Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

lundi 23 janvier 2017

Le Palais Azem et le Musée des Arts et Traditions populaires



Le Palais Azem [Qasr al-Azem- قصر العظم] est la plus célèbre et impressionnante des résidences historiques de Damas. C'est Assad Basha al-Azem [أسعد باشا العظم], gouverneur ottoman de Damas de 1743 à 1757, qui en 1749 se fit construire cette magnifique résidence sur les fondations d'un ancien palais bâti sous le gouverneur mamelouk Tankiz [تنكيز] (1312–1340) - certains vestiges du palais de Tankiz ont été confiés aux collections du Musée national [المتحف الوطني].




Assad Basha al-Azem [أسعد باشا العظم] appartenait à l'influente famille al-Azem [العظم] qui a gouverné plusieurs villes au Liban et en Syrie durant le XVIIIe siècle. Avant d'hériter à la mort de son père en 1743 du poste de gouverneur de Damas, Assad Basha al-Azem [أسعد باشا العظم] résidait à Hama [حماة] où il avait déjà bâti un palais. Les autorités ottomanes étaient particulièrement attentives aux actes du gouverneur de Damas dont elles attendaient qu'il garantisse la sécurité des caravanes du pèlerinage qui chaque année se dirigeaient vers La Mecque et Médine, une mission d'une importance majeure pour le sultan ottoman. C'est pour l'accueil de ces caravanes que Assad Basha al-Azem décida de la construction, à proximité de son palais, d'un khan, le Khan Assad Basha [خان اسعد باشا] - ces obligations et attentions envers les pèlerins musulmans n'empêchèrent point que sous le gouvernorat d'Assad Basha al-Azem  la population chrétienne connut une certaine prospérité. Cependant au fil des années la relation d'Assad Basha al-Azem avec les autorités ottomanes se dégradèrent jusqu'à sa destitution en 1757 puis son exécution, accusé de négligences lors d'une attaque bédouine contre une caravane de pèlerinage…

Alors que vers 1830 le Palais Azem avait été partiellement reconstruit… vint la Grande Révolte syrienne [الثورة السورية الكبرى] conduite par Sultan al-Atrach. La ville de Damas est bombardée pendant trois jours par les troupes du général Gamelin - celui-là même qui par son incompétence sera l'un des principaux responsables du désastre militaire français en mai 1940 et à qui DeGaulle devra en avril 1940 sa promotion au grade de général à titre temporaire ! -. Un incendie embrase le 20 octobre 1925 une zone de 45 000 mètres carrés, le périmètre de l'actuel district "al-Hariqa" [الحريقة]. Situé dans ce périmètre, le Palais Azem est lourdement endommagé. "Al-Hariqa" [الحريقة], La Brûlée s'inscrira définitivement dans la mémoire collective des Damascènes ! Les travaux remarquables et toute la sollicitude de Michel Écochard pour Damas et cette Syrie qu'il aima tant n'y changeront rien…

L'architecte Michel Écochard arrive en Syrie en 1930 pour travailler au service des Antiquités. Il se forme aux disciplines archéologiques et acquiert une remarquable connaissance de la ville antique de Damas. Il étudie et réalise alors plusieurs projets d'architecture. Parmi ses réalisations, près de la Takiya al-Soulaymaniya, le Musée national, musée archéologique… et, dans la vieille ville, la rénovation du Palais Azem, siège de l'Institut français d'Archéologie… En 1951 le gouvernement syrien achète la résidence et l'ouvre en tant que musée trois ans plus tard.

Situé dans le district "al-Hariqa" [الحريقة], la Brûlée, le palais Azem fut lourdement endommagé par l'artillerie française en 1925

Nous voilà donc baignant émerveillé au sein cette autre splendeur de la vieille ville de Damas, le Palais Azem, joyau de l'architecture arabo-ottomane. La construction du palais a combiné une variété de pierres, calcaire, grès, basalte, marbre, offrant des contrastes naturels à l'aspect de la structure. Le Palais Azem abrite le Musée des Arts et Traditions populaires [متحف التقاليد الشعبية والصناعات اليدوية]…

Très vite nous en saisissons l'organisation en deux espaces bien distincts, le salāmlik, réservé aux hommes et donc plutôt public, et celui voisin, le ḥaramlik, réservé aux femmes et donc jadis privé.





Le visiteur pénètre donc dans le palais par le salāmlik… pour découvrir une grande cour bordée d'arbres, rafraîchie par plusieurs fontaines et des pergolas ombragées de vigne et de jasmin… Dans ce salāmlik sont regroupées la plupart des salles, toutes ornées de plafonds en bois peint présentant des scènes naturelles et affichant chacune selon son thème une collection d'objets domestiques et décoratifs fins ainsi que des meubles des XVIIIe et XIXe siècles. Nous découvrirons ainsi une salle de classe reconstituée d'une médersa, une salle dédiée aux instruments de musique, une salle de réception, la chambre de la mariée, celle de la belle-mère, la chambre du roi Fayçal, la salle du pèlerinage, le café populaire, la salle des armes, le hammam ainsi que la grande salle de réception. Un éblouissement qui de salle en salle ne s'éteint jamais…

Le ḥaramlik, ou aile familiale, est situé dans la partie sud du complexe et était un espace privé pour les familiers de la maison. Cette aile comprend la cuisine, les quartiers de serviteurs, et les bains, qui sont une réplique des bains publics dans la ville mais sur une plus petite échelle. Du côté du ḥaramlik, on peut visiter l'atelier des tisserands, celui des artisans, des souffleurs de verre ainsi qu'une vaste collection de costumes traditionnels de toutes les régions de Syrie.

Comment après cette visite ne pas se sentir imprégné de culture syrienne, plus particulièrement damascène ? Il sera alors bon de retourner flâner et rêver dans la cour, sous la verdure, et bercés du chant des oiseaux se laisser emportés près de trois siècles en arrière…


















Au café populaire


La chambre de la belle-mère


La chambre de la mariée


À la médersa, toute la fierté du nouveau diplômé !


Le palais Azem : entre splendeur et misère in Renaud Avez : L’Institut français de Damas au Palais Azem (1922-1946) à travers les archives chapitre II

Sabbagh Carine, « Damas, la reconnaissance patrimoniale en question », Autrepart, 1/2005 (n° 33), p. 71-88.

Facebook : Palais Azim

Pour l'Histoire :
Anne Bruchez : "La fin de la présence française en Syrie : de la crise de mai 1945 au départ des dernières troupes étrangères"

École spéciale militaire de Saint-Cyr (ESM) et École militaire interarmes (EMIA) : L'Armée française et la Grande Révolte druze (1925-1926)

Prise de Damas en 1920 par le général Goybet : Récit d'Henri Goybet ; Presse du Monde et reportage de l'Illustration



Le Khan Asa'ad Bacha et le souk al-Bzouriyeh



"Au milieu du Bazar de Damas, je trouve le plus beau kan de l'Orient, le kan d'Hassad-Pacha. C'est une immense coupole dont la voûte hardie rappelle celle de Saint-Pierre de Rome ; elle est également portée sur des piliers de granit. Derrière ces piliers sont des magasins et des escaliers conduisant aux étages supérieurs où sont les chambres des négociants. Chaque négociant considérable loue une de ces chambres, et y tient ses marchandises précieuses et ses livres. Des gardiens veillent jour et nuit à la sûreté du kan ; de grandes écuries sont à côté pour les chevaux des voyageurs et des caravanes ; de belles fontaines jaillissantes rafraîchissent le kan ; c'est une espèce de bourse du commerce de Damas. La porte du kan d'Hassad-Pacha, qui donne sur le bazar, est un de ces morceaux d'architecture moresque les plus riches de détail et les plus grandioses d'effet que l'on puisse voir au monde. L'architecture arabe s'y retrouve tout entière. Cependant ce kan n'est bâti que depuis quarante ans. Un peuple dont les architectes sont capables de dessiner et les ouvriers d'exécuter un monument pareil n'est pas mort pour les arts…"
Alphonse de Lamartine : "Voyage en Orient", 1833




Sortis du palais Azem, étourdis après cette chute dans un passé somptueux, nous sommes brusquement replongés dans le présent… Nous nous arrêtons un instant à l'angle du souk al-Bzouriyeh [سوق البزورية]… Nous nous régalons d'un grand verre de jus de grenade… Juste le temps de reprendre nos esprits et d'un retour dans le réel. Dilemme. Prendre à droite vers le nord et la mosquée des Omeyyades [الجامع الاموي] ou nous aventurer et nous perdre dans les allées du souk al-Bzouriyeh ?… Un franc retour dans le réel s'impose, aussi nous marquerons un temps avant la visite de cette autre merveille qu'est la mosquée des Omeyyades… Nous nous engageons vers le sud, les sens saisis par les couleurs et senteurs d'une multitude d'échoppes… Là, épices à profusion, miels succulents, bonbons et friandises acidulées de toutes formes et couleurs… Boutiques d'apothicaires avec leurs improbables remèdes et gris-gris… Savons d'Alep et autres cosmétiques…


L'entrée du souk al-Bzouriyeh [سوق البزورية], au niveau du Palais al-Azem…
en poursuivant notre chemin nous trouvons sur la gauche le Khan Asa'ad Bacha,  puis le Hamman Nour ed-Din

C'est dans cette allée centrale du souk al-Bzouriyeh que se présente le porche du khan Assad Basha [خان اسعد باشا]… ce caravansérail construit en 1752 par Assad Basha al-Azem [أسعد باشا العظم] près de son palais. Ce khan devait d'abord accueillir les caravanes de pèlerins se rendant à La Mecque puis également les autres voyageurs et caravanes commerciales…
On entre dans le khan Assad Basha (خان اسعد باشا), sur son côté ouest, par une porte monumentale ornée de sculptures de pierre et mouqarnas. Le khan est construit sur un plan carré et une grande cour centrale couverte de huit dômes. Autour, deux étages à galerie avec chambres, à l'origine quatre-vingt, pour l'accueil des voyageurs. Le khan s'étend sur 2 500 mètres carrés. Ses murs affichent des bandes alternées de basalte noir et de calcaire blanc. Récemment restauré et site du patrimoine culturel syrien, le complexe offre en permanence une buvette autour de la grande fontaine toujours jaillissante au centre de la cour. Souvent y sont présentés des expositions d'art et d'autres événements culturels.















Carnet de voyage en Syrie, avril 2018





Le Hammam de Nour ed-Din al-Shaheed, son Bîmâristân et sa Madrasa…



Sur le souk al-Bzouriyeh [سوق البزورية]… entre le palais Azem et la Via Recta [الشارع المستقيم], dissimulée parmi les échoppes d'épices et fruits confits, l'entrée du hammam Nour ed-Din al-Shaheed [حمام نور الدين الشهيد], le plus ancien des bains de Damas…

Ce hammam a été construit sur l'ordre de Nour ed-Din après la prise de la ville de Damas en 1154… L'activité de ce hammam devait contribuer au financement d'une médersa, la  Madrasa al-Nuriyya al-Kubra [المدرسة النورية الكبرى] ainsi que d'un hôpital, le Bîmâristân al-Nuriyya [البيمارستان النورية الكبرى], financement auquel s'ajouta la rançon d'un roi franc fait prisonnier durant une croisade !

À l'entrée, la salle de repos (al-maslakh), datant de la période ottomane, avec ses arches et sa coupole est somptueuse et exceptionnellement grande. Dans ses six iwans à symétrie axiale s'y étalent avec opulence de magnifiques tapis tandis qu'une fontaine octogonale et ses marbres ajoute au ravissement. Étant la seule partie du hammam exempte de vapeur, de jolis meubles et accessoires en bois se joignent à la beauté du lieu. C'est la salle de déshabillage. De petites niches sous des bancs de pierre, ou mastaba, recueillent les chaussures d'extérieur échangées pour des sandales à semelle de bois. Après le bain ce sera un lieu de repos et de relaxation agrémenté d'un verre de thé… Les femmes sous réserve d'une grande discrétion ne devront se satisfaire que d'un coup d'œil à cette salle d'entrée…























Au-delà du maslakh les hommes à l'occasion d'un bain accéderont aux salles d'eau et de vapeur, paradis de bien-être pour le corps… Ces salles ont conservé leur beauté architecturale originale avec leurs toitures en dômes… Trois espaces à température de plus en plus élevée se succèdent… D'abord un espace tempéré à environ 20°, le bārid (frigidarium) non chauffé ; puis l'espace central, le wastānī (tepidarium), modérément chauffé vers 32°, salle de soins, tels massage et épilation ; et enfin le ḥarāra (caldarium), espace chauffé à  42/48°, la vapeur étant projetée dans cette pièce par des évents liés au réduit adjacent du four, le beit al-nar










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Pour compléter les soins, un coiffeur dans le hall d'entrée du hammam




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Ce hammam Nour ed-Din al-Shaheed, le plus ancien établissement de bains à Damas et l' une des principales constructions de Nour ed-Din devait contribuer, nous l'avons noté plus haut, au financement et au fonctionnement d'un hôpital et d'une médersa… connus aujourd'hui comme étant  le Bîmâristân al-Nuriyya [البيمارستان النورية الكبرى] et la Madrasa al-Nuriyya al-Kubra [المدرسة النورية الكبرى] situés à proximité… Une invitation à visiter ces lieux lors d'un prochain voyage… 

Le Bîmâristân al-Nuriyya, s'il perpétue de nos jours le souvenir des hôpitaux célèbres de l'Islam, abrite aujourd'hui le Musée de la Médecine et des Sciences arabes.  








Bîmâristân al-Nuriyya, Al-Harika, Mohammad Musallam Abdin Street - المدرسة النورية الكبرى


Nour ed-Din (نور الدين) est décédé dans la citadelle de Damas [قلعة دمشق] où il a d'abord été inhumé. Ce n'est que plus tard que son corps a été transféré à la médersa al-Nuriyeh [المدرسة النورية], aujourd'hui aussi désignée Mosquée Nour ed-Din al-Shahid [جامع نور الدين الشهيد]…

Dômes de la Médersa funéraire de Nour ed-Din


Tombeau de Nour ed-Din


Madrasa al-Nuriyya al-Kubra, Al-Harika, Souk Al-Khayateen - المدرسة النورية الكبرى


Hammam Nur al-Din (Hammam al-Bzuriyyeh)

Tourist Attractions in Al-Harika



Le souk as-Sagha, souk des Orfèvres et le souk al-Qabaqbieh vers el-Noufara



Le souk des Orfèvres à Damas - سوق الصاغة

Souk as-Sagha [سوق الصاغة], point de passage quasi obligé pour tout visiteur… Un léger crochet sur la gauche au niveau de Palais Azem et le souk as-Sagha prolonge le souk al-Bzouriyeh au nord, conduisant à la mosquée des Omeyyades… C'est le souk des Orfèvres de la Vieille Ville. Des commerçants pour la plupart chrétiens. De minuscules boutiques aux intérieurs ruisselant d'or. Un trébuchet trône sur chaque comptoir. Ici tout s'évalue au gramme…

L'extrémité nord du souk as-Sagha butte sur la muraille sud de la mosquée des Omeyyades, c'est le souk al-Qabaqbieh [سوق القباقبية]… À cet angle mon marchand de jus de grenade [رمان] préféré… Comment ne pas succomber à la tentation de ces superbes grenades, à savourer sans modération…  Les grenades se conservent parfaitement tout l'hiver, et mûres à point leurs jus est encore plus délicieux en cette saison froide… 

Le marchand de jus de grenade du souk al-Qabaqbieh

Bifurcation à l'ouest, et c'est l'esplanade de la mosquée des Omeyyades ; l'est c'est le souk al-Qabaqbieh, ses boutiques de souvenirs bon marché, puis tout à l'est après un crochet c'est la rue el-Noufara et son fameux café [مقهى النوفرة]…


Sud-est de la mosquée des Omeyyades et le minaret de Jésus, sur le souk al-Qabaqbieh


Le souk al-Qabaqbieh et ses boutiques d'artisanat bon marché


Les bimbelotiers du souk al-Qabaqbieh


Le souk al-Qabaqbieh, vers le café el-Noufara [مقهى النوفرة], un vendredi matin


Le café el-Noufara [مقهى النوفرة], un lieu de rendez-vous incontournable…

"أسواق دمشق القديمة"
من أشهر أسواق دمشق القديمة 
Les plus intéressants des souks du Vieux Damas :
سوق الحميدية
سوق البزورية
سوق القباقبية
سوق الصاغة
سوق الحريقة
سوق العطارين
سوق مدحت باشا
سوق النحاسين
سوق الحرير
سوق الجمرك
سوق الصقالين
سوق مردم بك
سوق السكرية
سوق باب الجابية
سوق العتيق
سوق الذراع
سوق ساروجة
سوق المسكية


Damas : la vieille ville

Carnet de route : La Syrie - 2010

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