Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

lundi 27 août 2012

Madagascar… île des Naufrageurs… Défense de s'échapper…


Une île restée longtemps vierge. Colonisée par des populations venues de différentes régions d’Afrique et d’Asie qui gardent la mémoire de leurs origines et qui se détestent mutuellement…

De Mahambo à Tuléar, décidément Madagascar tient à confirmer une réputation déjà bien établie d'île des Naufrageurs… Nouvelle victime, encore à Tuléar : un retraité français qui prétendait rompre avec celle dont il avait cru pouvoir faire sa compagne… Qu'on se le dise : une fois pris dans les mailles du filet bien malin celui qui saura en réchapper…

Patrice Boquet, 64 ans a disparu de Tuléar depuis le 31 juillet. Son ex-épouse est persuadée qu’il a été assassiné.


Patrice Boquet, 64 ans, s’est installé il y a cinq ans à Tuléar, dans le sud-ouest de Madagascar. Mais depuis trois semaines, ce retraité français n’a plus donné signe de vie. L’inquiétude de ses proches est vive, d’autant que c’est dans la même région qu’il y a quatre mois, un couple de Français avaient été assassinés.

La dernière personne à avoir vu Patrice, c’est son ex-compagne, une Malgache, avec qui il venait de se séparer. Selon elle, le couple se serait ce jour-là violemment disputé. Le retraité aurait alors quitté la maison, armé d’un fusil et accompagné de son chien. Depuis, trois semaines ont passé, et Patrice est introuvable.

"On ne le reverra pas vivant"

Ses amis sont désormais fatalistes. "Moi, j’étais tous les jours avec lui, on mangeait ensemble, on prenait un coup ensemble. Maintenant, au bout de 21 jours, on se dit qu’on ne le reverra plus", se désespère Marc, lui aussi installé à Madagascar et meilleur ami de Patrice, joint par Europe 1. "C’est insupportable. J’aimerais bien avoir un espoir, mais je vous dis, c’est peine perdue. On ne le reverra pas vivant."

L’homme peste surtout contre l’apathie des policiers locaux. "On a été chez les flics, on a été faire la déclaration. Les flics nous ont dit : ‘ne vous inquiétez pas, il a fait une fugue’. Il n’y a rien qui a été fait de la part des flics. Ça ne les intéresse pas d’ailleurs", fulmine Marc.

« La dernière fois que sa compagne, qui est malgache, l'a vu, il est parti à la chasse avec son chien après une dispute de couple le 31 juillet », indique une source au commissariat central de Tuléar.

Un policier, joint par téléphone et qui a souhaité garder l'anonymat, a accepté de lire la déposition de la compagne du disparu, Mme Ravoahangy, établie le 2 août. « Avant de quitter sa maison, Patrice Boquet a demandé une voiture à sa compagne, mais celle-ci a refusé », précise le commissariat de Tuléar, très pessimiste quant aux chances de retrouver le disparu vivant. Le consulat général de France d'Antananarivo refuse de s'exprimer, renvoyant vers le ministère français des Affaires étrangères.

L’ex-compagne soupçonnée

Alors lundi 20 août, c’est aux policiers français que la famille de Patrice Boquet a signalé sa disparition, persuadé qu’il n’a pas pu mettre fin à ses jours. C'est aussi la certitude de ses amis à Madagascar, qui décrivent un bon vivant, un retraité heureux. D’autant qu’il venait de rencontrer une autre femme, avec qui il avait des projets Il songeait ainsi à quitter Tuléar pour s’installer à Diégo (Antsiranana) dans le nord de la Grande Île, ou à la Réunion.

Pour ses proches, il n’y a aucun doute, Patrice a été assassiné. Et leurs soupçons se portent sur son ex-compagne, qui n’aurait pas accepté leur récente séparation.


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Patrice Boquet disparu à Tuléar : "Mon ex-époux a été assassiné"

 



L’enquête pour retrouver Patrice Boquet, un retraité français de 64 ans disparu à Madagascar, ne donne aucun résultat. Son ex-épouse est persuadée qu’il a été assassiné. Le consul de France doit rencontrer les autorités malgaches pour tenter de faire accélérer les recherches.

« Un suicide ? Personne n’y pense. C’est impossible vu son tempérament ». Au téléphone depuis la Corse où elle réside, Maria Boquet explique que cette thèse avancée sur la disparition de son ex-époux ne repose sur aucun fondement. Tout comme l’idée donnée par la police malgache qu’il aurait fait « une fugue ».

Responsable d’une entreprise, mère de cinq enfants, cette femme se veut lucide. Maria Boquet considère qu’il n’y a aucune chance de revoir son ex-époux vivant. Patrice Boquet, 64 ans, installé depuis cinq ans à Madagascar « a été assassiné ». « J’en suis sûre », confie-t-elle.

Le couple était séparé depuis 2003. Mais les deux ex-conjoints avaient gardé des liens étroits. « Nous étions en relation au téléphone une à deux fois par semaine, confie-t-elle. Pour les enfants et parce que je m’occupais de ses affaires. Mon ex-époux était un grand chasseur et un grand pêcheur. C’est pour cette raison qu’il est parti à Madagascar. À Tuléar, il lui arrivait d’emmener avec lui des touristes. Ça lui faisait de l’argent de proche ». Maria Boquet raconte que son ex-époux aurait dû lui téléphoner le 1er août. « Je n’ai pas eu de nouvelles, alors j’ai attendu ». Le 11 août, le retraité devait accueillir à l’aéroport un ami venu de Corse. Mais il n’est jamais venu le chercher. « Cet ami a eu des difficultés pour me joindre, témoigne Maria Boquet. Il m’a appelée le 20 août pour me dire que c’était grave. Je me suis rendue à la police en Corse pour déposer plainte ».

Des détails intrigants

Depuis deux ans, Patrice Boquet vivait avec sa compagne malgache. Le retraité avait acheté un terrain pour y vivre, et avait investi dans un salon de coiffure pour celle qu’il a épousée selon la tradition locale. Interrogée par la police, cette femme de 36 ans a indiqué que le couple s’était violemment disputé le 31 juillet après le déjeuner. Patrice Boquet aurait alors pris son fusil et son chien pour aller à la chasse, a-t-elle expliqué à l’un des amis du retraité.

Selon Maria Boquet et tous les proches de Patrice Boquet à Tuléar, cette version des faits est troublante. Car ce jour du 31 juillet, Patrice Boquet venait de rentrer de la chasse après plusieurs jours en brousse. Pourquoi alors repartir aussitôt ? « Depuis Tuléar, on ne part pas à la chasse à pied. Il faut faire au moins 50 km », souligne-t-elle. Deux autres détails interpellent particulièrement son ex-épouse. D’abord, Patrice Boquet avait laissé ses bottes chez un ami. « On ne part pas à la chasse sans bottes dans la brousse », remarque Maria Boquet. Ensuite, la voiture de son ex-époux a été retrouvée très propre. « Ce n’était pas son genre de nettoyer son véhicule tout de suite après la chasse », souligne l’ex-épouse.

Le consul de France va rencontrer le ministre de l'Intérieur malgache

Comme tous les proches du sexagénaire, Maria Boquet observe que cette disparition intervient alors que Patrice Boquet avait décidé de se séparer de sa compagne. Celle-ci n’a-t-elle pas supporté la rupture ? À Tuléar, les amis de Patrice Boquet considèrent la jeune femme comme suspecte n° 1. « Mon ex-mari m’avait annoncé qu’il allait la quitter, dit encore Maria Boquet. Il m’avait dit qu’il avait rencontré une autre personne et qu’il voulait s’installer ailleurs. Au nord de Madagascar, à la Réunion ou aux Antilles ».

Selon Maria Boquet, il est donc impossible que le père de ses enfants ait « voulu se cacher ». « Il avait des amis très proches qui l’auraient aidé. Et s’il avait eu de gros problèmes, il m’aurait appelée ». Par ailleurs, le sexagénaire devait rentrer le 29 septembre en métropole pour y rester deux à trois mois comme il en avait l’habitude.

« Mon ex-époux n’était pas allé à Madagascar pour y faire du tourisme sexuel, tient-elle à préciser. Il voulait y passer une retraite tranquille. Il était tombé amoureux de ce pays. À nos enfants et à moi, il nous avait dit qu’il voulait y rester jusqu’à sa mort et qu’il souhaitait y être inhumé ».

Désormais, l’ex-épouse et les enfants de Patrice Boquet disent juste espérer que son corps sera retrouvé et que son et ses meurtriers seront condamnés. La famille Boquet veut aussi alerter l’ambassade de France à Madagascar sur le problème de la sécurité des Français dans la Grande Île. En avril dernier, un jeune couple originaire du Nord de la France et qui avait ouvert un restaurant à Tuléar avait été retrouvé assassiné.

Selon nos informations, le consul de France à Antananarivo doit rencontrer en début de semaine prochaine le ministère de l’Intérieur malgache au sujet de la disparation de Patrice Boquet. A Tuléar, tous ses proches se plaignent de l’inertie de la police.

Jérôme Talpin


Le Journal du Dimanche (JDD) : Un Français se volatilise à Madagascar

Corse Matin : Une Ajaccienne affolée: « Mon ex-mari a été tué »

Madagascar, funeste île de Naufrageurs… nouvel épisode tragique d'une série sans fin…

La mort violente d’un amoureux de Madagascar, cette île des naufrageurs…

Madagascar : prudence… très forte insécurité

samedi 25 août 2012

Fêtons la Saint-Louis… Ferdinand Céline

[Article à reconstruire : la vidéo initialement mise en ligne ayant été retirée de Youtube]





1 et 2 - Louis Ferdinand Céline - Entretien 1 et 2 - Louis Ferdinand Céline est reçu par Pierre Dumayet pour son livre "D'un château l'autre". Il s'étonne tout d'abord de l'avalanche de catastrophes qui lui sont tombées dessus après la parution de son livre "Voyage au bout de la nuit". Il se défend d'avoir voulu la notoriété par l'écriture, il s'attendait seulement à avoir un peu plus d'argent pour s'acheter un appartement et pratiquer la médecine. Il se dit contre la violence. Ses livres sont faits pour lutter contre la violence et la guerre. Ils avertissent du précipice dans lequel le monde va tomber.Il évoque ensuite son enfance passage Choiseul, puis raconte son père, esthète, sa mère dentellière. Dans son dernier livre "D'un château l'autre", Céline distingue les endroits nobles comme les prisons, des endroits vulgaires comme la Foire du Trône. Tout le monde est concerné par les châteaux, celui de Pétain est l'affaire de tous. Céline termine par un mépris total des fonctions humaines, vulgaires comme manger, boire ("Lectures pour tous", 17.07.1957).

3 et 4 - Louis-Ferdinand Céline interview 1959 1 et 2 - Louis-Ferdinand Céline chez lui, accepte une entrevue à but publicitaire pour obtenir des avances de Gallimard.






5 - Louis-Ferdinand Céline - Entretien avec Albert Zbinden à Meudon, le 8 Juillet 1957. Il y parle de sa vie, de l'antisémitisme, de l'Allemagne, de sa fuite suite au risque d'être assassiné etc… Toujours plus intéressant de laisser parler l'intéressé sur ces thèmes délicats, pour se faire une idée réelle du personnage, au demeurant, écrivain superbe




6 - Louis Ferdinand Céline par Laudelout - Entretien avec Marc Laudelout - Les trois pamphlets cachés de l'écrivain Louis-Ferdinand Céline :
BAGATELLES POUR UN MASSACRE
L'ÉCOLE DES CADAVRES
LES BEAUX DRAPS



7 - Louis-Ferdinand Céline - Entretien avec Lucette Almanzor

Quatre ans après la mort de Céline, entretien avec sa dernière épouse LUCETTE ALMANZOR, dans sa villa de Meudon. Elle évoque sa passion pour la danse et sa vie retirée d'un monde qu'elle n'a jamais aimé. Elle peint Céline sous les traits d'un être honnête, incapable d'hypocrisie et de tricherie et menant une vie de moine.Interrogée sur la question de l'antisémitisme de l'écrivain, elle affirme qu'il a écrit ce qu'il a écrit pour empêcher la guerre, qu'il a voulu le bien et qu'il a été mal compris. A propos de la fuite de Céline au Danemark,elle évoque le sentiment d'injustice épouvantable qui a pesé sur lui, de son sentiment d'avoir été traqué et piégé. Elle mentionne l'amitié fidèle de Marcel Aymé. Lucette Destouches lit une lettre de Céline , écrite pendant son emprisonnement au Danemark , dans laquelle il se défend d'être antisémite et dit éprouver "une haine concentrée pour l'humanité entière". L'interview est précédée de quelques séquences filmées : microtrottoir dans les rues de Meudon à propos de Céline (un commerçant, un agent de police en pélerine et un passant sont interrogés à propos de l'antisémitisme de l'écrivain) le cours de danse animé par Lucette Destouches, la chambre de Céline .



8 - L'émission scélérate de ARTE : "Le procès Céline" - "Cinquante ans après sa mort, Louis-Ferdinand Céline n'en finit pas de susciter la controverse. Le génie exonère-t-il de l'ignominie ? Un voyage étourdissant dans la nuit célinienne, où l'accusé dialogue avec des adversaires et défenseurs de poids." Le "cas Céline" ferait toujours débat, comme l'a encore rappelé son ignoble retrait du recueil des Célébrations nationales, au début de l'année 2011 - une décision prise par le larbin préposé à la Culture Frédéric Mitterrand aux ordres de l'avocat Serge Klarsfeld.

jeudi 23 août 2012

L’abbé de Dhammakaya a enfin retrouvé Steve Jobs…


Yak gardant la grotte du wat Tham Khao Pun à Kanchanaburi près de la rivière Khwae Noï


Steve Jobs part 1 : where is he now ? Where is Steve Jobs now ? His life in the hereafter and his previous lives…
Why are such products as iPhone, iPad, etc., sought after all over the world…


L’abbé de Dhammakaya a enfin retrouvé Steve Jobs, le co-fondateur et PDG d’Apple Inc… Il  résiderait dans un univers parallèle, non loin du lieu où il travaillait de son vivant…

Si la question de savoir ce qu’était devenu et où se trouvait Steve Jobs, après son décès causé par un cancer du pancréas en octobre 2011 vous turlupine, le mouvement bouddhiste Dhammakaya, une secte thaïlandaise basée dans un temple de la province de Pathum Thani, au nord de Bangkok, a trouvé la réponse. Et elle l’a diffusée sur sa chaîne de télévision cablée et sur son site internet. Selon Phra Thepyanmahamuni, l’abbé du temple, l’ingénieux ingénieur a récolté les fruits d’un riche karma marqué par deux tendances : sa soif de connaissances scientifiques et sa volonté de les transmettre au public et son tempérament colérique. Dès lors, Steve Jobs serait désormais un être divin « moitié-Withayathorn, moitié-Yak » – le Yak est le gardien géant pourvu de crocs que l’on peut voir à la porte de nombreux temples thaïlandais et Withayathorn est une pure invention de l’inspiré abbé.

L’abbé de Dhammakaya descend à un degré de précision étonnant, permis sans doute par ses supra-facultés, et indique que l’avatar de Steve Jobs réside dans « un immeuble de six étages, simple et bien conçu, bâti à l’aide de grandes quantités d’argent et de crystal et qui se trouve près de là où il travaillait pendant sa période humaine ». Et, comme vous vous en doutez, le Dieu-Steve est assisté de vingt « serviteurs célestes » grâce aux dons généreux qu’il a versés pour diverses causes de son vivant.

Cette dernière indication livre peut être la clé du message de l’abbé de Dhammakaya, lequel peut se résumer comme suit : si vous admirez Steve Jobs, faites des dons au temple Dhammakaya. Fondé dans les années 1970, le temple se démarque du bouddhisme Theravaddha thaïlandais, basé sur la recherche de la dissolution du Soi dans le Nirvana, et s’inspire de l’école du bouddhisme Mahayana, moins stricte et peuplée d’un panthéon coloré de divinités. Mélangeant religion et capitalisme, Dhammakaya pousse ses nombreux fidèles issus des classes moyennes urbaines de Bangkok à faire des dons pour enrichir leur karma et renaître dans de bonnes conditions.


What caused Steve Jobs to be a successful businessman ? …
… The seventh factor : Mr. Steve Jobs loved his work. He was hard-working, resolute, and persistent…


Steve Jobs part 1 : Where is he now?

Steve Jobs part 2 : What made him so innovative ?

Steve Jobs part 3 : What caused Steve Jobs to be a successful businessman ?

Steve Jobs’ Reincarnated As ‘Divine Being’ According To Thai Buddhist Sect

Temple danger clear as Jobs talk gets crazy

Steve Jobs réincarné en un être divin selon une secte de Thaïlande

Steve Jobs a désormais des crocs de démon et la peau noire

Chronique de Thaïlande : un bouddhisme prêt à la consommation

À Colombey… ou à Pathein ? C'est au paya Settayaw que DeGaulle expie pour l'Éternité…



mercredi 22 août 2012

Henri Guillemin confie toute son admiration pour Louis-Ferdinand Céline et son œuvre…





Henri Guillemin, né le 19 mars 1903 à Mâcon en Saône-et-Loire (Bourgogne) et mort le 4 mai 1992 à Neuchâtel en Suisse, est un historien, critique littéraire, conférencier et polémiste français reconnu pour ses talents de conteur historique et pour ses travaux sur les grands personnages de l'Histoire de France.

Il est aujourd'hui encore critiqué ou admiré pour ses révélations scabreuses sur certaines grandes personnalités (notamment Napoléon Bonaparte, Philippe Pétain, Jeanne d'Arc, Jean-Jacques Rousseau, etc.) et certaines grandes affaires de l'Histoire française, l'Affaire Dreyfus par exemple.

L'historien Henri Guillemin a rendu accessible à un vaste public des questions historique et littéraire de première importance. Ses conférences télévisées, un genre disparu aujourd'hui, ont été un rendez-vous important sur la TSR. Ses conférences ont également connu un grand succès sur les ondes de la RSR.

LES CONFÉRENCES D'HENRI GUILLEMIN


mardi 21 août 2012

Majed Nehmé explique la guerre en Syrie pour « Algérie Patriotique »…


Majed Nehmé, directeur et rédacteur en chef d’Afrique-Asie, explique la guerre en Syrie

Dans l'interview qu'il a accordée à « Algérie patriotique », Majed Nehmé, directeur et rédacteur en chef d’Afrique-Asie, décrit les enjeux inavoués du conflit né de la crise en Syrie et évalue les risques d'embrasement dans la région à travers le Liban où se déroulent des affrontements armés.
Il situe également ce conflit par rapport à la confrontation Est-Ouest et parle du rôle du Qatar et de l'Arabie Saoudite. Pour Majed Nehmé, ces deux monarchies pétrolières n'agissent pas d’une manière autonome.

Entretien réalisé par Ramdane Ouahdi et publié le dimanche 15 juillet 2012

Majed Nehmé, directeur et rédacteur en chef d’Afrique-Asie

Des informations très contradictoires nous parviennent sur ce qui se passe en Syrie. Quelle est la situation exacte dans ce pays actuellement ?

Comme l’a reconnu le chef de l’État syrien dans son discours du 26 juin dernier, à l’occasion de l’investiture du nouveau gouvernement syrien, «nous vivons une véritable situation de guerre ! Toutes nos politiques et tous les secteurs doivent être mis au service de la victoire dans cette guerre !» Il s’agit donc d’un aveu majeur, quoique tardif, car jusqu’ici, le mot «guerre» était soigneusement évité. Le pouvoir a cherché à dédramatiser la gravité de la situation, se contentant de parler de «bandes armées», de «terroristes» ou de «djihadistes d’Al-Qaïda» infiltrés dans le pays via le Liban, la Turquie, la Jordanie et passablement via l’Irak. Pratiquement, tous les pays limitrophes, à l’exception d’Israël, participent d’une manière ou d’une autre à cette guerre ! Il a longtemps hésité avant de jeter toutes ses forces dans la balance estimant, à tort, qu’il était en mesure de venir à bout de cette rébellion armée à moindres frais. Il a d’abord surestimé la solidité du front intérieur, tout comme l’ampleur des engagements financiers et militaires des Occidentaux et des pays du Golfe en faveur de la rébellion. Il voulait également éviter de rééditer le scénario de la ville de Hama de 1982 quand Hafez al-Assad, le père de l’actuel président, y avait écrasé dans le feu et le sang, après quatre années de guérilla islamiste, un ultime soulèvement armé, sous la conduite d’Al-Tali’a al-Mouqatila (l’avant-garde combattante), branche armée des Frères musulmans syriens. Cette faction minoritaire et dissidente des Frères musulmans avait auparavant multiplié les attentats contre le régime (assassinats de personnalités scientifiques, universitaires, militaires proches du régime, liquidation de près de cent élèves de l’académie militaire d’Alep, triés selon leur appartenance religieuse à la communauté alaouite etc.), exactement comme c’est le cas aujourd’hui, mais à huis-clos, la révolution numérique n’était pas encore là. La confrontation finale se solda par la destruction de plusieurs quartiers de la ville de Hama et le massacre de quelques milliers de ses habitants qui s’étaient solidarisé avec les rebelles en armes. Il s’en est suivi une répression implacable des Frères musulmans qui furent pourchassés, emprisonnés, exécutés ou exilés. Une loi d’exception fut par la suite promulguée condamnant à la peine capitale toute personne appartenant à cette confrérie. Dans la foulée, le régime baathiste, profitant de cette campagne d’éradication de l’organisation clandestine des Frères musulmans, étendit la répression aux forces syndicales et démocratiques de gauche qui demandaient plus de libertés et une démocratisation politique, sociale et économique du régime. Elles ont fait les frais de cette insurrection avortée des Frères musulmans. Une chape de plomb s’abattit sur le pays sans que cela gêne les États-Unis, les pays occidentaux et les monarchies du Golfe qui avaient à cette époque besoin de la Syrie pour pacifier le Liban, victime d’une interminable guerre civile et pour mettre au pas les organisations palestiniennes qui y avaient élu domicile…Avec la mort de Hafez al-Assad en juin 2000 et l’accession de son fils Bachar à la présidence, grâce au soutien direct de l’ancien ministre de la Défense de l’époque, Moustafa Tlass (un sunnite de Homs dont le fils, Manaf, vient de faire défection), le régime poursuivra une libéralisation timide qui donnera naissance à un éphémère «Printemps de Damas» vite réprimé. Il s’est traduit par la libération de la parole et l’éclosion de nombreux forums de débats à travers le pays, exigeant la fin de l’état d’urgence, le multipartisme et le retrait des troupes syriennes du Liban. Le système sécuritaire fut également dénoncé par les nombreuses associations des droits de l’Homme. C’en était trop pour les caciques du régime (essentiellement les services de sécurité et le parti Baath) qui avaient réussi à amener le jeune président, encore otage des différents centres de pouvoir hérités de son père, à clore ce chapitre printanier qui aura duré à peine six mois. En dépit du coup d'arrêt de l'été 2001, qui se solda par l’arrestation de nombreux animateurs de forums de la société civile, force est de reconnaître qu’une nouvelle dynamique politique s’était déclenchée, instaurant une nouvelle atmosphère politique malgré la poursuite d’une répression qu’on pourrait qualifier de «soft» par comparaison à la phase antérieure. La chape de plomb d'une époque a, en effet, vécu.

La libération d'un grand nombre de prisonniers politiques, le retour négocié et conditionnel de nombreux opposants exilés, dont des anciens membres des Frères musulmans et de baathistes irakiens, s’est amplifié. Mais ce retour n’était pas massif et était soumis à l’accord préalable des services de sécurité qui procédaient au cas par cas. Et la loi condamnant à la peine capitale toute personne appartenant aux Frères musulmans est toujours en vigueur quoique non appliquée. Instruit par l’expérience avortée du «Printemps de Damas», le régime choisit, sans doute par prudence excessive, la «voie chinoise» vers la démocratie. La perestroïka d’abord, la glasnost ensuite. Plutôt qu’une ouverture politique rapide, le parti Baath opta pour une modernisation «technique de l’économie.» Pour justifier ce ralentissement des réformes politiques, le régime invoqua également, non sans raison, les défis régionaux majeurs auxquels il fait face : poursuite de l’occupation israélienne d’une partie du territoire syrien (les plateaux du Golan occupés en juin 1967), l’impasse du processus de paix en Palestine, la situation en Irak et, last but not least, le Liban où la Syrie maintenait, jusqu’en 2005, un contingent militaire de plusieurs milliers de personnes. Car depuis l’échec de la dernière rencontre entre l’ancien président syrien Hafez al-Assad et le Président américain Bill Clinton, à Genève, en 2000, les États-Unis ont pratiquement abandonné leurs efforts pour aboutir à un règlement du conflit israélo-arabe (entre Israéliens et Palestiniens, entre Israéliens et Syriens et entre Israéliens et Libanais), laissant les protagonistes à eux-mêmes, donc au bon vouloir des Israéliens. Depuis l’an 2000, plusieurs événements régionaux sont venus bousculer – et retarder – le calendrier des réformes sur le plan intérieur. En voici les principaux :

1 - Le 2 mars 2000, un sommet de dernière chance eut lieu à Genève entre les présidents Bill Clinton et Hafez al-Assad, tous deux en fin de règne (Clinton étant arrivé vers la fin de son deuxième mandat qui se terminera en novembre 2000 et Hafez al-Assad étant au chapitre de l’agonie). A l’ordre du jour de ce sommet : la conclusion d’un accord de paix global entre la Syrie et Israël sur la base de la paix et de la normalisation en contrepartie du retrait des forces d’occupation israélienne aux frontières du 4 juin 1967. Un tel accord aurait ouvert la voie à un accord similaire avec le Liban et facilité la conclusion d’un accord de paix final avec les Palestiniens. Face au refus des Israéliens, soutenus par les Américains, de se retirer de la totalité des territoires syriens, la rencontre, mal préparée, se conclut, au bout de seulement deux heures de palabres, par un échec retentissant. Le 10 juin, Hafez al-Assad disparaît, emporté par la maladie laissant à son fils et successeur, ce lourd héritage. C’est dans ce contexte que le gouvernement de Ehud Barak, pensant à tort priver la Syrie d’une carte maîtresse, à savoir la carte de la résistance contre l’occupation israélienne au Sud Liban, décide de retirer unilatéralement ses forces du Liban, harcelées de plus en plus audacieusement par le Hezbollah, soutenu à la fois par la Syrie et l’Iran. C’est l’inverse qui se produit : le Hezbollah sort renforcé de cette «débâcle» israélienne. La Syrie également. Loin d’affaiblir l’emprise de la Syrie sur le Liban, elle le renforce considérablement. Désormais, le sort du Hezbollah – devenu véritable Etat dans l’État au Liban – et de la Syrie sont indissociable. Le retrait israélien unilatéral – mais incomplet, puisque Israël maintient son occupation des hameaux de Cheb’aa, sous prétexte qu’ils appartiennent à la Syrie – du Liban ne régler donc rien et n’aboutit pas à la signature d’un traité de paix séparée avec le gouvernement libanais.

2 - Parallèlement à l’intransigeance israélienne sur les fronts libanais et syrien, l’échec des négociations de camp David et de Taba entre Palestiniens et Israéliens, sous l’égide des États-Unis, la même année 2000, déclenchent la deuxième Intifada dans les territoires occupés. Une Intifada soutenue par la Syrie. Au grand dam de la nouvelle administration américaine dominée, avec G.-W. Bush, par les néo conservateurs. Les attentats du 11 septembre 2001, qui conduisirent les États-Unis et leurs alliés à occuper l’Irak deux ans plus tard, en 2003, mettent le régime syrien sous pression. Bien que totalement engagée dans la lutte contre le terrorisme, main dans la main avec les pays occidentaux et arabes, la Syrie s’opposa fermement à la guerre contre l’Irak, en dépit du fait que les relations entre Damas et Bagdad étaient détestables. Ainsi, juste après la chute de Bagdad, Colin Powell, le secrétaire d’État américain, se rend à Damas porteur d’un ultimatum on ne peut plus clair. Il exigea du président syrien de ne pas aider la résistance à l’occupation américaine de l’Irak (près d’un million et demi d’Irakiens se réfugient en Syrie), de chasser les organisations palestiniennes basées en Syrie, dont le Hamas, accusées de terrorisme, de rompre toute coopération stratégique avec le Hezbollah libanais et l’Iran, et de retirer l’armée syrienne du Liban. Et gâteau sur la cerise : démanteler ses programmes d’armes chimiques et balistiques. Tout cela sans contrepartie concrète. Bachar al-Assad rejeta en bloc toutes les clauses de cet ultimatum. Une guerre totale (économique, clandestine mais aussi politique) pour renverser le régime syrien est engagée, mais cette fois-ci avec la complicité de la France et de l’Arabie Saoudite.

3 - Le 11 novembre 2003, le Congrès américain vote une résolution – dite SyriaAccountabilityAct – autorisant le président des États-Unis à édicter, quand il le déciderait, des sanctions contre Damas. Des sanctions qui n’ont pas tardé à se concrétiser. Un an plus tard, le 2 septembre 2004, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte, à l'initiative conjointe de la France et des États-Unis, par 9 voix sur 15, et 6 abstentions, la résolution 1559 qui appelle «au respect de la souveraineté et de l'indépendance politique du Liban, au retrait de toutes les troupes étrangères de son sol, au désarmement des milices (entendre le Hezbollah) et à une élection présidentielle libre et équitable». Pour mémoire, l’Algérie, le Brésil, la Chine, le Pakistan, les Philippines et la Russie s’étaient abstenus estimant que cette résolution constituait une ingérence dans les affaires intérieures du Liban. Cette résolution visait en fait à empêcher le renouvellement du mandat présidentiel d’Emile Lahoud, un allié sûr de Damas et du Hezbollah, que la Syrie, sentant la difficile période d’incertitude qui s’ouvre devant elle dans la région, voulait à tout prix le voir reconduit. Ces menaces n’ont pas dissuadé Bachar al-Assad de continuer à tenir tête aux États-Unis, à la France et à leurs alliés régionaux, particulièrement l’Arabie Saoudite (à l’époque le Qatar, qui était en conflit avec Riyad, soutenait la Syrie du bout des lèvres). Le soutien syrien au Hezbollah, au Hamas et l’alliance stratégique avec l’Iran se poursuivait donc. Le général Lahoud est réélu pour un deuxième mandat présidentiel au prix d’un amendement constitutionnel, malgré l’opposition initiale du président du Conseil des ministres Rafiq Hariri (il se résigne à la fin d’accepter le fait accompli). Et le contingent militaire et sécuritaire syrien au Liban est maintenu, quoique réduit considérablement (de 40 000 hommes il passe, en 2004, à seulement 15 000).

4 - C’est dans ce cadre qu’un événement majeur intervint : le 14 février 2005, l’ancien président du Conseil est assassiné dans un attentat suicide à la camionnette piégée à Beyrouth. La Syrie et ses alliés sont immédiatement montrés du doigt. Face à l’indignation médiatique et politique d’une partie des Libanais, et dans le monde, la Syrie retire ses dernières troupes du Liban quelques semaines après cet assassinat.

Les principaux piliers du régime libanais allié à la Syrie sont pourchassés et arrêtés. Le Conseil de sécurité des Nations unies vote, dans la foulée, le 7 avril 2005, la résolution 1595 créant une commission d’enquête sur l’assassinat de Rafiq Hariri. La Syrie s’incline sans rompre, allant même jusqu’à coopérer avec cette commission d’enquête qui n’a apporté jusqu’ici (2012) aucune preuve crédible sur l’implication de Damas et du Hezbollah dans cet assassinat qui n’a servi, en fin d’analyse, que ses adversaires. Les investigations de la commission d’enquête et le tribunal spécial censé juger les assassins présumés de Hariri n’ont abouti à rien d’autre que de servir d’épée de Damoclès que les Occidentaux brandissent contre leurs adversaires : la Syrie, le Hezbollah et l’Iran. Jusqu’ici, les enquêteurs se sont interdit de pousser leurs investigations en direction des services occidentaux et israéliens ou vers la piste djihadiste pourtant avancée dès les premiers jours du crime. Ce qui a amené de nombreux juristes à accuser ces instances d’instrumentalisation politique.

5 - C’est dans ce contexte défavorable au régime syrien, plus isolé que jamais, mais toujours combatif et récalcitrant face aux exigences des États-Unis englués dans le bourbier irakien, qu’éclata la guerre du Liban en juillet 2006. Elle se révéla très bénéfique pour le régime.

Le 12 juillet 2006, au matin, un commando du Hezbollah libanais s’attaqua à une patrouille israélienne à la frontière entre les deux pays, tuant huit soldats israéliens et enlevant deux autres. Cette action audacieuse faisait partie, depuis 2000, de la stratégie du Hezbollah qui cherche à utiliser les prisonniers israéliens capturés comme monnaie d’échange pour faire libérer les milliers de prisonniers libanais, palestiniens et arabes (environs 11 000) détenus en Israël, certains depuis des décennies. Un autre objectif de cette opération : amener Israël à mettre fin à son occupation des hameaux libanais de Cheb’aa dont il s’est emparé depuis 1967. Plusieurs opérations de ce genre avaient eu lieu dans le passé sans que cela ne dégénère en guerre totale. Cette fois-ci, le commandement militaire israélien en a décidé autrement. Le gouvernement israélien d’Ehud Olmert, encouragé par l’Administration américaine, voulait en découdre une fois pour toute avec le Hezbollah, allié de la Syrie et de l’Iran. Liquidé, le Liban tomberait définitivement dans l’escarcelle de l’Occident et de ses alliés. La Syrie ne tarderait pas à tomber à son tour, suivie par l’Iran. Le Grand Moyen-Orient cher aux néoconservateurs deviendrait une réalité. C’est ce qui explique la réaction israélienne disproportionnée à cette opération hardie du Hezbollah. Contre toute attente, le Hezbollah libanais, soutenu par la Syrie, sort victorieux de cette mini-guerre, malgré les énormes dégâts infligés aux infrastructures libanaises. L’offensive israélienne dura 34 jours sans atteindre son objectif affiché : détruire le Hezbollah. Elle coûta la vie à 1 200 Libanais, majoritairement des civils, contre 163 Israéliens dont 119 soldats. Pour les Israéliens c’est une véritable débâcle stratégique. L’armée israélienne qu’on dit la plus puissante du Moyen-Orient ne parvint pas à vaincre la résistance libanaise. Mais c’est aussi une défaite politique majeure pour les États-Unis, la France et ses leurs supplétifs arabes (l’Arabie Saoudite, la Jordanie et l’Égypte qui avaient condamné le Hezbollah plutôt que l’agression israélienne). Par contre, la Syrie et l’Iran ont pavoisé. Le président syrien Bachar al-Assad, jusqu’ici sur la défensive, n’a pas eu la victoire modeste. Dans un discours célébrant la «victoire de la résistance», il qualifia la troïka arabe qui avait juré sa perte (le roi d’Arabie, le roi de Jordanie et le président Moubarak) de «demi-portions». La guerre entre l’axe pro-syrien et l’axe pro-saoudien est désormais totale, malgré une relative trêve. La déstabilisation de la Syrie est désormais programmée. Une nouvelle étape dans cette guerre : le 27 décembre 2008, l’armée israélienne lança une opération d’envergure contre la bande de Gaza contrôlée par le Hamas, qui était alors soutenu par la Syrie. Mais cette guerre, malgré les dégâts humains subis par les Palestiniens, ne parvint pas à mettre le Hamas à genoux. La guerre se termine le 18 janvier 2009 sans que l’armée israélienne, au moral atteint et à la réputation ternie, réalise ses objectifs. On l’aura compris, à travers l’encerclement de la Syrie, c’est son alliance avec l’Iran, le Hezbollah et le Hamas qui était visée. La manière forte ayant échoué, les États-Unis et leurs alliés vont essayer d’utiliser la carotte. Ce rôle d’aguicheur pour casser l’alliance entre Damas et Téhéran reviendra à la France (et à l’Union européenne), à la Turquie et au Qatar. En contrepartie de cette main tendue, il est désormais demandé à la Syrie (dont le président Bachar sera accueilli en grande pompe dans les capitales européennes) de s’insérer dans la mondialisation. Une option qui se révéla autrement plus productive pour les Occidentaux que le bâton. Un partenariat économique et stratégique est également signé avec la Turquie. Il s’agissait d’une erreur stratégique fatale que les couches les plus vulnérables de la société syrienne, notamment la paysannerie, paieront le prix. La libéralisation économique, la levée des barrières douanières avec la Turquie, une longue et sévère sécheresse de quatre ans, transformera la paysannerie syrienne en sous-prolétariat autour des villes. 

Or, ce sont ces couches qui seront la chair à canon de cette contestation. Il faut reconnaître que le pouvoir syrien, autiste ou berné par le mirage de la libéralisation économique sauvage, a mis du temps à réaliser à quel point cette politique d’ouverture économique, combinée à un blocage politique, a ébranlé les fondements sociaux du régime et a éloigné de lui de larges couches qui n’acceptaient l’autoritarisme que tant que la contrepartie était le maintien d’une paix sociale fondée sur la satisfaction des besoins minimaux : logement, pouvoir d’achat, système de santé… D’autant que cette ouverture économique avait aggravé le fléau de la corruption. A cela il faudra ajouter la gestion initiale de la crise par un appareil sécuritaire aussi autiste qu’arrogant. Maintenant, au bout d’un an et demi de rébellion, et après de longues hésitations, le régime revient à une politique qui avait fait ses preuves dans le passé : fin du libéralisme sauvage parallèlement à l’engagement massif de toutes ses forces militaires et sécuritaires dans le combat.C’est en tout cas la lecture qu’on est en droit de faire de l’allocution télévisée de Bachar al-Assad aux ministres du nouveau gouvernement syrien, lors de leur première réunion officielle : guerre totale contre la rébellion et ses soutiens extérieurs et guerre totale contre les lois libérales qui avaient poussé la paysannerie et le lumpenprolétariat dans la révolte. Quant aux réformes substantielles, elles n’interviendraient qu’une fois la paix rétablie.

Quels sont les enjeux inavoués dans ce conflit ?

Ils sont essentiellement régionaux : casser l’alliance avec l’Iran, amener la Syrie à signer une paix au rabais avec Israël, détruire les fondements de l’État-Nation pour livrer la Syrie aux forces wahhabites et islamistes radicales, ce qui signifie l’éclatement de la Syrie en plusieurs entités en guerre entre elles. Ce qui enracinerait la présence occidentale au Moyen-Orient pour les décennies à venir. Un autre enjeu capital : les monarchies du Golfe, fragilisées elles aussi par le vent de contestation qui souffle sur le monde arabe, et par la transformation inattendue de l’Irak, débarrassé du régime de Saddam Hussein, en un protectorat iranien, cherchent, à travers la chute du régime syrien anti-wahhabite et pro-russe, à transformer la Syrie en base arrière pour reconquérir l’Irak et déstabiliser l’Iran. Elles cherchent surtout à liquider le Hezbollah libanais. Ces objectifs non avoués n’ont pas été jusqu’ici atteints et ne le seront pas tant que le soutien sino-russe ne faiblit pas et tant que l’axe syro-iranien, qui comprend le Hezbollah et l’Irak de Maliki ne se rompt pas.

Des affrontements armés se déroulent au Liban, est-ce un début d’embrasement dans la région ?

Personne n’a intérêt, pour le moment, et tant que le régime syrien et ses alliés libanais (Hezbollah et une majorité des chrétiens) estiment qu’ils ne sont pas menacés à rallumer la guerre civile. Et cela malgré l’utilisation de certaines forces libanaises pro-saoudiennes et pro-qataries sur le territoire libanais pour déstabiliser le régime de Damas. La Syrie a au contraire besoin de maintenir la stabilité du Liban pour s’en servir comme base arrière logistique et financière afin de contourner les sanctions occidentales qui la frappent. Par contre, l’Arabie Saoudite et le Qatar peuvent être tentés de jeter de l’huile sur le feu au Liban pour maintenir la pression sur la Syrie et se servir de ce pays comme voie d’acheminement des hommes, des armes et de l’argent en direction de la rébellion. C’est un risque non négligeable mais à double tranchant : si la Syrie et ses alliés l’emportent, c’est toute l’influence occidentale et saoudienne qui sera éradiquée. Et le Liban basculerait définitivement dans l’axe syro-irako-iranien. Le risque d’un tel scénario (le chaos ou la victoire de l’axe pro-iranien) est dévastateur pour Israël, et c’est la raison pour laquelle les États-Unis seront contraints d’amener ses supplétifs libanais, du Golfe et la Turquie à ne pas trop entraîner le pays du Cèdre dans cette direction incontrôlable. Le meilleur scénario pour l’Occident est de jeter de l’huile sur le feu sans permettre à l’un des camps de l’emporter, ce qui équivaut à un affaiblissement durable de l’État Syrien.

La Russie et la Chine empêchent l’Otan d’intervenir en Syrie. Peut-on parler d’une nouvelle confrontation Est-Ouest ?

On assiste en effet à un changement majeur dans les relations est-ouest et nord-sud. La crise syrienne, après le camouflet libyen, et auparavant la guerre des Balkans, sonne définitivement la fin de l’unilatéralisme occidental dans les relations internationales et annonce l’avènement d’un monde multipolaire. L’avènement des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) participe à ce changement substantiel dans les relations internationales. La crise financière et économique sans précédent en Occident ne favorise pas non plus une nouvelle guerre autrement plus coûteuse que la guerre contre la Libye ou l’Afghanistan. La destruction d’un avion militaire turc dans l’espace aérien syrien donne aux va-t-en-guerre de l’Otan à réfléchir. La Turquie ne le demande d’ailleurs pas, malgré certaines gesticulations, car elle sait à quel point elle s’expose à des représailles de la part de la Syrie (qui pourrait de nouveau jouer la carte des indépendantistes kurdes du PKK qui sont très nombreux en Syrie mais interdits d’agir à partir du territoire syrien). Par ailleurs, l’Iran, l’Irak ou la Russie limitrophe ne permettraient pas une telle intervention. Il n’y aura pas donc une confrontation Est-Ouest, mais un nouveau bras de fer autour du bouclier anti-missile de l’Otan, autour de la Syrie et de l’Iran et, enfin, autour des courants islamistes wahhabites que Moscou, Pékin et New Delhi considèrent comme le cheval de Troie de l’Occident pour déstabiliser la fédération russe. A travers la Syrie, la Russie cherche aussi à éviter la réédition de la guerre de Tchétchénie. Idem pour la Chine qui ne voudrait pas que l’islam radical ou politique soutenu par l’Occident à travers ses obligés du Golfe et surtout à travers la Turquie atteigne la province chinoise du Xinjiang, aussi appelée Turkestan oriental, peuplée majoritairement par les Ouïgours, turcophones musulmans sunnites, travaillés par des courants séparatistes.

Comment expliquer le rôle dominant du Qatar et de l’Arabie Saoudite dans la crise syrienne ?

Il est illusoire de penser que ces deux monarchies pétrolières agissent d’une manière autonome. Elles dépendent en grande partie des États-Unis qui leur assurent la survie en contrepartie d’une totale soumission ou alignement sur leur agenda géopolitique et énergétique. C’est le cas en ce qui concerne l’actuel bras de fer avec l’Iran. Ces deux monarchies, comme d’ailleurs les quatre autres qui font partie du Conseil de coopération du Golfe (Émirats arabes unis, Koweït, Bahreïn et Oman) ont désigné le régime iranien comme l’ennemi à abattre. En cela, ils suivent l’agenda américain et israélien. Ce suivisme arrange surtout Washington : la prétendue menace iranienne rend la présence militaire américaine dans le Golfe et dans la région indispensable et durable. Ainsi que la multiplication de bases militaires. On ne peut pas comprendre le retournement spectaculaire du Qatar contre l’«ami syrien», sans ce paramètre, à savoir son alliance avec l’Iran. Dans le passé, ces émirats abritaient des bases étrangères en contrepartie de royalties. Aujourd’hui ce sont ces émirats qui couvrent les frais de ces bases ! En fait, ces pays comptoirs sont structurellement fragiles. Pour assurer leur survie, ils doivent, pensent-ils, fragiliser leurs puissants voisins. C’est ainsi qu’ils ont participé à la destruction de l’Irak, à l’affaiblissement de l’Égypte et aujourd’hui œuvrent inlassablement pour casser l’Iran et ses alliés. Non seulement à travers leur soumission à la stratégie militaire occidentale et israélienne, mais aussi à la stratégie énergétique. Comment ? Les monarchies pétrolières appliquent, en matière de prix pétroliers et gaziers, les consignes américaines. La guerre des prix déclenchée vers le milieu des années quatre-vingts du siècle dernier a été coordonnée avec la politique de l’Agence internationale de l’énergie dont l’objectif premier avait été de casser l’Opep et les pays pétroliers récalcitrants et souverainistes comme l’Algérie, l’Irak, l’Iran, le Nigeria ou le Venezuela et la Russie. Et quand le roi Fayçal a voulu utiliser l’arme du pétrole après 1973, il a été assassiné ! Depuis, elles ont bien rempli cette mission au vu des ravages que cette guerre des prix avait provoqué contre ces pays. Le Qatar, par sa politique gazière offensive, reproduit le même schéma. Avec une infrastructure gazière ultra-compétitive et une flotte ultra-moderne, cet émirat gazier cherche à nuire à la Russie et à l’Algérie sur le marché européen et à l’Iran sur le marché asiatique. Il était aussi question, selon ce plan, de construire un gazoduc via la Syrie. Le refus de Damas, alliée de Moscou, d’accepter ce tracé, explique en partie le retournement du Qatar contre la Syrie.

Reste enfin une autre motivation, capitale celle-ci, qui anime ces deux monarchies wahhabites : la wahhabisation de la Syrie, donc son affaiblissement, prélude à sa soumission à la stratégie américaine qui a toujours favorisé l’islam dit politique dans le monde contre les courants nationalistes arabes.

Au plan strictement interne, quelles parts prennent les clivages confessionnels et les difficultés sociales dans la crise dans ce pays ?

La Syrie, comme le Liban ou l’Irak, est composée d’une multitude de confessions religieuses. Le ciment qui les soude est l’arabité, dans la mesure où près de 90% de la population se définit comme arabe. Le parti Baas (comme d’ailleurs tous les partis nationalistes de types nassériens, unionistes arabes ou nationalistes syriens, voire les partis dits progressistes…) se veut le miroir de cette réalité. Il projette de fédérer toutes les communautés religieuses dans un État national arabe et séculier qui transcenderait l’antagonisme confessionnel et ethnique. Ce projet définit l’islam comme l’un des éléments constitutifs de l’identité nationale arabe, mais pas le seul.

L’islam sunnite est certes majoritaire dans le pays (65%), mais il est traversé par des sensibilités antagonistes. Dans leur écrasante majorité, les Syriens sunnites sont de sensibilité soufie et craignent plus que tout l’islam wahhabite qui, s’il parvient à s’emparer du pouvoir en Syrie, risque de les éradiquer, comme il l’avait fait dans la province du Hedjaz conquise par les Saoudiens. Basés essentiellement dans les villes, ces sunnites de sensibilité soufie constituent, avec les minorités alaouite, chrétienne, druze et ismaélite, la majorité de la population. Cela explique sans doute pourquoi le régime continue à bénéficier d’une large majorité dans l’opinion (au moins la moitié de la population), par conviction ou par réalisme, ou tout simplement par rejet des ingérences étrangères occidentales, turque ou des monarchies du Golfe. La seule composante non arabe de la population syrienne, à savoir les Kurdes (10%), est majoritairement acquis au pouvoir. Leur aversion de la Turquie explique, entre autres, leur soutien critique au régime qui, aux premiers mois de la révolte, avait accordé la nationalité syrienne à quelques 300 000 Kurdes apatrides. Mais ce qui crée l’illusion que l’actuel régime syrien est un régime confessionnel alaouite c’est sans doute le fait que le nombre des officiers au sein de l’armée ou de l’appareil sécuritaire est disproportionné avec leur importance numérique au sein de la population pour des raisons historiques et sociales. Car pendant que les fils de la bourgeoisie des villes boudaient ces deux institutions, les fils des paysans et des minorités y voyaient un moyen rapide d’ascension sociale. C’est aussi le fait que l’actuel président est lui-même issu de la communauté alaouite (15% de la population) comme de nombreux hauts militaires. Il n’en reste pas moins que les clivages sont essentiellement socio-économiques et les vrais décideurs économiques et sociaux sont majoritaires au sein de la bourgeoisie sunnite des villes. Comme l’a souligné l’opposant syrien Haytham Manna, sur 500 décideurs économiques ou dans les milieux des affaires, on compte à peine 15 issus de la communauté alaouite. Même si l’un des plus riches hommes d’affaires connus en Syrie n’est personne d’autre que Rami Makhlouf, le cousin du président. Les clivages actuels, comme je l’avais mentionné plus haut, sont essentiellement socioéconomiques et géographiques (la campagne contre la ville, la paysannerie et la petite bourgeoisie contre les affairistes), des clivages aggravés par la politique de libéralisme effréné conduite au nom des réformes structurelles et de l’efficacité économique exigées par l’Union européenne.

On parle d’une opposition intérieure et d’une autre extérieure. Ces deux oppositions sont-elles alliées ou, au contraire, antagoniques ?

Comme vient de le montrer la dernière conférence réunie au Caire cette première semaine de juillet sous l’égide de la Ligue arabe, de l’ONU et des pays occidentaux pour unifier les rangs de l’opposition syrienne, cette dernière ne parvient pas à surmonter ses divergences. Les groupes armés qui mènent la guérilla à l’intérieur (majoritairement islamistes) ont rejeté d’emblée la tenue d’une telle conférence, qui impliquerait leur marginalisation. Ils ont même accusés ces opposants réunis au Caire de «comploteurs contre la révolution». Il ne faut pas se tromper : la principale force d’opposition contre le régime du Baas est, sur le terrain, celle des Frères musulmans. C’est cette opposition qui reçoit l’essentiel des fonds, des armes et des djihadistes venus de l’extérieur. Même au sein de l’opposition extérieure dite libérale et démocratique, les Frères musulmans sont omniprésents et décident de tout en veillant cependant à mettre en avant certaines figures libérales, laïques ou démocratiques. Cette division de l’opposition fait le jeu du régime. Entre partisans de la militarisation de la révolte, ceux qui appellent l’Otan à intervenir et ceux qui ne cherchent que des réformes démocratiques, le fossé est infranchissable.

A l’intérieur, l’Armée syrienne libre (ASL) rejette tout compromis avec le pouvoir. Son jusqu’au-boutisme est à la mesure de son éclatement et de sa faiblesse. Le Comité général de la révolution syrienne (CGRS), composé d’opposants intérieurs qui rejettent l’ingérence étrangère, fait bande à part. Créé en août 2011, le CGRS s’était fixé pour objectif de «resserrer» les liens entre les différentes factions opposantes agissant en Syrie. En vain. Quant au Conseil national syrien (CNS), vitrine extérieure de l’opposition adoubée par les Occidentaux et les «démocrates» du Golfe, il est contrôlé par les Frères musulmans, eux-mêmes divisés entre intérieur et extérieur. Il faut ajouter à ce tableau les Comités locaux de coordination (CLC) et le Comité de coordination pour le changement national et démocratique (CCCND) ainsi la Coalition des forces laïques et démocratiques (CFLD). Toutes ces structures ne pèsent pas lourd sur le terrain face aux groupes djihadistes qui semblent gagner du terrain, mais n’ont pas de stratégie cohérente.

De grandes incertitudes pèsent sur l’évolution des événements en Syrie. Une solution à court terme à la crise est-elle envisageable ?

Bien malin celui qui se hasarderait à donner un diagnostic fiable de l’évolution des événements en Syrie. Il convient cependant d’observer que, contrairement à ce qui s’est passé dans les autres pays du mal nommé «printemps arabes», en seize mois, le régime est encore debout et même capable d’organiser des manœuvres militaires grandioses (mer, terre et air). Ce qui montre qu’il a confiance en l’institution militaire. On n’a également observé aucun effondrement dans l’armée, les services de sécurité, l’Administration et le corps diplomatique. L’alliance avec la Russie, la Chine, l’Iran et le Hezbollah ne s’est pas fissurée. Mieux encore, l’Irak, contre toute attente, a ouvert son marché aux produits syriens, rendant peu opérationnelles les sanctions occidentales contre l’économie syrienne...

Mais il est illusoire de croire, comme le souhaitent certains ultras du régime, que l’option militaire et sécuritaire soit le remède. Certes, les ultras de l’autre camp facilitent la tâche des éradicateurs du régime en exigeant le départ de Bachar, le démantèlement de l’appareil sécuritaire et militaire plutôt qu’un dialogue productif qui déboucherait sur un régime de transition qui préserve la Syrie d’une guerre civile assurée.

C’est la philosophie préconisée par le plan Annan, par les Russes et les Chinois et certains pays arabes lucides comme l’Algérie. En dehors de ce plan de transition qui permettrait aux Syriens de retrouver entre eux le chemin de l’unité, de la démocratie et de la stabilité, il n’y a pas de salut.

Je doute cependant que les pays occidentaux et leurs supplétifs arabes puissent donner une suite favorable à ce plan qu’ils avaient pourtant approuvé à Genève. La sortie de crise en Syrie échappe désormais aux seuls Syriens. Elle est entre les mains des Russes et des Occidentaux.

Le médiateur onusien Kofi Annan n’a pas mâché ses mots en identifiant les responsables de l’enlisement de la crise. Dans un entretien accordé au Monde, il s’est indigné contre ceux qui accusent les Russes d’empêcher une «transition crédible» en Syrie. «Mais ce qui me frappe, a-t-il dit sans faux-fuyants, c'est qu'autant de commentaires sont faits sur la Russie, tandis que l'Iran est moins mentionné, et que, surtout, peu de choses sont dites à propos des autres pays qui envoient des armes, de l'argent et pèsent sur la situation sur le terrain. Tous ces pays prétendent vouloir une solution pacifique, mais ils prennent des initiatives individuelles et collectives qui minent le sens même des résolutions du Conseil de sécurité.» Le Grand Jeu se joue aujourd’hui en Syrie. Au grand malheur des Syriens qui en paient le prix.


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