« Jusqu'en 1843, les exécutions capitales avaient eu lien dans l'Algérie par le yatagan, suivant l'usage que nous y avions trouvé établi : c'était aussi un exécuteur musulman qui avait continué de remplir ce redoutable office.
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| Mahmoud manqua son coup et répondit en achevant sa victime avec son couteau |
Le fait suivant, survenu en 1842, décida l'administration supérieure à employer désormais pour l'Algérie le mode de décapitation usité en France. Le 3 mai 1842, fut exécuté hors la porte Bab-Azoun, à Alger, un condamné à mort ; l'exécuteur indigène, appelé peut-être pour la première fois à décapiter un chrétien, et saisi d'une émotion extraordinaire, fut obligé de s'y prendre à plusieurs reprises pour achever le supplice du malheureux ; mais alors la foule indignée menaça les jours de l'exécuteur, qui ne dut son salut qu'à l'intervention de la force armée. Pour prévenir le retour d'un si hideux spectacle, M. le ministre de la guerre a ordonné que l'instrument de supplice dont on se sert en France serait introduit en Algérie, et que l'exécuteur des hautes œuvres serait Français.
C'est donc le 16 février 1843 que l'échafaud fut dressé sur la place Bab-el-Oued à Alger, et que la terrible guillotine fonctionna pour la première fois : la nouveauté de ce triste spectacle parait avoir vivement impressionné les indigènes.»
Source : Quétin, Guide du voyageur en Algérie, Paris, L. Maison, 1848, p. 93
Le dernier yatagan, ou comment la guillotine fut importée en Algérie
Voici de quelle manière le Figaro explique, dans son supplément du dimanche, comment la guillotine fut importée,en Algérie, à propos d'une horrible boucherie par le yatagan :
Le 3 mai 1842, à midi, des Européens et des indigènes se pressaient autour de l'échafaud dressé sur un tertre qu'occupe aujourd'hui l'emplacement du théâtre, en dehors du Bas Azzoun, à Alger. On allait exécuter un Français-Alsacien, nommé Grass Geoffroy-Charles qui, quelques mois avant, avait tué deux de ses compatriotes à coups de fusil, aux environs d'Alger, entre Birkaden et Baba-Hassein.
Lorsque Grass arriva, accompagné par le pasteur protestant, le greffier et le chaouch exécuteur, les gendarmes eurent grand'peine à écarter la foule nombreuse et compacte pour laisser au funèbre cortège un passage jusqu'au pied de l'échafaud.
Le patient allait y monter après avoir jeté son cigare et reçu les dernières consolations du pasteur, lorsque le commissaire de police, s'apercevant qu'il manquait une pièce indispensable aux formalités de l'exécution, envoya le greffier au parquet du procureur général, alors chef de la justice en Algérie, pour qu'on lui remit le sinistre bon à tuer. L'absence du greffier dura 28 minutes, minutes d'effroyables angoisses pendant lesquelles pourtant Grass, presque souriant, causait avec le pasteur, tout en fumant un nouveau cigare qu'il avait pris au hasard parmi les centaines tendues par les curieux venus pour le voir mourir.
Une immense rumeur annonça le retour du greffier. Alors Grass, après le baiser de paix donné par le pasteur, monta tranquillement sur l'échafaud et, tranquillement encore, se dépouilla de sa redingote, s'accroupit à la mode turque, se laissa lier les mains derrière le dos et baissa la tête au gré du chaouch
On a souvent représenté l'exécuteur turc ou arabe brandissant son cimeterre ou son yatagan pour abattre la tête du condamné. Il n'en est rien : l'exécuteur faisant d'abord aller, et à distance, son yatagan de gauche à droite, horizontalement, à la hauteur du cou du patient, finit par le décoller d'un mouvement sec et semi-circulaire du poignet. Le suprême art consiste à ne pas séparer complètement la tête du corps ; elle doit retomber sur la poitrine, c'est d'ailleurs plus orthodoxe.
Mahmoud, ancien chaouch du bey de Titeri, prenait donc ses dispositions en promenant de gauche à droite son yatagan long à peine de deux pieds, quand Grass, intrépidement curieux, éleva et tourna la tête pour voir ce que faisait Mahmoud. Ce dernier, habitué à l'impassibilité que le fatalisme donne aux Arabes, fut épouvanté par le regard de Grass et manqua son coup. Aux cris épouvantables jetés par Grass et auxquels répondaient ceux de la foule, Mahmoud répondit en achevant sa victime avec son couteau ; puis il n'eut que le temps de se réfugier à quelques pas de là, à la Bibliothèque, assailli qu'il était par une grêle de pierres. Mahmoud |était étonné, ahuri de son horrible maladresse car il était de la force de son compère Toubert, l'ex-chaouch du dey d'Alger, qui, en une matinée, avait décapité 135 Kabyles, sans en manquer un seul.
On s'émut de l'exécution de Grass Geoffroy-Charles ; mais le seul journal qui parut alors à Alger, Yakhbar, reçut l'ordre de n'en point par1er ; seulement, il fut décidé que les condamnés à mort seraient désormais exécutés comme dans la métropole, à moins que, condamnés par les conseils de guerre, ils ne fussent fusillés.
Un Européen mourut le dernier par le yatagan. Ce fut un musulman qui monta le premier sur l'échafaud pour être guillotiné, le 16 février 1843 ; ce misérable, nommé Abd-el-Kader-ben-Zelbouf-ben-Dahman, était la terreur des environs d'Alger ; on n'en était plus à compter ses vols et ses assassinats.
La Dépêche (de Toulouse) du dimanche 14 mai 1876, page 2 : La dernière exécution par le Yatagan
Le 20 octobre 1842, Victor Hugo s’installe à sa table de travail et décrit l’arrivée de drôles de caisses sur les quais d’Alger : « Sur le débarcadère, des douaniers ouvraient les colis, et, à travers les ais des caisses entrebâillées, dans la paille à demi écartée, sous les toiles d’emballage, on distinguait des objets étranges, deux longues solives peintes en rouge, une échelle peinte en rouge, un panier peint en rouge, une lourde traverse peinte en rouge dans laquelle semblait emboîtée par un de ses côtés une lame épaisse et énorme de forme triangulaire : c’était la civilisation qui arrivait à Alger sous la forme d’une guillotine ». On a l’impression, en le lisant, d’une chose vraiment vue. Or, Hugo n’y a pas assisté, n’ayant jamais foulé le sol de l’Algérie. Mais la date et le fait sont attestés.
Quatre mois plus tard, le 16 février 1843, le premier indigène en terre algérienne, Abd el Kader ben Dahman, avait la tête tranchée.
Sur le port d’Alger, devant une
foule nombreuse,
des caisses venues de métropole sont déchargées…
des caisses venues de métropole sont déchargées…
« 20 octobre [1842] - L'autre jour, à Alger - nous entrions dans ce mois d'octobre qui est si beau quand il est beau -, le soleil se couchait splendidement. Le ciel était bleu ; l'air était tiède, la brise caressait le flot, le flot caressait la rive ; de magnifiques rayons horizontaux découpaient, pour l'amusement des yeux qui errent çà et là tandis que l'esprit rêve, de bizarres trapèzes d'ombre et de clarté sur cet amphithéâtre de maisons carrées, plates, basses et blanches qui est Alger et qui a vu Hariadan Barberousse et Charles Quint ; une joie profonde et secrète, cette joie inexprimable qui, à de certaines heures et dans de certaines saisons, palpite au fond de la nature, semblait animer et faire vivre sur le rivage, dans la plaine et sur les collines, tous ces beaux arbres qui épanouissent leur verdure éternelle dans la sombre et éclatante poésie de l'Orient : le palmier qu'a changé Homère, l'aloès qu'a célébré Hafiz, le lentisque dont a parlé Daniel, le figuier dont a parlé Job.
Un bateau à vapeur, qui venait de France, et qui portait un nom charmant, le Ramier, était amarré au môle ; la cheminée fumait doucement, faisant un petit nuage capricieux dans tout cet azur, et de loin on eût dit le narguilé colossal du géant Spahan. Tout cette ensemble était grand, charmant et pur, pourtant ce n'était point ce qui regardait un groupe nombreux, hommes, femmes, Arabes, juifs, Européens, accourus et amassés autour du bateau à vapeur.
Des calfats et des matelots allaient et venaient du bateau à terre, débarquant des colis sur lesquels étaient fixés tous les regards de la foule. Sur le débarcadère, des douaniers ouvraient les colis, et, à travers les ais des caisses entrebâillées, dans la paille à demi écartée, sous les toiles d'emballage, on distinguait des objets étranges, deux longues solives peintes en rouge, une échelle peinte en rouge, un panier peint en rouge, une lourde traverse peinte en rouge, dans laquelle semblait emboîtée par un de ses côtés une lame épaisse et énorme de forme triangulaire.
Spectacle autrement attirant, en effet, que le palmier, l'aloès, le figuier et le lentisque, que le soleil et que les collines, que la mer et que le ciel : c'était la civilisation qui arrivait à Alger sous la forme d'une guillotine. »Source : Choses vues – Souvenirs, journaux, cahiers – 1830-1846, Victor Hugo, édition établie, présentée et annotée par Hubert Juin, Paris, Gallimard (Folio), 1972, p. 241-242. 20 octobre 1842.
Histoires de bourreaux : La guillotine en Algérie II (14 mai 2009)
Histoires de bourreaux : Jacques Baroux, premier exécuteur en Algérie (13 mai 2009)
Histoires de bourreaux : Anatole Deibler, exécuteur adjoint en Algérie (13 mai 2009)
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| "Triple exécution à Sétif" par Fortuné Louis Méaulle et C. Crespin Supplément Littéraire illustré du "Petit Parisien", n° 168 |
Un article qui n’apporte rien par rapport aux précédentes références sur la « guillotine en Algérie » mais l’opportunité de découvrir un blog tenu par un métropolitain appelé du contingent et révélateur des profondes divisions et cicatrices que les évènements d’Algérie laissent encore en France près de 65 ans après 1962… Vous avez dit : risque de guerre civile en France ? Viennent-ils vraiment seulement de ces Arabo-musulmans que certains se plaisent à systématiquement et exclusivement vouer aux gémonies…



