Comme les Rois mages…
Il était difficile, bien évidemment, de passer à côté de « l'affaire » du retrait de la crèche traditionnelle du conseil général de Vendée par le tribunal administratif de Nantes. Dès que la nouvelle a été dévoilée, les réactions ne se sont pas fait attendre. Des plus drôles et ironiques aux plus alarmées. Qu'on soit chrétien ou pas, croyant ou pas, c'est tout le principe qui est absurde. Si on interdit une crèche par souci de laïcité, prônée par ses défenseurs plus intégristes que le roi, alors, il faudrait rayer la fête de Noël du calendrier. Par souci de cohérence bien sûr. On ne va pas chômer le jour de la naissance de Jésus, si on ne peut pas le voir en miniature (c'est le cas de le dire) sur un étal de grande surface ou dans le hall d'une institution publique. Noël, c'est une fête que croyants, athées, laïcs célèbrent depuis la nuit des temps.
Et pour une fois, nous, Libanais, pourrions donner une jolie leçon de cohésion à tous les détracteurs stupides des traditions, qui feront grasse matinée, jeudi matin. Il suffit de voir le sapin de la place des Martyrs, devant la mosquée al-Amine et la cathédrale Saint-Georges, pour rappeler aux « autres » qu'il y a encore des traditions qui savent se mélanger. On pensait peut-être que la magie de Noël avait disparu ? Eh bien, c'était à tort. Malgré la surconsommation, les gémissements et jérémiades de Mariah Carey, la ruée aux stands d'emballages et le sapin qui perd ses épines faute de froid, Noël est là. Certes différemment, mais là. Transformé, mais là.
Oui, c'est vrai que Noël, aujourd'hui, ce sont des photos de famille postées en veux-tu en voilà sur les réseaux sociaux. Des mini-vidéos sur Instagram où toute la tribu danse, faussement déguisée en lutins, et où les voix qui chantent Jingle Bells sont synthétisées façon hélium. Le sourire mièvre des gamins, immortalisé devant la crèche (tiens, une crèche), sise au milieu de tous les grands magasins de la ville, et leurs cris quand un prétendu Père Noël en Converse, pantin rouge de Coca Cola, s'approche d'eux hérisseraient les poils de l'âne et du bœuf en plastique de ladite crèche. Ah, ceux qui n'aiment pas le rouge et le vert, les barbes et les pompons blancs, les indomptables anti-Noël, les réfractaires des réveillons, les écœurés de la bûche en auront, cette année encore, pour leur argent. Ou pas, justement. Et bien, c'est pas grave…
Ce n'est pas parce qu'on n'a plus 7 ans, qu'on ne croit plus au pantin rouge de Coca Cola, qu'on n'accroche plus de boules depuis belle lurette au non arbre qui ne trône plus dans la salle de séjour, qu'on ne souhaite pas voir les derniers membres de la famille et qu'on n'a plus envie de recevoir la énième écharpe, eh bien, on n'y échappera pas. On n'échappera pas à Noël. Et pourquoi pas. Pourquoi ne pas se laisser tenter par le tintement des cloches, par la dinde fourrée aux marrons, par les oranges givrées et les emballages en papier glacé argenté. On râle en permanence contre le consumérisme de Noël, contre le polyester des pantins rouges de Coca Cola en vitrine, contre ce coup de blues que nous impose le mois de décembre, l'équinoxe qui sonne le glas de l'automne, ces journées trop courtes, ce froid trop absent ou trop humide, ces dizaines de SMS de boutiques et de restos où on n'a jamais été, ces dépenses souvent inutiles et cette sempiternelle question mensuelle : « Que fais-tu au Nouvel An ? » Eh bien on devrait arrêter. On devrait arrêter et se laisser prendre par l'émotion qui se dégage du sourire mièvre de ce gamin, immortalisé devant la crèche sise au milieu du grand magasin. Parce que la crèche y est encore. Parce que malgré tout, on ne va pas se laisser bouffer par l'extrémisme (à défaut de laïcité) et l'horreur, parce que sinon ils auront gagné, et parce que, malgré tout, on a aussi envie de se casser les dents sur la fève de la galette des Rois mages : européen, asiatique et africain. Comme quoi…
L'Orient-Le Jour : Comme les Rois mages…
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