de considérer les événements sanglants à Odessa, où des gens ont été brûlés vifs. Comment les tentatives
ultérieures de répression des populations du sud de l’Ukraine, qui
s’opposent à ce carnage, pourraient-elles
être soutenues ? Je répète qu’il
nous était absolument impossible de cautionner ces développements. Qui plus est, ils ont été suivis par des déclarations hypocrites sur la protection du
droit international et des droits humains. C’est du cynisme à l’état pur. Je crois
fermement que le temps viendra où
le peuple ukrainien fera une juste évaluation de ces événements.
Comment le dialogue sur cette question
a-t-il commencé entre la Russie et ses partenaires américains
et européens ? Je mentionne
nos amis américains à dessein, car ils influencent continuellement les
relations de la Russie avec ses voisins,
ouvertement ou en coulisses. Parfois, nous ne savons pas même avec qui parler : avec les gouvernements de certains pays ou directement
avec leurs mécènes et sponsors américains ?
Comme je l’ai mentionné, dans le cas de l’accord d’association UE-Ukraine, il n’y eut absolument pas de dialogue. On nous a dit que ce n’était pas notre
affaire, ou, pour le dire simplement, on nous a dit « où » aller.
Tous les arguments rappelant que la
Russie et l’Ukraine sont des membres
de la zone de libre-échange de la
CEI, que nous avons historiquement
établi une coopération profonde dans
l’industrie et l’agriculture, et
que nous partageons essentiellement
la même infrastructure – personne
ne voulait entendre ces arguments, et encore moins en tenir compte.
Notre réponse a été de dire : très bien, si vous ne voulez
pas avoir de dialogue avec nous,
nous allons devoir protéger nos intérêts
légitimes unilatéralement et nous ne paierons pas pour ce que nous considérons comme une politique erronée.
Quel a donc été le résultat de tout cela ? L’accord entre l’Ukraine et l’Union européenne a été signé et ratifié, mais la mise en œuvre
des dispositions concernant le commerce
et l’économie a été reportée jusqu’à la fin de l’année prochaine. Cela ne prouve-t-il pas que c’est nous qui avions raison ?
Il faut aussi poser la question des raisons pour lesquelles
tout cela a été fait en Ukraine. Quel
était le but du coup d’État contre
le gouvernement ? Pourquoi tirer
et continuer à tirer et à tuer des gens ? De fait, l’économie, la finance et le secteur social
ont été détruits et le pays a été ravagé et ruiné.
Ce dont l’Ukraine a besoin actuellement
est d’une aide économique pour mener des réformes, pas de politique de bas étage et de promesses pompeuses
mais vides. Toutefois, nos
collègues occidentaux ne semblent pas
désireux de fournir une telle assistance,
tandis que les autorités de Kiev ne sont pas prêtes à résoudre les problèmes de leurs citoyens.
A ce propos, la Russie a déjà apporté une contribution énorme en aide à
l’Ukraine. Permettez-moi de
rappeler que les banques russes ont déjà
investi 25 milliards de dollars en
Ukraine. L’année dernière, le ministère russe des Finances a accordé un prêt de 3 milliards de dollars. Gazprom a encore fourni 5,5 milliards de
dollars à l’Ukraine et a même offert
un rabais qui n’était pas prévu, en exigeant
du pays qu’il ne rembourse que 4,5
milliards. Additionnez le tout et
vous obtenez de 32,5 à 33,5 milliards de dollars récemment
fournis.
Bien sûr, nous avons le droit de poser des questions. Pour quelles raisons cette
tragédie a-t-elle été menée en Ukraine ? N’était-il pas possible de régler toutes les questions, même les questions litigieuses, par le dialogue,
dans un cadre légal et légitime ?
Mais maintenant, on nous dit
qu’il s’agissait de mesures politiques équilibrées
et compétentes auxquelles nous
devrions nous soumettre sans discussion et les yeux bandés.
Cela n’arrivera jamais. [Applaudissements]
Si pour certains pays européens, la
fierté nationale est un concept oublié depuis longtemps et que la souveraineté
est trop de luxe,
pour la Russie, une véritable
souveraineté est absolument nécessaire pour la survie.
Principalement, nous devrions prendre conscience de cela en tant que Nation.
Je tiens à souligner ceci : soit nous
restons une Nation souveraine, soit nous nous
dissolvons sans laisser de trace et perdons
notre identité. Bien sûr, d’autres pays doivent comprendre cela aussi. Tous les acteurs
de la vie internationale doivent
être conscients de cela. Et ils
devraient utiliser cette
compréhension pour renforcer le rôle et l’importance du droit international, dont nous avons tellement parlé ces derniers temps, plutôt que d’en plier les
normes en fonction d’intérêts stratégiques tiers contraires aux principes fondamentaux du
droit et au bon sens, considérant tout
le monde comme des gens peu
instruits qui ne savent ni lire ni
écrire.
Il est impératif de respecter les
intérêts légitimes de tous les
participants au dialogue international. Alors seulement, non pas avec des mitraillettes, des missiles ou
des avions de combat, mais précisément
avec la primauté du droit pourrons-nous
efficacement protéger le monde d’un
conflit sanglant. Alors seulement,
il n’y aura pas besoin d’essayer d’effrayer quiconque avec la menace d’un isolement imaginaire et
trompeur, ou de sanctions qui sont, bien sûr, dommageables, mais dommageables pour tout le monde, y compris ceux qui les initient.
En parlant des sanctions, elles ne sont pas seulement une réaction impulsive de la part des États-Unis ou de leurs alliés à notre position concernant
le coup d’Etat ou les événements en Ukraine, ou même au soi-disant « printemps
de Crimée ». Je suis sûr que si ces événements ne s’étaient pas produits – je tiens à le souligner, chers collègues, spécialement pour vous,
politiciens, présents dans cet auditorium –, même si
rien de tout cela ne s’était passé,
ils auraient trouvé une autre excuse
pour tenter d’endiguer les capacités
croissantes de la Russie, de nuire à notre pays d’une quelconque manière, ou d’en tirer quelque avantage ou profit.
La politique d’endiguement n’a
pas été inventée hier. Elle a été
menée contre notre pays depuis de nombreuses années, toujours, depuis
des décennies, sinon des siècles. En bref, chaque fois que quelqu’un pense que la Russie est
devenue trop forte ou indépendante,
ces mesures sont immédiatement déployées contre elle.
Cependant, parler à la Russie d’une position de force est un exercice futile, même quand elle est confrontée à des
difficultés internes, comme ce fut le cas dans les années 1990 et au début des années 2000.
Nous nous souvenons bien de l’identité
et des procédés de ceux qui, presque ouvertement, ont à l’époque soutenu le
séparatisme et même le terrorisme
pur et simple en Russie, et ont
désigné des meurtriers, dont les mains
étaient tachées de sang, comme des « rebelles », et ont organisé des réceptions de haut niveau pour eux. Ces « rebelles » se sont
encore manifestés en Tchétchénie.
Je suis sûr que les gens sur place, les forces
de l’ordre locales, s’en occuperont de la manière
appropriée. Ils œuvrent en ce
moment même à stopper un autre raid de terroristes et à
les éliminer. Donnons-leur tout notre soutien. [Applaudissements]
Permettez-moi de le répéter, nous nous
souvenons des réceptions de haut
niveau organisées pour des terroristes présentés comme des combattants pour la liberté et la démocratie. Nous avons alors réalisé que plus nous cédions
du terrain, plus nos adversaires devenaient
impudents et leur comportement se
faisait de plus en plus cynique et agressif.
Malgré notre ouverture sans précédent
alors, et notre volonté
de coopérer sur tous les points, même sur les questions les plus sensibles, malgré le fait
que nous considérions – et vous êtes tous conscients
de cela, vous en avez tous le souvenir – nos anciens adversaires comme des amis proches et même des
alliés, le soutien occidental au
séparatisme en Russie, incluant un
soutien informationnel, politique et financier, en plus du soutien des services
spéciaux, était absolument évident et ne laissait aucun doute sur le fait qu’ils
seraient heureux de laisser la Russie suivre le scénario
yougoslave de désintégration et de démantèlement, avec toutes les retombées tragiques que cela entraînerait pour
le peuple russe.
Cela n’a pas fonctionné. Nous n’avons pas permis que cela se produise. [Applaudissements]
Tout comme cela n’a pas fonctionné pour
Hitler avec ses idées
de haine des peuples, qui a entrepris de détruire la Russie et de nous repousser au-delà de
l’Oural. Tout le monde devrait se
rappeler comment cela a fini. [Applaudissements]
L’année prochaine, nous allons marquer le 70e anniversaire de la
Victoire dans la Grande Guerre patriotique. Notre armée a écrasé
l’ennemi et a libéré l’Europe. Cependant, nous ne devons pas oublier les défaites amères
en 1941 et 1942 afin
de ne pas répéter les erreurs à l’avenir.
Dans ce contexte, je vais aborder une question de sécurité
internationale. Il y a beaucoup de questions liées à ce sujet. Elles incluent notamment la lutte contre le terrorisme. Nous assistons encore à ses
manifestations, et bien sûr, nous
participerons aux efforts conjoints pour lutter contre le terrorisme sur le plan
international. Bien sûr, nous allons
travailler ensemble pour faire face à d’autres défis, tels que la propagation des maladies infectieuses.
Cependant, à ce propos, j’aimerais parler
de la question la plus grave et
la plus sensible : la
sécurité internationale. Depuis 2002,
après que les États-Unis se soient unilatéralement retirés du Traité ABM, qui était une pierre angulaire
absolue de la sécurité internationale, un
équilibre stratégique des forces et
de la stabilité, les États-Unis ont travaillé sans relâche à la création d’un système planétaire de défense
antimissile, y compris en Europe. Ceci constitue une menace non seulement pour
la sécurité de la Russie, mais pour le
monde dans son ensemble – précisément en raison de la perturbation possible de l’équilibre stratégique des forces.
Je considère que ce projet est également mauvais pour les États-Unis, car il crée une dangereuse illusion d’invulnérabilité.
Il renforce la tension vers des
décisions qui sont souvent, comme nous pouvons le constater,
irréfléchies et unilatérales, et amènent des risques supplémentaires.
Nous avons beaucoup parlé de cela. Je ne vais pas entrer
dans les détails maintenant. Je
dirai seulement ceci – peut-être
que je me répète : nous
n’avons nullement l’intention de nous
engager dans une course aux
armements coûteuse, mais en même
temps, nous allons garantir
de manière fiable et efficace la défense de notre pays dans ces nouvelles conditions.
[Applaudissements] Il n’y a absolument aucun doute à ce sujet. Cela sera fait. La Russie a à la fois la
capacité et les solutions
innovantes pour cela.
Personne ne pourra jamais parvenir à une
supériorité militaire sur la Russie. Nous avons une armée moderne
et prête au combat. Comme on dit actuellement, une armée courtoise, mais redoutable. Nous avons la force, la volonté et le courage
de protéger notre liberté. [Applaudissements]
Nous allons protéger la diversité
du monde. Nous dirons la vérité aux
peuples à l’étranger, de sorte que tout
le monde puisse voir l’image réelle
et non déformée et fausse de la Russie. Nous
allons promouvoir activement les affaires
et les échanges humanitaires, ainsi que les
relations scientifiques, éducatives et
culturelles. Nous le ferons même si
certains gouvernements tentent de
créer un nouveau rideau de fer autour de la Russie.
Nous n’entrerons jamais dans la voie de
l’auto-isolement, de la xénophobie, de la
suspicion et de la recherche d’ennemis.
Ce sont là des manifestations de
faiblesse, alors que nous sommes forts
et confiants.
Notre objectif est d’avoir autant de partenaires
égaux que possible, à la fois à l’Ouest et à l’Est. Nous allons étendre notre présence dans ces régions où l’intégration est à la hausse, où la politique n’est pas mélangée avec l’économie, et
où les obstacles au commerce, aux échanges de technologies et d’investissements et à la libre circulation
des personnes sont levés.
En aucun cas, nous n’allons limiter nos
relations avec l’Europe ou l’Amérique.
Dans le même temps, nous allons restaurer et étendre nos liens traditionnels avec l’Amérique du Sud. Nous allons poursuivre notre coopération avec l’Afrique et le Moyen-Orient.
Nous voyons à quelle vitesse l’Asie-Pacifique s’est développé au cours des dernières décennies. En tant que puissance
du Pacifique, la Russie tirera pleinement parti de ce potentiel
énorme.
Tout le monde connaît les dirigeants et les « locomotives »
du développement économique mondial. Beaucoup d’entre eux sont nos amis sincères et des partenaires stratégiques.
L’Union économique eurasienne va commencer à être pleinement opérationnelle le 1er
Janvier 2015. J’aimerais
vous rappeler ses principes fondamentaux. Les principes majeurs sont
l’égalité, le pragmatisme et le respect mutuel, ainsi que la préservation de l’identité nationale et de la souveraineté
de l’État de tous les pays membres. Je suis convaincu qu’une coopération étroite sera une puissante source de développement pour tous les membres de l’Union économique eurasienne.
Pour conclure cette partie de mon discours,
j’aimerais dire encore une fois que nos priorités sont d’avoir des familles saines
et une nation saine, ce sont les valeurs traditionnelles que nous avons héritées de nos ancêtres,
combinées avec un accent sur l’avenir, la stabilité comme une condition essentielle du développement et du progrès, le respect des autres nations et États,
et la sécurité garantie de la Russie et la protection de ses intérêts légitimes. Telles sont nos priorités. [Applaudissements]
[…]
Chers amis, Chers concitoyens de Russie,
Je vais conclure mon adresse par où je l’ai commencée. Cette année, comme cela
a été le cas à plusieurs reprises lors des moments cruciaux de l’histoire, notre
peuple a clairement démontré la vitalité de son enthousiasme national, de sa
résistance et de son patriotisme. Les difficultés auxquelles nous sommes
confrontés aujourd'hui créent également de nouvelles opportunités pour nous. Nous
sommes prêts à relever tous les défis avec succès.
Je vous remercie. [Applaudissements]
Vladimir Poutine a pris part à la
dernière séance plénière de la XIe session du Club International de Discussion Valdaï.
Le thème de la réunion était : L’ordre mondial : de nouvelles règles ou un jeu sans règles ? Cette année, 108 experts,
historiens et analystes politiques originaires de 25 pays, dont
62 participants étrangers, ont pris part aux travaux du Club. La réunion plénière a présenté une
synthèse des travaux du Club
au cours des trois journées précédentes,
qui ont été consacrées à l’analyse des
facteurs d’érosion du système actuel
des institutions et des normes du droit
international.
Rompant avec la langue de bois occidentale, Poutine change
les règles du jeu politique, dans un discours controversé et pourtant
peu médiatisé…
Le président russe Vladimir Poutine a conclu les travaux de la 11ème
session du Club de Valdaï qui s’est déroulée à Sotchi. La session a été
consacrée à l’ordre mondial, nouvelles règles ou pas de règles. Les
médias occidentaux ont ainsi ignoré quand ils n’ont pas déformé le
discours de Poutine. Pour Dmitry ORLOV, de l’Oriental review « quoi que vous pensiez de Poutine, c’est probablement le discours politique le plus important depuis celui de Churchill, intitulé Rideau de fer, du 5 mars 1946. »
Dans un discours franc et puissant, Poutine a brutalement brisé le tabou occidental « en adressant ses propos directement au peuple, et dépassant ainsi les clans élitistes et les leaders politiques », ajoute l’Oriental review.
Poutine change ainsi les règles du jeu politique et il ne s’en cache pas. Alors que « les politiciens prononçaient des discours publics dans le but de sauvegarder la fiction agréable de la souveraineté nationale,
mais ce n’était que de l’esbroufe et cela n’avait rien à voir avec la
vraie nature de la politique internationale ; en sous-main, ils étaient
engagés dans des négociations secrètes dans les antichambres, et c’est
là que les vrais accords étaient forgés. » ajoute la même source qui explique que « Poutine
avait tenté de jouer ce jeu, croyant que la Russie serait traitée comme
une égale. Ces espoirs ont toutefois été annihilés et, à cette
conférence, il a déclaré que la partie était finie ».
Poutine a clairement indiqué que la Russie ne jouera plus et ne
prendra plus part à des négociations d’antichambre qui, de surcroît,
sont vaines. La Russie ne refusera pas, par ailleurs, d’engager
un dialogue ou de s’engager dans des accords sérieux s’ils mènent à la
sécurité collective et reposent sur l’égalité et la justice.
Le président russe n’a pas manqué, toutefois, de pointer du
doigt les États-Unis, les accusant d’être responsables de
l’anéantissement de tous les systèmes mondiaux de sécurité collective.
Mais le plus ahurissant est l’accusation directe qu’il a lancée à
Washington, concernant le financement des rebelles syriens et des
jihadistes de l’organisation de l’État Islamique. Pour Poutine, les États-Unis d’Amérique sont responsables de l’instabilité du monde.
Alors que la Russie ne tient pas à ce que le
désordre et l’insécurité se répandent. Pour Poutine, les Russes ne
veulent pas la guerre et ne prévoient pas d’en déclencher une. Quoique la Russie croit, de plus en plus, que l’éclatement d’une nouvelle guerre mondiale serait inévitable dans la conjoncture mondiale actuelle. La Russie y est donc préparée et continuera de s’y préparer.
Dmitry Orlov, résume ainsi le discours de Poutine « fini
de jouer. Allez, les enfants, rangez vos jouets. L’heure est venue pour
les adultes de prendre des décisions. La Russie est prête. Qu’en est-il
du monde ? »
Traduction française : http://www.sayed7asan.blogspot.fr
Chers
collègues, Mesdames et Messieurs, chers amis,
C’est un plaisir de vous accueillir à la
XIe réunion du Club Valdaï.
Il a déjà été mentionné que le Club a de nouveaux co-organisateurs cette année. Ils comprennent des organisations non
gouvernementales russes, des groupes
d’experts et de grandes
universités. Il a également été suggéré d’élargir
les discussions à
des questions qui ne sont pas seulement liées
à la Russie elle-même,
mais aussi à la politique et à l’économie mondiales.
J’espère que ces changements dans l’organisation
et le contenu des sessions renforceront
l’influence du Club en tant que forum de discussion et d’experts de premier plan. Dans le même temps,
j’espère que « l’esprit de Valdaï »
sera conservé – cette
atmosphère libre et ouverte, cette opportunité d’exprimer toutes sortes d’opinions
très différentes et
franches.
Permettez-moi de dire à cet égard que
je ne vais pas vous décevoir et que je vais parler
directement et franchement.
Certains de mes propos pourront sembler un peu trop rudes, mais si
nous ne parlons pas directement
et honnêtement de ce que nous pensons
vraiment, alors il est absolument
inutile de tenir de telles réunions. Il
serait préférable, dans ce cas, de
se contenter des rencontres diplomatiques, où personne ne dit rien qui ait une véritable portée et, reprenant les paroles d’un célèbre diplomate, où vous
vous rendez compte que les diplomates ont une langue faite pour ne pas dire la vérité.
Nous nous réunissons pour d’autres
raisons. Nous nous réunissons pour
nous parler franchement. Nous avons besoin d’être directs et francs aujourd’hui,
non pas pour s’envoyer des piques,
mais afin de tenter
de faire la lumière sur ce qui se passe dans le monde, d’essayer de comprendre pourquoi le monde
est de moins en moins sûr et de plus en plus imprévisible,
et pourquoi les
risques augmentent partout autour de
nous.
Les débats d’aujourd’hui se sont tenus
sous le thème : De nouvelles règles
ou un jeu sans règles ? Je pense que cette formule décrit
avec précision le tournant
historique que nous avons atteint aujourd’hui et le choix
auquel nous sommes tous confrontés. Bien sûr, il n’y a rien de nouveau dans l’idée
que le monde est en
train de changer très rapidement.
Je sais que c’est quelque chose dont
vous avez parlé durant les
échanges d’aujourd’hui. Il est
certainement difficile de ne pas remarquer les transformations dramatiques
dans la politique mondiale et dans l’économie,
dans la vie publique, dans l’industrie,
l’information et les technologies sociales.
Permettez-moi de vous demander dès maintenant de me pardonner si j’en viens à répéter
ce que certains des participants à
la discussion ont
déjà dit. C’est pratiquement inévitable. Vous avez déjà eu des discussions détaillées, mais je vais exposer mon point de vue. Il coïncidera avec le
point de vue des participants sur certains points
et divergera sur d’autres.
Tandis que nous analysons la situation d’aujourd’hui, n’oublions pas
les leçons de l’histoire.
Tout d’abord, les changements dans l’ordre
mondial – et tout ce que nous voyons aujourd’hui constitue des événements de cette ampleur – ont
généralement été accompagnés sinon
par une guerre et des conflits à l’échelle mondiale, du moins par
des chaînes de conflits locaux intenses.
Deuxièmement, la politique mondiale est avant tout une question de leadership économique,
de guerre et de paix, avec une dimension humanitaire,
incluant les droits de l’homme.
Aujourd’hui, le monde est plein de
contradictions. Nous devons être francs en nous demandant
mutuellement si nous avons un filet
de sécurité fiable et bien en
place. Malheureusement, il n’y a aucune
garantie et aucune certitude
que le système actuel de sécurité
mondiale et régionale soit en mesure de nous protéger des bouleversements. Ce système a été sérieusement affaibli, fragmenté et déformé.
Les organisations internationales et
régionales de coopération politique,
économique, et culturelle traversent également des temps
difficiles.
Oui, un grand nombre des mécanismes actuels visant à assurer l’ordre mondial ont été créés il y a très
longtemps, y compris et surtout dans la période suivant immédiatement la Seconde
Guerre mondiale. Permettez-moi de souligner que la solidité du système créé
à l’époque reposait non seulement sur l’équilibre
des forces et les droits des
pays vainqueurs, mais aussi sur le fait que les « pères fondateurs »
de ce système se respectaient
mutuellement, n’essayaient pas de mettre la pression sur les autres, mais tentaient de parvenir
à des accords.
L’essentiel est que ce système doit se développer, et malgré
ses diverses lacunes, il doit au moins être
capable de maintenir les problèmes mondiaux
actuels dans certaines limites et
de réguler l’intensité de la concurrence naturelle entre les nations.
Je suis convaincu que nous ne pouvions pas prendre ce mécanisme de freins
et contrepoids que nous avons construit au cours des
dernières décennies, parfois avec les plus grands efforts et difficultés, et tout
simplement le détruire sans
rien reconstruire à sa place. Sinon, nous serions laissés sans instruments
autres que la force brute.
Ce que nous devions faire était de procéder à une reconstruction rationnelle et de l’adapter
aux nouvelles réalités du système
des relations internationales.
Mais les Etats-Unis, s’étant eux-mêmes
déclarés vainqueurs de la Guerre Froide,
n’en voyaient pas le besoin. Au lieu d’établir un nouvel équilibre des forces, essentiel pour
maintenir l’ordre et la stabilité,
ils ont pris des mesures qui ont jeté le système dans un déséquilibre marqué et profond.
La Guerre Froide a pris fin, mais
elle n’a pas pris fin avec la signature d’un traité
de paix comprenant des accords clairs
et transparents sur le respect des règles existantes ou la création d’un nouvel
ensemble de règles et de normes. Cela a créé l’impression que les soi-disant « vainqueurs
» de la Guerre Froide avaient décidé de
forcer les événements et de remodeler
le monde afin de satisfaire leurs
propres besoins et intérêts. Lorsque
le système actuel des relations internationales,
le droit international et les freins et
contrepoids en place faisaient
obstacle à ces objectifs, ce
système été déclaré sans valeur,
obsolète et nécessitant une démolition
immédiate.
Pardonnez l’analogie, mais c’est la façon dont les nouveaux riches se comportent quand ils se retrouvent tout à coup avec une
grande fortune, dans ce cas sous la
forme d’un leadership et d’une domination
mondiale. Au lieu de gérer leur patrimoine intelligemment,
pour leur propre bénéfice aussi bien sûr,
je pense qu’ils ont commis beaucoup de
folies.
Nous sommes entrés dans une période de différentes
interprétations et de silences délibérés
dans la politique mondiale. Le droit
international a maintes fois été forcé
de battre en retraite, encore et encore, par l’assaut impitoyable du nihilisme légal. L’objectivité et la justice ont été
sacrifiées sur l’autel de l’opportunisme politique. Des interprétations arbitraires
et des évaluations biaisées ont remplacé les normes juridiques. Dans le même temps, l’emprise complète sur
les médias de masse mondiaux ont rendu possible,
quand on le désirait, de présenter le blanc comme
noir et le noir
comme blanc.
Dans une situation où vous aviez la
domination d’un pays et de ses
alliés, ou plutôt de ses satellites, la recherche
de solutions globales s’est souvent transformée en une tentative d’imposer ses propres recettes universelles. Les ambitions de ce
groupe sont devenues si grandes qu’ils
ont commencé à présenter les
politiques qu’ils concoctaient dans
leurs corridors du pouvoir comme
le point de vue de l’ensemble de la
communauté internationale. Mais ce
n’est pas le cas.
La notion même de « souveraineté
nationale » est devenue une
valeur relative pour la plupart
des pays. En essence, ce qui était proposé était cette formule : plus la
loyauté de tel ou tel régime en place envers le seul centre de
pouvoir dans le monde est grande, plus grande
sera sa légitimité.
Nous aurons une discussion
libre après mon propos et je serai heureux de répondre
à vos questions et je tiens également
à utiliser mon droit à vous poser des questions. Que personne n’hésite à essayer de réfuter
les arguments que
je viens d’exposer lors de la
discussion à venir.
Les mesures prises contre ceux qui refusent de se soumettre
sont bien connues et ont été essayées et testées de nombreuses fois. Elles comprennent l’usage de la force, la pression économique et la propagande, l’ingérence dans les affaires intérieures, et les appels à
une sorte de légitimité « supra-légale » lorsqu’ils ont besoin de justifier une
intervention illégale dans tel ou
tel conflit ou de renverser des régimes qui
dérangent. Dernièrement, nous
avons de plus en plus de preuves que le chantage pur et simple a également été utilisé en ce qui concerne
un certain nombre de dirigeants. Ce n’est pas pour rien que « Big Brother » dépense des milliards de
dollars pour tenir sous surveillance le
monde entier, y compris ses
propres alliés les plus proches.
Demandons-nous à quel point nous sommes
à l’aise avec tout cela, à quel point nous sommes en sécurité, combien
nous sommes heureux de vivre dans
ce monde, à quel degré de justice
et de rationalité il est parvenu. Peut-être n’avons-nous pas de véritables raisons de nous inquiéter, de discuter et de
poser des questions embarrassantes ?
Peut-être que la position exceptionnelle des États-Unis et la façon dont ils mènent
leur leadership est vraiment une bénédiction pour nous tous, et que leur ingérence
dans les événements du monde entier
apporte la paix, la prospérité, le progrès, la
croissance et la démocratie, et nous devrions peut-être
seulement nous détendre et profiter
de tout cela ?
Permettez-moi de dire que ce n’est pas le cas, absolument
pas le cas.
Un diktat unilatéral et le
fait d’imposer ses propres modèles aux autres produisent le résultat inverse. Au lieu de régler les conflits, cela conduit à leur escalade ;
à la place d’États souverains et stables, nous voyons la propagation croissante du chaos ;
et à la place de
la démocratie, il y a un soutien pour
un public très douteux
allant de néo-fascistes avoués à des islamistes radicaux.
Pourquoi soutiennent-ils de tels individus ? Ils
le font parce qu’ils décident de
les utiliser comme instruments dans la voie de la réalisation de leurs objectifs, mais
ensuite, ils se brûlent les doigts
et font marche arrière. Je ne cesse jamais d’être étonné par la façon dont nos
partenaires ne cessent de marcher
sur le même râteau, comme on dit ici
en Russie, c’est-à-dire de faire les
mêmes erreurs encore et encore.
Ils ont jadis parrainé des mouvements islamistes extrémistes pour
combattre l’Union soviétique.
Ces groupes se
sont formés au combat et aguerris en Afghanistan,
et ont plus tard donné naissance aux Talibans et à Al-Qaïda. L’Occident les a sinon soutenus, du
moins a fermé les yeux sur cela, et,
je dirais, a fourni des informations et un
soutien politique et financier
à l’invasion de
la Russie et des pays de la région d’Asie centrale par
les terroristes internationaux (nous ne l’avons pas oublié). C’est seulement
après que des attaques terroristes
horribles aient été commises sur le sol américain lui-même que les
États-Unis ont pris conscience de la menace collective du terrorisme. Permettez-moi
de vous rappeler que nous avons été le
premier pays à soutenir le peuple
américain à l’époque, le premier
à réagir comme des amis et partenaires après
la terrible tragédie du 11 Septembre.
Au cours de mes conversations avec les dirigeants américains et européens,
je parlais toujours de la nécessité de lutter ensemble contre le terrorisme, de le considérer comme un défi à l’échelle mondiale. Nous ne pouvons pas nous résigner et accepter cette menace, nous ne
pouvons pas la couper en morceaux séparés
à l’aide du deux poids deux mesures. Nos
partenaires ont exprimé leur accord,
mais après quelques temps, nous nous
sommes retrouvés au point de départ. Ce fut d’abord
l’opération militaire en Irak, puis en Libye, qui
a été poussée au bord du gouffre. Pourquoi
la Libye a-t-elle été réduite à cette situation ? Aujourd’hui, c’est un
pays en danger de démantèlement et qui est
devenu un terrain d’entraînement
pour les terroristes.
Seule la détermination et la sagesse de la
direction égyptienne actuelle a sauvé ce pays arabe clé
du chaos et
de l’emprise des terroristes. En Syrie,
comme par le passé, les États-Unis
et leurs alliés ont commencé à financer
et armer directement les rebelles
et leur ont permis de remplir leurs rangs de
mercenaires provenant de divers pays. Permettez-moi de vous demander où ces rebelles obtiennent leur argent, leurs armes et leurs spécialistes militaires ?
D’où tout cela vient-il ? Comment l’Etat Islamique notoire a-t-il réussi à devenir un groupe aussi puissant, de fait une
véritable force armée ?
Quant aux sources de financement, aujourd’hui, l’argent ne vient plus seulement de la drogue, dont la production a augmenté
non pas de quelques points de pourcentage mais dans des
proportions considérables depuis que les forces de la coalition internationale sont
intervenues en Afghanistan. Vous
êtes au courant de cela. Les terroristes obtiennent également de l’argent
en vendant du pétrole. Le pétrole est
produit dans le territoire
contrôlé par les terroristes, qui
le vendent à des prix de dumping,
le produisent et le transportent. Mais d’autres
achètent ce pétrole, le revendent,
et font du
profit, sans penser au fait qu’ils financent ainsi les terroristes qui
pourraient venir tôt ou tard sur
leur propre sol
et semer la destruction
dans leur propre pays.
Où trouvent-ils les nouvelles recrues
? En Irak, après que Saddam Hussein ait été renversé, les institutions de l’État, y compris l’armée,
ont été laissés en ruines. Nous avons dit, à l’époque, soyez très,
très prudents. Vous mettez les gens
à la rue, et que
vont-ils y faire ? N’oubliez pas
que légitimement ou non, ils faisaient partie de la direction d’une
grande puissance régionale, et
en quoi est-ce que vous les transformez maintenant
?
Quel fut le résultat ? Des dizaines
de milliers de soldats, d’officiers et d’anciens
militants du parti Baas se sont
retrouvé à la rue et ont aujourd’hui rejoint les rangs
des rebelles. Peut-être cela explique-t-il pourquoi l’Etat
islamique s’est avéré si efficace. En termes militaires, il
agit très efficacement et il a certains cadres
très compétents. La Russie
a mis en garde à plusieurs reprises
sur les dangers des actions militaires unilatérales, des interventions
dans les affaires des Etats souverains, et des
flirts avec les extrémistes et les radicaux. Nous avons insisté pour que les groupes luttant contre le
gouvernement syrien central, surtout
l’Etat islamique, soient inscrits sur les listes des organisations
terroristes. Mais avons-nous vu
le moindre résultat ? Nous avons lancé
des appels en vain.
Nous avons parfois l’impression que
nos collègues et amis sont constamment
aux prises avec les conséquences
de leurs propres politiques, et qu’ils dépensent tous leurs efforts dans le traitement des risques qu’ils ont eux-mêmes créés,
en payant un prix de plus en plus élevé.
Chers collègues,
Cette période de domination unipolaire a démontré
de manière convaincante que le fait d’avoir un seul centre de pouvoir ne rend pas les processus mondiaux plus faciles à gérer. Au contraire, ce type de construction instable a montré son
incapacité à lutter contre les menaces
réelles telles que les conflits régionaux,
le terrorisme, le trafic de drogue, le
fanatisme religieux, le chauvinisme et le néo-nazisme.
Dans le même temps, il a ouvert une large voie aux fiertés nationales exacerbées,
à la manipulation de l’opinion publique et
à la brutalisation et à l’oppression des faibles par les forts.
Essentiellement, le monde unipolaire
est tout simplement un moyen de justifier la dictature sur les individus et les nations. Le monde unipolaire s’est
avéré un fardeau trop rude,
trop lourd et trop ingérable même pour son
chef auto-proclamé. Des commentaires
ont été faits dans ce sens juste avant
mon intervention, et je suis entièrement
d’accord avec eux. Voilà pourquoi nous voyons, en cette nouvelle étape de l’histoire, des
tentatives de recréer un semblant
de monde quasi-bipolaire en tant que modèle
commode pour perpétuer le leadership américain. Peu importe qui prend la place du
centre du mal dans la propagande
américaine, peu importe qui remplace l’ex-l’URSS en tant que principal adversaire. Cela pourrait être l’Iran, en tant que pays qui cherche à acquérir
la technologie nucléaire, la Chine,
en tant que plus grande économie mondiale, ou la Russie, en tant que superpuissance
nucléaire.
Aujourd’hui, nous assistons à de nouveaux efforts pour fragmenter le monde, dessiner de nouvelles lignes de clivage, réunir des coalitions qui
ne sont pas façonnées pour quelque
chose mais dirigées contre quelqu’un, qui que ce soit, pour créer l’image d’un ennemi comme ce fut le cas pendant les années de Guerre Froide, et s’emparer du droit à ce
leadership, ou diktat si vous préférez. La situation était présentée de cette façon au cours de la Guerre Froide. Nous savons tous cela et nous le comprenons bien. Les États-Unis ont toujours dit à leurs alliés : « Nous avons un ennemi commun, un ennemi terrible, le centre
du mal, et nous
vous protégeons, vous nos alliés,
de cet ennemi, et nous avons donc le droit de vous donner des
ordres, de vous forcer à sacrifier vos intérêts
politiques et économiques et à payer
votre quote-part des coûts de cette défense collective,
mais nous serons
les responsables de tout cela
bien sûr. » En bref, nous voyons aujourd’hui
des tentatives, dans un monde nouveau et changeant,
de reproduire les modèles familiers
de la gestion globale, et tout cela de manière à garantir aux États-Unis leur situation
exceptionnelle et à récolter
des dividendes politiques et économiques.
Mais ces tentatives sont de plus en plus déconnectées
de la réalité et sont en
contradiction avec la diversité du monde. Des mesures de ce
genre créent inévitablement
des confrontations et provoquent des contre-mesures, et ont pour résultat l’effet
inverse de ce qui était souhaité. Nous voyons ce qui se passe quand la politique commence imprudemment à s’ingérer dans l’économie et que la logique des
décisions rationnelles cède la
place à la logique de
confrontation, qui ne fait que
nuire aux propres positions et
intérêts économiques des pays en question, y compris
les intérêts des entreprises nationales.
Les projets économiques communs et
les investissements mutuels rapprochent objectivement
les pays et contribuent
à aplanir les problèmes
actuels dans les relations entre Etats.
Mais aujourd’hui, la communauté mondiale des affaires fait
face à des pressions sans précédent
de la part des gouvernements occidentaux. De quelles affaires, de quelles opportunités
économiques ou de quel pragmatisme
peut-on encore parler lorsque nous
entendons des slogans tels que « la patrie est en danger », « le monde libre est menacé », et « la
démocratie est en péril » ? Et tout le monde doit alors
se mobiliser. Voilà à quoi
ressemble une vraie politique de mobilisation.
Les sanctions sapent déjà les fondements
du commerce mondial, les règles de l’OMC et le
principe de l’inviolabilité de la
propriété privée. Ils portent un
coup dangereux au modèle libéral de la mondialisation
fondé sur les marchés, la liberté et la concurrence, qui, permettez-moi de le
souligner, est précisément un modèle qui a avant tout bénéficié aux pays
occidentaux. Et maintenant, ils risquent
de perdre la confiance en tant
que gouvernants de la
mondialisation. Nous devons nous
demander, pourquoi était-ce
nécessaire ? Après tout, la
prospérité des États-Unis repose
en grande partie sur la confiance des investisseurs et des détenteurs étrangers de dollars et de valeurs mobilières étasuniennes. Cette confiance est clairement
mise à mal et des signes de désillusion quant aux fruits
de la mondialisation sont maintenant visibles dans de nombreux pays.
Le précédent bien connu de Chypre
et les sanctions
pour des motifs politiques n’ont fait
que renforcer la tendance à chercher
à renforcer la souveraineté économique
et financière et la volonté des pays ou de leurs groupes régionaux de trouver des moyens
de se protéger contre les risques
de pressions extérieures. Nous voyons déjà que de
plus en plus de pays cherchent
des moyens de devenir moins
dépendants du dollar et mettent en place des systèmes financiers,
de paiement et des monnaies de réserve
alternatifs. Je pense que nos amis
américains sont tout simplement
en train de scier la branche sur laquelle
ils sont assis. On ne peut pas mélanger
la politique et l’économie,
mais c’est ce qui se passe maintenant. J’ai toujours
pensé et je pense encore aujourd’hui que les sanctions pour des motifs politiques sont une erreur
qui nuira à tous, mais je suis sûr que nous
reviendrons sur ce point.
Nous savons comment ces décisions ont été prises et qui exerçait les
pressions. Mais permettez-moi de
souligner que la Russie ne va pas
perdre son calme, s’offenser ou venir mendier à la
porte de quiconque. La Russie est
un pays auto-suffisant. Nous allons travailler au sein de l’environnement
économique international qui a pris
forme, développer la production et
la technologie nationales et agir
de façon plus décisive pour mener à bien
notre transformation. Les pressions
de l’extérieur, comme cela a été le cas à plusieurs reprises par le passé, ne feront que consolider notre société,
nous maintenir en éveil et nous amener à nous concentrer sur nos principaux objectifs de développement.
Bien sûr, les sanctions constituent un obstacle. Ils essaient de nous affaiblir par ces sanctions,
d’entraver notre développement et de nous pousser à l’isolement
politique, économique et culturel, en d’autres
termes nous forcer à prendre du retard. Mais permettez-moi de rappeler encore une fois
que le monde est un endroit très
différent aujourd’hui. Nous
n’avons pas l’intention de nous isoler de quiconque
ou de choisir une sorte de voie de développement fermée, en
essayant de vivre en autarcie. Nous
sommes toujours ouverts au dialogue, y compris au sujet de la normalisation de nos relations économiques et politiques. Nous comptons ici sur l’approche
et la position pragmatiques des milieux d’affaires dans les principaux pays.
Certains disent aujourd’hui que la Russie tournerait le dos à l’Europe – de tels
propos ont probablement été tenus
ici aussi lors des discussions –
et rechercherait de nouveaux partenaires commerciaux, surtout en Asie. Permettez-moi de dire que ce n’est absolument pas le cas. Notre politique active dans
la région Asie-Pacifique n’a pas
commencé d’hier, et non en réponse aux sanctions, mais c’est une
politique que nous suivons depuis
maintenant un bon nombre d’années.
Comme beaucoup d’autres pays, y
compris les pays occidentaux, nous avons
vu que l’Asie joue un rôle de plus en plus important dans le monde, dans l’économie et dans la politique, et
nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d’ignorer ces développements.
Permettez-moi de dire encore une fois
que tout le monde agit ainsi, et
nous allons le faire nous aussi, d’autant plus qu’une grande partie de notre pays est géographiquement en Asie. Au nom de quoi devrions-nous ne pas faire usage de nos avantages concurrentiels
dans ce domaine ? Ce serait faire preuve
d’une vue extrêmement courte que de ne pas le faire.
Le développement des relations économiques
avec ces pays et la réalisation
de projets d’intégration communs
créent aussi de grandes incitations pour notre
développement national. Les tendances démographiques,
économiques et culturelles
actuelles suggèrent que la dépendance
à une seule superpuissance
va objectivement diminuer. C’est une chose que les
experts européens et américains ont
également évoqué dans leurs réunions et travaux.
Peut-être que l’évolution de la politique internationale sera le reflet
de l’évolution que nous constatons
dans l’économie mondiale, à savoir
la concurrence intensive pour des
niches spécifiques et des changements fréquents de dirigeants dans des domaines précis. Ceci est tout à fait possible.
Il ne fait aucun doute que des facteurs humanitaires tels que l’éducation, la science, la santé et la
culture jouent un rôle plus
important dans la concurrence mondiale. Cela a également un impact important sur les relations internationales, y compris parce que cette ressource douce (soft
power) dépendra dans une large
mesure des réalisations concrètes dans le développement du capital humain plutôt que des trucages sophistiqués de
la propagande.
Dans le même temps, la formation d’un
soi-disant monde polycentrique (je voudrais également attirer l’attention sur
cela, chers collègues), en soi et
d’elle-même, n’améliore pas la stabilité
; de fait, il est plus probable que ce soit l’inverse. L’objectif
d’atteindre l’équilibre mondial est en train de devenir un casse-tête assez difficile,
une équation à plusieurs inconnues.
Qu’est-ce que l’avenir nous réserve donc, si nous choisissons de ne pas respecter les règles
– même si elles peuvent être strictes et peu pratiques
– mais plutôt
de vivre sans règles du tout ? Et ce scénario
est tout à fait possible ; nous ne pouvons pas l’exclure, compte tenu des tensions dans la situation internationale. Beaucoup de
prédictions peuvent déjà être faites, en tenant compte des tendances actuelles, et malheureusement, elles ne
sont pas optimistes. Si nous ne
créons pas un système clair
d’engagements et d’accords mutuels, si
nous ne construisons pas les mécanismes
de gestion et de résolution des situations
de crise, les symptômes de l’anarchie mondiale vont
inévitablement s’accroître.
Aujourd’hui, nous voyons déjà une forte augmentation de la probabilité
de tout un ensemble de conflits violents avec la
participation directe ou indirecte des plus grandes puissances mondiales. Et les facteurs de
risque comprennent non seulement
les conflits multinationaux traditionnels, mais aussi l’instabilité
interne dans différents États, surtout quand on parle de nations situées aux intersections
des intérêts géopolitiques des grandes
puissances, ou à la frontière
de continents civilisationnels, culturels, historiques et économiques.
L’Ukraine, qui j’en
suis sûr a été longuement évoquée et
dont nous parlerons encore, est l’un des exemples de
ces sortes de conflits qui
affectent l’équilibre international des puissances, et
je pense que ce ne sera certainement pas
le dernier. De là émane la prochaine menace
réelle de détruire le système actuel
d’accords de contrôle des armements. Et ce processus dangereux
a été initié par les Etats-Unis d’Amérique
quand ils se sont unilatéralement retirés
du Traité sur les missiles anti-balistiques
(ABM) en 2002, puis se sont lancés
dans la création de leur système global de défense antimissile et poursuivent aujourd’hui activement ce
processus.
Chers collègues et amis,
Je tiens à souligner que nous ne sommes pas à l’origine
de tout cela. Une fois de plus, nous
glissons vers des temps où, au lieu de l’équilibre des intérêts et des garanties mutuelles, ce sera la peur et l’équilibre
de la destruction mutuelle qui empêcheront les nations de se livrer à un conflit direct. En l’absence d’instruments juridiques et politiques, les armes
deviennent encore une fois le point focal de l’ordre du jour mondial ; elles sont utilisées n’importe où
et n’importe comment, sans la moindre sanction
du Conseil de sécurité de l’ONU. Et
si le Conseil de sécurité refuse de rendre de tels arrêts, alors on le condamne immédiatement comme un
instrument dépassé et inefficace.
De nombreux États ne voient pas d’autres moyens d’assurer leur souveraineté qu’en obtenant leurs propres
bombes. Cela est extrêmement dangereux.
Nous insistons sur la nécessité de
poursuivre les négociations ; nous ne sommes pas
seulement en faveur de pourparlers, mais nous insistons sur la nécessité de
poursuivre les pourparlers de réduction des arsenaux nucléaires. Moins nous
aurons d’armes nucléaires dans le monde, mieux ce sera. Et
nous sommes prêts à mener les discussions
les plus sérieuses et les plus concrètes sur le désarmement nucléaire – mais seulement des discussions
sérieuses sans aucun deux poids, deux mesures.
Qu’est-ce que je veux dire par là ? Aujourd’hui, de nombreux
types d’armes de haute précision sont déjà assimilables
à des armes de destruction massive en termes de capacité, et
en cas de renonciation complète aux armes nucléaires ou de réduction radicale du potentiel nucléaire, les nations qui sont des leaders dans la création et la production de systèmes de haute précision
auront un net avantage militaire.
La parité stratégique sera perturbée, ce qui est susceptible d’entraîner de la déstabilisation. Le recours à une soi-disant première frappe préventive globale peut devenir tentant. En
bref, les risques ne diminuent
pas, mais s’intensifient.
La prochaine menace évidente est l’escalade plus avant de conflits ethniques, religieux et sociaux. De tels
conflits sont dangereux non seulement en tant que tels, mais aussi parce qu’ils
créent des zones d’anarchie, d’absence
total de lois et de chaos autour d’eux,
des lieux qui sont commodes pour les terroristes et les criminels, et
où la piraterie, le trafic d’êtres humains et le trafic de drogue sont florissants.
D’ailleurs, nos collègues ont alors essayé de contrôler plus ou moins
ces processus, d’exploiter les conflits
régionaux et de concevoir des « révolutions colorées »
en fonction de leurs intérêts, mais le génie s’est échappé
de la lampe. Il semble que les
pères de la théorie du chaos contrôlé eux-mêmes
ne sachent plus quoi en faire ; il y a confusion dans
leurs rangs.
Nous suivons de près les discussions à la fois au sein de l’élite dirigeante et de la communauté des experts. Il suffit de
regarder les gros titres de la presse occidentale de l’année dernière.
Les mêmes personnes
sont appelées des combattants pour la démocratie, puis des islamistes ; d’abord, ils parlent de révolutions puis ils parlent d’émeutes
et de soulèvements. Le résultat
est évident : la propagation du
chaos mondial.
Chers collègues,
Compte tenu de la situation mondiale, il est temps de commencer à se mettre d’accord sur des choses fondamentales. Ceci est d’une importance et d’une
nécessité extrêmes ; cela vaudrait beaucoup mieux que de se retirer dans nos propres retranchements. Plus nous faisons face à
des problèmes communs, plus nous
nous trouvons dans le même bateau, pour ainsi dire. Et la manière sensée de
trouver une issue réside dans la
coopération entre les nations, les
sociétés, dans le fait de trouver des réponses collectives aux défis croissants,
et dans la gestion commune des risques. Certes, certains
de nos partenaires, pour des raisons bien à eux, ne
se remémorent cela que lorsque c’est
dans leurs intérêts.
L’expérience pratique montre que les
réponses communes aux défis ne
sont pas toujours une panacée, et
il faut que nous comprenions cela. En
outre, dans la plupart des cas,
elles sont difficiles à atteindre :
il n’est pas facile de surmonter les différences dans les intérêts nationaux et la subjectivité de différentes
approches, en particulier lorsqu’il s’agit de pays
ayant des traditions culturelles et
historiques différentes. Mais néanmoins,
nous avons des exemples où, ayant des objectifs communs et agissant sur la base des mêmes critères, nous avons obtenu collectivement
un réel succès.
Permettez-moi de vous rappeler la résolution du problème des armes chimiques
en Syrie, et le
dialogue de fond conséquent sur le programme nucléaire iranien, ainsi que
notre travail sur
les questions nord-coréennes, qui ont aussi connu
des résultats positifs. Pourquoi ne
pouvons-nous pas utiliser cette expérience à l’avenir pour relever les défis locaux et mondiaux ?
Quelle pourrait être la base juridique,
politique, et économique pour un nouvel ordre
mondial qui permettrait la stabilité
et la sécurité, tout en encourageant une saine concurrence, et en ne permettant pas la formation de nouveaux monopoles qui entravent le développement ? Il est peu
probable que quiconque puisse
proposer dès à présent des solutions absolument exhaustives et prêtes à l’emploi. Nous aurons besoin de beaucoup de travail
et de la participation d’un large éventail de gouvernements, d’entreprises
mondiales, de la société civile, et
de plates-formes d’experts telles que celle-ci.
Cependant, il est évident que les succès et les
résultats réels ne sont possibles
que si les participants clés
des affaires internationales peuvent
se mettre d’accord sur l’harmonisation
des intérêts de base, sur le fait de s’imposer des limites raisonnables, et de donner l’exemple d’un leadership
positif et responsable. Nous devons identifier clairement où se terminent les actions
unilatérales et nous avons besoin de mettre en œuvre des mécanismes multilatéraux.
Et dans le cadre de
l’amélioration de l’efficacité du droit international, nous devons résoudre le dilemme entre les actions de la
communauté internationale visant
à assurer la sécurité et les droits
de l’homme, et le principe
de la souveraineté nationale et de
la non-ingérence dans les affaires
intérieures d’un État, quel qu’il soit.
Ces collisions mêmes
conduisent de plus en plus à une interférence extérieure arbitraire
dans des processus internes complexes,
et encore et encore, ils provoquent des conflits dangereux entre les principaux acteurs
mondiaux. La question de la
préservation de la souveraineté devient
presque primordiale dans le
maintien et le renforcement de la
stabilité mondiale.
De toute évidence, discuter des critères de l’utilisation
de la force extérieure est extrêmement difficile. Il est pratiquement impossible de la séparer
des intérêts des nations particulières.
Cependant, il est beaucoup plus dangereux de rester dans une situation où
il n’y a pas d’accords qui soient clairs pour tout
le monde, et où des conditions claires
pour l’ingérence nécessaire
et légale ne sont pas fixées.
J’ajouterais que les relations
internationales doivent être basées sur le droit international, qui lui-même doit reposer sur
des principes moraux tels que la justice, l’égalité
et la vérité. Peut-être le plus important est-il le respect de ses
partenaires et de leurs intérêts. C’est une formule
évidente, mais le fait de la respecter,
tout simplement, pourrait changer
radicalement la situation mondiale.
Je suis certain qu’avec une volonté réelle, nous pouvons restaurer l’efficacité
du système international et des institutions régionales. Nous n’avons
même pas besoin de reconstruire quelque
chose de nouveau, à partir de
zéro ; ce n’est pas une « terre vierge », d’autant
plus que les institutions créées
après la Seconde Guerre mondiale sont relativement universelles et peuvent
être dotées d’un contenu moderne et adéquat pour
gérer la situation actuelle.
Cela est vrai quant à l’amélioration du travail de l’ONU, dont le rôle central est
irremplaçable, ainsi que celui de
l’OSCE, qui, durant
40 ans, a démontré qu’elle était un
mécanisme nécessaire pour assurer la sécurité et la coopération
dans la région euro-atlantique. Je dois dire que même aujourd’hui, en essayant de résoudre la crise dans le sud-est de l’Ukraine, l’OSCE
joue un rôle très positif.
À la lumière des changements
fondamentaux dans l’environnement international, l’augmentation des désordres incontrôlables et des diverses
menaces, nous avons besoin d’un nouveau consensus
mondial des forces responsables. Il ne s’agit pas de conclure certaines
transactions locales ou un
partage des zones d’influence dans l’esprit
de la diplomatie classique, ni d’assurer la domination globale et complète de quiconque. Je pense que nous avons besoin d’une
nouvelle version de l’interdépendance. Nous
ne devrions pas avoir peur de cela. Au contraire, c’est un
bon instrument pour harmoniser les positions.
Ceci est particulièrement pertinent étant
donné le renforcement et la
croissance de certaines régions de
la planète, processus qui nécessite
objectivement l’institutionnalisation
de ces nouveaux pôles, par la
création de puissantes organisations régionales
et l’élaboration de règles pour leur interaction.
La coopération entre ces centres contribuerait sérieusement à la stabilité
de la sécurité, de la politique et de l’économie
mondiales. Mais afin
d’établir un tel dialogue, nous
devons partir du postulat selon lequel tous les centres régionaux et projets d’intégration
qui se forment autour d’eux
doivent avoir les mêmes droits au développement, afin qu’ils puissent
se compléter mutuellement et que personne ne puisse artificiellement les forcer
à entrer en conflit ou en opposition. De telles actions
destructrices briseraient les
liens entre les Etats, et les Etats eux-mêmes seraient
soumis à des difficultés extrêmes,
voire même à une
destruction totale.
Je voudrais vous rappeler
les événements de l’année dernière.
Nous avions prévenu nos partenaires américains et européens que les décisions hâtives prises en coulisses, par exemple, sur l’association de l’Ukraine avec l’UE, étaient emplies de risques graves pour l’économie. Nous n’avons pas même évoqué les problèmes
politiques ; nous n’avons parlé que de l’économie, en disant que de telles mesures, mises en place sans arrangements préalables, nuiraient aux intérêts de
nombreux autres pays, dont la Russie – en
tant que principal partenaire
commercial de l’Ukraine –, et qu’un
large débat sur ces questions était nécessaire. D’ailleurs, à cet égard, je vous rappelle que par
exemple, les négociations sur l’adhésion
de la Russie à l’OMC ont duré
19 ans. Ce fut un
travail très difficile, et
un certain consensus
a finalement été atteint.
Pourquoi est-ce que je soulève cette
question ? Parce qu’en mettant en œuvre ce projet
d’association avec l’Ukraine, nos partenaires seraient venus à nous avec leurs biens
et services par la porte arrière,
pour ainsi dire, et nous n’avons pas
donné notre accord pour cela,
personne ne nous a rien demandé à ce sujet. Nous avons eu des discussions sur tous les sujets liés
à l’association de l’Ukraine avec l’UE, des discussions persistantes,
mais je tiens à souligner que notre action a été menée d’une manière tout à fait civilisée, en indiquant des problèmes possibles, et en soulignant les raisonnements et arguments évidents. Mais
personne ne voulait nous écouter et
personne ne voulait discuter. Ils nous ont simplement dit : ce ne sont pas vos affaires,
point, fin de la discussion. Au lieu du
dialogue global mais – je le souligne
– civilisé que nous proposions, ils en sont venus à
un renversement de
gouvernement ; ils ont plongé le pays dans le chaos, dans l’effondrement économique et social, dans une guerre civile avec des pertes considérables.
Pourquoi ? Quand je demande à mes collègues pourquoi, ils n’ont plus de
réponse ; personne ne dit rien. C’est
tout. Tout le monde est désemparé,
disant que ça c’est juste passé comme ça. Ces actions n’auraient pas dû être encouragées
– cela ne pouvait pas fonctionner.
Après tout (je me suis déjà
exprimé à ce sujet), l’ancien président
ukrainien Viktor Ianoukovitch avait tout signé, il était d’accord avec
tout. Pourquoi ont-ils
fait ça ? Dans quel but ? Est-ce là une manière civilisée de résoudre les
problèmes ? Apparemment, ceux qui
fomentent constamment de
nouvelles « révolutions colorées » se considèrent comme de « brillants
artistes » et ne peuvent tout simplement
pas s’arrêter.
Je suis certain que le travail des
associations intégrées, la
coopération des structures régionales,
doivent être construits sur une base transparente et claire ;
le processus de formation de l’Union économique eurasienne est un bon exemple d’une telle transparence. Les États
qui font partie de ce projet ont informé leurs partenaires de leurs plans à l’avance,
en précisant les paramètres de notre association
et les principes de son travail, qui correspondent pleinement aux règles de l’Organisation
mondiale du commerce.
J’ajouterais que nous aurions également accueilli favorablement
l’initiation d’un dialogue concret
entre l’Eurasie et
l’Union européenne. D’ailleurs,
ils nous ont presque
catégoriquement refusé cela, et il est également
difficile d’en comprendre les raisons. Qu’est-ce
qu’il y a de si effrayant à cela ?
Et bien sûr, avec un tel travail conjoint, on pourrait penser
que nous devons nous engager dans un dialogue (j’ai évoqué cela à de nombreuses reprises et j’ai entendu l’accord de
plusieurs de nos partenaires occidentaux, du moins en Europe) sur la nécessité de
créer un espace commun pour la coopération économique et humanitaire s’étendant depuis l’Atlantique jusqu’à
l’océan Pacifique.
Chers collègues,
La Russie a fait son choix. Nos
priorités sont d’améliorer encore
nos institutions démocratiques et notre économie
ouverte, d’accélérer notre développement interne,
en tenant compte de toutes les tendances
modernes positives observées dans le monde, et en
consolidant notre société sur la base des valeurs
traditionnelles et du patriotisme.
Nous avons un agenda pacifique et positif, tourné vers
l’intégration. Nous travaillons activement
avec nos collègues de l’Union économique
eurasienne, de l’Organisation de
coopération de Shanghai, du BRICS et avec d’autres partenaires. Ce programme
vise à renforcer les liens entre les gouvernements, pas à les fragiliser. Nous ne
prévoyons pas de façonner des
blocs ou de participer
à un échange de coups.
Les allégations et déclarations selon lesquelles la Russie essaie d’établir une sorte d’empire, empiétant sur la souveraineté de ses voisins, n’ont aucun fondement. La Russie n’a pas besoin d’un quelconque rôle
spécial ou exclusif dans le monde
– je tiens à le
souligner. Tout en respectant les
intérêts des autres, nous voulons simplement que nos
propres intérêts soient pris en compte et que notre
position soit respectée.
Nous sommes bien conscients du fait que
le monde est entré dans une ère
de changements et de
transformations globales, dans laquelle nous avons tous
besoin d’un degré particulier de prudence et de la capacité à éviter toutes mesures irréfléchies. Dans les années suivant la guerre froide,
les acteurs politiques mondiaux ont en quelque sorte perdu ces qualités.
Maintenant, nous devons nous les
rappeler. Sinon, les espoirs d’un
développement stable et pacifique
seront une illusion dangereuse, tandis que la crise d’aujourd’hui
servira simplement de prélude à l’effondrement de l’ordre mondial.
Oui, bien sûr, j’ai déjà souligné
que la construction d’un ordre mondial
plus stable est une tâche difficile. Nous parlons d’une tâche longue et
difficile. Nous avons réussi à élaborer
des règles pour l’interaction après
la Seconde Guerre mondiale, et nous avons pu parvenir à un accord à Helsinki dans les années 1970. Notre devoir commun est
de résoudre ce défi fondamental
à cette nouvelle étape du développement.
Je vous remercie vivement pour votre attention.
Contact : 7asan.saleh [at] gmail.com