Jean Serres, retraité ancien professeur d'économie et de gestion au lycée de Nevers à Montpellier, avait choisi de vivre à Madagascar. Il s’y était intégré, avait aidé les gens. Il a été assassiné, poignardé, dans des conditions pas encore vraiment élucidées.
Jean Serres, naufragé à Madagasacar, est mort : le 25 octobre, il a été tué chez lui à Mahambo, sur la côte est de la Grande île au nord de Tamatave |
Ceux qui ont connu Jean Serres racontent, émus… Un homme qui « aimait Madagascar et en parlait toujours avec passion ». Un « homme passionné, désintéressé, qui avait tourné sa vie vers les autres ». Un « excellent professeur », un « homme intègre » ou tout simplement un « bon type ». Jean Serres est mort. Le 25 octobre, il a été tué chez lui à Mahambo sur la côte est de Madagascar près de Tamatave, et découvert dans la soirée par un gardien de nuit venu prendre son service. Il a été tué à l’arme blanche, par deux jeunes hommes qui, arrêtés, seraient passés aux aveux.
Un fils adoptif
Jean Serres avait élu domicile à Madagascar voilà quatre ans. Pas par hasard : cette île, il l’avait connue il y a longtemps, lors de son service militaire en tant que coopérant. Né en Algérie en 1943, Jean Serres a vécu la plus grande partie de sa vie à Montpellier. Jeune homme, il quitte le séminaire pour choisir une autre voie, celle de l’enseignement. Une grande partie de sa carrière se passe au lycée Nevers, un établissement privé de Montpellier. Il y enseigne l’économie, la gestion, des notions de droit. Retraité en 2004, il s'en va vers l’île qu’il aime, consacre trois années, de 2004 à 2007, à construire une école à Mandritsara, dans le nord de l’île. Hélas ! En 2007, il est agressé. « Il a été victime d’un braquage, mais il ne s’est pas laissé faire », raconte Thierry Serres, son neveu qui vit à Nîmes. Il quitte alors Mandritsara et va s’installer à Fianarantsoa, au sud de Tana, où il séjourne plus d’une année. « C’est là qu’il adopte Oliva, un garçon qui a aujourd’hui environ 20 ans, poursuit Thierry. Il lui a payé ses études d’hôtellerie, a aidé sa famille… »Il déménage ensuite à Tana… Mais là, on lui empoisonne son chien. Qui ? Impossible de savoir même si, d’après ses proches, Jean soupçonne l’entourage de son fils adoptif. « Cette famille lui demandait beaucoup… Et, dernièrement, il avait confié à l’un de ses anciens collègues qu’il en avait marre, qu’il pensait rentrer en France », témoigne l’un de ses proches. En mars dernier, il s’est marié avec une jeune sœur d’Oliva. « Ce n’est pas un homme très porté sur les femmes, alors s’il a fait ça, c’est sans doute pour qu’elle obtienne la nationalité française », poursuit ce proche. Il avait enfin élu domicile à Mahambo, où il avait ouvert un restaurant.
Meurtre crapuleux ou assassinat minutieusement prémédité ?L’enquête suit son cours. Par les "aveux" des deux jeunes meurtriers présumés, elle pourrait bientôt aboutir… tout en laissant ignorés les vrais mobiles et une vraisemblable commandite. Acte crapuleux ou commandité ? Personne sera dupe…Toutefois on peut malgré tout s'interroger… S’agit-il d’un meurtre ou d’un assassinat organisé ? Cet homme, jugé « autoritaire », « pas facile à vivre » malgré sa foi et sa générosité, a-t-il refusé une faveur, a-t-il déplu ? Le ministère des Affaires étrangères assure, lui, être en contact à la fois avec la famille de Jean Serres et avec les autorités malgaches. « Nous leur faisons confiance pour traduire les auteurs en justice », assure un porte-parole du Quai d’Orsay. La diplomatie a ses raisons…Pourtant la famille de Jean Serres feint encore de croire pouvoir avoir rapidement des réponses . « Nous aurions aimé faire rapatrier son corps, pour une autopsie sérieuse et l’enterrer en France mais, comme il s’est marié là-bas, c’est compliqué », déplore Thierry. Quant à se rendre sur place, Thierry redoute ce pays « à risques » depuis quelque temps. Jean n’avait peur de rien, fréquentait peu les Occidentaux habitant l’île. S’est-il brûlé à toucher de si près une île où il restait un étranger ?
source : France Soir
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Ce n'est vraiment pas un fait isolé, une semaine après l'assassinat de Jean Serres, le mardi 1er novembre : Matraqué au volant de son véhicule, un quinquagénaire français a été tué dans des circonstances atroces à Nosy Be Helville. Le mobile du crime est nébuleux.** *Ceux nombreux qui ont vécu à Madagascar, se sont laissé envoûter, ne s'étonneront pas de cette "mésaventure", vraiment pas tellement extra-ordinaire… Tout simplement, un de plus ! Et, soyons assuré que cette longue série sera sans fin, chaque nouvelle proie dans son éblouissement se croit plus futée que les malheureux "qui n'ont pas su s'y prendre"… Paroles de rescapé… Une excellente occasion d'exhumer une tribune libre publiée le 27 janvier 2003 par L'Express de Madagascar et judicieusement intitulée "L'île des naufrageurs"… Des réflexions signées par un Malgache lucide qui restent certainement toujours très actuelles : les régimes sont toujours "nouveaux", les gens et les cupidités toujours les mêmes…
Une réputation de “naufrageurs”
La lutte contre la corruption, volet essentiel de la promesse de changement du nouveau régime [à l'époque celui de Marc Ravalomanana, à présent piteusement débusqué !], sera un thème éditorial récurrent et un travail de longue haleine.
L’opinion attend, bien sûr, les premiers signaux forts et concrets que le combat est réellement engagé contre ce mal social qui gangrène certainement le développement mais sape, aussi et surtout, les meilleures bonnes volontés d’investissement et de faire des affaires normalement.Pour l’instant, les échos que l’on a des pratiques de l’administration et des usages commerciaux, ou judiciaires, sont très exactement identiques à ce qu’ils étaient avant la crise !Il y a même des localités, comme Nosy Be par exemple, où les dysfonctionnements de la justice, sous la forme d’un racket organisé au détriment des étrangers bien évidemment, s’étalent au grand jour et sont notoirement connus de toutes les autorités locales mais également centrales.D’un peu partout remontent des plaintes, des interrogations - sur tel tarif de visa qui a brusquement augmenté, par exemple - qui conduisent à penser que la bataille contre la corruption et les abus de pouvoir de quelques despotes locaux va constituer le plus gros handicap du nouveau régime et du gouvernement qui le sert.C’est sans doute, en définitive, un handicap énorme, une tare ancienne que d’être un pays attrayant ! On sait à quel point les “vahaza” succombent à ses attraits naturels pour les investissements, tout ce qu’il y a à y entreprendre, même quand il ne s’y ajoutent pas pour les “vahiny” les charmes tout aussi attachants et tentants de la population.
Que faire quand on est trop belle, pour se protéger des convoitises de l’étranger, pour repousser les avances, et qu’un savoir-faire ajouté, le plus souvent, à des capitaux en volume suffisants laissent à penser à des rêves de conquête, même dans les meilleures dispositions d’esprit possibles ?Il est clair que l’on se protège comme on peut, en usant de toutes les ruses et traquenards possibles pour dissuader le nouveau venu, et parfois l’ancien quand il s’agit de le spolier de ses biens, de “flasher” sur Madagascar.Aux discours officiels d’invitation permanente, et comme rituelle, aux investisseurs étrangers répondent sur les terrains administratif et judiciaire notamment, un arsenal de dispositions réglementaires et de décisions de justice, de nature à faire fuir le mieux disposé des “vahaza”.C’est si vrai que l’on finit par se demander si cette promotion permanente du pays ne constitue pas, finalement, un piège - comme celui des sirènes de la mythologie - dans lequel le voyageur imprudent est appelé à tomber ?Une chose est certaine : ce ne sont ni les salons internationaux de promotion des investissements, pas plus que les missions de “patrons” étrangers qui changeront la réputation de “naufrageurs” du pays et de sa population.
L’Express de Madagascar : EXPRESSions du lundi 27 janvier 2003
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