À la nuit tombée, un halo de lumière éclairera, ce dimanche soir encore, une centaine de villes de France. Face aux matraques des CRS, ils viendront uniquement armés de leurs petites bougies, de leurs poèmes et de leurs paisibles chants. Ces milliers de jeunes veilleurs, qui résistent à leur façon à la loi Taubira, se veulent « une force non violente irrépressible ». « L’âme d’un peuple, proclament-ils joliment, qui sort du sommeil face à l’anéantissement de sa civilisation, et se met à veiller sur elle. »
Même si les organisateurs sont catholiques, « il ne s’agit en rien d’une veillée de prières », souligne Alix, étudiante en histoire. Régulièrement, les veilleurs entonnent ce qui est devenu leur hymne, un magnifique chant scout intitulé L’Espérance : « Reprends courage, fredonnent-ils doucement. L’espérance est un trésor. »
Bien qu’il soit pacifique, le mouvement est « des plus subversifs », fait remarquer un habitué : ces veillées ne sont pas déclarées au préalable à la préfecture de police de Paris. « Une fois, un commissaire nous a menacés d’un an de prison », rapporte Axel. « De quel droit mettez-vous des oiseaux dans des cages ? De quel droit ôtez-vous ces chanteurs aux bocages ? », ont lancé les jeunes veilleurs, citant Victor Hugo, aux CRS décontenancés. Toutefois, les forces de l’ordre se montrent généralement compréhensives. « Certains semblent vraiment très interpellés », indique Alix. « Parfois, ils récitent des poèmes avec nous ! Mais ce qu’ils préfèrent, c’est le chant des Partisans. »
Ce dimanche, après la grande manifestation, les veilleurs s’assignent d’ailleurs la même mission. « Il s’agira d’offrir aux gens une autre voie de résistance, précise Madeleine. J’aimerais mettre en avant des textes de penseurs de gauche, pour montrer que l’on est pas dans une logique partisane. » Et après ? Axel, chef de file du mouvement, promet qu’il veillera « jusqu’au retrait de la loi ». Pour cet été, il est persuadé que chacun « renoncera un peu à l’hédonisme et offrira un morceau des vacances pour le bien commun ».
En attendant, le mouvement des veilleurs a largement essaimé en province – dans plus de 110 villes -, et même à l’étranger ! « D’abord ils nous ignorent, ensuite ils nous raillent, puis ils nous combattent et enfin, nous gagnons », peut-on lire sur l’une de leurs banderoles, citant Gandhi. « Peut-être parviendrons-nous à leur faire comprendre ?, tente Paul, veilleur conquis. Peut-être le gouvernement finira-t-il par abroger cette loi injuste ? » « L’espérance est un trésor ».