Vade-mecum du droit naturel : La doctrine sociale de l'Église
Seule la doctrine sociale de l'Église permet de respecter un droit naturel garant de la justice du droit et d'une véritable liberté…
• Dans le numéro 1542 de
L’Homme nouveau daté de ce samedi 11 mai, l’abbé Claude Barthe met fortement en lumière
l’impréparation intellectuelle des catholiques face à une République qui radicalise les conséquences logiques d’un État « ne s’estimant lié à aucune obligation envers la loi de Dieu ». Alors, écrit-il,
« les devoirs d’action et d’abstention, selon les cas, qui découlent pour les chrétiens de cette situation violente n’ont été, jusqu’à présent, qu’ébauchés [dans les enseignements épiscopaux].
C’est un immense chantier pastoral. »
Cette « conception » de la dignité humaine n’existe pas : la « philosophie des Lumières » n’est ni la suite ni le complément de la « révélation judéo-chrétienne », elle en est le contraire. Ne pas le voir est le signe majeur d’une impréparation générale.
• La « philosophie des Lumières » est, dans le monde occidental, la tendance presque toujours dominante de la vie culturelle, politique et religieuse depuis le XVIIIe siècle. N’allons pas nous perdre dans les nuances, divergences, contradictions des fondateurs, Voltaire, Rousseau, Diderot, d’Alembert, l’Encyclopédie (etc.) et bien sûr Emmanuel Kant. Leur œuvre commune est la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 (résumée par la devise : « Liberté-Égalité-Fraternité »). Elle est l’âme et la seule loi fixe de la démocratie moderne. Elle demeure la référence constitutionnelle de notre Ve République. Référence indirecte mais fondamentale : par le préambule de notre Constitution déclarant se fonder sur le préambule de la IVe, lequel la mentionne expressément comme la loi suprême. En somme, à la place du Décalogue.
• La Déclaration de 1789 énumère quantité de « droits » plus ou moins réels, mais dépourvus de toute valeur certaine par l’énoncé fulgurant et dévastateur des articles 3 et 6 : ceux-ci délégitiment et suppriment toute autorité n’émanant pas expressément de la volonté populaire et proclament que « la loi est l’expression de la [supposée] volonté générale ». La supposée volonté générale, c’est-à-dire l’État républicain, peut donc décréter n’importe quoi, n’importe quel caprice du moment, n’importe quelle injustice, et imposer une légitimité, une morale, une religion à lui, inventées par lui.
• La liberté est un beau mot, quand il veut signifier le contraire de l’esclavage. Mais, dans l’esprit de la Déclaration des Droits de l’Homme, il signifie être libéré de toute autorité et de toute loi supérieures à la conscience individuelle ou [supposée] collective.
L’égalité est un beau mot, quand il signifie l’égale nature humaine de chacun devant la justice (et la miséricorde) du Seigneur Dieu. Ou même l’égalité devant la loi. Dans l’esprit de la Déclaration, il s’agit de détruire toute hiérarchie. Or toutes les formes de vie en société sont forcément hiérarchiques et non pas égalitaires : la famille est hiérarchique, le métier est hiérarchique, l’État est hiérarchique, l’Église est hiérarchique. L’égalité républicaine, la démocratie moderne, c’est la culture de mort, c’est la mort.
La fraternité est un beau mot quand elle se fonde sur une commune paternité. Selon l’esprit de la Déclaration, la fraternité républicaine c’est la fraternité maçonnique, invoquée désormais sous le nom mystérieux de « pacte républicain ».
• L’erreur a été de vouloir s’approprier ce langage, christianiser ces concepts, imaginer une origine évangélique aux droits de l’homme, inventer une démocratie chrétienne, – au lieu de s’affirmer dans son langage et selon ses propres concepts. La démocratie (moderne), les droits de l’homme, le pacte républicain appartiennent à ceux qui les ont inventés et gardent toujours leur tendance inévitablement subversive, qui est l’insurrection collective contre Dieu et sa loi.
Les élites officielles du catholicisme sont aujourd’hui intellectuellement mal préparées à comprendre que la Révolution française, sa Déclaration des Droits et sa devise ne sont pas principalement une fondation politique mais une permanente agression religieuse. On pouvait pourtant le comprendre dès le début : avant même d’appliquer les Droits de l’Homme par une Constitution politique (ce ne fut qu’en 1791 et elle était encore royale), l’esprit des Lumières et sa Révolution commencèrent prioritairement par imposer dès 1790 une Constitution civile du clergé, qui soumettait à la loi politique l’Église de Jésus-Christ. C’est à quoi, aujourd’hui plus que jamais, nous avons à faire face.
Article original signé Jean Madiran : Soumettre à l’État l’Église de Jésus ! [extrait de Présent n° 7851 du mardi 14 mai 2013]