Pour ceux qui le désirent, Philippe de Villiers signera son ouvrage à la fin de sa conférence.
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Nouvelles de la France qui vient : une œuvre politique
La joie de la vie, c’est la rencontre d’êtres surprenants. Étonnants, aurait dit Aristote, pour qui l’étonnement est le commencement de la réflexion philosophique. On éprouve un sentiment de cette nature en rencontrant Philippe de Villiers, comme homme, comme créateur de spectacles, comme écrivain, avec cette première conséquence, si difficile à admettre en notre temps où tout doit être classé, rangé, étiqueté… qu’il est vraiment inclassable.
Politiquement, j’entends pour la politique électorale, on l’a vu, et lui-même en a souffert car si, à l’échelle de sa province, il a été, aisément, un chef élu et reconnu, à l’échelle de la monstruosité présidentielle, la richesse de sa personne n’était plus un atout, mais un handicap. Le suffrage universel, qui est une lourde masse conservatrice, sommaire et binaire, et qui devient plus sommaire et plus binaire encore quand le nombre des votants et le mode de scrutin accroissent ces simplifications, sentait confusément que ce candidat n’entrait pas dans l’une des deux cases obligatoires. Et ce n’est pas une petite observation que de constater l’impuissance d’un homme d’une telle qualité à s’imposer dans ce système. À elle seule, cette constatation est la condamnation du système, qui manifeste ainsi qu’il n’est pas fait pour la sélection des meilleurs, mais pour leur systématique éviction.
L’originalité de Philippe de Villiers, qui fut un obstacle à la réalisation de ce qu’il croyait être son devoir politique : conquérir la présidence de la République est, au contraire, un atout majeur dans ce qui constitue la vie en vrai. Le Puy du Fou, son œuvre – il en est défini comme « le créateur » – n’existe que là, et pas ailleurs. Tous ceux qui ont tenté de faire, de leur côté, à leur manière, un « puy du fou » ont été contraints de reconnaître que, comme tous les grands chefs-d’œuvre, la réussite est admirable et non imitable. Le « grand parcours » peut, administrativement, être qualifié « parc d’attraction », mais cette rubrique pour dépliant touristique ne dit rien de l’alchimie unique qui crée, en vous, quand vous entamez sa découverte, une plénitude émouvante et heureuse que nul autre « parc » ne pourra vous donner, parce que nulle part ailleurs l’âme de la France ne retrouve son peuple d’aujourd’hui, comme dans ces spectacles qui sont, chacun, comme un instant d’une symphonie toujours renouvelée. La foule qui s’y presse joue sa part dans le concert et, de cette participation, vient le sentiment d’unité qui est le plus rare et le plus doux au cœur de l’homme.
Avec le Roman de Charette, le créateur du Puy du Fou ouvrait un nouveau genre littéraire. Se coulant dans la peau de son héros, parlant à la première personne, l’auteur entraîne son lecteur dans la confidence et, comme la foule dans le chemin creux de la Vendée, s’arrête, écoute et prie, celui qui tient le livre sent son cœur battre aux émotions du général de l’armée catholique et royale et monter avec lui vers le sacrifice suprême « sommes la jeunesse du monde, Monsieur ».
Charette, c’est le héros. Saint-Louis, c’est le roi.
Et c’est du roi – du prince chrétien tel qu’il fut et tel qu’il doit être – que Philippe de Villiers, parlant à la première personne, a écrit le roman.
À part Jeanne d’Arc, il n’y a rien de plus haut dans l’histoire de France que saint Louis. Parce que saint Louis fut canonisé comme roi et que, comme dit la chanson, ce sont les rois qui ont fait la France. Quand Louis XVI, sous le nom révolutionnaire et prophétique de Louis Capet, gravit les marches de l’échafaud, l’homme de Dieu lui dit « Fils de saint Louis, montez au Ciel ! » Dans ce sacrifice sanglant, que tant d’historiens ont pris pour une fin de régime, c’est un renouvellement de la déréliction de Louis IX sur son lit de cendres, de Jeanne sur le bûcher de Rouen, qui s’écrit dans la geste de Dieu par le royaume des Francs, en prémices des reviviscences.
Le livre de Philippe de Villiers est le témoignage vivant de cette renaissance. Par là, ce livre est beaucoup plus qu’un roman, une biographie, une histoire, un chant. C’est un œuvre et une œuvre politique. Car celui qui écrit est aussi présent, avec son tourment, sa souffrance, ses angoisses, ses échecs, mais aussi sa force, son enthousiasme, son espérance, que le beau chevalier fils de Charlemagne et de Philippe-Auguste qu’il fait parler pour nous. Et, en les suivant tous les deux, nous sentons palpiter dans notre cœur les mêmes angoisses – l’angoisse de la patrie – les mêmes joies, les mêmes rêves – Jérusalem, si je t’oublie ! – les mêmes peines, les mêmes deuils, les mêmes amours. La mère, le père, le grand-père, les frères, les sœurs, l’épouse, les enfants, la guerre, la victoire, les glorieuses incertitudes des batailles, la maladie, le revers, la défaite, mais aussi la ville et les villages, les contrées, les lois, les églises, les abbayes, l’université, le savoir, le rire, l’heure, à table, du quolibet… la vie, quoi ! la vraie, celle du royaume de France.
C’était il y a huit cents ans. C’est aujourd’hui. C’était Louis IX, roi de France. C’est Philippe de Villiers qui aime la France et les rois de France et qui, surtout, aux foules sans cesse renouvelées de la France d’aujourd’hui, enseigne, montre, fait sentir le charme invincible du royaume de France.
Savons-nous pourquoi nous sommes faits ? Au soir de sa courte vie – 40 ans – Frédéric Ozanam écrivait à son ami Ampère que le sacrifice le plus difficile que lui imposait cette jeune mort qu’il voyait venir était le renoncement à faire cette belle synthèse où il aurait chanté la gloire du christianisme par les beautés de la civilisation qui lui devaient leur essor, sans s’apercevoir que son œuvre entière n’était rien d’autre, au travers des nombreux savoirs qu’il avait enseignés à la jeunesse, que ce chant à « la gloire temporelle du christianisme ».
Le jeune énarque, sous-préfet de Vendôme, qui démissionne avec fracas de la fonction publique, en 1981, pour ne pas être le valet distingué d’un pouvoir socialiste et devient, avec femme et enfants, le saltimbanque d’un improbable spectacle régional d’un genre indéfini, puis un député, puis un ministre, puis un président du Conseil général, puis un candidat à la présidence de la République, et se retrouve, aujourd’hui, libéré de ses entraves, le trouvère « du plus beau royaume qu’on ait vu sous le ciel », a-t-il trouvé la voie que le maître de son destin avait tracée pour lui ?
La question est vaine, car il n’y a aucune contradiction dans ce parcours qui, au travers de fonctions exercées et de candidatures vaines, de réussites ou d’échecs, n’est tendu que dans une seule direction : le service et l’amour de la France.
Aux heures les plus sombres de notre histoire, Sacha Guitry avait choisi de consoler la France malheureuse en lui donnant un beau passé. Eric Zemmour, dans Le Figaro du 14 septembre, voit dans ce livre « l’histoire comme arme politique ». En réalité, ce nouveau genre littéraire de ciné-scénie sans image, est plus qu’une arme. C’est une œuvre qui remue, qui entraîne, qui enseigne et qui, ainsi, construit.
Le royaume de France que ce républicain de nécessité essayait de rebâtir, il est là, sous nos yeux. Il vit toujours, sans savoir seulement qui il est. Lui manque seule une prise de conscience, dans les quelques-uns qui donnent le ton et font l’histoire. Ce livre, et l’homme qui l’a écrit, sont de ces quelques-uns.
L’histoire suivra, inéluctablement.
Jacques Trémolet de Villers