L'ambassadeur des États-Unis en Libye tué à Benghazi : quatre Américains, dont l'ambassadeur, ont été tués dans l'attaque du consulat des États-Unis à Benghazi, en Libye en riposte à la provocation du film d'un Israëlo-américain diffusé sur Internet …
Le malheureux Christopher Stevens en déplacement à Benghazi victime de l'ingratitude de ses amis islamistes soutenus par le Qatar |
L'Afrique Réelle : "Derrière l’assassinat de l’ambassadeur américain à Benghazi"
Acteur plus qu’actif du renversement de Mouammar Kadhafi, Christopher Stevens, en déplacement à Benghazi, a été pris au piège dans les locaux du consulat de son pays. Au-delà de ce meurtre et de son prétexte pseudo religieux, quelle analyse pouvons-nous faire de la situation en Libye ?
C. Stevens lève un pouce victorieux sur le corps torturé de Kadhafi… Il y a exactement 320 jours… Proverbe libyen du jour : Qui n'a encore traversé l'oued ne doit se moquer de celui qui se noie. |
Le colonel Kadhafi avait réussi, au prix d’une dictature sévère, à imposer la stabilité intérieure dans un pays aujourd’hui menacé d’une fragmentation régionale (Tripolitaine-Cyrénaïque-Fezzan) doublée de fractures interrégionales et religieuses.
En Tripolitaine deux grandes coalitions régionales s’opposent :
1) À l’Ouest, l’AFN de Mahmoud Jibril a pour cœur la fraction tripolitaine des Warfalla, sa tribu qui, à elle seule, totalise 30% de la population. Ses alliés et partenaires se recrutent à Zenten [1] et parmi les tribus de l’ouest, dont les Berbères du jebel Néfusa et de Gahryan.
2) À l’Est, la coalition islamo-Misrata est quant à elle puissamment soutenue par le Qatar. Le port de Misrata est aujourd’hui aux mains de ces milices gangsgtéro-fondamentalistes qui lynchèrent le colonel Kadhafi, tranchèrent les mains de son fils cadet avant de lui crever les yeux et de l’égorger. Ce furent ces « combattants de la liberté », ces « démocrates » chers à BHL, que le président Sarkozy ordonna aux commandos français de sauver quand les forces du colonel Kadhafi étaient sur le point de prendre la ville… Joli coup !
En Cyrénaïque, où le 6 mars 2012, Ahmed Zubaïr al-Senoussi a été élu émir par les chefs des tribus, deux grandes forces s’opposent, les fédéralistes et les islamistes.
L’irrédentisme de la Cyrénaïque est une donnée historique. Dans les années 1945-1950, quand l’ONU força la Grande-Bretagne, l’Italie et la France à accélérer le processus d’indépendance de la Libye, les tribus de Cyrénaïque, réticentes à l’idée de la création d’un Etat libyen, n’acceptèrent l’union qu’à deux conditions :
1) Que le chef de la confrérie sénoussiste, Idriss en devienne le chef. Il régna sous le nom d’Idriss I° de 1951 à 1969.
2) Qu’une large autonomie soit reconnue à la Cyrénaïque.
En 1969, dès sa prise de pouvoir, Mouammar Kadhafi abolit la monarchie et imposa la domination de la Tripolitaine, ce que la Cyrénaïque n’accepta jamais. C’est pourquoi la guerre civile qui allait le renverser y commença.
Les islamistes qui ont soutenu la rébellion de la Cyrénaïque veulent maintenant « coiffer » les fédéralistes, mais ils ont en face d’eux d’autres musulmans. Un féroce combat oppose en effet les fondamentalistes qui n’ont pas de tradition locale aux membres des confréries soufies dont le poids régional est important. Le fief des islamistes radicaux est Derna où ils ont constitué un Emirat. Depuis plusieurs semaines, ils tentent de prendre le contrôle de Benghazi. L’attaque contre le consulat américain fait partie de leur stratégie.
Qui va l’emporter ? Il est impossible de le dire. Actuellement les fondamentalistes de Cyrénaïque cherchent à s’appuyer sur les milices de Misrata lesquelles recherchent leur soutien contre celles de l’Ouest. Furieux de la défaite de ses protégés à Tripoli, le Qatar semble particulièrement actif dans cette opération.
La question qui se pose désormais est de savoir si la Libye peut survivre comme Etat. Peu à peu y apparaît en effet une situation de guerres régionales, tribales, claniques, religieuses ; comme en Somalie. Elles pourraient être suivies d’un éclatement territorial, le pays étant alors découpé en « touches de piano » avec un port dans le prolongement des gisements d’hydrocarbures de l’intérieur.
Désormais, l’alternative est simple : soit les nouvelles autorités mettent un terme au chaos - mais comment ? - et reconstruisent l’Etat sous une forme ou sous une autre, soit la Libye demeure ingouvernable. Dans ce cas, les islamistes pourraient alors jouer une carte maîtresse, celle du modèle religieux transcendant les divisions afin de les coaguler dans un tout commun, l’Oumma.
Ceux qui ont permis ce désastre avec ses prolongements dans toute la bande sahélienne (voir les numéros de l’Afrique Réelle consacrés à cette question), sont ceux qui ont décidé de s’immiscer dans la guerre civile libyenne, au premier rang desquels l’ancien président de la République française. Quant au malheureux ambassadeur américain, le moins que l’on puisse dire est que ses anciens protégés se sont montrés bien ingrats envers lui…
Telefe Noticias : "Bengasi : Matan al embajador de EEUU en Libia en atentado"
RIA Novosti : "Libye - Mort tragique de l'ambassadeur US : Lavrov présente ses condoléances"
RIA Novosti - Fedor Loukianov : "Comment le printemps arabe a embrouillé la géopolitique de l’après 11-Septembre"
Les Intransigeants : "Violences en Orient : l’Innocence des Chrétiens"