Philippe Égalité siège à la Convention dans les rangs des Montagnards. Plutôt qu'un allié ou un véritable sympathisant, le cousin de Louis XVI, pris au piège de ses fanfaronnades patriotiques, est devenu le misérable otage des extrémistes révolutionnaires. "Au moins ceux-là ont voulu m'avoir et, pour tout dire, il n'y a qu'eux qui m'aient voulu", avoue-t-il piteusement à son fils aîné, le futur Louis Philippe. Ce qui va le conduire, le 16 janvier 1793, à voter la mort du roi…
Louis-Philippe d'Orléans dit Philippe Égalité, régicide et grand maître du Grand Orient de France sera guillotiné le 6 novembre 1793 |
La Monarchie a été abolie et la République proclamée. L'abbé Grégoire s'exclame : "Les rois sont dans l'ordre social ce que les monstres sont dans l'ordre physique". Le peuple de Paris tend à exercer une véritable dictature sur la Convention en réclamant à cor et à cri que le roi passe en jugement. Début novembre 1792, un rapport du comité de législation conclut que "Louis XVI est jugeable et qu'il doit être jugé pour les crimes qu'il a commis sur le trône". Tel un acte d'accusation, il stipule que "le Roi a organisé la trahison dans toutes les places limitrophes et intérieures" et rend le souverain responsable des morts du 10 août. Reste à la Convention à décider du sort de Louis Capet, dont elle est habilitée à mener le procès.
La découverte de documents prouvant qu'il a entretenu des relations avec certains émigrés et négocié avec l'Autriche, scelle le sort de Louis XVI. Philippe Égalité est convaincu des intentions contre-révolutionnaires du souverain, mais se tourmente quant à la peine que son cousin devra encourir. La violence des passions qui animent l'Assemblée et le peuple de la capitale est telle qu'il est conscient de l'impossibilité de se contenter d'invoquer la Constitution de 1791 et de simplement déposer le Roi. Nul ne peut plus entendre les arguments de justice et de légalité ! Le prince ne voit d'autre solution que de s'abstenir de paraître au procès. Encore faut-il trouver une raison valable… Il imagine de se récuser en raison de son animosité, connue de tous, envers son cousin, qui l'empêcherait de juger avec impartialité. Mais il ne veut pas être le seul député à ne pas siéger… Lorsqu'il paraît le 11 décembre, premier jour du procès, Philippe Égalité est aussi suspect pour les uns qu'odieux pour les autres, tels les Girondins, qui le soupçonnent de briguer la régence.
Louis XVI comparaît. Blême, il ne peut qu'inspirer la pitié. Il demande à voir les papiers qui l'accusent d'avoir organisé la contre-révolution et déclare ne pas les reconnaître. Quelques députés, troublés, suggèrent que les pièces saisies soient expertisées, mais la majorité rejette leur requête. L'Assemblée suspend le procès pour quelques jours et se contente d'accorder au Roi l'assistance de trois avocats. Entre le 26 décembre et le 7 janvier, les débats reprennent, houleux, et Philippe Égalité ne demande pas une seule fois la parole.
Aux derniers fidèles qui l'adjurent de s'abstenir, Philippe Égalité répond qu'il ne votera pas contre son parent. Le jour fatidique approche. Le 14 janvier 1793, l'Assemblée pose trois questions : sur la culpabilité du roi, le recours au peuple, la peine à infliger. Égalité, suivant les Montagnards, vote "oui" et "non" aux deux premières. Le 16, on pose la question cruciale : "Quelle peine Louis a-t-il encourue ?" Ce matin là, de fort bonne heure, Merlin de Douai et Treilhard, deux élus de la Montagne, persuadent Philippe Égalité de venir à la Convention, faute de quoi il passera pour un lâche. Les débats s'éternisent. Le soir, enfin, on passe au vote. Le scrutin par appel nominal commence.
Lorsque Vergniaud, le grand orateur de la Gironde, se prononce pour la mort du roi, c'est la stupeur. Quand retentit le nom de Philippe Égalité, chacun retient son souffle. Le prince monte à la tribune et déclare d'une voix blanche : "Uniquement occupé de mon devoir, convaincu que ceux qui ont attenté ou attenteraient par la suite à la souveraineté du peuple méritent la mort, je vote la mort". Un murmure étonné, sinon indigné, parcourt l'Assemblée. Le modéré Louis Pierre Manuel s'exclame : "Jamais la Convention n'a ressemblé à un tribunal. Si elle l'eût été, certes, elle n'aurait pas vu le plus proche parent de Louis n'avoir pas, sinon la conscience, du moins la pudeur de se récuser". Par trois cent-soixante et une voix soit exactement à la majorité absolue, Louis XVI se voit signifier sa condamnation à mort… Au Palais Royal, Philippe Égalité s'effondre et confie à son fils, le duc de Montpensier : "Je ne conçois plus comment j'ai pu être entraîné à ce que j'ai fait". Il avoue n'avoir eu aucune intention de voter la mort du Roi mais qu'une fois assis sur son banc, il a été tellement entouré, obsédé, assailli, menacé qu'il n'a plus su ce qu'il faisait. Le 19 janvier, pourtant, il vote contre le sursis de l'exécution de la sentence, s'identifiant ainsi à l'abjection que ses ennemis ont toujours voulu qu'il incarne.
Votes sur la mort de Louis XVI
La condamnation de Louis XVI
The Martyr of Equality 'Voici le Progrès de notre Système' Orléans (Égalité), regardant vers la droite, se tient sur l'échafaud déguisé en grenadier de la Garde nationale. Il tient par les cheveux la tête décollée de Louis XVI, tandis qu'il agite sa casquette de sa main droite. Derrière (à gauche) se trouve la guillotine et, gisant, le corps du roi ; des flots de sang se déversent de la tête et du tronc. Sous l'échafaud (à droite) sont présentes des têtes et des baïonnettes de la Garde nationale, et, derrière, deux grands bâtiments, les fenêtres et les toits bondés de spectateurs ; ceux sur le toit agitent leurs chapeaux. Au-dessous du titre : 'Voyez le Progrès de notre Système'. Gravure à l'eau-forte coloriée à la main d'Isaac Cruikshanks "London Pub Feb: 12 1793 par S W Fores N 3 Piccadilly' |
André Castelot : Philippe Égalité, le régicide, éditeur : Jean Picollec (24 mai 1991) |
André Castelot : Philippe Égalité, le régicide, éditeur : Jean Picollec (24 mai 1991) |
* * *
Les Orléans toujours égaux à eux-mêmes |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire