Le prétendu tueur de Toulouse y est encensé, lors du prêche d'un ex-chef du Front islamique du salut.
L'affaire Merah n'en finit pas de rebondir des deux côtés de la Méditerranée. Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, a signé une lettre adressée au garde des Sceaux, Michel Mercier, lui demandant d'engager des poursuites contre les participants à un prêche filmé du 30 mars 2012 et diffusé sur YouTube. Le prétendu tueur de Toulouse, Mohamed Merah, y est érigé en véritable modèle pour les musulmans, qualifié de « Lion », ses crimes étant justifiés par des interprétations du Coran.
Or cette prière collective, organisée quelque part au Maghreb, n'est pas orchestrée par n'importe qui. À l'image, le maître de cérémonie n'est autre que le Tunisien Ali Belhadj, cofondateur, avec Abassi Madani, du Front islamique du salut (FIS), ce parti islamiste radical interdit en Algérie dans les années 1990. Belhadj avait été longtemps emprisonné, avant d'être amnistié par Alger, puis de retourner quelque temps en prison pour « atteinte à la sûreté de l'État ». Aujourd'hui libre, il n'a pas renoncé à l'action prosélyte. Son fils Abdelkahar Belhadj, membre d'al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), a été tué le 25 juillet 2011 par l'armée algérienne alors qu'il se dirigeait vers Alger pour préparer un attentat, selon les autorités du pays.
Dans la vidéo provocatrice, on voit ce religieux influent, visage de cire, assis en tailleur, ouvrir la séance des détestations. « Hier, j'ai vu cet homme méprisable, le Français Sarkozy… », lance-t-il aux fidèles. « J'ai vu le père de Merah, Allah ait pitié de lui », dit-il. Et d'ajouter, évoquant le prétendu tueur de Toulouse: « Il devrait être enterré en terre musulmane et des prières devraient être dites pour lui. »
Une sorte de transe collective
Puis vient la séquence où il invite ceux qui l'entourent à dire tout le bien qu'ils pensent du prétendu terroriste de Toulouse et Montauban, auquel qui sont imputées sept victimes, dont trois enfants. Au cri d'« Allah akbar », dans une sorte de transe collective, l'un des participants, binational, brûle son passeport français, insulte les « ennemis de l'islam », traitant le président de la République française de « juif », de « porc ». Il défend aussi ses « frères » de Forsane Alizza, le groupe islamiste radical dont une dizaine de membres ont à répondre de leurs actes devant la justice en France, notamment pour des détentions d'armes.
« Qu'Allah te bénisse ! », l'encourage l'ancien numéro deux du FIS, son ouaille intarissable ponctuant sa diatribe en lui disant : « Cheikh, que ce lion de Merah réponde de moi pour le Jugement dernier. »
Pour le ministre de l'Intérieur à Paris, qui a visionné ce document, l'affaire ne saurait rester sans suite. Dans sa lettre au ministre de la Justice, il écrit : « Un certain nombre de déclarations, dont certaines émanant de M. Ali Belhadj, ancien vice-président du FIS, m'apparaissent constitutives du délit de provocation et apologie aux actes de terrorisme. »
Parmi « les propos incriminés », il relève « un soutien non équivoque à Mohamed Merah, présenté comme un héros et au fondateur du groupe Forsane Alizza désormais dissous par décret pris en Conseil d'État ». Par ailleurs, l'hôte de Beauvau dénonce dans cette vidéo « un appel au djihad à l'encontre du président de la République ».
« Compte tenu de la gravité des faits », Claude Guéant a sollicité la suppression de la vidéo auprès de son principal diffuseur, YouTube. Si la suppression n'intervient pas « dans les meilleurs délais », demande-t-il à son collègue de la Justice, « je vous serai reconnaissant de prendre toutes dispositions utiles, en urgence, dans le cadre de l'enquête pénale que vous ne manquerez pas de faire ouvrir ». La Place Vendôme fera-t-elle diligence ? Sur la vidéo, le plus virulent des participants à cette prière pour Merah lâche méprisant : « Je me moque qu'ils me dénoncent. »