Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

samedi 9 septembre 2017

Aux origines du terrorisme : "L'idéologie wahhabite, une menace mondiale"




Pour la première fois en France, le mercredi 18 janvier dernier, le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) a organisé un colloque consacré à l’analyse et à la dénonciation de l’idéologie wahhabite, véritable moteur du terrorisme islamiste contemporain, en France et dans le monde, en présence de nombreux experts réputés, et devant un amphithéâtre comble.

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Huit points majeurs ressortent de cette réunion…

1. Une idéologie néfaste et illégitime

Ainsi que l’énonce Pierre CONESA, le wahhabisme est une idéologie religieuse profondément sectaire, antisémite, raciste et misogyne, prétendant revenir au temps du prophète.
Pour Alain CORVEZ, le wahhabisme est une « doctrine tournée vers le passé ».

Le wahhabisme est clairement une idéologie extrémiste, archaïque et haineuse, une dérive de l’islam apparue au XVIIIe siècle. C’est un courant largement minoritaire de l’islam sunnite dont l’influence est aujourd’hui immense en raison des moyens financiers consacrés à sa diffusion par l’Arabie saoudite.

Alain CORVEZ a expliqué comment cette secte minoritaire et fanatique de l’islam s’est imposée dans une grande partie de la péninsule arabique par l’alliance entre la famille guerrière des Saoud et la prédication de retour aux sources de l’islam primitif du mystique Abdul Wahhab, créant un État qui a pris le nom de son fondateur en bénéficiant des soutiens stratégiques des Britanniques, puis des Américains à partir du Pacte de février 1945 signé sur le croiseur Quincy, étendant son influence à toute la péninsule et au-delà grâce à la richesse de son sous-sol.

Citant Karim IFRAK, Alain CORVEZ rappelle que « le wahhabisme est un mouvement fondamentaliste aux soubassements politico-religieux sur lesquels les Saoud ont forgé leur politique de légitimité religieuse. Il repose sur une interprétation sommaire des textes […]. Victimes d’une vision idéaliste de l’islam, les adeptes du wahhabisme prêchent un retour vers ce dernier dans sa forme la plus originelle possible. S’estimant être les dignes héritiers du salaf (les pieux ancêtres), ils n’hésitent pas à taxer les autres musulmans de déviants, voire dans le cas de certains, d’hérétiques. Aussi, à travers un prosélytisme soutenu financièrement et médiatiquement, le wahhabisme ambitionne de ramener les non-musulmans à se convertir à l’islam, et les musulmans à épouser leur cause ».

Aujourd’hui, cette idéologie radicale désole les fidèles sincères de l’islam qui voient leur religion diffamée par cette vision blasphématoire et enjoignant tous les musulmans de tuer ceux qui n’y adhèrent pas. Malheureusement, l’idéologie wahhabite a trouvé des soutiens et des alliés puissants qui l’exploitent à des fins stratégiques, alimentant ainsi le terrorisme.

Alain CORVEZ explique qu’en réaction au terrorisme takfiri, a pris naissance un mouvement de rejet global de l’islam, en Europe et notamment en France. Il est vrai que la dénonciation de cette déviance criminelle par des autorités religieuses sunnites a été malheureusement peu audible dans les médias.

Pourtant un évènement d’une extrême importance a eu lieu à Grozny (Tchétchénie) du 25 au 27 août 2016, où 200 savants sunnites du monde entier – dont les Ulémas d’Al-Azhar – ont dénoncé les dérives du sunnisme qui encouragent le terrorisme, notamment le wahhabisme, ont émis une fatwa contre elles afin de distinguer l’islam véritable de l’erreur, et ont publié un communiqué appelant les autorités politiques à soutenir les instances religieuses modérées.

Selon Mezri HADDAD, les projets islamistes politiques et religieux guidés par l’idéologie wahhabite ne sont que la traduction de la négation de l’islam. À cet égard, les termes en « isme » (wahhabisme, salafisme, etc.) doivent être remplacés par un seul et unique terme : l’islamo-fascisme.

L’Arabie ne représente pas l’islam, ni ne l’incarne. Toute alliance avec elle est contre-productive pour envisager une réforme de l’islam. Il n’y a pas d’islamistes modérés et il est nécessaire de combattre cet islamo-fascisme.

2. Une idéologie au service d'un État

Comment une telle idéologie, extrémiste et archaïque, ultra-minoritaire au sein de l’islam, a-t-elle pu connaître un tel développement ? Rien de cela n’aurait été possible sans son instrumentalisation par une dynastie familiale qui s’est emparée d’un État, et consacre ses ressources à l’exportation de cette vision régressive et combattante de l’islam

Ainsi que l’explique Pierre CONESA, dès la création du royaume, le djihad a été le moteur idéologique de l’identité saoudienne. Au nom de cette justification religieuse, les Saoud ont lancé la guerre contre les autres tribus arabes pour unifier la péninsule et créer leur dynastie, puis ils ont fait de même contre l’Empire ottoman.

Dans les livres scolaires saoudiens, le djihad est décrit comme une geste héroïque et noble.

Voilà pourquoi les Saoudiens ont toujours représenté le contingent étranger le plus nombreux au sein des talibans, des commandos du 11 septembre (15 des 19 terroristes) ou de Daech. Le salafisme quiétiste n’est rien d’autre qu’une préparation psychologique à la violence.

Fondé sur cette doctrine politico-religieuse, l’Arabie saoudite, alliée de l’Occident, est l’un des États les plus rétrogrades de la planète. Ce pays est un royaume médiéval et intégriste dont les dirigeants laissent la majorité du peuple dans l’ignorance, avec pour toute éducation une lecture très orientée du Coran.

C’est l’un des États les plus inégalitaires au monde, une monarchie extrémiste, hypocrite et esclavagiste, bafouant les libertés politiques et religieuses, les droits de la femme et des étrangers, le droit du travail et soutenant massivement l’intégrisme religieux conduisant au djihad partout dans le monde, avec l’espoir illusoire que les créatures qu’il a enfantées ne se retournent pas un jour contre lui comme ce fut auparavant le cas avec les Frères musulmans.

3. Un prosélytisme tous azimuts

Riyad dispose d’un pouvoir d’influence et de nuisance considérable grâce à l’argent du pétrole et s’en sert pour jouer au pyromane en exportant le wahhabisme, qui est à l’origine du rejet dont souffrent de nombreux musulmans partout dans le monde 

Pierre CONESA explique que la diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite est un modèle d’endoctrinement et de prosélytisme d’État au service d’une idéologie. C’est une usine à propager le racisme, la misogynie, l’homophobie, la haine du dissemblable. Elle dispose de moyens logistiques illimités et bénéficie d’une totale impunité auprès de la communauté internationale corrompue par les achats de pétrole et les ventes d’armes.

Elle s’appuie sur le formidable réseau d’influence de la Ligue islamique mondiale, une ONG qui dispose d’un budget annuel estimé à 5 milliards de dollars.

Chaque jour, nous observons les effets dévastateurs de son influence partout dans le monde, notamment en France – tant par la radicalisation de certains de ses citoyens et de ses mosquées, que par les actes terroristes qui l’ont frappée – comme au Moyen-Orient, où elle est en partie responsable de la situation chaotique d’un Moyen-Orient aujourd’hui à feu et à sang (Syrie, Irak, Yémen). Depuis plusieurs décennies, en Orient comme en Occident, le wahhabisme s’est infiltré dans les sociétés avec le but clairement affiché de s’imposer comme la seule référence islamique et morale.

Sa diffusion se traduit systématiquement par la division entre les musulmans, l’élimination des minorités non islamiques, le rejet de l’Occident, la haine, la violence, les conflits.

Pierre Conesa rappelle notamment qu’au Royaume-Uni, où vivent 2,8 millions de musulmans, 100 000 enfants suivent les cours de 700 écoles coraniques. Il existe aussi des hôpitaux halal, des quartiers signalés « Sharia zone » sans alcool, sans tabac, sans femmes non voilées, sans homosexuels… Pire, des tribunaux islamiques sont autorisés à juger selon la loi coranique les conflits en matière commerciale et civile ; y compris les querelles de couple et de voisinage. Unique protection contre l’arbitraire, les décisions de ces juridictions sont susceptibles d’appel devant la High Court. Le ministère britannique de la Justice laisse faire et la naissance de ce système d’arbitrage parallèle n’a pas suscité de réaction outre-Manche.

Bien sûr, il existe de nombreux musulmans qui résistent à l’hégémonie wahhabite – en Tunisie, en Algérie, au Maroc notamment – mais pour combien de temps encore ? Personne ne leur vient en aide et ils risquent de ne pouvoir lutter durablement contre les pétrodollars islamistes. 




4. Un lien direct avec le terrorisme

Pour Alain RODIER, cette idéologie est si puissante qu’elle pousse – comme jamais auparavant dans l’histoire – des centaines d’individus au sacrifice suprême lors d’opérations suicides, comme à des actes d’une infinie barbarie au nom de leur pseudo-religion. Elle mérite donc d’être étudiée avec attention car on ne fait pas la guerre à une méthode de combat – le terrorisme – mais à ceux qui l’emploient et pourquoi.

Pour Alain CORVEZ, Al-Qaïda, groupe né en Afghanistan pour lutter contre les Soviétiques, a été la première structure rassemblant les djihadistes, financée par l’Arabie et les services pakistanais, avec le soutien de la CIA américaine.

Il a rappelé que « le wahhabisme a engendré le terrorisme qui a pu se développer grâce aux soutiens qu’il a trouvés auprès de nombreuses puissances l’utilisant à des fins stratégiques, portant atteinte à la réputation de l’islam du fait des amalgames que certains se sont empressés de faire ».

Avec la guerre en Syrie, les djihadistes ont multiplié leurs organisations, en fonction de leurs affiliations et de leurs financements mais tous s’inspirent du wahhabisme et montrent la même cruauté. Au nom de l’islam, leur but est de renverser le régime laïque de Damas, ce qui leur vaut le soutien massif de Riyad, Doha, Ankara, Washington, Paris ou Londres.

Daech n’est qu’une métastase du cancer d’Al-Qaïda, en poursuit les mêmes objectifs au nom de la même idéologie. Rappelons que l’organisation État islamique puise ses références dans les écrits d’Abdel Wahhab et des Frères musulmans. Elle adhère donc à la même idéologie que l’Arabie saoudite.

Ces extrémistes s’en prennent à tout le monde : à l’Occident bien sûr et à la France en particulier ; mais aussi aux Russes, aux Égyptiens, aux Pakistanais, aux Libanais, au Hezbollah, aux Iraniens, aux chrétiens, aux chiites… et aux sunnites qui n’adhèrent pas à leur conception de l’islam.

Si le financement direct qu’elle accordait au terrorisme semble bien s’être interrompu, l’Arabie saoudite, soutien idéologique et financier du wahhabisme, laisse certains de ses ressortissants fortunés, de ses ONG et de ses banques appuyer Daech.

Et la Ligue islamique mondiale continue de distribuer de l’argent à des mouvements qui utilisent ces fonds pour lancer le djihad. Ainsi, le soutien à Daech se poursuit via de nombreux canaux en provenance du monde arabe. L’organisation « État islamique » reçoit de nouveaux combattants, du ravitaillement et développe des trafics de toute nature pour assurer son financement. Daech est donc loin d’être asphyxié grâce à la bienveillance de Riyad, Doha ou Ankara.

Par ailleurs, de nombreux éléments tendent à montrer que l’Arabie saoudite – et le Qatar – auraient effectué des livraisons d’armes aux mouvements terroristes contre lesquels l’armée française opère au Sahel.



Richard LABÉVIÈRE a insisté sur le financement direct et indirect du terrorisme par Riyad, via les banques et ONG saoudiennes. Il a stigmatisé le rôle ambigu qu’ont joué les banques suisses et italiennes notamment, en acceptant d’abriter des fonds saoudiens suspectés de financer le terrorisme.

Afin de démontrer le double jeu auquel se livrent les Occidentaux dans la fabrication de l’ennemi, Richard Labévière a illustré ses propos à travers trois exemples.

– Lors de l’attentat de Louxor, au cours duquel 62 touristes furent tués par la Jamaa Islamiya, plusieurs éléments indiquèrent que le financement de l’opération avait été rendu possible par le biais d’une société financière appelée Al-Taqwa. Située dans les Bahamas, à Londres, ainsi qu’à Zurich (le Crédit suisse), cette banque servit de banque aux Frères Musulmans et permit le financement de leurs attaques terroristes, les fonds ayant été fournis par l’Arabie saoudite. Preuve de la duplicité qui règne, Carla Del Ponte refusa d’ouvrir une instruction sur cette affaire afin de ne pas conduire les Saoudiens à quitter la place financière suisse.

– à l’occasion des attentats perpétrés contre les ambassades américaines de Nairobi et de Dar-es-Salaam en 1998, il a été montré que l’ONG islamiste Mercy International a contribué au financement des opérations.

– et, enfin, le financement des activités du GIA algérien dans les années 90 s’est effectué par des fonds saoudiens via des banques suisses.



5. L’agression armée d'États voisins

L’Arabie Saoudite, non contente d’exporter le wahhabisme de par le monde et d’avoir soutenu les djihadistes, est intervenue au Bahreïn à l’occasion du printemps arabe (2011) pour mater dans le sang une révolte populaire sans que personne ne s’en offusque.

Surtout, depuis bientôt deux ans, elle a déclenché une guerre sanglante au Yémen (opération Tempête décisive), laquelle semble ne pas intéresser grand monde, contrairement au conflit syrien.

Depuis mars 2015, une coalition internationale menée par Riyad s’attache à remettre au pouvoir le gouvernement d’Abd Rabo Mansour Hadi, afin d’empêcher l’installation d’un régime chiite à sa frontière méridionale. Dans ce conflit, les Saoudiens sont aidés par les États-Unis qui leur fournissent armement, renseignements et ravitaillent leurs avions. Les combats ont déjà provoqué plus de 10 000 morts – dont beaucoup de civils et plus de 30 000 blessés.

L’Arabie saoudite bombarde systématiquement et sans aucun état d’âme les infrastructures du pays – y compris les hôpitaux et les quartiers historiques de Sanaa, ville vieille de près de 2 500 ans – et exerce un blocus sur les zones rebelles au point que des millions de Yéménites n’ont plus de quoi se nourrir ; 3 millions ont fui les zones de combat.



6. L'absence de participation à la lutte contre Daech

Mis à part contre les réseaux terroristes actifs sur son territoire et qui cherchent à s’en prendre au pouvoir en place, l’Arabie saoudite ne participe pas à la lutte contre l’organisation État islamique, dont l’idéologie est proche du wahhabisme. D’ailleurs, le nombre de Saoudiens parmi les combattants étrangers de Daech est particulièrement élevé.

Paradoxalement, pour conduire sa guerre d’agression au Yémen, Riyad, a été capable de réunir autour d’elle une coalition internationale de 150 000 hommes.

Les Saoudiens ont retiré en cette occasion la quinzaine d’aéronefs qui participaient mollement aux bombardements contre l’organisation État islamique en Irak. Rien qu’en avril 2015, la coalition dirigée par l’Arabie saoudite a conduit plus de 1 700 raids aériens, soit parfois 80 par jour ; l’on aurait bien aimé voir ses moyens engagés contre Daech.

Pour Pierre CONESA, le royaume est en réalité en danger, car il refuse de combattre Daech, dont les thèses trouvent un écho favorable au sein d’une partie de sa société. Et ce n’est pas un hasard. Aujourd’hui, les principes que l’État saoudien applique – la loi coranique et la haine des « mécréants » (les non-musulmans) – se rapprochent de ceux de Daech. Tous deux décapitent massivement en public et détestent les chiites.

Ainsi, la société saoudienne ne comprendrait pas que le royaume affronte les djihadistes. Or, comme chaque fois que le régime des Saoud est en danger, il fait appel aux « mécréants » : les Occidentaux. Cela a déjà été le cas en 1979, lorsque des gendarmes français du GIGN ont libéré la grande mosquée de La Mecque d’étudiants islamistes radicaux ou, en 1991, lorsque les soldats américains sont intervenus à l’occasion de l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein.


7. La complicité de l'Occident

En dépit de sa diplomatie religieuse agressive, de son soutien aux groupes islamistes armés en Syrie, de ses efforts douteux pour lutter contre Al-Qaida et Daech, et de ses crimes de guerre au Yémen, aucune critique n’est formulée à l’encontre de l’Arabie saoudite. Les frappes saoudiennes au Yémen relèvent pourtant pleinement d’un crime de guerre. Mais aucun État occidental ne l’a signalé ni n’a protesté et le conflit yéménite est quasiment absent des médias occidentaux. Tout juste les Américains ont-ils fait savoir qu’ils allaient reconsidérer leur soutien aux Saoudiens dans ce conflit.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les Américains ne cessent de désigner l’Irak, l’Iran et plus récemment la Syrie, comme fauteurs de troubles, alors que Ben Laden et la majorité des terroristes du 9/11 étaient Saoudiens et que l’idéologie dont se réclament les djihadistes takfiris est celle de Riyad. Nous sommes donc en présence d’une véritable stratégie d’alliance objective et machiavélique avec l’islam le plus radical qui soit.

Michel RAIMBAUD a rappelé le rôle essentiel qu’ont joué les États-Unis dans la fabrication de l’ennemi, avec le concept géopolitique de « Grand Moyen-Orient », cher à l’administration de George W. Bush, et dont le point d’orgue aura été l’élaboration du plan de démantèlement du Moyen-Orient qui s’est notamment traduit par l’invasion de l’Irak en 2003.

Ce concept a maintes fois évolué au gré des impulsions politiques de Washington, notamment dans les années 80. En effet, sous l’administration Reagan, les États-Unis n’hésitèrent pas à instrumentaliser les islamistes afin de contrer l’influence soviétique en Afghanistan, les conduisant ainsi à nouer un pacte d’alliance avec les Saoudiens et les Pakistanais. Sous l’administration Bush, le plan de démantèlement du Grand Moyen-Orient n’avait pour autre objectif que de transformer le paysage politique et économique de cet ensemble afin d’y apporter la « démocratie » et ainsi, assurer la sécurité des intérêts américains, dans la droite ligne des théories néoconservatrices.

Michel RAIMBAUD a dénoncé les alliances de circonstances qui ont été observées entre les Européens et les islamistes, que l’on songe à la guerre d’Afghanistan en 1979, aux bombardements dits « humanitaires » qui ont été effectués sur la Libye de Kadhafi, aux révolutions arabes ou à la guerre en Syrie.

Paradoxalement, alors que l’Occident est la cible de la haine et de la violence wahhabite, il continue de soutenir le régime saoudien. Les élites occidentales, complices ou clientes de ce royaume, ferment les yeux sur ses agissements qui pourtant sapent les fondements de leurs sociétés.

À l’occasion de ses enquêtes sur le financement du terrorisme par l’Arabie saoudite, Richard LABÉVIÈRE, s’est heurté aux injonctions du Quai d’Orsay dirigé successivement par Alain Juppé et Laurent Fabius, qui ne souhaitaient pas que soit mis en lumière le financement de l’islam radical par l’Arabie saoudite. 








Pierre CONESA a insisté sur l’ostracisme dont a été l’objet en France son dernier ouvrage qui a le mérite de dénoncer haut et fort la diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite.

Il plaide pour la levée des ambiguïtés qui sous-tendent nos relations avec ce royaume de l’extrémisme. À noter qu’en France, pas moins de cinq agences de conseil en communication se chargent de « corriger » l’image des Saoud dans l’opinion.


8. Comment éradiquer cette menace ?

15 ans après le début des attentats barbares qui ne cessent d’ensanglanter le monde arabo-musulman, l’Occident et la France, la menace terroriste n’a nullement diminué.
Les événements des années 2015 et 2016 dans notre pays en sont la triste illustration. Les autorités gouvernementales ont accru les moyens accordés à la lutte antiterroriste et ont mis en place, avec plus ou moins de réussite, un dispositif destiné à lutter contre la radicalisation.
Mais force est de constater que rien de concret n’a été fait pour lutter contre les idéologies (salafisme, wahhabisme, Frères musulmans) sur lesquelles se fondent ces mouvements radicaux terroristes  et les États qui les soutiennent, au premier rang desquels l’Arabie saoudite – mais aussi le Qatar et la Turquie. 

- Sur le plan intérieur

Il est essentiel de dénoncer l’idéologie wahhabite comme néfaste et hostile, incitant à la haine et au terrorisme, à l’antisémitisme et contraire aux valeurs et lois de la République. Cette idéologie – ainsi que celle des Frères musulmans – doit donc être déclarée hors-la-loi, ses textes interdits de vente et de distribution, ses mosquées fermées, ses associations dissoutes et ses représentants interdits de s’exprimer dans nos médias.

Nous devons les combattre avec la plus grande fermeté. Ce que nous avons fait jadis pour lutter contre Action directe et divers groupuscules d’extrême droite doit aujourd’hui s’appliquer aux wahhabites, aux salafistes et aux Frères musulmans. 

- Sur le plan international

Un virage à 180° vis-à-vis du régime saoudien s’impose, car cette monarchie prône une idéologie haineuse, contraire à nos valeurs ; elle encourage et soutient – directement ou indirectement – le terrorisme et l’extrémisme religieux partout dans le monde, et jusque dans nos banlieues. Il convient de dépasser les promesses – parfois illusoires – de contrats mirobolants et ne pas se laisser acheter par des cheiks autocrates, dont les comportements à l’égard de leur propre population et des étrangers sont incomparablement plus éloignés des règles démocratiques qu'on le prétend pour la Syrie et l’Iran. 

- Sur le plan religieux

Enfin, pour Alain CORVEZ, le défi que représente le wahhabisme doit entraîner chez les théologiens sunnites, comme les y a invités le président égyptien Sissi, un aggiornamento salutaire pour supprimer à l’intérieur du corpus religieux les ferments de divisions que le terrorisme takfiri a révélés et cristallisés.

La crise provoquée par cette vision inculte, haineuse et sommaire de l’islam sunnite entraîne en son sein des craquements et des divisions, et pourrait amener les grands théologiens à vivifier les saintes bases de la foi sunnite pour l’adapter au monde moderne, en l’orientant vers l’avenir, à l’instar du chiisme tourné vers la prophétie et l’attente d’un monde meilleur.

Des voix s’élèvent en ce sens, depuis deux ans environ, venant de responsables sunnites religieux, comme à Kazan et Grozny en 2016, et de chefs politiques, musulmans mais laïques comme le président Sissi en Égypte. 
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Comment éliminer radicalement le terrorisme wahhabite ?…

Wayne MADSEN - Les Dönmeh : le secret le plus chuchoté du Moyen Orient (25 octobre 2011)
Christophe Lamfalussy, Jean-Pierre Martin : Molenbeek-sur-djihad (Grasset, 18 janvier 2017)
Molenbeek. Le monde entier connaît le nom de cette commune de Belgique. Que se passe-t-il à Molenbeek, et depuis longtemps, puisque dès 2001, le commandant Massoud a été abattu par deux hommes qui y vivaient ? Pourquoi l’avant-garde d’un commando de l’Etat islamique en est-elle partie, une nuit de novembre 2015, pour assassiner 130 personnes à Paris ? Christophe Lamfalussy et Jean-Pierre Martin se sont plongés dans cet étrange creuset du terrorisme, étudiant sa réalité actuelle et son histoire pour essayer de comprendre l’explosion d’un islam radical au cœur de l’Europe.
D’argent saoudien en mères fanatisées qui envoient leurs fils en Syrie, voici la désolante rencontre du fanatisme religieux, du plus misérable gangstérisme et de l’incompétence politique. Trente ans de dérives. Une leçon, non seulement pour la Belgique, mais pour toute l’Europe.

Le terrorisme n’est pas un ennemi mais un moyen de faire la guerre, tous les États l'utilisent

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Le site Stratpol (www.stratpol.com) dirigé par Xavier MOREAU, qui fournit des analyses politico-stratégiques et économiques sur toutes les zones, pays et continents, dans le but de permettre des prospectives réalistes, a publié une série de vidéos de ce colloque du Cf2R (Centre français de Recherche sur le Renseignement) sur le thème de l'idéologie wahhabite. Juste au moment où Trump arrive au pouvoir ? Assiste-t-on à un revirement géopolitique dont les Saoudiens vont faire les frais ?


Colloque sur le wahhabisme : Introduction d’Éric DENÉCÉ et intervention de Pierre CONESA (partie 1/7)

Éric Denécé, docteur ès Science Politique, habilité à diriger des recherches, est directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R). Pierre Conesa, auteur de "Dr Saoud et Mr Jihad, la diplomatie religieuse de l'Arabie Saoudite" (Robert Laffont) Ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défens.


Colloque sur le wahhabisme : intervention d'Alain Corvez (partie 2/7)



Colloque sur le wahhabisme : intervention d'Abderrahmane Mekkaoui (partie 3/7)



Colloque sur le wahhabisme : intervention de Richard Labévière (partie 4/7)



Colloque sur le wahhabisme : intervention de Mezri Haddad (partie 5/7)



Colloque sur le wahhabisme : intervention de Michel Raimbaud (partie 6/7)



Colloque sur le wahhabisme : allocution de Pierre Lellouche (partie 7/7)


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Le terrorisme n’est pas un ennemi mais un moyen de faire la guerre, tous les États l'utilisent







« Les Français doivent être conscients que nous allons vers des attentats majeurs. Les pouvoirs politiques doivent dire aux Français que nous allons vers des attentats de masse. »
Général Vincent Desportes, le 29.10.2015

Il faut faire un peu d’ordre conceptuel dans le moment où les émotions, la propagande, et l’hystérie risquent de fourvoyer la considération équilibrée des événements du vendredi 13 novembre à Paris.

À Paris, nous faisons face à une Morale Operation. Dans l’art de la guerre non orthodoxe, sont appelées Morale Operations ces opérations dont le but est d’induire sidération, confusion et mystification pour semer défiance, terreur et désarroi dans les rangs de l’ennemi, ou de l’allié indécis et incertain. Il s’agit d’un type de guerre psychologique élaboré et mis en œuvre en 1943 par le colonel William J. Donovan de l’OSS américain [2].

Le haut commandement militaire français savait très bien qui se cache derrière Daech (État islamique), puisque le Général de division Vincent Desportes déclarait ouvertement, dès le 17 décembre 2014, juste avant l’opération Charlie Hebdo, dans un débat en séance publique au Sénat, en face de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

« Quel est le docteur Frankenstein qui a créé ce monstre [Daech] ? Affirmons-le clairement, parce que cela a des conséquences : ce sont les États-Unis. Par intérêt politique à court terme, d’autres acteurs – dont certains s’affichent en amis de l’Occident – d’autres acteurs donc, par complaisance ou par volonté délibérée, ont contribué à cette construction et à son renforcement. Mais les premiers responsables sont les États-Unis. » [3].

L’entrée en jeu en Syrie des forces russes contre l’État islamique a disloqué tous les plans des USA et d’Israël, dont l’État islamique est le coûteux jouet : la France, peu de jours avant Poutine, avait elle aussi pris l’initiative, de manière autonome, de bombarder l’État islamique, en Irak et (par deux fois) en Syrie. Pour les vrais patrons de l’État islamique cela était un défi : il s’agissait donc de rappeler à l’ordre la France, et de réunir le front occidental sous leur commandement.

Par une action diversifiée de commandos militaires en plein Paris, contre des lieux attentivement choisis et symboliques, les responsables politiques français ont donc été rudement avertis le 13 novembre.

Il n’existe nulle part dans le monde aucune guerre contre le terrorisme, puisque tous les États s’en servent : on sait bien que le terrorisme n’est pas un ennemi, mais simplement un des moyens pour faire la guerre.

Déjà en 2008 le lieutenant-colonel Jean-Pierre Steinhofer écrivait, dans la Revue Défense Nationale :

“La notion de ‘guerre mondiale contre le terrorisme’ est une perversion sémantique, stratégique, militaire et juridique qui, en confondant ennemi et méthode de combat de l’ennemi, a conduit les États occidentaux dans une impasse intellectuelle qui brouille leur réflexion dans de nombreux domaines et aboutit à des situations absurdes” [4].

Les velléités d’action indépendante de la France, laquelle semble oublier de faire désormais irrévocablement partie intégrante de l’OTAN, ainsi que la dispersion de ses forces armées dans trop de théâtres, de l’Afrique au Moyen Orient, les flottements et les hésitations gouvernementales, les embrouilles de la politique, l’intoxication schizoïde de l’information, condamnent son action militaire à l’échec, alors qu’elles exposent la France même à toutes les rétorsions. Ainsi que nous venons de le voir à Paris.

Les responsables politiques français se trouvent maintenant dans l’inconfortable situation de faire semblant de ne pas savoir d’où vient le coup, ils préfèrent comme d’habitude mentir à la population et passer pour des imbéciles inconscients plutôt que de risquer de fâcher ultérieurement leurs traîtres alliés. La population est sous contrôle grâce à l’État d’urgence. Les Allemands et les autres alliés de l’OTAN sont avertis du même coup.

Le spectacle des masques, le théâtre des ombres, le jeu de dupes, la mise en scène, la dramaturgie et la narration mainstream des choses font partie de ce que le lieutenant-colonel cité plus haut a appelé "l’impasse intellectuelle qui brouille [la] réflexion dans de nombreux domaines et aboutit à des situations absurdes".

Entre-temps on habitue les populations aux massacres qu’on leur prépare. Elles doivent apprendre dans le sang que complice du terrorisme n’est pas seulement qui le commande et qui l’exécute, mais aussi bien tous ceux qui croient les versions officielles. Sans eux, le terrorisme devient une arme peu tranchante, et même très dangereuse pour celui-là même qui s’en sert [5].

On se rappelle que le moderne terrorisme sous fausse bannière fut d’abord expérimenté, à partir de 1969, et pour quinze ans, par les services secrets en Italie, sur la chair des Italiens, ce qui est aujourd’hui universellement admis et prouvé par les historiens, ainsi que par les sentences des tribunaux. Lorsque je le dénonçai à l’époque, j’écrivais que :

« Le terrorisme italien est la dernière énigme de la société du spectacle… Il est donc nécessaire et suffisant de résoudre cette énigme pour mettre fin non seulement au terrorisme, mais aussi à l’État italien… Et quoi que l’on en dise aujourd’hui, dans dix ou vingt ans, ou avant, lorsque tout deviendra clair pour tous, c’est de ce que j’ai écrit sur le terrorisme que l’on se rappellera, et non point des fleuves d’encre que tous les menteurs professionnels et les stupides répandent actuellement à ce propos » [6].

Gianfranco Sanguinetti

Genève, le 15 novembre 2015


[2] cf. par exemple : https://en.wikipedia.org/wiki/Morale_Operations_Branch
[3] Présidée par Jean-Pierre Raffarin la Commission a interrogé lors des débats le Général Henri Bentégeat (2S), ancien chef d’état-major des armées, le Général de corps d’armée Didier Castres, sous-chef d’état-major Opérations, Monsieur Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, le Général de division (r) Vincent Desportes, professeur associé à Sciences Po Paris et Monsieur Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. On peut donc conclure que non seulement les militaires, mais tous les responsables politiques étaient aussi au courant. Cf. : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20141215/etr.html.
[4] J.P. Steinhofer, L’Ennemi innomé. In Revue Défense Nationale, n°712.
[5] Dans un document militaire U.S. daté 4 Décembre 1942, déclassifié, au titre The Use of Terror Propaganda, on peut lire : « Terror propaganda, while immensely successful under proper conditions, may well be used imprudently to increase the resolution and determination of the enemy ». (National Archives, declassified by NARA.)
[6] Cf. Gianfranco Sanguinetti, Del Terrorismo e dello Stato, Milan, 1979, 1980. Traduit en français sous le titre Du Terrorisme et de l’État, Paris et Grenoble, 1980, 1981.

La source originale de cet article est Mondialisation.ca








[article écrit en janvier 2016]



dimanche 27 août 2017

Sa Majesté l’Empereur Haïlé Sélassié, un homme d’État de stature internationale



27 août 1975 : mort de Haïlé Sélassié Ier, Empereur d'Éthiopie,
Roi des rois, Lion de Juda,
Défenseur de la Foi chrétienne,
Force de la Trinité,
Élu de Dieu




Un homme petit et frêle, d’une altière raideur dans sa démarche, monte à la tribune. Le visage respire l’autorité et l’intelligence. Le front large est auréolé par des touffes de cheveux crépus, à peine blanchis par l’âge ; la barbe, drue, accentue la forme triangulaire du crâne. Tout en lisant un texte d’une voix monocorde, l’orateur tourne de temps à autre vers l’assistance un regard empreint d’une grande mélancolie. Une centaine de rois, de présidents de république, de chefs de gouvernement, de ministres et d’ambassadeurs l’écoutent dans un profond silence, avec une attention soutenue. À la fin de son discours, l’empereur Haïlé Sélassié quitte la tribune de la conférence des pays non alignés, applaudi chaleureusement par les représentants de quelque cinquante-sept États d’Afrique, d’Asie, d’Europe et d’Amérique.

Visiblement, le souverain éthiopien est tenu en haute estime par ses pairs, qui ressentent le besoin de le consulter toutes les fois qu’une décision importante est à prendre. À quoi attribuer l’étonnant prestige dont il dispose ? Le régime établi à Addis-Abéba, vieille monarchie héréditaire de droit divin, n’a que peu sinon aucun rapport avec les systèmes de gouvernement mis en place dans les pays récemment émancipés.

L’orientation, en matière de politique intérieure, de l’empereur ne coïncide pas avec celle, par exemple, des autres chefs d’État africains, qu’ils soient « modérés » ou « révolutionnaires ». L’Éthiopie n’appartient à aucune des deux Afrique en présence ; ni « noire » ni « blanche », elle occupe une place à part tant sur le plan ethnique que religieux. Pourtant, Haïlé Sélassié, « Roi des rois, lion de Juda, défenseur de la foi chrétienne, force de la Trinité, élu de Dieu », est un homme respecté et écouté d’un bout à l’autre de l’Afrique, du Caire à Bangui, de Conakry à Rabat.

Pour les Africains, l’empereur symbolise sans doute, dans une large mesure, la continuité et le courage. Deux cent cinquante-cinquième descendant de la reine de Saba et du roi Salomon, il préside aux destinées d’un pays qui peut se prévaloir, non sans orgueil, de trois mille ans d’indépendance et de résistance aux tentatives d’hégémonie étrangère. Au lendemain de la première guerre mondiale, l’Éthiopie fut le seul pays africain représenté à la Société des Nations, alors que la quasi-totalité du continent était encore soumise à la tutelle de diverses puissances européennes.

L’appartenance du Royaume à l’organisation internationale ne lui permit pas d’obtenir des concours suffisants pour repousser l’agression mussolinienne. Mais qui a oublié le visage tragique de l’empereur plaidant la cause de sa patrie à Genève ? La dignité avec laquelle il avait subi les humiliations et l’exil ? La volonté tenace qu’il manifesta pour chasser l’envahisseur ? L’opinion antifasciste en Occident s’en était émue, mais certainement pas autant que les nouvelles élites nationalistes qui germaient déjà dans ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui le « tiers-monde ». Ce « tiers-monde », venu à maturité, se souvient encore de l’homme, abandonné de tous, qui tint tête à une formidable coalition de forces pour défendre le droit, depuis universellement admis, des peuples à l’autodétermination et à l’indépendance.

L’empereur Haïlé Sélassié n’a pas voulu se cantonner dans le rôle d’un pionnier de l’anticolonialisme. Le cruel isolement dans lequel s’était trouvée l’Éthiopie au moment de l’invasion italienne l’incite, dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, à rechercher amitiés et appuis à l’étranger. Bien avant que les déplacements de chefs d’État ne deviennent pratique courante dans les relations internationales, le « Roi des rois » a inlassablement sillonné le monde, visitant les unes après les autres les capitales occidentales des deux hémisphères, les pays communistes, l’U.R.S.S. en tête, des États sud-américains, arabes et africains. L’Empereur appliqua, avant la lettre, une politique de non-alignement et de coexistence pacifique.

Son attitude fut particulièrement appréciée en Afrique, où il ne fit aucune distinction entre pays « révolutionnaires » et « modérés », entretenant avec les uns et les autres d’excellentes relations. Il peut ainsi se prévaloir de l’amitié d’hommes aussi différents que M. Houphouët-Boigny et le président Nkrumah, que M. Ben Bella et Hassan II.

La confiance qu’on lui témoigne trouve son origine dans son action persistante contre l’injustice, sous toutes ses formes. Malgré les encouragements qu’on lui prodigue au moment de l’affaire de Suez, l’Empereur se refuse à faire obstacle à la construction du haut barrage d’Assouan sur le Nil, dont les sources se situent en Éthiopie. Il normalise ainsi ses rapports avec le président Nasser. Lors de la crise congolaise, il se dresse spontanément contre les menées séparatistes au Katanga et met à la disposition de l’O.N.U. des unités d’élite de l’armée éthiopienne. En août dernier encore, il a opposé une fin de non-recevoir à M. Tschombé, qui lui demandait une aide militaire destinée à sévir contre les rebelles de Stanleyville.

Partout, il est du côté des mouvements de libération nationale : il reconnaît le G.P.R.A. avant l’indépendance algérienne ; il fournit une aide matérielle aux nationalistes du Kenya, d’Ouganda, de Rhodésie, de l’Angola ; il rompt toutes relations avec le Portugal en guise de protestation contre la politique coloniale de Lisbonne ; il dépose plainte à la Cour internationale de La Haye contre la politique de discrimination raciale pratiquée en Afrique du Sud.

Ce n’est donc pas le fait du hasard si Addis-Abéba a été choisie comme siège de la première organisation panafricaine, l’O.U.A., fondée dans la capitale éthiopienne en mai de l’année dernière.

« L’unité fait la force », avait déclaré l’Empereur lors de la séance inaugurale, en songeant peut-être aux déboires qu’il connut il y a plus de trente ans. Mais loin d’être un « régionaliste » sectaire, conscient aussi des responsabilités et des intérêts bien compris du « tiers-monde », Haïlé Sélassié devait plaider, lors de la conférence des non-alignés au Caire, en faveur de la coexistence pacifique et d’une étroite collaboration internationale, fondée sur l’égalité des partenaires.

De la collaboration souhaitée, le monarque en a donné l’exemple dans son propre pays, qu’il a voulu libre de toute prépondérance étrangère. Il a ainsi fait appel aux capitaux et aux techniciens américains et soviétiques, français, anglais et allemands, japonais et yougoslaves, tchèques et hollandais, pour ne citer que ceux-là, afin de développer les différents secteurs de l’économie éthiopienne. Malgré son amitié pour les pays arabes, il n’hésite pas à confier l’entraînement de la garde impériale à des experts militaires fournis par l’État d’Israël, qu’il a reconnu de jure en décembre 1961.

Ouverte aux influences étrangères, l’Éthiopie demeure paradoxalement, pour des raisons qui tiennent à son histoire et à la nature de son régime, un pays replié sur lui-même. Riche de l’originalité de sa population et des possibilités de développement qu’offrent ses ressources, destiné par sa situation géographique et par le prestige de son souverain à servir de carrefour aux grands courants d’échanges, elle mériterait d’être intimement connue par l’opinion internationale. Le numéro spécial que nous présentons ici n’a d’autre ambition que de favoriser cet objectif. 


*   *   *



Funérailles de l'empereur Haïlé Sélassié, 25 ans après sa mort, en l'église Baata Mariam Geda.
La dépouille de l'empereur avait été exhumée en 1992, un an après la chute du régime marxiste de Mengistu Haïlé Mariam,
et déposée au mausolée d'Addis-Abeba où reposent l'empereur Ménélik II et trois autres membres de la dynastie.

[photo Andre Maslennikov]

Vingt-cinq ans après la mort du dernier empereur d'Éthiopie, la dépouille d'Haïlé Selassié a été conduite à sa dernière demeure, la cathédrale orthodoxe de la Trinité à Addis-Abeba.

Le patriarche et les évêques, en tenue de cérémonie et arborant d'énormes croix d'or et d'argent, ont célébré une messe à la mémoire du Négus, renversé en 1974, tandis que le cercueil quittait le mausolée du centre de la capitale où il se trouvait depuis huit ans. Après avoir parcouru les rues de la capitale, le cercueil été déposé dans l'après-midi dans un tombeau en granit de la crypte de la cathédrale où il reposera désormais.


Funérailles de l'empereur Haïlé Sélassié, 25 ans après sa mort, en l'église Baata Mariam Geda
où les restes du Négus avaient été conservés depuis 1992 [photo Andre Maslennikov]

Il était enveloppé dans un drapeau national rouge-or-vert et orné du blason personnel de Haïlé Sélassié montrant d'un côté saint Georges, patron de l'Éthiopie, tuant un dragon, et, de l'autre, le Lion de Juda.

Des prières ont retenti dès l'aube à travers la ville, où des centaines de personnes ont pleuré en le voyant sortir du mausolée. De vieux guerriers arborant crinières de lion, boucliers et épées traditionnels ont formé une garde d'honneur pour le "ras Tafari" qui, en 1930, avait été couronné en grande pompe sous le nom de Haïlé Sélassié Ier.


Funérailles de l'empereur Haïlé Sélassié, 25 ans après sa mort, en l'église Baata Mariam Geda
où les restes du Négus avaient été conservés depuis 1992 [photo Andre Maslennikov]


Haïlé Sélassié, vénéré comme un dieu par les Rastafaris à travers le monde, est mort à l'âge de 85 ans en 1975, assassiné ou abandonné sans soins par les officiers marxistes qui l'avaient déposé en prenant le pouvoir un an plus tôt.

Ses restes avaient été enterrés sous des toilettes du Palais impérial, affront caractérisé à un homme qui avait exercé un pouvoir à peu près absolu pendant 44 ans.

La dépouille de l'empereur avait été exhumée en 1992, un an après la chute du régime marxiste de Mengistu Haïlé Mariam, et déposée au mausolée d'Addis-Abeba où reposent l'empereur Ménélik II et trois autres membres de la dynastie.

Modernisateur ou despote ?

Haïlé Sélassié avait cependant exprimé le souhait de reposer dans le tombeau de son choix à la cathédrale de la Trinité. Sa famille, dont presque tous les membres vivent en exil, s'est donc employée, en concertation avec l'Église orthodoxe, à organiser sa ré-inhumation dans un tombeau de granit qui voisine avec celui de son épouse, l'impératrice Menen.

"Bien qu'ils t'aient tué et qu'ils aient jeté ton corps dans une tombe anonyme, ils n'ont pu ternir ton image. Tu es un grand dirigeant, tu as tant fait pour ton pays et pour l'Afrique", a déclaré un prêtre orthodoxe durant la messe célébrée devant le mausolée de Ménélik.

La tradition veut que la lignée du 225e monarque éthiopien remonte à plus de 2 000 ans et que Haïlé Sélassié soit un descendant direct du roi Salomon et de la reine de Saba.

Ses admirateurs célèbrent en lui un modernisateur qui favorisa l'éducation et les indépendances africaines. Mais il fut aussi le maître d'un système féodal qui maintint la majorité de ses sujets dans une misère profonde. L'actuel gouvernement éthiopien a publié mardi un violent réquisitoire contre son règne, en le qualifiant d'oppresseur et en l'accusant d'avoir placé à l'étranger d'énormes sommes d'argent.

Une famine catastrophique fit des centaines de milliers de morts durant les dernières années de son règne, et son autorité morale fut entamée par des images de télévision où on le voyait nourrir ses lions domestiques et ses chiens avec de la viande de premier choix pendant que la population connaissait la disette.

Si l'on a pu assister dimanche à des scènes chargées d'émotion, peu d'habitants étaient alignés sur l'itinéraire suivi par le cortège et seuls quelques milliers s'étaient rassemblés sur l'immense place Meskel pour voir le cercueil.

Rita Marley, veuve du musicien de reggae Bob Marley, était au nombre des Rastafaris venus assister en Éthiopie aux funérailles de l'Empereur. Beaucoup d'entre eux croient pourtant Haïlé Sélassié immortel et pensent que la dépouille inhumée dimanche appartient à une autre personne.

Malgré ses titres glorieux, le "Roi des rois" et sa famille n'ont jamais demandé à ce qu'il soit reconnu d'essence divine.

(Reuters, Addis-Abeba, dimanche 5 novembre 2000 )

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Officiers de la Garde impériale en grand uniforme et médailles à la poitrine, anciens combattants en tenue traditionnelle de bravoure et dignitaires de l'Église orthodoxe ont répondu présent dimanche pour enterrer dignement avec la famille impériale le dernier empereur d'Éthiopie.

Mais 25 ans après la mort dans des circonstances toujours mystérieuse du Négus, renversé un an plus tôt par de jeunes officiers, Addis-Abeba paraissait indifférente et le peuple éthiopien n'était pas au dernier rendez-vous.

Seulement quelques milliers d'habitants de la capitale se sont déplacés pour assister, plus par curiosité que par ferveur, à une procession de plusieurs heures dans les rues de la ville.

Les cérémonies ont commencé à l'aube dans l'église Baata Mariam Geda où les restes du Négus avaient été conservés depuis 1992 après avoir été exhumés d'une fosse où ils avaient été jetés par les dirigeants de la Révolution de 1974.

Tout le synode de l'Église orthodoxe éthiopienne était présent dans la petite église où est enterré l'empereur Ménélik II.


Funérailles de l'empereur Haïlé Sélassié, 25 ans après sa mort, en l'église Baata Mariam Geda
où les restes du Négus avaient été conservés depuis 1992
Le patriarche de l'Église orthodoxe, l'abouna Paulos,
à sa droite les survivants de la famille impériale, et à sa gauche les dignitaires de l'Église,
[photo Andre Maslennikov]

Après les prières, le patriarche de l'Église orthodoxe tewahedo éthiopienne, l'abouna Paulos, avec à sa droite les survivants de la famille impériale, dont la fille, les petits fils et petites filles de l'Empereur, et à sa gauche les dignitaires de l'Église, a rendu un hommage appuyé à Haïlé Sélassié Ier, soulignant sa "contribution remarquable pour l'Éthiopie, l'Église, l'Afrique et le monde entier".

Environ un millier de personnes étaient venues là dire une prière devant le cercueil du dernier empereur de la dynastie salomonienne, recouvert du drapeau impérial, vert, jaune, rouge, frappé des armoiries impériales et de l'étoile de David.

Parmi eux, le sergent Abera Gebremariam, 62 ans, ancien de la Garde impériale qui a servi au Congo. "C'est comme si je renaissais", a-t-il déclaré à l'AFP. À côté de lui, le colonel Teklemariam Abairé, 86 ans dont plusieurs décennies au service de l'armée de Haïlé Sélassié.

Porté ensuite par des anciens combattants, lance en main et vêtus du costume traditionnel de couleurs vives, le cercueil orné d'une croix d'œillets, prend place sur un véhicule décoré aux couleurs éthiopiennes, pour un périple d'une dizaine de kilomètres.

Premier arrêt, place Meskel (place de la Croix), au centre d'Addis-Abeba.


Funérailles de l'empereur Haïlé Sélassié, 25 ans après sa mort, en l'église Baata Mariam Geda
où les restes du Négus avaient été conservés depuis 1992 [photo Andre Maslennikov]

L'ancienne place de la Révolution, lieu traditionnel des rassemblements de masse, paraît clairsemée, malgré la présence de deux à trois mille personnes. Parmi elles, quelques Rastafaris qui considèrent Haïle Sélassié comme un dieu, dont la veuve du chanteur Bob Marley, Rita Marley. "Haïle Sélassié est mort physiquement, mais reste vivant spirituellement", dit-elle.

La prière est suivie d'un court discours de l'un des petits fils de l'Empereur, Beide Mariam Mekonen Haïlé Sélassié qui provoque un mouvement de curiosité. L'assistance qui tente d'entrevoir cet héritier possible du Trône qui vit au Canada, est rassurée par la qualité de l'amharique dans lequel il s'exprime pour les remercier de leur présence.

"Après toutes ces années, c'est un soulagement pour la famille, nous sommes très content", déclare-t-il à la presse en français.

"Le peuple a toujours été là malgré la propagande diffamatoire", affirme-t-il.


Funérailles de l'empereur Haïlé Sélassié, 25 ans après sa mort, en l'église Baata Mariam Geda
où les restes du Négus avaient été conservés depuis 1992 [photo Andre Maslennikov]


En revanche, les autorités seront absentes de toutes les cérémonies. Le gouvernement éthiopien dirigé par Meles Zenawi a autorisé la manifestation, établi un service d'ordre, mais réitéré publiquement ses critiques vis-à-vis du bilan qu'il considère désastreux du règne de l'Empereur. Quant aux médias gouvernementaux, radio et la télévision notamment, ils ont fait l'impasse sur l'évènement.

La procession a repris en direction de l'église Saint-Georges où Haïle Sélassié avait été couronné en 1930, pour se terminer à l'église de la Trinité (Haïle Sélassié signifie en amharique : puissance de la Trinité) où son corps reposera définitivement. Là une foule plus compacte et le corps diplomatique étaient réunis pour un dernier adieu au "Roi des rois" déposé dans le caveau impérial.

Renversé par un coup d'État militaire en septembre 1974 après 44 ans de règne, le Négus est mort à l'âge de 83 ans, dans la nuit du 26 au 27 août 1975. Le décès a été attribué officiellement à une "défaillance circulatoire", mais pour la majorité des historiens, Haïlé Sélassié a été assassiné par le nouveau régime révolutionnaire dirigé par Mengistu Haïlé Mariam, aujourd'hui en exil au Zimbabwe.

(Source AFP, Addis-Ababa, dimanche 5 novembre 2000, 15h10)


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Vingt-cinq ans après sa mort, l'Éthiopie a offert de nouvelles funérailles à son dernier empereur, le négus Haïlé Sélassié, dont les restes reposent désormais dans une crypte de la cathédrale de la Trinité à Addis-Abeba.


Funérailles de l'empereur Haïlé Sélassié, 25 ans après sa mort, en l'église Baata Mariam Geda
où les restes du Négus avaient été conservés depuis 1992 [photo Andre Maslennikov]

Devant le haut-clergé copte éthiopien, des vétérans du conflit de 1936-41 contre l'occupation italienne ont porté le cercueil du Négus, recouvert du drapeau impérial rouge, vert et or, dans la cathédrale.

Quelques milliers d'Éthiopiens avaient assisté au passage du cortège funèbre, qui a quitté l'église de Baata Mariam Geda, où l'Empereur reposait depuis 1992, pour rejoindre la place Meskel, la principale place d'Addis-Abeba d'où le petit-fils d'Haïlé Sélassié s'est adressé à la foule.

"Nous voulons réhabiliter son nom, mais pas seulement son nom, celui de l'Éthiopie aussi et notre propre histoire", expliquait Wolde-Semait Gebre-Wold, ancien responsable officiel du temps du Négus et l'un des principaux organisateurs de ces funérailles.

Aucun représentant du pouvoir n'assistait aux funérailles et l'évènement n'avait pas été annoncé par la presse officielle. Le gouvernement du Premier ministre Meles Zenawi, avait autorisé la cérémonie tout en affirmant clairement sa position sur l'héritage du Négus. Le gouvernement, qui n'avait fait jusqu'alors aucun commentaire sur l'Empereur, l'a qualifié la semaine dernière de "tyran et oppresseur".

Le corps de l'Empereur, décédé à l'âge de 83 ans, avait été découvert en 1992 sous une dalle de béton sur le site de son ancien palais, 17 ans après son décès en 1975, alors qu'il était placé en résidence surveillée après avoir été renversé par des officiers marxistes. Ras Tafari Makonnen avait été couronné en 1930 et pris le nom d'Haïlé Sélassié I.

Officiellement, Haïlé Sélassié est décédé à la suite de complications engendrées par des problèmes à la prostate. Mais la Fondation Haïlé Sélassié I, qui a œuvré pendant huit ans pour que le Négus puisse avoir des funérailles dignes du dernier empereur, estime qu'il a été tué. Deux de ses domestiques ont témoigné devant la justice qui souhaite poursuivre les membres du régime du colonel Mengistu Haïlé Mariam (1974-1971) pour la mort des opposants du régime et des fidèles de la dynastie qu'il avait été assassiné.

(Source AP, Addis-Abeba, dimanche 5 novembre 2000, 17h56)


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samedi 4 novembre 2000, 11h27

Le dernier empereur d'Éthiopie Haïlé Sélassié sera enterré dimanche en l'église de la Trinité d'Addis-Abeba, après une procession religieuse dans les rues de la capitale, vingt-cinq ans après sa mort dont les circonstances restent toujours mystérieuses.

Renversé par un coup d'État militaire en septembre 1974 après 44 ans de règne, le Négus est mort à l'âge de 83 ans, dans la nuit du 26 au 27 août 1975. Le décès a été attribué officiellement à une "défaillance circulatoire", mais pour la majorité des historiens, Hailé Sélassié a été assassiné par le nouveau régime révolutionnaire dirigé par Mengistu Haïlé Mariam, aujourd'hui en exil au Zimbabwe.

L'enterrement, dimanche, est organisé par la Fondation pour le Mémorial de l'empereur Hailé Sélassié qui regroupe principalement des anciens dignitaires de son régime. Le gouvernement éthiopien dirigé par Meles Zenawi a donné son autorisation à la manifestation, tout en maintenant publiquement ses critiques vis à vis du bilan désastreux du règne de l'Empereur.

Samedi, à la veille des obsèques, aucun signe ne laissait présager un évènement d'ampleur dans les rues de la capitale éthiopienne. "Les gens d'Addis-Abeba et des environs seront présents", a dit samedi à l'AFP l'un des membres du comité organisateur de la procession, M. Haïlé Mariam.

L'Église orthodoxe a apporté son soutien à ces funérailles de l'"Élu de Dieu, Défenseur de la Foi Chrétienne", qui sont les titres de l'Empereur. C'est sous son règne que l'Église orthodoxe d'Éthiopie (EOC) est devenue un Patriarcat indépendant d'Alexandrie.

Depuis jeudi, des prières sont célébrées dans plusieurs dizaines d'églises d'Addis-Abeba et les monastères du pays.

Le cortège funéraire quittera dimanche matin à l'aube l'église Taeka Negast Baata Mariam Geda où les restes du Négus avaient été transportés en 1992. Il empruntera ensuite un itinéraire d'une dizaine de kilomètres menant à la place Meskel, puis à l'église Saint-Georges, pour rejoindre enfin l'église de la Trinité (Haïlé Sélassié signifie en amharique : Puissance de la Trinité).

Un service religieux sera alors organisé par le patriarche d'Éthiopie, l'abouna Paulos, auquel ont été conviés les membres du gouvernement, les dignitaires religieux et les diplomates et représentants des organisations internationales, notamment de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) dont Haïlé Sélassié est l'un des pères fondateurs.

(Source AFP, Addis-Abeba, samedi 4 novembre 2000, 11h27)


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Le mythe de Haïlé Sélassié Ier continue de fasciner, malgré le discrédit constant porté par les dirigeants éthiopiens à l'encontre du dernier empereur d'Éthiopie.

Illustration de ce paradoxe, le Négus, 25 ans après sa mort, aura dimanche des funérailles publiques, mais pas officielles, ni nationales. Certes le régime du Premier ministre Meles Zenawi ne s'est pas gêné pour rappeler publiquement cette semaine le bilan social désastreux des 44 ans de règne de l'Empereur.

Mais l'on sent bien qu'en autorisant enfin une procession sur une dizaine de kilomètres dans la capitale éthiopienne pour s'achever avec le dépôt des reliques du dernier "Roi des rois" dans l'église de la Trinité, les autorités vont aussi laisser s'exprimer un hommage à un symbole de la Nation après les récentes victoires militaires dans la guerre contre l'Érythrée.

"Le mythe est toujours là, de différentes manières. Haïlé Sélassié est toujours en vie, avec nous, son legs est toujours avec nous, il a donné un prestige international à l'Éthiopie et a été un empereur réformateur en modernisant notamment le système éducatif", a expliqué à l'AFP Indrias Getachew, un universitaire qui doit publier prochainement un ouvrage intitulé "Au delà du Trône, le legs durable de l'empereur Hailé Sélassié".

Agé de 28 ans (il n'a pas connu le régime d'Haïlé Sélassié), il prend le contre-pied de l'opinion gouvernementale. Selon lui, durant le règne de l'Empereur, les premières écoles, universités (celle d'Addis Abeba fêtera son cinquantenaire au mois de décembre), le premier hôpital, la compagnie aérienne (Ethiopian Airlines), celle d'électricité, la radio et la télévision, une armée moderne ont été mises en chantier.

"Quel autre leader africain a eu une telle influence profonde non seulement sur le continent et fait une telle impression dans la conscience internationale", renchérit le Britanique Johnatan Niehaus, directeur de publication de Shama Books qui publiera le livre.

Autre facette du mythe, Hailé Sélassié est aussi un dieu pour les Rastafaris, ces Jamaïcains qui ont vu dans l'empereur d'Éthiopie la réincarnation de Jésus-Christ.

La vente des autocollants et des t-shirts à l'effigie du Ras Teferi Mekonen n'a jamais été aussi forte que ces dernières semaines et les jeunes d'Addis-Abeba n'ont jamais cessé de porter des bagues (en or, en argent) avec l'emblème de l'Empereur défunt.

Selon l'historien britannique Richard Pankhurst, spécialiste de l'Éthiopie, la population locale se souvient de l'Empereur comme "d'une figure nationale" tandis que dans le monde occidental, "les générations se souviennent de son discours prononcé devant la Société des Nations (SDN) qui a créé une image de dirigeant opposé à l'expansion du fascisme".

Incapable de résister plus longtemps à l'armée de l'Italie fasciste de Benito Mussolini, le monarque éthiopien avait lancé en juin 1936 à Genève un cinglant avertissement aux puissances étrangères en affirmant que si la SDN ne réagissait pas militairement à l'agression italienne, "elle creusait sa propre tombe".

Enfin, souligne le Dr. Pankhurst, pour le continent africain, durant la période coloniale, Haïlé Sélassié symbolisait "la résistance face à l'Italie" coloniale, "résistance à laquelle se sont identifiés bon nombre de mouvements d'indépendance".

Doyen des hommes politiques africains, il était considéré par ses pairs comme un "sage de l'OUA" ayant le cas-échéant soutenu bon nombre de dirigeants africains, dont l'ancien président sud-africain Nelson Mandela, dans leur lutte pour l'indépendance.

Dimanche 5 novembre, devant la quasi-totalité de la famille impériale et des milliers d'Éthiopiens, celui qui sous son impulsion, favorisa la création, le 25 mai 1963, de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) dont le siège central se trouve toujours à Addis-Abeba, recevra un "enterrement décent", selon Indrias Getachew.

En revanche, ses détracteurs soulignent qu'outre un pouvoir impérial absolu, il a fait preuve d'inertie face aux contestations estudiantines et celles des minorités ethniques, l'absence de réforme agraire et surtout de n'avoir pas pu réagir à temps lors de la terrible famine de 1974 dans le Wollo (nord-est) qui fit près de 200 000 victimes.

Beaucoup se souviennent d'une fin de règne pitoyable et des images du reportage du caméraman Jonathan Dimbelby montrant l'Empereur nourrissant avec tendresse ses chiens au plus fort de la famine.

(Source AFP, Addis-Abeba, vendredi 3 novembre 2000, 9h24)


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L'empereur Haïlé Sélassié - qui a été enterré publiquement le dimanche 5 novembre 2000 à Addis-Abeba - est né le 23 juillet 1892 à Egersa Jarso (Harar - est de l'Éthiopie) ;
21 septembre 1916 - Ras Tafari Makonnen devient régent et héritier du Trône ;
7 octobre 1928 - Ras Tafari est nommé Négus (Roi) ;
2 novembre 1930 - Tafari couronné Roi des rois (Empereur) prend le nom d'Haïlé Sélassié ;
3 octobre 1935 - Début de l'invasion italienne ;
Mai 1936 - Exil d'Haïlé Sélassié en Angleterre ;
20 janvier 1941 - Retour de l'Empereur en Éthiopie ;
5 mai 1941 - Retour à Addis-Abeba ;
19 mai - Capitulation italienne ;
19 décembre 1944 - L'Éthiopie reprend les attributs d'un État souverain ;
10 juillet 1951 - Vote de la constitution fédérant l'Érythrée et l'Éthiopie ;
14 décembre 1960 - Tentative de putsch du général Mengistu Neway ;
14 novembre 1962 - L'Érythrée devient province éthiopienne ;
25 mai 1963 - Signature de la charte de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) à Addis-Abeba ;
Mars 1964 - Début de l'irrédentisme érythréen ;
3 mars 1969 - Fermeture de l'université après des troubles étudiants ;
26 décembre 1970 - État d'urgence décrété en Érythrée ;
1973 - Famine ;
18 février 1974 - Grève des étudiants et des enseignants ;
26 février - Début du soulèvement militaire ;
7-11 mars - Grève générale ;
5 mai - Dernier discours public de l'Empereur ;
23 juillet - Dernière apparition publique de l'Empereur pour son anniversaire ;
12 septembre - Le Comité militaire d'administration provisoire (DERG) dirigé par Mengistu Haïlé Mariam dépose Hailé Sélassié et institue la loi martiale ;
17 mars 1975 - Abolition de la Monarchie ;
27 août 1975 - mort d'Haïlé Sélassié.

(Source AFP, Addis-Abeba, vendredi 3 novembre 2000, 9h29)


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Numéro spécial du Monde diplomatique : "L’Éthiopie bastion de l'indépendance africaine - Sa Majesté l’Empereur Haïlé Sélassié homme d’État de stature internationale" - À consulter pour découvrir un important dossier sur l'Éthiopie du début des années 60.

Lidj Seyoum Haregot, vice-ministre à la présidence du Conseil, ministre de l’Information par intérim : "La structure politique du paysRévisée en 1955, la Constitution insiste sur les droits et les devoirs du citoyen"

Ato Ketema Yifrou : "La coexistence pacifique active : base de notre politique étrangère"

Jean Doresse : "La plus ancienne nation indépendante du continent africain"

Lidj Seyoum Haregot : "La structure politique du pays à l’échelon national - Le ministère de l’information remplit une triple tâche : éduquer et informer, distraire"

"Cinq siècles d’amitié franco-éthiopienne"

"Le gouvernement met en application un programme d’industrialisation progressive"

"D’Addis-Abeba au port de Djibouti - La ligne gérée par la Compagnie franco-éthiopienne relie le pays a ses principaux débouchés commerciaux"

"Les principales caractéristiques de la voie ferrée"

"Une société française construira deux barrages sur l’Aouache"

"Un rapport sur les industries"

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"Une ville à la fois typique et moderne"

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"La légende de la reine de Saba"

"L’O.U.A. repose désormais sur des assises solides"

"La Commission économique pour l’Afrique a commencé ses travaux en 1958"

"Le palais de l’Afrique"

Pierre Terver : "La F.A.O. s’efforce de développer la production et la productivité agricoles"

"Sur de petites unités, les paysans cultivent une grande variété de produits"

"Les deux impératifs du commerce extérieur"

"Ethiopian Airlines fêtera le vingtième anniversaire de sa fondation"

"Une politique sanitaire centrée sur la prévention et l’hygiène"

"Le gouvernement multiplie les centres de développement communautaire"

"Priorité à l’enseignement primaire et à la formation de spécialistes"

André Caquot : "Une religion qui incarne l’esprit national"

Jules Leroy : "Une peinture faite pour instruire"

Georges Tubiana : "Aujourd’hui langue officielle, l’amharique s’est imposé en littérature à la fin du XIXe siècle"

Francis Anfray : "Une individualité accentuée caractérise les monuments du pays"

"À tire-d’aile au-dessus des provinces royales" :Doyenne de l’Afrique indépendante, berceau du Nil bleu, paradis caché de Rimbaud : l’Éthiopie se dévoile peu à peu aux touristes étrangers

"Participer à un safari en Afrique… Quel chasseur de gros gibier n’en a pas rêvé ?"

"Les églises monolithiques de Lalibela"


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Article constitué grâce à l'important dossier assemblé par le père Jean-Luc Duloisy : https://www.facebook.com/jeanluc.duloisy/posts/1646667122024097

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Souvenirs personnels…

C'était en septembre 1973… Chaque soir, vers 18 heures, l'on pouvait croiser dans les rues d'Addis-Abeba la voiture de l'empereur Haïlé Sélassié se rendant à l'office religieux… … Invitation à laquelle impossible de se soustraire : pénétrer un moment dans la cage des lions de l'Empereur… … Voici un pauvre billet de cinq dollars éthiopiens relique de cette époque, peu avant la barbarie communiste… qui en Éthiopie comme très souvent ailleurs en Afrique a précédé la sauvagerie sunnite… Asmara et l'Érythrée étaient encore dans l'Empire d'Éthiopie, malgré les chiftas qui dans le nord imposaient aux autorités l'état d'urgence et un couvre-feu sévère…






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L'Éthiopie célèbre Meskel, la Vraie Croix, celle retrouvée par sainte Hélène…

Fête de l'Exaltation de la Sainte Croix… de Maaloula… à Saint Julien le Pauvre

Addis Abeba EOTC to vote on the 6th Patriarch

Site officiel de l'Église orthodoxe tewahedo éthiopienne

Église éthiopienne orthodoxe

Nouvelles d'Éthiopie et de la Corne de l'Afrique : De Birhan



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