Pour cela, nous exhortons nos fidèles et les appelons à la patience dans les tribulations, surtout dans ce tsunami des crises étouffantes, destructrices, sanglantes et tragiques de notre monde arabe, surtout en Syrie, comme aussi en Égypte, en Irak, en Palestine et au Liban, à des degrés différents.
Nous les appelons à ne pas émigrer, à être fermes sur leur terre, dans leur village ou leur quartier, malgré les difficultés que nous connaissons tous. Nous partageons la souffrance de nos frères et de nos sœurs. Nous prions pour les nombreuses victimes, dont le nombre croît tous les jours. Nous sommes meurtris par la douleur et la souffrance des blessés dans nos hôpitaux, et avec ceux qui portent des handicaps. Nous déployons tous les efforts possibles pour alléger cette peine poignante de millions de nos concitoyens, déplacés et déstabilisés à l’intérieur ou à l’extérieur de la Syrie, et pour obtenir la libération de ceux qui sont enlevés, comme les deux Métropolites d’Alep, et d’autres prêtres et fidèles, nos concitoyens.
Oui ! Nous voulons à tout prix préserver cette présence chrétienne, forte, croyante, convaincue, résistante, profonde, ouverte, interactive, dialoguante, agissante, influente, calme, capable de porter le témoignage et la bannière des valeurs chrétiennes, de la vraie vision chrétienne, dans notre monde à majorité musulmane, une présence avec et pour ce monde, afin que s’y manifeste le Christ Jésus, Dieu Ami des hommes, le miséricordieux, qui s’est incarné, est né et est venu dans notre monde, afin d’apporter à l’humanité le Saint Évangile, l’annonce du bien, de la foi, de l’espérance et de la charité. Il est venu jusqu’à notre terre pour réunir les enfants de cette terre, dispersés et divisés, pour détruire le mur de l’inimitié entre les humains et faire flotter la bannière de la paix, de l’amour, du pardon, de la justice et de la fraternité universelle. Car tous sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, afin qu’ils aient la vie et l’aient en abondance.
Le chrétien qui est capable de s’armer de patience et de porter cette sainte mission, c’est celui-là qui résistera et n’émigrera pas et pourra supporter les souffrances, les peines et les calamités, et sera même prêt à accepter le martyre, afin de porter à son monde la lumière du Christ, qui brille pour tout homme venant en ce monde. C’est ce que nous proclamions dans notre liturgie de Carême : “La lumière du Christ luit pour tous et toutes”.
Nous voulons ces chrétiens ! Ils portent l’annonce de l’Évangile, l’annonce du bien et de la paix ; ils montrent, dans leur vie et leurs œuvres, le Christ, Dieu Ami des hommes. Ce sont ceux-là qui maintiennent la présence chrétienne dans l’Orient.
J’aimerais lancer ce slogan : Une présence chrétienne, sans l’engagement dans la mission et le rôle des chrétiens, pour moi n’a pas de sens. Et une mission chrétienne sans présence chrétienne est impossible !
Il est donc d’une très grande importance et d’une grande nécessité de toujours relier la présence chrétienne à la mission et au rôle des chrétiens.
Si nous émigrons, qui manifestera Jésus Ami des hommes ?
Si nos églises et nos monastères sont fermés, qui manifestera Jésus Ami des hommes ?
Si nos institutions de bienfaisance et nos œuvres sociales disparaissent, qui manifestera Jésus, Ami des hommes et surtout des pauvres ?
Je suis carrément contre l’émigration. C’est pour cela que je ne cesse d’œuvrer pour l’arrêter ou la diminuer, et d’écarter les obstacles qui y poussent.
Tout cela, je le dis avec un grand amour pour nos frères, tenant compte de leurs peines, leurs souffrances, leurs peurs et l’épreuve de ces jours, surtout du fait de cette crise syrienne, tragique et meurtrière. Malgré cela, je leur dis : Restez ! Malgré mes sentiments et les souffrances que je partage avec eux.
Je rédige un document intitulé “Journal tragique et sanglant d’un Patriarche”. En effet, je vis cette crise au jour le jour, en Syrie ou ailleurs, nuit et jour, au pays ou en voyage, au téléphone, à travers les rencontres, les congrès, les conférences, les interviews, les contacts à différents niveaux pour recueillir de l’aide. Je la vis à travers tout cela, constamment, et en pleine et continuelle disponibilité. Je vis la crise de la Syrie, mon pays, et la souffrance de tous mes concitoyens, de toutes les Églises, confessions et orientations confondues, et plus particulièrement de mes frères et sœurs, les chrétiens.
Malgré tout cela, à tous, et aussi à mes parents, qui ont quitté ma ville natale de Daraya (qui est un des lieux où l’on suppose que Saint Paul rencontra Jésus, sur la route vers Damas), je répète sans cesse : N’émigrez pas, prenez patience, fortifiez-vous, suivez l’exemple de vos concitoyens et frères musulmans ! Écoutez la voix de Jésus, et non la mienne ! Jésus nous dit : “N’ayez pas peur !”.
Je n’oblige personne à rester. Je n’ai contacté aucun consulat (contrairement à ce qu’on dit ça et là) pour empêcher d’accorder un visa vers tel ou tel pays. Mais je prêche, je parle et je conseille, en disant : Restez ici ! J’ai été applaudi, mais aussi critiqué, pour cette position.
Je ne changerai pas de ligne. Car je veux rester ici, afin de manifester le Christ, Ami des hommes, maintenant et demain. Et je veux que vous restiez, vous aussi. Ensemble, vous et moi, nous voulons rester ici pour manifester le Seigneur Jésus, Ami des hommes, aujourd’hui et demain. Nous voulons rester afin d’œuvrer ensemble pour un monde pluraliste, ouvert, libre, digne et démocratique, dont nous serons les meilleurs bâtisseurs.
Voici ma triple idée :
1) Nous devons rester ensemble, chrétiens et musulmans, pour édifier ensemble la Syrie nouvelle et le monde arabe nouveau.
2) Nous pouvons rester ensemble, chrétiens et musulmans, pour édifier ensemble la Syrie nouvelle et le monde arabe nouveau.
3) Nous voulons rester ensemble, chrétiens et musulmans, pour édifier ensemble la Syrie nouvelle et le monde arabe nouveau.
Voilà ma conviction ! C’est ce qui donne un sens à ma présence comme chrétien, pasteur, Patriarche et citoyen arabe syrien chrétien.