Le pouvoir russe réprime brutalement les adversaires d’une loi sur le mariage
(du correspondant permanent à Moscou de l’AFP pour Le Monde, Le Figaro, Le Parisien, Libération et aussi France 2, TF1, M6, Direct 8…)
Le 24 mars c’est une immense manifestation qui s’est déroulée dans les rues de Moscou. Plus d’un million et demi de personnes selon les observateurs étrangers, 300.000 selon le régime et la presse aux ordres. La réaction du pouvoir a été violente. Rappelées de Sibérie et de Tchétchénie, les forces spéciales ont dispersé brutalement les manifestants. Les robocops n’ont pas hésité à gazer des enfants avec des « aérosols » (sic) dont l’usage est condamné par l’Union européenne, aérosols, qui plus est, périmés selon une ONG de défense des droits de l’homme.
Depuis, les manifestations se multiplient. Le pouvoir y répond par des arrestations de plus en plus arbitraires. Des pères de famille ont été interpellés pour port de « tee-shirt interdit ». Soixante-sept jeune gens ont été gardés à vue à la Loubianka pour avoir tenté d’organiser un pique-nique près de la Place Rouge. Des jeunes filles qui faisaient un sit-in pacifique ont été violemment précipitées dans la bouche de métro Pushkinskaya par les sbires du pouvoir : des méthodes qui évoquent, pour un Français, celles du sinistre Papon réprimant les patriotes algériens, en 1961, au métro Charonne.
Les conditions du vote de la loi à la Douma ont été dignes d’une république bananière : moins de cinquante élus étaient présents mais la loi est réputée avoir été adoptée par plus de 300 députés ! Impensable pour qui est un habitué des procédures parlementaires des démocraties occidentales. Des parlementaires ont même été empêchés par la police de rejoindre la Douma.
Une vague de manifestations a alors déferlé sur tout le pays. Les ministres et les gouverneurs sont partout accueillis par des broncas. Le harcèlement démocratique bat son plein. En visite dans son propre fief de Saint-Pétersbourg, le président Poutine a dû accéder à la mairie par la porte de service…
Manslov Gazov, le ministre de l’Intérieur, a tonné contre les « provocateurs fascisants » et dénoncé des « houligans » : le mot même employé par Leonid Brejnev pour condamner les dissidents à l’époque de Soljenitsyne. Pour les ONG occidentales il est clair que Manslov Gazov (un ancien de SOS Communisme) a mobilisé la section manipulation du FSB (héritière du KGB) pour multiplier les actions de provocation. Les médias du régime ont d’ailleurs complaisamment relayé le saccage commandité d’un bar pro-Poutine dans l’Oural et la prétendue agression de deux partisans de la loi Poutine à Moscou (une simple querelle de sacs à main en fin de soirée).
Derrière le rideau de fumée des médias du régime, le nombre des prisonniers politiques s’accroît. Le régime aux abois multiplie les rafles pour mettre à jour ses fichiers. Les geôles de Manslov Gazov sont pleines. Le 18 avril des dizaines d’inoffensives babouchkas ont été embarquées sans ménagements, alors qu’elles papotaient près du monument aux morts à la grande guerre patriotique ; et dans la nuit des dizaines de jeunes veilleurs silencieux, à la Gandhi, ont fait l’objet de très violentes interpellations.
Le Parlement européen s’est ému et a sommé le pouvoir russe de ne pas paralyser les réseaux internet comme on en prête l’intention à Manslov Gazov. Et les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne vont convoquer les ambassadeurs russes pour leur faire des remontrances et leur rappeler les droits de l’opposition démocratique. Le Printemps russe, c’est maintenant !