Ceux qui s’interrogent sur le futur de l’Armée arabe syrienne devraient se souvenir de leurs propres questions, posées à chacune de ses victoires, avant même la bataille décisive d’Alep :
Les Russes soutiendront-ils indéfiniment l’Armée arabe syrienne ?
La Turquie restera-t-elle sans rien faire ?
Qu’en est-il de la relation de la Turquie avec la Russie et l’Iran ?
Quelles seront les réactions d’Israël et des États-Unis déterminés à empêcher sa victoire finale ?
Les mêmes questions qui reviennent malgré les faits probants de la bataille d’Alep, puis des batailles de Deir ez-Zor, d’Al-Boukamal et de la Ghouta aujourd’hui, sans qu’ils ne tirent profit des réponses données par une année et demie de combats et de victoires successives.
Or, la réponse objective est de commencer par dire que, comparativement à la Ghouta :
Alep, au Nord, est plus importante pour la Turquie,
Al-Boukamal, à la frontière syro-irakienne, est plus importante pour les USA,
Al-Quneitra et la frontière sud-ouest sont plus importantes pour Israël.
Autrement dit, s’il fallait que la Syrie accorde quelques compromis à ses alliés, ils porteraient assurément sur bien d’autres fronts que la Ghouta, sans oublier que les batailles précitées prouvent que la fermeté des alliés, la force de l’Armée arabe syrienne et l’incapacité des ennemis sont désormais constitutifs de la loi régissant la suite de la guerre en Syrie.
En effet, alors qu’il y a une semaine nombre d’analystes se demandaient quel serait le sort de la Ghouta, jugé difficile en dépit de la libération de la moitié de sa superficie, voici qu’elle leur répond en faisant basculer les pièces du domino des groupes armés, de Harasta, à Ayn Tarma, à Ibrine, à Zamalka ; ceci, avec le retrait des milices d’Ahrar al-Cham, la disposition des milices de Faylak al-Rahmane à en faire autant, en plus de la confusion des dirigeants et des milices de Jaych al-Islam ayant décidé de se retirer bien avant leurs amis-ennemis, mais qui se sont heurtés au refus des autres groupes armés de les accueillir à Idlib et au refus de l’Armée arabe syrienne de les autoriser à s’y rendre.
L’issue désespérée des batailles explique la décision des dirigeants des groupes terroristes armés d’accepter les négociations sur leur retrait et d’admettre leur défaite après des années d’obstination orgueilleuse mettant leur longévité sur le compte de leur résistance et de leur propre puissance, non sur le désir de l’État syrien et de ses alliés de leur laisser une chance d’intégrer les équilibres sur le terrain et d’accepter d’épargner aux civils, qu’ils prétendent défendre, plus de souffrances.
En effet, malgré l’importance de la Ghouta du point de vue psychologique et sécuritaire, l’État syrien avait remis la bataille de la Ghouta pour la fin, considérant qu’elle serait la plus dure pour les civils et espérant que la bataille d’Idlib et toutes les autres finiraient par inciter les milices armées à en sortir au lieu de s’engager dans des combats perdus d’avance.
Mais, chaque fois que l’Armée arabe syrienne s’est lancée dans une bataille, les dirigeants de ces milices armées et leurs employeurs étrangers qui sont les donneurs d’ordres, allumaient le front de la Ghouta, afin de soulager la pression sur les autres fronts, estimant que l’Armée arabe syrienne était incapable de les contrer, jusqu’au jour où ils [des éléments de Faylak al-Rahmane ; NdT] ont sauvagement attaqué le Centre de gestion des véhicules de l’Armée à Harasta [2] pour faire baisser la pression sur Idlib.
Or, Faylak al-Rahmane est un mensonge, car cette milice armée née au cœur de la guerre et qui compte des milliers d’éléments armés, notamment dans la Ghouta de Damas, les campagnes d’Idlib et d’Alep, n’est rien d’autre qu’une branche des Services du renseignement turc.
Une milice qui n’a cessé de déclarer que, contrairement aux autres milices, elle était déterminée à se battre jusqu’au bout, alors qu’en réalité sa criminalisation des négociations ayant mené Ahrar al-Cham [d’obédience turque et qatarie] à se retirer de Harasta, ainsi que sa criminalisation de la milice amie-ennemie de Jaych al-Islam [d’obédience saoudienne ; NdT], qui serait la seule à avoir mis à profit « la guerre des souterrains » pour faire main basse sur le butin volé, n’étaient que du bavardage. Car, Faylak al-Rahmane voulait programmer les négociations à l’heure de l’horloge de son commanditaire turc, dont l’unique souci était d’occuper l’Armée arabe syrienne par la bataille de la Ghouta jusqu’à ce qu’il ait conclu la bataille de Afrin.
Une milice qui n’est rien d’autre qu’un outil peu coûteux à la disposition de l’envahisseur turc, et qui n’a rien à voir avec l’une des quelconques aspirations des Syriens qu’elle a prétendu défendre en faisant commerce de leurs vies.
Quant aux analystes qui, maintenant, se demandent quelle sera la future destination de l’Armée arabe syrienne, comme souvent, elle pourra les surprendre. Serait-ce Idilb ? Serait-ce la campagne d’Alep, Deraa, ou la ligne de Quneitra à la frontière du Golan ?
Ce qui est sûr est que quelle que soit la destination de l’Armée arabe syrienne, elle ne fera que renforcer les certitudes déduites de ses batailles précédentes quant à sa capacité à progresser et libérer, à la détermination et à la cohésion de ses alliés, à la faible capacité de ses ennemis à constituer un défi sérieux qui l’empêcherait d’avancer et aux options limitées dont ils disposent.
En dépit des particularités des deux invasions turque et états-unienne au Nord du pays, sous la couverture kurde, l’État syrien et ses alliés possèdent des cartes, des options et des marges non encore dévoilées, lesquelles permettront de renouveler les victoires politiques et militaires, comme cela s’est passé pour d’autres régions.
Et, comme l’a déclaré en substance Robert Ford, l’ex-ambassadeur américain en Syrie : il n’y aura pas de guerre américaine pour protéger une entité kurde ; les Américains ne pourront pas rester longtemps en Syrie une fois que l’État syrien et ses alliés auront décidé de se diriger vers le Nord ; finalement, ils savent à Washington qu’ils devront plier bagages.
Reste Israël, lequel a foncièrement soutenu, en coulisses, cette guerre et dont le sort demeure stratégiquement et géographiquement lié à son devenir. Mais quand Israël demande aux Nations Unies [ce 14 mars 2018 ; NdT] de redéployer les unités de la FNUOD [Force des Nations Unies chargée d´observer le dégagement] sur la ligne de désengagement au Golan, alors qu’il l’a lui-même violée et livrée aux groupes armés, tantôt dans l’espoir de s’offrir une ceinture de sécurité, tantôt dans l’objectif de s’approprier une partie de la géographie syrienne, il devient clair que désormais la protection des Nations Unies est la moins mauvaise option qui lui reste parmi toutes les autres mauvaises options ; ce qui revient à déclarer que, de son point de vue, les paris sur des variables qui affaibliraient l’État syrien et stopperaient sa course vers la victoire, par la libération de son territoire, sont donnés perdants aujourd’hui plus que par le passé.
Nasser Kandil
24/03/2018
Notes :
[2] Vidéo de Faylak al-Rahmane aux ordres de ladite « Armée libre » [ASL] montrant son attaque du Centre de gestion des véhicules de l’Armée [Idarat al-Markabates] dans la région de Harasta, se vantant d’avoir emprisonné et tué nombre de soldats syriens dont des officiers et des hauts gradés, prétendant que tout est de la faute des Russes et des Iraniens…
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