Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

samedi 26 mars 2011

Au tribunal ! De Gaulle : 26 mars 1962 (massacres population civile - 1)


26 MARS 1962...
DE GAULLE PRÉMÉDITE UN MASSACRE DE LA POPULATION CIVILE FRANÇAISE,  RUE  D'ISLY À ALGER

Cette tragédie suit et est la conséquence préméditée du « siège de Bab-el-Oued » en application de directives  personnelles de De Gaulle : 23 MARS 1962 - LE SIÈGE DE BAB-EL-OUED 

« La France est en état de péché mortel et elle connaîtra, un jour, le châtiment »  
Maréchal Alphonse Juin

Lundi 26 mars 1962.
Un tract émanant de l’OAS, à l’instigation du colonel Vaudrey, demandait à la population du Grand Alger de gagner, en une «manifestation de masse, pacifique et unanime, drapeaux en tête, sans aucune arme et sans cri, le périmètre du bouclage de Bab-El-Oued ».
« Non ! Les Algérois ne laisseront pas mourir de faim les enfants de Bab-El-Oued. Ils s’opposeront jusqu’au bout à l’oppression sanguinaire du pouvoir fasciste. »
Peu désireuse de voir les Algérois dans la rue, la Préfecture de police interdit la manifestation et pour appuyer cette décision, un important dispositif fut mis en place. Il était plus important et plus lourd au fur et à mesure qu'on se rapprochait de la "frontière de Bab-el-Oued". Avenue du 8-Novembre, des chars de 30 tonnes braquaient leurs canons de 75 vers Bab-el-Oued et vers la place du Gouvernement.
De celle-ci au square Bresson, des half-tracks et des automitrailleuses avaient pris place, tourelles tournées vers les terrasses des immeubles et le centre de la ville. Boulevard Carnot on trouvait des C.R.S. Plus près de la Grande-Poste, des militaires de l'Infanterie et plus loin des Marsouins aux côtés desquels on voyait également des C.R.S. Rue Charles Péguy des camions militaires avaient été mis côte à côte, barrant la rue dans toute sa largeur.
Un pressentiment désagréable envahit cependant bon nombre d'Algérois. Si le Préfet, Vitalis Cros, avait vraiment voulu interdire la manifestation, pourquoi ne pas avoir, tout simplement  instauré le couvre-feu ? Pourquoi ne pas avoir informé la population des ordres d'ouverture du feu donnés aux forces de l'ordre ? Il est probable que bon nombre de manifestants seraient restés chez eux ce jour là.  Mais la manifestation devait se produire, on se contenta donc de l'interdire.
Le haut commandement militaire, pour des raisons qui ne seront jamais élucidées, avait désigné, en particulier, pour assurer le service d'ordre, le 4ème Régiment de Tirailleurs, composé en majeure partie de Musulmans, des appelés de surcroît. Ces hommes, fourbus, énervés, fébriles, agressifs à l'excès, avaient été « mis en condition » par le bouclage de Bab-el-Oued auquel ils avaient participé. Par ailleurs, ils avaient été enrôlés dans une armée qu'ils ne considéraient pas - ou qu'ils ne considéraient plus - comme la leur dès lors que le cessez-le-feu avait été proclamé et que  l'indépendance était imminente. Ils se devaient, par conséquent, de donner des gages de fidélité et de bonne conduite à leurs futurs chefs et amorcer, au mieux, leur « reconversion » dans la future armée algérienne. La situation était idéale ! Ainsi, le moindre incident, la plus minime provocation, pouvait faire craindre le pire et les autorités le savaient !
Cette unité, en l'absence étrange de son chef, le colonel Goubard, était commandée par le chef de bataillon Poupat qui avait reçu des ordres qui le firent sursauter : « Arrêter la manifestation par tous les moyens, au besoin par le feu ! »
L'officier était ahuri. Un ordre d'une telle gravité ne pouvait-être donné que par écrit... et il avait en mains la preuve de ce qu'on lui demandait de faire. Aussi, à son tour, il le transmit à ses commandants de compagnie en précisant toutefois de ne faire usage du feu qu'en cas de légitime défense.
Vers 14h45, la foule estimée à plusieurs milliers de personnes arriva aux abords de la rue d'Isly. Il y avait là des hommes de tous âges, des femmes, des enfants. On était venu en famille et comme pour le 13-Mai, on avait sorti les drapeaux tricolores et les médailles que les pères et les grand-pères arboraient fièrement.
Là, les manifestants allaient buter sur un barrage de tirailleurs commandés par le lieutenant Ouchène. Ce fut l'offensive du charme chère aux Algérois... et qui avait si bien réussi jusque là...
On parlementa, on chercha à fléchir le jeune officier en lançant un appel au patriotisme. "J'ai des ordres pour ne pas vous laisser passer", répondit-il. Finalement, le lieutenant accepta de laisser passer une délégation avec un drapeau tricolore en tête. Mais la foule trépidante s'infiltra à travers cette brèche et rompant le barrage se répandit dans la rue d'Isly poursuivant sa marche vers le square Bresson.
Aussitôt un renfort de soldats fut envoyé par le commandant Poupat afin de créer un nouveau barrage. Il s'agissait de quatre sections aux ordres du capitaine Gilet qui, très vite, allaient entrer en contact avec les manifestants. Comme précédemment, l'offensive de charme fut lancée. Cependant, le lieutenant Ouchène, ayant appelé sa seconde ligne à la rescousse, réussit à reconstituer son barrage, à couper et à arrêter le cortège. Ainsi, ceux qui étaient passés, se retrouvaient bloqués ; ils ne pouvaient plus ni avancer, ni reculer. Un sentiment de malaise envahit aussitôt quelques manifestants qui se voyaient enfermer comme dans un piège...
La tragédie se nouait.
Il était 14h50 à l'horloge de la Grande Poste. Soudain,  une rafale d'arme automatique  dirigée sur la foule déchira l'air. Elle provenait d'un pistolet mitrailleur servi par un tirailleur situé à proximité du bar du Derby, sur le trottoir des numéros impairs de la rue d'Isly. Cela est une certitude ! Ce fut le déclenchement de la fusillade généralisée.  Aussitôt, les armes crachèrent le feu, la mort et répandirent la terreur. Rue d'Isly, rue Chanzy, rue Péguy, rue Alfred-Lelluch, boulevard Carnot, ce fut une abominable boucherie.
Les premières victimes furent foudroyées dans le dos à bout portant, comme en témoigneront les brûlures constatées sur leur peau et leurs vêtements. C'était la confusion et la panique, la fuite générale et éperdue. Des gens se réfugiaient dans les entrées d'immeubles, d'autres se couchaient, certains, croyant être protégés dans l'entrée d'un magasin, s'y entassaient : quelques secondes plus tard, ils étaient tous touchés par une rafale. Les vitrines volaient en éclats entraînant d'horribles blessures. De partout, les tirailleurs musulmans, tout sang-froid perdu, les yeux fous, en transe, utilisant pour certains des balles explosives - comme le démontrera le type des blessures infligées - vidaient chargeur sur chargeur, parfois fusil mitrailleur à la hanche, sur le tourbillon humain qui s'agitait frénétiquement devant eux et qui, très vite, s'immobilisa sous les rafales, cherchant à se confondre avec le sol qui n'offrait le moindre abri.
Çà et là,  des corps sanguinolents s'amoncelaient. Des flaques de sang recouvraient l'asphalte et commençaient à courir le long des caniveaux. Chaque Européen était devenu proie, gibier.
Un enfant qui s'était accroché à un panneau publicitaire apposé à la façade de la Poste, s'écroula sur les marches, un mètre plus bas...
La tempête de fer et de feu faisait rage. Les armes de tous calibres semaient la mort avec une joie féroce, dirigée par des Français sur d’autres Français. Des hommes qui, déjà, se portaient au secours des victimes étaient touchés à leur tour.  Au fracas des armes se confondaient les hurlements de peur et de douleur, les plaintes, les râles et les prières de ceux qui  demandaient pitié. Mais de pitié il n'y en avait aucune chez ces monster- là.  C'était un spectacle horrible, inhumain. Dans le tumulte des détonations, on percevait d'autres cris de détresse :
« Halte au feu! Halte au feu ! »
« Mon lieutenant, faites cesser le feu, je vous en prie ! »
Des gamins se réfugiaient en hurlant sous les voitures à l'arrêt, des femmes se serraient dans les coins des paliers, criant et pleurant, d'autres, comme sonnées, écarquillaient les yeux, effarées par ce qu'elles voyaient.
La grêle de mitraille arrachait en cette confusion les hurlements de ceux qui étaient atteints. La vie déchirée gémissait, se retirait, en aboutissant péniblement au silence suprême. Qui sait combien de temps cette tuerie durera encore? Cherchant un abri, un jeune adolescent en culottes courtes, courbé, la tête protégée entre ses bras, traversa la rue en courant. Une rafale lui zébra le corps. Le malheureux tomba en criant sa douleur. Son corps roula plusieurs fois sur l'asphalte rougi avant de s'immobiliser. Un soldat portant distinctement des bandes vertes sur son casque visait lentement, patiemment : 50 mètres plus loin, un pauvre vieux courait, trébucha, se redressa, se remit à courir... le coup partit... et ce fut fini!
Pourquoi ? Assassin ! Pourquoi ?... Les gosses, les femmes, les vieux et même les hommes, quand ils sont désarmés ça ne peut se défendre. Dans le dictionnaire, y a-t-il un mot qui qualifie une action aussi abominable?
La foule subissait cette fusillade folle et, en dépit du vacarme assourdissant, l'on discernait clairement les flots de prières qui s'élevaient de cette arène sanglante, rendant plus tragique encore cette vision de cauchemar...
Au milieu de plaintes, de râles et de supplications, dans une jouissance frénétique, les tortionnaires achevaient les blessés. Le Professeur Pierre Goinard de la faculté de Médecine d'Alger, sommité algéroise, témoignera :
- Une femme de 40 ans, blessée, couchée par terre, boulevard Laferrière, se relève ; un soldat musulman la tue d'une rafale de P.M. Mat 49, à moins d'un mètre, malgré l'intervention d'un officier.
- Un vieillard, rue d'Isly. Le soldat musulman lui crie "couche-toi et tu ne te relèveras pas !" Et il l'abat...
- Deux femmes, blessées à terre, qui demandent grâce ont été achevées à coups de fusil-mitrailleur.
- Une femme, place de la Poste, blessée, gisait sur le dos. Un soldat musulman l'achève d'une rafale. L'officier présent abat le soldat.
- Un étudiant en médecine met un garrot à un blessé. Au moment où il se relève avec le blessé, il essuie une rafale de mitraillette.
- Un médecin a vu, de son appartement, achever pendant plusieurs minutes les blessés qui essayaient de se relever.
André Badin, colonel honoraire d'Infanterie et avocat à la Cour d'Appel d'Alger, dira :
« J’ai été blessé par la première rafale et suis tombé à terre. Un couple (mari et femme) a également été blessé à côté de moi, et alors qu’ils se trouvaient tous les deux à terre, le mari a reçu une balle dans la tête. J’ai vu sa femme lui soulever la tête et lui dire de lui répondre. Lorsque cette personne s'est rendu compte que son mari était mort, elle a poussé des cris atroces qui retentissent encore dans ma tête. »
Un civil, ancien de la Première Armée, cria en direction du lieutenant Ouchène :
- C'est sur une foule désarmée que vous tirez et d'où n'est venue aucune provocation. Arrêtez le feu, bon sang!
Et le lieutenant de répondre :
- Je devais faire mon devoir ; j'avais des ordres...
S'apercevant alors de l'épouvantable méprise, Ouchène et le capitaine Techer, des civils également, hurlèrent « Halte au feu! ». Mais une démence s'était emparée des tirailleurs, l'hystérie de tuer, la haine envers les Pieds-Noirs et, en cet instant, le rejet de la France.
« Arrêtez donc, calmez-vous ! »
« Au nom de la France, halte au feu ! »
En vain. Et soudain, le lieutenant Ouchène, que pressaient ou injuriaient les civils, fondit en larmes, à bout de nerfs...
Cette scène sera enregistrée par René Duval, envoyé spécial d'Europe n°1. Cependant, il n'y eut pas que les tirailleurs musulmans - dont la plupart avaient déjà peint leur casque en vert - qui firent preuve de sauvagerie. Les témoignages en ce sens sont formels : C.R.S. et gardes mobiles participèrent également à la tuerie, notamment, la CRS 147 qui barrait l'entrée du boulevard Baudin, la CRS 182 qui bloquait l'entrée de l'avenue de la Gare et la CRS12 qui occupait la rampe Chassériau.
Après avoir laissé passer une partie de la foule qui s'était avancée boulevard Baudin, les C.R.S. s'embusquèrent derrière leurs cars ou derrière des arbres. Sans provocation de quiconque ni tirs provenant des immeubles, ils ouvrirent brusquement le feu vers les rues Sadi Carnot, Clauzel et Richelieu et vers le bd Baudin, faisant d'innombrables victimes.
Une anecdote très caractéristique de la haine que vouaient ces "policiers" à la population algéroise a été rapportée par René Louviot, Officier de la légion d'honneur :
« À l'issue de la fusillade - à laquelle les C.R.S. ont participé - ces derniers faisaient lever les bras aux passants et les matraquaient sur le crâne à coups de crosse ».
Il rapportera qu'un jeune garçon et deux jeunes filles, dont l'une portait un drapeau tricolore plein de sang et crêpé de noir se firent violemment insulter par ces fonctionnaires de police en ces termes : 
« Vous pouvez vous le mettre dans le cul votre drapeau tricolore… Va sucer les tétons de ta mère ! »
« Des A.M.X. sont passées dans la rue Bertezène et, à la vue du drapeau taché de sang, les hommes ont fait un "bras d'honneur" ».
Les gendarmes mobiles (rouges), ne furent pas en reste dans l'accomplissement de ce massacre. Ils ouvrirent - sans provocation aucune - le feu au tunnel des Facultés vers la rue Michelet et vers la rue d'Isly par l'enfilade de l'avenue Pasteur, de même de la terrasse du Gouvernement général vers les immeubles faisant face au Forum.
Plus grave, après la fin de la fusillade, ils tirèrent sur les blessés et leurs sauveteurs se dirigeant vers la clinique Lavernhe dans l'avenue Pasteur, et longtemps après ils tuèrent Monsieur Zelphati qui avait cru – le danger passé - pouvoir s'approcher de sa fenêtre, devant son frère, sa femme, et son petit garçon.
Enfin la fusillade se tut, remplacée aussitôt par la ronde infernale des hélicoptères et le hululement des sirènes des ambulances.
Sur les lieux du carnage, le spectacle était abominable, insoutenable, inhumain. Des corps d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieillards jonchaient les trottoirs et la chaussée, se tordaient de douleur dans des mares de sang. Plaintes et râles s'élevaient, insoutenables, dans cette rue brûlée par un soleil fou et qui avait pris le visage de l'épouvante.
Le sol était jonché de morceaux de verre, de chaussures de femmes, de foulards, de vêtements, de débris de toutes sortes... et de centaines et de centaines de douilles. Un vague nuage de fumée et de poussière s'étendait au-dessus des maisons. L'ombre de la mort planait sur Alger. Les blessés appelaient, les survivants étaient blêmes, hébétés, traumatisés à jamais.
Les secours s'organisaient. On chargeait les blessés dans les ambulances, on réservait les morts pour les camions militaires. De l'un d'eux, non bâché, on apercevait avec horreur des corps sanguinolents, des corps empilés que l'on conduisait à la morgue, des corps qui ne demandaient qu'à rester français et à continuer de vivre dans le pays de leur enfance.
Adossé contre un platane, un homme dépoitraillé se tenait le ventre, du sang entre ses doigts, maculant son pantalon. Près du corps d'une jeune femme sans vie, une petite fille pleurait. Un peu plus loin, une jeune fille de dix-sept ans environ avait pris une rafale en pleine poitrine. Adossée à un mur, elle baignait dans son sang.
Les plaies des victimes atteintes par les balles explosives étaient impressionnantes, effroyables et provoquaient d'atroces douleurs.
Monique Ferrandis, gravement blessée ce jour-là, témoignera sur le pouvoir de destruction de ce type de munition :
« J’ai senti une brûlure atroce dans la fesse gauche, une brûlure qui s’est irradiée dans mon ventre et m’a fait énormément souffrir immédiatement. J’avais le bassin pris dans un étau… lourd, avec une brûlure. J’ai appris plus tard que c’était une balle explosive. J'ai d'ailleurs toujours des éclats dans le bassin. J'ai rampé à plat ventre pour me mettre à l'abri. Une seconde balle m'a fait exploser le pied droit. La balle est rentrée sous le pied et, en répercutant par terre, elle a fait exploser le pied qui n'était plus que de la charpie, une bouillie atroce. »
Durant quatre heures, les chirurgiens opérèrent Monique Ferrandis. Depuis ce jour funeste où sa sœur Annie-France fut également atteinte d’une balle dans le ventre et où sa troisième sœur, Renée, perdit la vie, tout n’a été que souffrance, soins et opérations…
À l'issue de l'intervention chirurgicale, la jeune fille (qui n’avait pas 20 ans) demanda qu’on lui remette les balles qui avaient été extraites. On lui répondit qu’elles avaient été aussitôt saisies par les enquêteurs. Il ne fallait qu'aucune trace de ce monstrueux forfait ne subsiste…
Sur les lieux du carnage, ceux qui n’avaient pas fuit l’apocalypse, contemplaient avec tristesse et colère le résultat de ce génocide et prirent alors conscience de l’horrible réalité. 
Ç'en était fini de leur invulnérabilité, protégés qu'ils étaient par les vertus de l'amour. Ah ! Tout était fini ! Oui, tout était bien fini ! Il n'y avait plus d'Algérie, il n'y avait plus de France, il n'y avait plus rien… que cette odeur fade de la mort qui vous prenait à la gorge.
De longs filaments de sang à demi coagulé teignaient ça et là la chaussée. Une femme hurlait, trépignait sur place. Une autre exsangue, trempait un drapeau tricolore dans une flaque de sang. Des soldats progressaient en colonne le long de la rue d'Isly. Alors elle leur cria :
« Pourquoi, pourquoi ?… Pourquoi avez-vous fait ça ? » 
Puis elle éclata en sanglots.
 Chez « Claverie », une boutique de lingerie féminine située face à l'immeuble de la Warner Bros, rue d'Isly, on dégagea deux cadavres qui avaient basculé dans la vitrine parmi les mannequins hachés par les rafales. Dans le magasin « Prénatal », d’autres victimes, poursuivies et abattues à bout portant, gisaient auprès des landaus et des poucettes renversés.
Dans un immeuble de bureaux où des dizaines de personnes hagardes, traumatisées s'étaient réfugiées, une jeune fille morte avait été amenée là par son père. Entouré de son autre fille, de son fils et d'un groupe de gamins, il tenait son enfant dans les bras, et parlait sans cesse, ne s'adressant qu'à sa fille morte : 
« Ma petite chérie ! Ma petite chérie ! Ils ne t’emmèneront pas à la morgue. Je te le jure. Je les tuerai tous plutôt. Je te défendrai. Ils ne te toucheront pas ! Je vais t’emmener à la maison, je te le promets, tu seras enterrée dans un grand drapeau. Comme un héros. Tu es morte pour la Patrie, tu as droit à un drapeau… Ils ne pourront pas m'en empêcher».
C'était insoutenable. Cette jeune fille, Michèle Torres, âgée de 20 ans s'était rendue avec son père, sa sœur, son frère, ses cousins et une quinzaine d'autres jeunes à la manifestation dans le but de fléchir les autorités et d'obtenir la levée du siège de Bab-el-Oued. Agneau innocent, elle fut sacrifiée à la folie des hommes et à leur barbarie.
L'hôpital Mustapha où les chirurgiens opéraient sans relâche des centaines de blessés fut pris d'assaut par la population. On voulait savoir si des parents ou des amis se trouvaient parmi les victimes. À la salle des premiers soins, au milieu des flaques de sang, c'était un défilé incessant de blessés qu'on soutenait ou de brancardiers qui ramenaient vers la morgue des cadavres que l'on n'avait même pas le temps de recouvrir d'un drap.
On s'interpellait en pleurant, des femmes tombaient en syncope. Un jeune homme s'écroula dans la foule, on le souleva, son pantalon ensanglanté, il avait une balle dans la cuisse et il ne s'en était pas aperçu.
Le plasma commençait à manquer. C'est alors que la solidarité prit corps. Les Algérois, retroussant leurs manches, se pressèrent dans la grande salle des soins. Et, de bras à bras, le sang des rescapés coula dans celui des blessés.
Dans le grand couloir qui menait à la morgue, c'était la macabre procession. Les visages trahissaient le chagrin, les mains tremblaient et se tordaient. Le flot de ceux qui s'y rendaient inquiets, tendus, fébriles, et la cohorte lente et désespérée de ceux qui revenaient : des femmes, des hommes, des enfants, des vieux, pliés en deux par la douleur.
Les morts étaient là, disloqués, les yeux encore ouverts dans leur stupeur. Il y avait beaucoup de femmes jeunes, de celles qui, hier encore, faisaient la beauté et le charme de la ville blanche. Des visages étaient recouverts d'un linge : c'étaient ceux qui avaient eu la tête fracassée par un projectile. En quittant ce lieu sinistre, ceux qui avaient vu ce spectacle ignoble et bouleversant savaient que seule la mort désormais les libérerait de l'horrible vision…
La nuit tomba sur la ville comme un linceul de mort. Pour ses habitants, c'était l'heure des prières, des lamentations, des pleurs, du désespoir, de la douleur et de la haine… plus forte que jamais. Ils ne parvenaient pas à oublier le vacarme terrifiant de la fusillade, ni les cris déchirants, ni les appels de détresse, ni le hululement sinistre des sirènes et il leur semblait que la ville gémissait, meurtrie de tous les amours passés sur elle, tandis que des vols d'oiseaux nocturnes, noirs, aux longs becs et aux griffes acérées, palpitaient dans la lueur ouatée du ciel.
« La mort n’est rien. Ce qui importe, c’est l’injustice » 
Albert Camus
Lien vers article original : José Castano, 26 mars 1962…

samedi 19 mars 2011

Au tribunal ! De Gaulle : 19 mars 1962 (massacres population civile - 1)

Au tribunal de l'Histoire !  De Gaulle… l'Infâme, "chef des armées", directement responsable de massacres contre les populations civiles perpétrés après la capitulation du 19 mars 1962…

vendredi 4 mars 2011

Ah ! mon salaud…

François Busnel a animé hier soir une émission spéciale de « La Grande Librairie » entièrement consacrée à Louis-Ferdinand Céline. Louis Ferdinand Céline, un écrivain de génie, un écrivain qui a réinventé l’écriture… pour présenter notre monde.  Les guerres, les révolutions, la Réforme… Les puissants, les humbles… Un écrivain qui dérange autant écrivaillons besogneux que mafioteurs maîtres du monde et leurs dupes honteuses…

« C'est une langue qui élève, quitte à éviscérer, à montrer les entrailles de tout. C'est ça Céline, c'est une langue, un rythme, une manière de dire, des mots, des combinaisons invraisemblables… [… …] C'est une invention de langage incroyable. Et contemporaine. Notamment parce qu'il a su introduire dans la littérature le langage parlé. C'est ce qui fait que tout le monde aujourd'hui peut lire Céline. C'est vraiment l'écrivain facile d'accès, qui nous raconte des choses simples : la première guerre mondiale, l'incapacité des gens à connaître le bonheur, la fuite… Et si on aime la langue, celle de Céline est l'une des plus belles. »
Oui, c’est bien ce en quoi Céline est dangereux. Un « écrivain facile d'accès, qui nous raconte des choses simples », qui « a su introduire dans la littérature le langage parlé ». Ainsi « tout le monde aujourd'hui peut lire Céline »… Sauf censure vigilante de ceux qui auraient des choses à cacher ! Plus exaspérant que dérangeant ce sacrifice rituel à la bienpensance tout autssi obligé qu’hypocrite préliminaire à toute évocation de Louis-Ferdinand Céline… Faut bien respecter les codes de son époque… C'est ça de la politesse !

Céline, un écrivain éminemment lucide… Lucidité dont témoigne ce choix délibéré de l’exil. Exil lui épargnant une élimination certaine, comme à l'époque des dizaines de milliers de malheureux Français… Alors quand Céline dans son langage nous parle de notre monde, de ceux qui sont les maîtres de ce monde, de leurs entreprises, de notre naïveté tout aussi coupable que servile, chacun comprend… Ah ! mon salaud… Merci !


Pour info :
- "La Grande Librairie" spéciale Céline a été diffusée sur France 5 le jeudi 3 mars à 20 h 35 puis le dimanche matin 6 mars, à 8 h 50 (heures françaises). L’émission sera diffusée le jeudi 17mars  sur TV5Monde, horaires à consulter selon la zone de réception. [À Bangkok, dans la nuit de jeudi à vendredi : à 0 h 42 le vendredi 18 mars.]
- Un enregistrement de l'émission en une série de cinq vidéos est également disponible sur : http://lepetitcelinien.blogspot.com (rubrique Radio/Vidéo).
- Excellente présentation de l'émission avec un enregistrement intégral en une seule vidéo sur le site "Pileface", "Sur et Autour de  Philippe Solers" : http://www.pileface.com/sollers/article.php3?id_article=1147#top

"La Grande Librairie" spéciale Louis-Ferdinand Céline

À l’occasion du cinquantenaire de la mort de Louis-Ferdinand Céline, "La Grande Librairie" propose une émission spéciale consacrée à Louis-Ferdinand Céline. François Busnel reçoit sur son plateau Frédéric Vitoux, Philippe Sollers, François Gibault et Fabrice Luchini. Ensemble, ils reviennent sur la vie et l’œuvre du plus "gigantesque" écrivain de tous les temps…



- Un enregistrement de l'émission en une série de cinq vidéos est également disponible sur : http://lepetitcelinien.blogspot.com (rubrique Radio/Vidéo).
- Excellente présentation de l'émission avec un enregistrement intégral en une seule vidéo sur le site "Pileface", "Sur et Autour de  Philippe Solers" : http://www.pileface.com/sollers/article.php3?id_article=1147#top

mercredi 23 février 2011

Une Chevalerie des temps modernes…



Les Camelots du Roi : Une Chevalerie des temps modernes…

Lorsque l'Action Française commença à paraître, en mars 1908, des jeunes gens parmi lesquels les frères Réal del Sarte et les frères Lefèvre décidèrent de la vente à la criée le dimanche à la sortie des Églises du XVIIe arrondissement. Ils eurent bientôt des émules dans les autres quartiers et en province. Un journaliste les appela par dérision "Les Camelots du Roi" puisqu'ils proposaient leur marchandise aux passants. Les jeunes militants d'AF relevèrent le défi et adoptèrent cette appellation. La vente du journal à la criée, depuis lors, a toujours été la tâche essentielle des Camelots du Roi. Elle contribue à la diffusion des idées royalistes dans le grand public, mais elle est aussi l'école du militantisme. C'est en vendant le journal que le propagandiste apprend à affronter l'adversaire, à discuter avec les sympathisants, à s'astreindre à une discipline librement consentie.
À coté des vendeurs, les Camelots du Roi ont naguère compris des "commissaires" chargés des services d'ordre et des interventions dans la rue ou chez l'adversaire. Les Camelots du Roi se sont voulus des "gendarmes supplétifs" dont la mission première était de mettre "la violence au service de la raison", une violence toujours mesurée d'ailleurs. Si les Camelots du Roi ont été parfois victimes d'agressions mortelles, ils n'ont jamais tué personne.

Martyrs ou voyous, héros ou activistes? Qui étaient-ils vraiment ces Camelots du Roi, toujours "une canne dans la main et dans la poche un bon livre" ?
Pendant la première décennie du vingtième siècle, les royalistes d'Action Française mettaient sur pied cette organisation militante, l'une des plus formidables, l'une des plus originales aussi, et lui assignaient un rôle précis : réconcilier la France avec son Roi, s'opposer aux menées antinationales dont le pays faisait alors l'objet.
Leurs combats de rue défrayèrent la chronique, leurs débâts d'idées passionnèrent plusieurs générations de Français et la modernité de leur action marqua tous les mouvements politiques.
Ces jeunes hommes, artisans, aristocrates, bourgeois, étudiants, ouvriers, n'avaient peur ni des coups ni des mots. Pas plus que des balles. La Grande Guerre décapita pour un temps ce mouvement qui compta alors plus de héros morts que de chefs vivants.

De la seconde guerre mondiale à l'épuration

Jusqu'en 1939, l'Action Française a tenté d'empêcher la guerre car elle savait que la France n'était pas en mesure d'affronter une Allemagne qui avait scellé une alliance avec la Russie soviétique pour dépecer la Pologne. La guerre déclarée, l'AF pratique l'union sacrée, comme en 1914, et soutient les gouvernement successifs. Elle ne cesse de précher la confiance dans l'armée.
Cependant, en juin 1940 c'est l'invasion. La route de Paris est ouverte. Le président de la Ligue d'Action française, le lieutenant-colonel François de Lassus Saint-Geniès tombe au champs d'honneur. L'Action Française se replie à Poitiers où elle publie six numéros, puis ses principaux collaborateurs gagnent Villefranche-de-Rouergue, en attendant de remonter à Limoges après la signature de l'Armistice. Elle y reste quatre mois, puis s'installe à Lyon jusqu'en 1944.

"La Divine surprise" : Maurras salue ainsi le fait que, devant l'étendue de la défaite de la France et la dissolution de l'Etat, le maréchal Pétain se sacrifie pour assurer le pouvoir, nous évitant ainsi un goleiter allemand, qui nous aurait complétement soumit comme à l'Est.
Pendant l'occupation, l'Action française (repliée à Lyon) défend la ligne de "la France seule" : contre le clan des "ja" (les collaborateurs) et le clans des "yes" (la dissidence de Londres) qui ajoutaient le malheur de la guerre civile à celui de l'abaissement de la France, il ne fallait songer qu'à l'unité nationale, pour préparer la revanche. Pour Maurras, l'Allemagne n'a cessé d'être "l'ennemi N°1".

Après l'Armistice, l'Action française a en effet refusé de rentrer à Paris pour ne pas être soumise à la censure allemande. La zone sud, même après son invasion par les Allemands en novembre 1942, bénéficiera toujours d'un régime particulier pour la presse laquelle, jusqu'au bout, n'aura affaire qu'à des censeurs français.
C'est la raison pour laquelle L'Action Française a continué à paraître après 1942. Cependant, au mois d'août 1944, après la percée des forces alliées en Normandie et leur débarquement en Provence, la retraite allemande s'accentue. Le 20 août les Allemands viennent arrêter le Maréchal à Vichy et le déportent de l'autre côté du Rhin. Les bureaux de L'Action Française, au 66 rue de la République, sont pillés. Charles Maurras et Maurice Pujo entrent en clandestinité. Leur collaborateur Louis-François Auphan leur apporte les nouvelles de l'extérieur.
Le préfet régional communiste Yves Farge, qui règne désormais sur Lyon libérée des Allemands en tant que commissaire de la République, est furieux d'apprendre cet entretien. Il fait du chantage sur Auphan en lui disant qu'il sait où se trouve Maurras et il demande que celui-ci vienne le voir. Auphan craint que Maurras et Pujo soient victimes d'une exécution sommaire de la part des F.T.P  "les partisans communistes"  et leur conseille de se livrer.
Les deux co-directeurs de L'Action Française sont enfermés à la prison Saint-Joseph le 5 septembre 1944.

N'oublions pas que le parti Communiste collabora avec l'Allemagne jusqu'en 1942, date de l'entrée de l'Allemagne en Union Soviétique... Que ceux-ci négocièrent la reparution du journal "l'Humanité" auprès des autorités allemandes...

La France vit alors une révolution sanglante qui vient ternir la joie de la libération du territoire. Partout une pseudo-justice masque des règlements de comptes politiques. Les condamnations à mort s'ajoutent aux exécutions sommaires que les historiens estiment aujourd'hui autour de 40 000.
Maurras et Pujo sont inculpés d'intelligences avec l'ennemi, ce qui est un comble quand on songe que l'Action française n'a cessé, tout au long de son existence, de dénoncer et de combattre le germanisme, et particulièrement son dernier avatar, le nazisme.
Le procès à lieu du 25 au 27 janvier 1945 devant la Cour de Justice du Rhône. Au cours des débats, les accusations portées contre Maurras se révèlent inconsistantes. Paul Claudel qui prétend avoir été dénoncé aux Allemands se garde bien de venir confirmer à la barre son accusation. En revanche, Georges Gaudy, officier en activité, qui appartient à l'Armée d'Afrique et a fait la campagne d'Italie, vient apporter son témoignage sur l'hostilité constante de l'Action française à l'égard de l'Allemagne. La Cour de justice n'en tiendra pas compte. C'est le temps d'une "justice" révolutionnaire.
Le procureur Thomas demande la mort pour Maurras. La sentence tombe le 27 janvier 1945. Maurras est condamné à la réclusion à perpétuité et Maurice Pujo à cinq ans d'emprisonnement. Un groupe d'anciens des Camelots du Roi était résolu à exécuter le procureur Thomas et le président de la Cour de justice si Maurras était fusillé. Ils ont assistés aux audiences déguisés en F.F.I avec brassard tricolore ! On peut penser que cette menace, qui était connue des intéressés, a influé sur le verdict.
Durant son procès, Maurras jettera au visage de ses "juges" indignes le superbe défi : - "Pour moi, cela m'est égal, je suis un viel homme : douze balles dans la peau ou rien... ce n'est rien du tout ! J'ai consacré [à la France] ma vie, mes sueurs, mes forces. Si je pouvais lui donner mon sang, je vous assure que rien ne serait plus glorieux ni plus agéable pour moi..."

vendredi 11 février 2011

Robert Boissières

 
Robert Boissières, 20 ans
(photo prise peu avant son assassinat)
Robert Boissières, né le 11 février 1942 à Toulouse, a été odieusement assassiné à vingt ans devant le domicile de ses parents le jeudi 12 avril 1962 à Alger par une bande d'aviateurs de l'armée française en vadrouille.  Troufions éméchés fervents gaullistes quillards de l'Appel à la capitulation du 19-Mars… Agression gratuite, lâche, imbécile, criminelle. Geste de gaullistes ordinaires. Geste de Français ordinaires…

Aspects de la France, jeudi 19 avril 1962

Nouvelles d’Alger 
(Copie intégrale d’un article non signé publié par Aspects de la France, le jeudi 19 avril 1962. L’original de cette coupure de journal m’a suivi jusque dans mon exil asiatique.)
Le 12 avril 1962, vers 23 heures, un peu avant le couvre-feu, un jeune Français de 20 ans, étudiant en 1ère année de Droit, Robert Boissières, a été tué par les « forces de l’ordre », une patrouille de gendarmerie de l’Air, près du Rectorat, route du Golf à Alger. 
Il venait, avec quatre camarades, dont son frère, âgé de 18 ans, d’apposer des inscriptions "O.A.S." dans le quartier.
Ils rentraient chez eux lorsque, entendant une voiture militaire, ils se cachèrent dans le rebord du talus, parmi les herbes. C’est là que sans sommation aucune, Robert Boissières fut exécuté d’une rafale de mitraillette, tandis que son camarade, Jean Zonza, 21 ans, étudiant en Médecine, était grièvement blessé.
Le quartier fut mis en émoi par cette rafale et en particulier les parents de Robert qui habitent au Clair Logis des P.T.T. Son père, inquiet, descendit immédiatement sur les lieux du drame. Il rencontra un militaire qui lui annonça froidement qu’il venait de « fusiller » un jeune, en même temps qu’il lui tendait la carte d’identité de sa victime. Douleur du pauvre père lorsqu’il reconnut que c’était celle de son fils.
Les Agences de Presse ont donné différentes versions, des versions fausses surtout. On a prétendu qu’un coup de feu avait été tiré. C’est faux. Ces garçons n’étaient pas armés. Mais on use du mensonge pour essayer d’excuser un acte odieux…
Les obsèques de la jeune victime ont été célébrées ce matin, lundi 16 avril, à 9 heures, à la "sauvette". On avait interdit tous faire-part et communiqués dans les journaux. On craignait l’affluence… J’y suis allé avec mes enfants et deux camarades de Robert Boissières.
Malgré toutes les précautions prises par les autorités, il y avait plus d’un millier de personnes à suivre ce malheureux convoi de quelques mètres dans le cimetière de Saint-Eugène, entre la morgue et le dépositoire. Mais obsèques émouvantes, bouleversantes dans leur simplicité, dans leur clandestinité. Foule digne, très impressionnée… Les martyrs de la foi en ont eu d’identiques, et de telles morts, de telles obsèques ne peuvent qu’affermir une religion ou un idéal…
Le jeune frère de Robert, retenu à l’école de police d’Hussein Dey, n’a pas été autorisé à rendre ce dernier hommage… Quelle tristesse.
Ce n’est pas avec de tels assassinats, de tels procédés pour essayer d’étouffer nos sentiments qu’on parviendra à l’apaisement d’une population française de plus en plus survoltée.
Après cette pénible cérémonie, je suis allé ensuite, seul, me recueillir sur les lieux du drame. À l’endroit où est tombé ce pauvre enfant : des bouquets de fleurs, quelques-uns avec ruban tricolore et contre le tronc d’un arbre mort trois lettres sont épinglées : celle d’une mère bouleversée, et deux autres écrites par des camarades de la victime. Lettres qui crient une indignation bien légitime…

Le rédacteur, sous la menace de la censure et de la saisie du journal, malgré son émotion, reste très réservé. Il ne précise pas que la caserne de ces aviateurs jouxte l’immeuble du Clair Logis des P.T.T. Il ne s’interroge pas sur ce que faisaient réellement à cette heure hors de leur base ces aviateurs ? Retour de beuverie ? Ce qui est avéré est que le militaire assassin qui proclama froidement qu’il venait de « fusiller » un jeune, ses acolytes et toute la troupe, jusqu’à tard dans la nuit, fêtèrent ce haut fait de guerre sous les fenêtres des familles des victimes. De plus, nous ne pouvons manquer de nous interroger sur la sanction de cet acte de bravoure. L’assassin et ses complices furent-ils par la suite décorés ? La haine degaulliste n’exclut rien.

Depuis, en France, sur le territoire français métropolitain, partout, chacun risque de croiser l’un de ces ivrognes. Pourquoi ne serait-ce pas celui-ci ? Pourquoi pas celui-là ? De toute façon par leurs votes successifs, et d’abord celui en faveur de l’abandon de l’Algérie, les Français ont sans cesse réaffirmé leur complicité avec ces assassins… Décidément, ce pays m’est définitivement infréquentable… À présent, mon vœu le plus cher reste de n'avoir jamais à vivre dans ce pays d’infâmes, la France,… ni d'y crever,… ni que mes cendres y soient  souillées.

Alex Nicol dans « La Bataille de l’OAS » publié dès novembre 1962 (Les Sept Couleurs) donnera une version qui rejoint celle d’Aspects de la France, et  confirme (pages 129-130) : « Jamais on n’a fait état de l’ouverture d’une enquête quelconque ni de sanctions prises contre ces militaires pour le moins nerveux sur la gâchette… »

Une version tout aussi horrible de ces faits est rapportée par Francine Dessaigne dans son « Journal d'une mère de famille pied-noir » :

Vendredi 13 avril 1962. … Le journal d'hier nous apprend la mort de Robert Boissières, dix-neuf ans. Jeudi soir, il dînait en compagnie de son frère aîné chez la fiancée de ce dernier. Vers 11 heures ils rentrent à pied dans le quartier de la Redoute. Un groupe de jeunes gens court sur la chaussée suivi de près par une patouille de métropolitains. Les Boissières s'arrêtent. Les jeunes gens prennent une petite rue et disparaissent dans la nuit. La patrouille revient sur ses pas et retrouve les deux frères. Bruit de culasse, les jeunes gens s'aplatissent sur le trottoir. Les soldats s'approchent et, presque à bout portant, tirent deux balles dans la tête de Robert et une rafale sur son frère. Robert Boissières est mort hier matin; son frère exsangue est dans un état grave. C'est ce que raconte à mon mari un de leurs cousins…

Les divergences entre ces versions des circonstances d’un même assassinat témoignent de l’extrême tension qui régnait alors à Alger et de l’intolérable pression exercée par les séides du pouvoir métropolitain d’alors désormais allié inconditionnel du FLN, tant dans le crime que dans la propagande et la manipulation de l’information. Ce même jour, ce 12 avril 1962, le général Edmond Jouhaud, arrêté à Oran peu avant, est condamné à mort. Le vendredi suivant, le 20 avril, le général Raoul Salan devait être lui aussi arrêté…


Faire-part édité et diffusé clandestinement par l’Association générale des étudiants d'Alger (AGEA) :



(Maquette réalisée par Josseline Revel-Mouroz et Hélène Mattéi - AGEA)

Le 10 octobre 1984 Robert a quitté Terre-Cabade. Il repose désormais au nouveau cimetière de Cugnaux, dans la proche banlieue de Toulouse.


Instants de bonheur à l'AGEA…  Robert : le seul civil


Le 5 juillet 2003, en présence de plus de 1500 personnes unies dans un profond recueillement, était inaugurée, au centre du cimetière du Haut-Vernet à Perpignan, une stèle en l'honneur de 104 des "fusillés et combattants  tombés pour que vive l'Algérie française". 

Inauguration de la stèle aux "Martyrs tombés pour l'Algérie française", fin de cérémonie : appel personnel de chacun des 104 Martyrs
"Aux fusillés, aux combattants tombés pour que vive l'Algérie française",
cimetière du Haut-Vernet, Perpignan


"Aux fusillés, aux combattants tombés pour que vive l'Algérie française"…
104 martyrs auprès des fusillés  Jean Bastien Thiry, Roger Degueldre, Albert Dovecar, Claude Piegts,
 cimetière du Haut-Vernet, Perpignan



vendredi 4 février 2011

Peuples, soyez attentifs…

"Publicité ! Que demande toute la foule moderne ? Elle demande à se mettre à genoux devant l’or et devant la merde !... Elle a le goût du faux, du bidon, de la farcie connerie, comme aucune foule n’eut jamais dans toutes les pires antiquités... Du coup, on la gave, elle en crève... Et plus nulle, plus insignifiante est l’idole choisie au départ, plus elle a de chances de triompher dans le cœur des foules... mieux la publicité s’accroche à sa nullité, pénètre, entraîne toute l’idolâtrie... Ce sont les surfaces les plus lisses qui prennent le mieux la peinture."

Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, Éd. Denoël, 6e édition, p. 54

mercredi 2 février 2011

Louis-Ferdinand Céline : l'inferiority-complex

"Si j'étais encore là, mon cher freddie mythe errant, j'aurais déjà emprunté mon plus joli stylo et t'aurais façonné un p'tit pamphlet en ton honneur qui t’aurait filé une irrépressible courante dont tes fonds de falzar seraient souillés jusqu'à trépas. Mais ta lâcheté a voulu que tu attendes mon absence pour te fourvoyer à mon égard, mais crois-moi, tu ne perds rien pour attendre !
Alors, merci tout de même à ceusse qui apprécieraient encore ma verve et mon style, que tout le monde a voulu imiter sans jamais l'égaler."
L-F C 


Les critiques, surtout en France, ils sont bien trop vaniteux pour jamais parler que de leur magnifique soi-même. Ils parlent jamais du sujet. D’abord ils sont bien trop cons. Ils savent même pas de quoi il s’agit. C’est un spectacle de grande lâcheté que de les voir, ces écœurants, se mettre en branle, s’offrir une poigne bien sournoise à votre bonne santé, profiter de votre pauvre ouvrage, pour se faire reluire, paonner pour l’auditoire, camouflés, soi-disant « critiques » ! Les torves fumiers ! C’est un vice ! Ils peuvent jouir qu’en dégueulant, qu’en venant au renard sur vos pages. J’en connais qui sont écrivains et puis millionnaires, ils sortent exprès de leurs rubriques pour se filer un rassis, chaque fois que je publie un ouvrage. C’est la consolation de leurs vies... des humiliations de profondeur, des « inferiority-complex », comme ça s’intitule en jargon.
Louis-Frerdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, Éd. de la Reconquête, p. 93

mardi 1 février 2011

Louis-Ferdinand Céline nous reçoit à son domicile de Meudon

Louis-Ferdinand Céline, entouré de ses chiens, de son perroquet, nous reçoit dans l'intimité de son domicile de Meudon… Entretien émouvant de près de vingt minutes avec Louis Pauwels… Louis-Ferdinand Céline évoque d'abord le passage Choiseul, ses parents, son enfance, ses études…  Dans la seconde partie, Louis-Ferdinand Céline se confie alors sur la vie, ses peines, les écrivains,  l'écriture, la médecine, l'amour, la vulgarité, la guerre, Dieu, la mort...  

"Au revoir et merci…"

Cette causerie devait être programmée le 19 juin 1959 dans l'émission "En Français dans le texte". Elle a été interdite de diffusion en raison des écrits politiques de Céline, sous prétexte des libres propos de cette émission "jugés" trop forts. Malgré un jeune Louis Pauwels conventionnel à souhait. Déjà très  "Figaro"… Plus de cinquante ans après rien ne change… Rebelote !!!