Mythique comédien, acteur singulier, artiste éclectique… les médias ont paru découvrir soudain Michael Lonsdale comme un continent ignoré. Or il est parmi nous depuis un demi-siècle, sur scène en compagnie de ceux qui inventèrent le théâtre présent de Beckett à Tchékov, de Duras à Koltès, au micro du lecteur, feuilletant nos plus précieuses bibliothèques ou traversant le cinéma contemporain comme on fait l’école buissonnière, en quelques 120 films qui vont de l’avant-garde des Hanoun, Rivette, Bunuel, Duras, à la cavalerie hollywoodienne des James Bond et des Spielberg, en passant par les vagues successives du cinéma français. Il était là, et certains ne le distinguaient pas, alors qu’il se faisait de plus en plus proche du public, discrètement, comme un oncle conteur de fable, ou un grand animal attentif, puissant, dont les humeurs seraient redoutables, peut-être, si on ne l’avait pour ami. Le rendez-vous de Tibhirine, par le succès inattendu du film « Des hommes et des dieux », est venu faire éclore au grand jour cet attachement secret en même temps que libérer en lui, chrétien, une parole pudiquement contenue. Il était grand temps, pour nous, de nous arrêter quelques heures en sa compagnie.
Par Luc de Goustine; réalisation Anne-Pascale Desvignes. Avec la collaboration de Claire Poinsignon, mi-mai 2011.
Dans ce premier entretien des "À voix nue", Michael Lonsdale se rappelle de ses débuts à l'âge de 13 ans dans des émissions pour enfants sur Radio-Maroc.
Je me rappelle très bien mon premier rôle, c'était Atchoum dans "Blanche Neige et les Sept Nains".
Enfant illégitime, il a été caché par sa mère qui ne voulait pas l'avouer à sa famille, il dit avoir été "la honte" de cette histoire familiale. Ils durent s'exiler sur l'île de Jersey pour ne pas déplaire au père. Il s'interroge sur la marque de cette illégitimité sur son inconscient et son devenir de comédien qui se montre et s'impose.
De ses cours chez Tania Balachova, il dit avoir apprécié tout particulièrement les exercices d'improvisation qui lui donnaient "la liberté d'exprimer, l'ouverture, l'invention". Il confie travailler très peu ses rôles, "pour moi c'est quelque chose d'imminent, tout de suite".
J'obéis aux metteurs en scène quand ils me disent quelque chose, bien sûr. Au début ils m'ont dit beaucoup de choses mais François Truffaut a été le premier à me laisser improviser. J'étais très mal au début, j'étais plus à l'aise au théâtre mais le cinéma j'y allais des fois comme un chemin de croix. J'avais un tel trac, j'étais mal, malhabile.
Première partie de la série "À voix nue" consacrée à Michael Lonsdale. Le comédien raconte ses souvenirs d'enfant illégitime, sa grand timidité, sa difficulté de se mettre en colère pendant les cours d'art dramatique, son attrait pour l'improvisation.
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Dans ce deuxième volet d' "A voix nue" avec Michael Lonsdale, le comédien parle de son enfance cosmopolite entre Jersey, Londres et le Maroc à partir de 1939 où sa famille partie s'y installer pour six mois y est finalement restée dix années, bloquée du fait de la guerre. Là-bas il découvre le cinéma : "Chaque fois que j'allais au cinéma, pour moi c'était un événement. C'était des grandes émotions."
Moitié français et moitié anglais, pour Michael Lonsdale c'est "une difficulté, explique-t-il, les gens me disaient, mais vous êtes quoi ?" Ce à quoi il aime tout simplement répondre : "Je suis un mélange".
Je suis très curieux. Quand je suis en France, je souffre de ne pas être en Angleterre et quand je suis en Angleterre, je souffre de ne pas être en France. Donc, je suis bien quand je traverse La Manche.
Immense comédien, il n'a pourtant jamais joué de Shakespeare. Il a refusé ainsi la proposition de Patrice Chéreau au Théâtre de l'Odéon où, suite aux événements de mai 68 et l'exclusion de Jean-Louis Barrault, Roger Blin ayant prédit que celui qui ferait la réouverture de ce Théâtre serait "une lotte pourrie" ! Il n'a pas voulu prendre le risque...Par Luc de Goustine; réalisation Anne-Pascale Desvignes. Avec la collaboration de Claire Poinsignon.
Deuxième partie de la série "À voix nue" avec le comédien Michael Lonsdale qui parle de sa jeunesse itinérante, de sa découverte du cinéma au Maroc dans les années 1940 et de sa recherche d'identité mi-anglais, mi-français.
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Michael Lonsdale, dans ce troisième entretien d' "À voix nue", se remémore ses premiers souvenirs de théâtre, sa rencontre avec Roger Blin, "c'était un maître à penser pour moi, une référence absolue". Dans ce métier, il dit "aimer la découverte" et ne cherche pas à jouer les rôles de répertoire, "aller jouer Tartuffe ou Alceste, ce n'est pas mon goût".
J'étais fasciné par le cinéma parce qu'au Maroc il n'y avait pas de théâtre. J'étais vraiment rempli de ces films quand on est rentré en France.
Michael Lonsdale a beaucoup travaillé avec Jean-Marie Serreau sur les pièces de Samuel Beckett. Il aimait ce renouveau théâtral.
Le monde de Beckett, ce qu'il donne au théâtre, ce ne sont que des misérables, des rejetés, des SDF, des gens fous, des gens dont la société ne veut plus. Alors, ça changeait un peu des rois et des princesses qu'on avait vus au théâtre pendant des siècles. Et voilà que tout le monde des pauvres débarquait. Il avait une compassion pour l'humanité incroyable, c'était un homme d'une générosité... c'était un être précieux, authentique.
Il évoque par la suite, le metteur en scène Claude Régy avec lequel il a créé une douzaine de pièces, "on a fait des choses inoubliables avec Claude". Il se souvient entre autres de la pièce La Chevauchée sur le lac de Constance de Peter Handke : "Ou les gens étaient fous de ça et ils revenaient le voir sept ou huit fois, ou alors les gens disaient que c'était de la folie, que ça ne voulait rien dire... C'était une aventure merveilleuse !"
Pour conclure, il parle de ses pièces religieuses, "j'avais à cœur de montrer la sainteté de personnages comme ça" explique-t-il, comme Bernard de Clairvaux, Thérèse de Lisieux, Sœur Emmanuelle.
Les gens vont au théâtre pour se distraire les idées mais aussi pour se mesurer au monde, savoir ce qui est bien et pas bien, ce qui est condamnable ou non, ce que l'on prend en pitié. Ça fait réfléchir, ça remue les profondeurs, dans l'inconscient. Les gens vont se voir finalement.
Par Luc de Goustine; réalisation Anne-Pascale Desvignes. Avec la collaboration de Claire Poinsignon.Dans cette troisième partie d'"À voix nue", Michael Lonsdale convoque ses maîtres en théâtre que sont Roger Blin, Claude Régy, Samuel Beckett. Il s'explique sur ses choix de scène, attiré par la nouveauté plus que par le répertoire.
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Quatrième volet de la série "À voix nue" avec Michael Lonsdale qui passe en revue les cinéastes avec lesquels il a travaillé, comme Jean-Pierre Mocky, "j'aimais bien son côté fou et inventif, un peu moqueur" ; Marcel Hanoun, "je suis en face d'un cinéaste, un vrai". Il relate avec humour sa rencontre avec Orson Welles, au téléphone il dit avoir cru à une blague : "Ça m'a donné un choc d'abord, parce que Welles pour moi, c'est une espèce de demi-dieu !"
Quand j'ai vu le film [Le Procès], au générique il y a tous les noms puis en dernier de la liste des acteurs : "and Michael Lonsdale"... alors là j'étais ému quand même de dire : c'est moi qui ai travaillé avec Welles !
Michael Lonsdale poursuit ses souvenirs cinématographiques agrémentés d'anecdotes autour des figures de Fred Zinnemann, Luis Buñuel, Steven Spielberg, ou encore Marguerite Duras...
Par Luc de Goustine; réalisation Anne-Pascale Desvignes. Avec la collaboration de Claire Poinsignon.
Dans ce quatrième entretien d'"À voix nue" avec Michael Lonsdale, il est question de sa carrière cinématographique à travers les grands réalisateurs qui ont jalonné son parcours de comédien, notamment des cinéastes américains.
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Ultime entretien de la série "À voix nue" avec l'acteur Michael Lonsdale qui raconte l'histoire du film "Des hommes et des dieux" de Xavier Beauvois. Après avoir accepté ce rôle, le cinéaste lui aurait confié "c'était toi ou personne".
Je regarde la télévision un peu le soir et ce sont des crimes sur les trois chaînes... C'est pas bon, c'est pas honnête de donner cela au peuple. Qu'est-ce-que ça veut dire, tous les jours de la violence, ça devient la cigarette de la vie, on a sa dose... Au lieu de parler de choses positives, de choses qui construisent la vie, non... le crime, le crime, le crime.
Michael Lonsdale dit regretter le rythme effréné de notre vie quotidienne. Il appelle à montrer plus souvent la bonté et la paix qui existe en nous. C'est justement le cas du film "Des hommes et des dieux", qui "correspond à quelque chose qui est positif dans l'être humain".
Par Luc de Goustine; réalisation Anne-Pascale Desvignes. Avec la collaboration de Claire Poinsignon.
Cinquième et dernière partie d' "A voix nue" de Michael Lonsdale qui évoque le film "Des hommes et des dieux" de Xavier Beauvois, l'occasion pour le comédien catholique de parler de sa foi et de son espérance.