Comme le disait Orwell, en France, tous les citoyens sont égaux, certains sont seulement plus égaux que les autres. On pourrait rajouter que certains ne sont pas égaux du tout. L’intervention du député RN et doyen de l’Assemblée José Gonzalez, député de Gardanne — la circonscription de feu Bernard Tapie — fut perçue par la presse financée par l’État (le Monde, Libération) comme une « nostalgie de l’Algérie française » alors qu’il ne faisait qu’honorer les siens. Il est vrai que quand on évoque les siens déplacés de force par la guerre, il vaut mieux s’appeler Borne. Enfin, Bornstein… Le 5 juillet 2022, le soixantième anniversaire des massacres d’Oran a été commémoré dans le silence quasiment total de la grande presse.
Ce jeudi 5 juillet 1962 ne paraissait pas devoir être, à Oran, une journée plus angoissante que les autres. Contrairement aux craintes, il ne s’était rien passé le jour du référendum le 1er juillet, ou celui du 3 quand sept katibas de l’ALN avaient défilé dans Oran. Le chef local de l’ALN, le capitaine Djelloul Nemmiche, alias « Bachir Bakhti », avait déclaré hypocritement aux Européens : « Vous pourrez vivre avec nous autant que vous voudrez et avec toutes les garanties accordées par le GPRA. L’ALN est présente à Oran. Pas question d’égorgements. Bien au contraire, nous vous garantissons une vie meilleure que celle que vous connaissiez auparavant ».
De plus, il avait assuré que les réjouissances algériennes ne déborderaient pas en ville européenne… L’Armée elle-même n’avait-elle pas diffusé du 25 au 27 juin des messages radiophoniques déclarant : « Oranais, Oranaises, n’écoutez pas ceux qui vous mentent (sous-entendu, l’OAS). L’Armée est ici et restera pendant trois ans pour vous protéger». Mais les fils du désert n’ont aucune parole quand la promesse est faite à des goïm/roumis/gadjé (rayer la mention inutile). Dès l’aube, le Village Nègre (quartiers arabes) se mit en mouvement et, contrairement à ce qui avait été promis, ce furent des milliers de musulmans qui déferlèrent vers la ville européenne, s’étourdissant dans les cris, les chants, les youyous des femmes. Certains avaient un couteau, un fusil, une hache ou un gourdin. Les plus avertis se barricadèrent et on essaya de prévenir par téléphone les amis et la famille de ses craintes. Face à la cathédrale, une musulmane, après avoir poussé une série de youyous stridents, accroche le drapeau fellouze sur l’épée de la statue de Jeanne d’Arc qui ornait la place du même nom et, juchée sur le socle, effectue la danse du ventre comme une vulgaire sénatrice américaine(1).À 11h50, un silence inexpliqué alors que des responsables du FLN étaient là, semblant attendre un signe. Quatre coups de feu. C’était le signal. Plusieurs hommes partirent en courant dans toutes les directions, criant : « C’est l’OAS, c’est l’OAS qui nous tire dessus » entraînant par là-même la foule, ce rassemblement soi-disant pacifique, voyant soudain des hommes en armes qui tirèrent dans toutes les directions, notamment sur les sentinelles françaises en faction devant la mairie, le Château-Neuf (état-major de Katz) et l’hôtel Martinez qui hébergeait les officiers français. Après un moment d’hésitation, les soldats français ripostèrent à leur tour avant de se barricader.
Le récit du massacre transmis par des centaines de témoins prend sa place dans l’histoire aux côtés des tueries rouges espagnoles de 1936 ou du déferlement des troupes soviétiques en Allemagne, voire des troupes maghrébines tant en Italie en 1943 qu’en Allemagne en 1945.
Oran, seule grande ville d’Algérie à population européenne majoritaire et jusque-là relativement épargnée par les exactions des fellaghas, allait connaître le même réveil brutal que Dresde le 13 février 1945. Des centaines d’Européens seront enlevés. On égorge, on tue au revolver ou à la mitraillette,on pénètre dans les magasins et les appartements, on émasculera, on mutilera pour le plaisir, on arrachera les tripes des suppliciés, on remplira les ventres de terre et de pierraille, des têtes d’enfants éclateront contre les murs comme des noix, des hommes seront crucifiés, brûlés vifs ; des femmes seront violées, puis livrées à la prostitution. Au Village Nègre, les Européens encore vivants seront suspendus par le palais aux crochets d’abattoir.
D’ÉPOUVANTABLES SÉVICES
Très vite, les Européens qui ne s’attendaient pas à ce déferlement de violence furent pris en chasse. Heureux les morts, car le sort des disparus qui furent signalés par des témoins dans les mines de l’Algérie, dans des prisons sordides, dans des maisons closes et des bars à soldats, traités en esclaves ou torturés, fut pire (2). Le père Laparre de Saint-Sernin a témoigné dans Journal d’un prêtre en Algérie, dans lequel il relate avoir recueilli et soigné un malheureux Algérien frappé de terreur depuis qu’il avait, involontairement, assisté, au Petit Lac, à la décapitation à la hache d’un couple et de leur petit garçon d’environ cinq ans. Les appels au secours, les supplications et les prières à la Vierge de Santa Cruz de ce couple résonnaient encore aux oreilles de ce témoin. On est pris de frissons en lisant de telles monstruosités. Et surtout, ce dernier souvenir, ce père qui a raconté avoir retrouvé son fils de 18 ans pendu à un crochet de boucher aux abattoirs d’Oran, après avoir été torturé et égorgé.
Pendant ce temps, l’armée française se barricadait dans les postes de garde en position de surveillance. 18 000 soldats français — relevant de l’autorité du général Katz — attendent, l’arme à la bretelle, consignés dans leurs casernes. Un hélicoptère survola la ville. À son bord, le Général Joseph Katz essayait d’apprécier la situation. Le témoignage du pilote est accablant : « Nous survolons la ville, partout des gens qui fuyaient et des cortèges de bras en l’air, escortés par des ATO(3) ou des civils en armes. Nous avons survolé le Petit Lac, là aussi une foule compacte, bras en l’air, des gens qu’on faisait entrer dans l’eau et qu’on abattait froidement. J’ai hurlé : “Mon général, on abat des gens, je vois l’eau qui devient rouge de sang”. Le général m’a répondu : “Retour à la base”. » D’après le rapport des sentinelles, sur la place d’Armes, il y avait au moins vingt cadavres d’Européens affreusement mutilés. Quand ils apercevaient des véhicules de l’armée française, en proie à la terreur, ils tentaient d’y grimper, ils étaient la plupart du temps repoussés à coups de crosse. Un jeune appelé qui montait la garde dans une guérite d’une caserne oranaise vit venir à lui un groupe de Français affolés, hommes, femmes et enfants, tous terrorisés, qui le suppliaient d’ouvrir les grilles fermées. Il n’avait pas les clés. Il a appelé, supplié qu’on ouvre les grilles d’urgence… Mais déjà les tueurs avaient rejoint le groupe. Ces gens, hommes, femmes, enfants, ont été égorgés sous ses yeux, alors qu’ils s’agrippaient aux grilles fermées à double tour. Il n’a pas pu utiliser son fusil non chargé pour leur porter secours. L’ordre d’intervention fut donné aux gendarmes mobiles vers 14h30 seulement. Une heure plus tard, contre-ordre de rejoindre les casernes. Au cours du massacre, des militaires pris pour cibles désobéissent en ripostant, et « portent assistance à des civils en danger », notamment les marsouins de la 3e compagnie du 8e RIMa, le 2e Zouaves et surtout le lieutenant Rabah Khelif et sa 403e unité de force locale, seul officier français qui a eu le courage de désobéir aux ordres criminels de sa hiérarchie en se portant au secours de Français, sauvant des centaines de vies, ce qui lui valut d’être convoqué par le général Katz qui le fit sur-le-champ muter et rapatrier en métropole en lui disant : « Si vous n’étiez pas un Arabe, je vous casserais. »
Un jeune radioamateur a le réflexe de lancer des SOS au monde entier, via Saint-LysRadio, à la mi-journée. Y répondirent des navires de guerre américains, allemands, espagnols(4) stationnés en Méditerranée… Paris s’attendait à cette explosion de folie furieuse et avait ordonné à Katz « de ne pas bouger, de laisser faire », l’ordre de Paris, capté à la poste centrale vers 16 h 30, de faire cesser la tuerie, eut instantanément son effet. À 17 heures, la gendarmerie mobile, l’âme damnée du Général Katz, prenait enfin position, tout est consommé.
UN CRIMINEL GAULLISTE NOMMÉ KATZ
Pourquoi Katz n’a rien fait ? Une hypothèse qui en vaut une autre, celle d’un accord secret avec le colonel Houari Boumédiène, dont les troupes équipées de matériel flambant neuf stationnent à la frontière marocaine depuis 18 mois, avides de retourner en vainqueur au bled et bénéficiant dusoutien de DeGaulle. Accords d’Évian obligent, il doit attendre à Oujda les ordres de l’exécutif algérien, dont l’installation est prévue courant septembre à Alger. Cependant, comme le révéla ultérieurement la presse algérienne(5), dans la nuit du 30 juin au 1er juillet 1962, Benyoucef Ben Khedda prit la décision de dénoncer publiquement les « activités criminelles de trois membres de l’ex-état-major général » et de dégrader le colonel Houari Boumédiène et les commandants Ali Mendjeli et Ahmed Kaïd. La raison de cette destitution était l’appel lancé au G.P.R.A. par le Comité inter Wilayas. Le limogeage par Ben Khedda des membres de l’État-Major Général provoqua l’implosion du gouvernement. Mohammed Khider remit sa démission, et craignant pour sa vie, Ben Bella quitta précipitamment Tunis pour Tripoli où il se désolidarisa du G.P.R.A. La démission de Khider et la prise de position de Ben Bella en faveur de l’État-Major Général enclenchèrent le processus dedestitution du gouvernement au profit du Groupe de Tlemcen (ou Clan d’Oujda) en formation. Houari Boumédiène obtient alors l’assurance que le Général Katz ne viendra pas contrarier ses plans et qu’il s’engage à contraindre ses 18 000 hommes présents dans le centre d’Oran à rester l’arme au pied en cas de problèmes. Cela dans le but de passer outre la déchéance prononcée par le G.P.R.A. Boumédiène envoie dans le même temps une équipe « d’hommes de mains » à Oran(6), prête à déclencher des désordres suffisamment importants pour justifier son entrée rapide en Algérie. Il fera ainsi la preuve que le G.P.R.A. est incapable de maîtriser une crise majeure et pourra s’emparer du pouvoir, mettant en avant « son ami Ben Bella »(7) Cela expliquerait les raisons pour lesquelles le Général Katz assiste impassible, depuis son hélicoptère, entre 13 heures et 14 heures, à la chasse et à l’assassinat de ses compatriotes. L’armée de Boumédiène roule pendant la nuit du 5 au 6 juillet, arrive et s’installe à Oran… dès le matin du 6 juillet 1962, pour ramener le “calme” dans la ville…
Personne ne pourrait croire, et les militaires encore moins, que l’on peut mettre en marche une armée de plusieurs milliers d’hommes et de véhicules au repos, sur un simple appel téléphonique, et la propulser dans ce temps record, à plus de 200 kilomètres de distance, malgré l’interdiction signée à Évian. Cette hypothèse qui a le mérite de la probabilité permet de répondre à bien des questions, notamment sur l’origine des coups de feu.
Reste maintenant à “gérer” : dans la ville arabe et au Petit Lac, une odeur fétide régnait. L’on pouvait voir les viscères des malheureuses victimes et, sur un mur, tracé d’une main maladroite, l’on pouvait lire : « Les boyaux des Français »… Et toujours cette liesse, et toujours ces cris « Mort aux Chrétiens »… Les jours suivants, les bulldozers du Génie, sur ordre du général Katz, iront vite enterrer et étouffer à la chaux vive un charnier devenu pestilentiel. Il le restera des années, les jours de forte chaleur. Katz poussera l’ignominie à donner comme bilan une centaine de morts, 25 Européens et 76 Algériens « tués par des éléments résiduels de l’OAS, ou par des Français qui tentaient de se défendre. D’autres ont été écrasés par les mouvements de foule, ou sont tombés sous les tirs de soldats français postés devant leur caserne, ou encore ont été exécutés sans sommation par les militants du FLN qui tentaient de sauver des Européens ». Le bilan réel fut de 3 000 morts. Quoi qu’il en soit, alerté par la présence éventuelle d’un charnier à la décharge de Petit-Lac, Katz enverra un officier de gendarmerie vérifier, puis déclarera que ce ne sont qu’« allégations invraisemblables ». Cette négation des crimes du FLN — dont il fut complice(8), ce qui lui valut une plainte avec constitution de partie civile et permettra l’instruction d’un procès pour complicité de génocide, qui sera éteinte par sa mort — sera poursuivie par ses soutiens français(9).
Côté FLN, lors d’une conférence de presse au collège Ardaillon le 10 juillet, Bakhti attribuait les massacres d’Européens à une bande de malfaiteurs et de dissidents, dirigée par un certain Mouedenne Attou. Version officielle : encerclés le 9 par deux bataillons de l’A.L.N., Attou avait été tué et deux cents dissidents arrêtés. Ils seraient jugés. Or Attou avait été éliminé par l’O.A.S. plusieurs semaines auparavant…
Hocine Aït-Ahmed, un des « chefs historiques du FLN », déclarait en juin 2005 : « Plus qu’un crime, une faute. Une faute terrible pour l’avenir politique, économique et même culturel, car notre chère patrie a perdu son identité sociale. N’oublions pas que les religions, les cultures juive et chrétienne se trouvaient en Afrique du Nord bien avant les Arabo-musulmans, eux aussi colonisateurs, aujourd’hui hégémonistes. Avec les Pieds-Noirs et leur dynamisme — je dis bien les Pieds-Noirs et non les Français —, l’Algérie serait aujourd’hui une grande puissance africaine, méditerranéenne. Hélas. Je reconnais que nous avons commis des erreurs politiques, stratégiques. Il y a eu envers les Pieds-Noirs des fautes inadmissibles, des crimes de guerre envers des civils innocents et dont l’Algérie devra répondre au même titre que la Turquie envers les Arméniens. ». Ces propos ne doivent pas faire oublier que le commissaire politique adjoint Areski, syndicaliste à l’UGTA et partie prenante dans le massacre de Melousa, promettait, qu’à l’appel à la djihad, les peuples musulmans déferleraient sur l’Afrique du Nord pour aider le FLN à chasser les Français ; on se partagerait ensuite les biens et les femmes de ceux-ci… Et ceux qui n’ont pas voulu l’Algérie française risquent fort de se réveiller un matin avec la France algérienne, le recul du monde blanc, européen et chrétien ne cessant partout de s’aggraver.
1. Tiara Mack, représentante afro-américaine du 6e district du Sénat de l’État du Rhode-Island (Providence) s’est ainsi illustrée sur les réseaux sociaux en postant une vidéo d’elle faisant le poirier en bikini tout en faisant tressauter son opulent postérieur. Agée de 28 ans, elle incarne « le renouveau » du Parti Démocrate. Donald John Trump peut reprendre des moules…
2. Comme en témoigne Geneviève de Ternant dans ses ouvrages.
3. Auxiliaires de l’armée nationale populaire.
4. Les 29 et 30 juin 1962, l’Espagne du général Franco vint au secours des Oranais en affrétant deux ferrys, le Victoria et le Virgen de Africa.
5. El Watan, 26 décembre 2006.
6. Curieusement, l’adjoint de Boumédiène, un certain “Abdelkader”, autrement dit Abdelaziz Bouteflika, était dans les salons du Grand Hôtel de la place de la Bastille à Oran…
7. Dont le ralliement à Boumédiène fut négocié par Bouteflika.
8. Allant jusqu’à convoler avec sa gouvernante algérienne Zohra Zenasni de 36 ans sa cadette.,
9. Notamment Pierre Daum qui dans Le Monde diplomatique du 14 février 2012, reprend les mensonges de Katz.
H.deF.
pour Rivarol n° 3528 daté du 20 juillet 2022