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mercredi 11 mars 2020

Hommage à Jean Bastien-Thiry assassiné par DeGaulle, le 11 mars 1963 à 6 heures 46



Hommage à Jean Bastien-Thiry
assassiné par DeGaulle, le 11 mars 1963
avec la complicité du peuple français


Un sourire empreint de gravité…
1948 : Jean-Marie Bastien-Thiry, brillant polytechnicien…
« J’ai été prévenu en fin d’après-midi, le 10 mars, par le directeur des Prisons de Fresnes, M. Marty… Cette nuit-là, nous avons parlé beaucoup, le Père Vernet et moi. Puis est arrivée l’heure officielle du réveil du condamné à mort. Je le vois, à ce réveil : le PèrePrésence de Jean Bastien-ThiryVernet s’est penché sur lui : il dormait… Il se redressa, tout de suite présent, ne flottant absolument pas. Sa première réaction fut de demander quel était le sort de ses camarades.

La messe a été aussitôt dite dans la cellule voisine : une table, quelques chaises, en faisaient une chapelle. Ce fut le moment le plus émouvant. J’ai vu beaucoup de choses, mais je n’oublierai jamais le Colonel servant sa dernière messe avec calme et simplicité – et ce qui m’a le plus stupéfié, c’est que cette messe était chantée : non seulement par le célébrant, mais par le servant… C’était d’une très, très grande beauté – et en même temps d’une extrême discrétion : nul accent dramatique. Je ne su même pas que l’hostie du Colonel fut partagée pour être donnée aussi à sa femme, quelques heures plus tard…

La messe a dû durer une vingtaine de minutes… Nous sommes sortis avec le Colonel… Comme il ne me connaissait pas, je me suis présenté… La conversation était très calme. Il dédaignait tout à fait ce qui était en train de se débattre, l’ultime chance de le sauver… il était déjà au-delà. Je le regardai : il rayonnait. Il rayonnait vraiment de bonheur. C’est peut-être fou de dire cela, mais c’est tout à fait l’impression que j’ai eue : il était déjà dans l’Au-delà… alors que nous étions de pauvres garçons déchirés de le voir mourir…

Puis cela a été le départ… Au Fort d’Ivry, cela a été extrêmement rapide…

Nous l’avons embrassé, il est allé lui-même au poteau, très digne et toujours très calme, le chapelet dans les mains. Il n’a fait aucune déclaration, je l’affirme… Il était debout, les mains derrière le dos ; sans bandeau sur les yeux. Il est tombé à la première salve, indiscutablement… Il y a eu le coup de grâce…

Ce qui m’a le plus frappé, c’est le sang-froid indiscutable du colonel Bastien-Thiry…Mais, ce qui m’a le plus impressionné – et je pense que d’autres s’en sont aperçu ce matin-là - c’est le lien entre la messe qui a été sa dernière messe, et son comportement à la sortie de la chapelle : cette joie dans son regard. Cette Joie… »


Extrait du livre « Jean Bastien-Thiry, vie, écrits, témoignages », Témoignage du docteur Petit, pp. 249-251

*   *   *

Extrait de la Déclaration du Colonel Bastien-Thiry,
le 2 février 1963 devant la Cour militaire de Justice de Vincennes 

« Le danger que court actuellement ce pays ne vient pas d'un risque de destruction physique ou matérielle : il est plus subtil et plus profond car il peut aboutir à la destruction de valeurs humaines, morales et spirituelles qui constituent le patrimoine français . Ce patrimoine provient d'un héritage qui est à la fois grec, latin, occidental et chrétien et repose sur une conception précise de la liberté et de la dignité de l'homme et des collectivités humaines et sur la mise en application de principes fondamentaux qui sont la recherche et le souci de la justice, le respect de la vérité et de la parole donnée et la solidarité fraternelle entre tous ceux qui appartiennent à la même collectivité nationale . Nous croyons qu'on ne viole pas impunément et cyniquement ces différents principes sans mettre en péril de mort, dans son esprit et dans son âme, la nation tout entière . »
À l’aube du 11 mars 1963, Jean-Marie Bastien-Thiry est fusillé au fort d'Ivry. Cette exécution politique est la dernière qu'ait connue la France à ce jour. La victime est un polytechnicien de 35 ans originaire de Lunéville, marié et père de trois fillettes. Scientifique brillant et de stature internationale, il œuvre à la Cité de l'Air, à Paris, avec le grade de lieutenant-colonel, quand sa conscience est bouleversée par le drame algérien…

De Gaulle était revenu au pouvoir grâce au soulèvement de l'armée et des Français d'Algérie, le 13 mai 1958. Ces derniers craignaient à juste titre que le gouvernement de la IVe République ne négocie un retrait des trois départements algériens. Ils placèrent naïvement leurs espoirs en De Gaulle qui leur promit sans ambages de maintenir l'intégrité du territoire. Mais une fois au pouvoir, De Gaulle décida de l'impossibilité de maintenir le statu quo en Algérie. Il se refusa d'autre part à octroyer aux Musulmans d'Algérie tous les droits des citoyens français comme l'eussent souhaité l'ancien gouverneur Jacques Soustelle... ou des militaires comme Jean-Marie Bastien-Thiry. Restait l'alternative de l'indépendance. Il fallut près de quatre longues années pour que De Gaulle pût convaincre ses partisans que l'indépendance de l'Algérie était inéluctable.

La déconfiture fut totale. Après la signature des accords d'Évian, les Pieds-Noirs refluèrent en désordre vers la métropole et les vainqueurs du FLN assassinèrent dans des tortures affreuses plusieurs dizaines de milliers de harkis et autres musulmans francophiles, abandonnés par l'armée française et le gouvernement de De Gaulle. Comme beaucoup de militaires de sa génération, Jean-Marie Bastien-Thiry ne comprit pas les revirements de De Gaulle. Il les interpréta comme autant de trahisons à l'égard de la Nation, des Français d'Algérie et des Musulmans fidèles à la France.

Refusant l'inéluctable, Jean-Marie Bastien-Thiry se convainquit que DeGaulle était un obstacle à la restauration de la grandeur de son pays. C'est ainsi que sous l'égide d'un mouvement clandestin, le Conseil National de la Résistance (CNR) de Georges Bidault, il organisa un attentat contre le cortège de De Gaulle. Le 22 août 1962, au Petit-Clamart, dans la banlieue sud de Paris, alors que DeGaulle se rend de l'Élysée à sa résidence de Colombey-les-deux-Églises, la DS présidentielle est mitraillée par les six tireurs du commando de Jean-Marie Bastien-Thiry. Les conjurés visent principalement les pneus afin d'arrêter la voiture. Mais les pneus résistent aux balles et le sang-froid du chauffeur fait le reste. Les tireurs sont bientôt arrêtés. Jean-Marie Bastien-Thiry est arrêté à son retour d'une mission scientifique en Grande-Bretagne. Un tribunal d'exception, la Cour militaire de Justice, jugera les prévenus…

L'attentat dit "du Petit Clamart" visait à arrêter le Chef de l'État afin de le traduire en Haute Cour pour forfaiture, crimes et trahison. Les conjurés ont tiré principalement sur les pneus afin d'arrêter la voiture… Qu'enfin se tienne pour l'Histoire le procès du seul coupable vrai criminel dans ce drame…

Le prétendu procès dit  "du Petit-Clamart" s'ouvre au Fort de Vincennes le 28 janvier 1963, devant la Cour militaire de justice. La Cour est composée des généraux Gardet et Binoche, des colonels Bocquet et Reboul et de l'adjudant Latreille. Le siège du Ministère Public représentant du "pouvoir de fait" est occupé, en premier lieu par le général Sudaka, qui, malade en cours d'audience, est remplacé par le général Gerthoffer. Jean-Marie Bastien-Thiry, Alain Bougrenet de la Tocnaye, Jacques Prévost, Pascal Bertin, Lazlo Varga, Étienne Ducasse, Pierre-Henri Magade, Alphonse Constantin, Gérard Buisines comparaissaient, accusés de complot contre la sûreté de l'État et tentative d'assassinat contre le président de la République. Ils sont défendus par maîtres Tixier-Vignancour, Richard Dupuy, Le Corroller, Engrand, François Martin, Louis-François Martin, Cathala, Szigeti, Jacquet, Prévost, Coudy, Flécheux, Lemeignen, Varaut, Wagner, Rambaud, Damien, Gibault, Labedan-Puissan. À la suite d'un incident d'audience, maître Jacques Isorni chargé de la défense de Prévost, est suspendu pour trois ans en cours d'audience par décision de la Cour. Le jugement intervient le lundi 4 mars. Jean-Marie Bastien-Thiry, Alain Bougrenet de la Tocnaye, Marcel Prévost sont condamnés à mort, les autres accusés sont condamnés à diverses peines de réclusion criminelle et de prison. Georges Watin, Serge Bernier, Louis de Condé, Lajos Marton, Jean-Marie Naudin, sont condamnés par contumace à des peines allant de la prison à la mort. Le cas de Gyula Sari, est disjoint. Alain Bougrenet de la Tocnaye et Jacques Prévost seront graciés. Jean-Marie Bastien-Thiry a sera fusillé à l'aube du 11 mars 1963.

Le lundi 11 mars à l'aube - une semaine après le verdict - d'importantes forces de police entourent la prison Fresnes. D'autres jalonnent la route qui conduit au Fort Ivry. Celui-ci est lui-même étroitement surveillé. Dans sa cellule, on vient réveiller le colonel Bastien-Thiry. Il dort profondément. Dès qu'il ouvre les yeux, il comprend. Ses premières paroles sont pour ses amis : Quel est leur sort ? On le rassure : ils ont été graciés. Alors il s'habille posément, revêt par dessus ses vêtements civils une capote bleue de l'armée de l'air, sans galons. Il ne dit rien. Déjà, il se détache du monde, cependant que ses avocats, dans un ultime effort pour le sauver, lui font signer cette déclaration : « Je proteste contre ma condamnation et mon exécution. Ma condamnation est illégale. Mon exécution est un assassinat. Je demande qu'il y soit sursis jusqu'à ce que le Conseil d'état se soit prononcé sur la validité des arrêts de la Cour Militaire de justice. » On transmet au général Gerthoffer, chien de garde du "pouvoir de fait". Après quelques instants de discussion, celui-ci refuse le sursis, Le condamné entend alors la messe, reçoit la communion. Ceux qui assistèrent à ces derniers instants ont rapporté à quel point ils avaient été frappés par le rayonnement intérieur qui émanait alors de l'homme qui allait être immolé.

Bastien-Thiry prend place dans un fourgon cellulaire. Pendant le trajet, il prie. Le convoi parvient au Fort d'Ivry. Le condamné marche vers le poteau en tenant toujours son chapelet entre ses doigts. On l'attache, on veut lui bander les yeux. il refuse, comme l'avaient fait avant lui Albert Dovecar, Claude Piegts, Roger Degueldre. À 6 h 46, la salve retentit, puis le coup dit « de grâce ». Le lieutenant-colonel Bastien-Thiry est mort. On emporte son corps à Thiais. On l'enfouit dans le carré des suppliciés, à la sauvette, comme ces voleurs pendus jadis à Montfaucon que l'on entassait dans les fosses communes. Autour de cette tombe sans croix, quelques gendarmes, garde dérisoire. Bernanos a écrit ces mots admirables : « Nous ne souffrons pas en vain. Nous souffrons pour tous les lâches qui ne risquent rien. Que Dieu ait pitié de nous ». À qui pourraient-ils mieux s'appliquer qu'à celui qui dort en paix avec lui-même, sous les broussailles de Thiais?
« Je suis persuadé que notre mort, si elle avait lieu, secouerait la torpeur du peuple français », s'était écrié Alain de la Tocnaye devant ses juges. Il était bon prophète : la stupeur, l'indignation accueillent la mort de Bastien-Thiry, chez ceux-là mêmes qui s'opposaient farouchement à ses thèses politiques.



Il pleut sur le fort d'Ivry,
La France est assombrie
Les grands lys sont défleuris
Et saigne l’Algérie

Le peuple a apostasié
Par la constitution
l'Algérie est radiée
Dans l'abomination

Cour militaire d'injustice
Tribunal d'exception
Sans gloire et aux honneurs factices
Décide l'exécution

Une république parjure
Maitresse de l'imposture
Déshonneur de notre armée
Le fait assassiner

Elle a trahi les Pieds-noirs
Bannis, tristes et hagards
Fait tuer enfants et vieillards
Salis nos étendards

Elle a livré les Harkis
au couteau FLN
Abandonné l'Algérie
À la loi de la haine

Onze mars soixante-trois
Jean tombe fusillé
Condamné par un faux roi
Qui eut pu le grâcier.

SANGUIS MARTYRUM
SEMEN CHRISTIANORUM
COLONEL JEAN BASTIEN-THIRY
PRÉSENT POUR LA PATRIE

"Aux fusillés, aux combattants tombés pour que vive l'Algérie française",
cimetière du Haut-Vernet, Perpignan

Jean de Brem : Fort d'Ivry à la fraîche

Tu n'étais pas un baroudeur, mon Colonel
Tu n'étais pas une figure légendaire
Ni un brillant stratège de la guérilla
Ni un seigneur du djebel.
Tu n'étais pas un fasciste
Ni un chouan pétri de traditions
Ni un automate sorti des camps viets
Ni un officier perdu d'orgueil.
Tu n'étais pas un para
Tu n'avais pas l'amour des combats impossibles
Ni le culte du Désespoir
Ni la vanité des soldats d'élite.
Tu n'étais pas révolutionnaire
Tu ne voulais la place de personne
Tu n'étais pas amer
La haine ne couvait pas dans ton cœur
Ni le dégoût dans ton regard
Ni l'insulte dans ta bouche.
Non.

Tu n'étais qu'un homme paisible
Calme, honnête, responsable
Un chrétien réfléchi et pur
Un officier consciencieux
Un jeune savant, technicien appliqué
Qui menait la vie de tout le monde
Entre sa femme et ses filles...

Mais un jour...
Un jour a cessé la paix civile.
Car l'Orgueil est entré dans la cité
Pour étrangler la Patrie au nom de la Patrie
Pour lacérer les drapeaux au son des fanfares
Pour décapiter l'armée qui était la Force de la Nation
Pour épurer la Fonction qui était l'Élite de la Nation
Pour soudoyer l'Église qui était la conscience de la Nation
Pour tromper les masses qui étaient la Nation même
Pour appeler chaque défaite un triomphe
Chaque crime un miracle
Chaque lâcheté un fait d'armes
Pour appeler la comédie Droiture
L'impuissance, Fermeté
L'Abandon, Succès
La Haine Modération
L'indifférence, Lucidité
Et les Plébiscites Référendums


Toi, on t'avait appris
Qu'une parole ne se reprend pas
Que la France est une et indivisible
Que la loi est la même pour tous
Que la télévision est à tout le monde
Et bien d'autres choses encore,

Tu as vu tous les grands
Tu as vu tous les responsables
Tu as vu tous les dignitaires
Protester mollement, d'abord
Et puis se taire bien vite
Dès qu'ils ont senti le bâton.

Et tu n'as pas compris qu'ils étaient lâches
Car tu ne t'étais jamais parjuré
Car tu n'avais jamais hésité et menti
Ta vie était droite comme l'horizon des mers
Et tu regardais le soleil en face.
Les généraux pouvaient empêcher la France de mourir
Et aussi les fonctionnaires
Et aussi les évêques
Et aussi les professeurs
Les députés
Les magistrats
Et aussi les grands bourgeois
Les financiers
Les journalistes
Mais ils ont préféré la servitude
Ils ont vendu leur liberté trente talents
Ils ont acheté trente talents le droit
De survivre à leur Patrie
Pour continuer à ramper comme des vers
À grouiller comme des cloportes dans les ruines d'un monde en flammes.

Alors toi, mon Colonel
Un citoyen inconnu, un patriote inconnu
Tu as senti ton heure venue
Tu es devenu le glaive
Tu as frappé devant Dieu et les hommes.

On t'a traîné devant les juges
Pour une parodie de procès
Où des robots vêtus d'hermine
Petits fonctionnaires des abattoirs
Choisis sur mesure par le Prince
Au nom du peuple français
Ont ri de tes paroles
Bouché les oreilles à tes explications
Et t'ont condamné de leur voix mécanique
A quitter la comédie humaine.

Tu les gênais, toi qui ne jouais pas
Tu les salissais, toi qui étais pur
Et ta voix nette et claire
Témoignage de l'Histoire Éternelle
Il fallait l'étouffer pour qu'on cessât de voir
Les fronts rouges et les âmes sales
Des courtisans chamarrés
Affolés par ton audace d'homme libre.

Adieu, Brutus.
Tu es mort, un chapelet tressé dans tes doigts
Sans haine et sans colère comme un héros paisible
Il s'est trouvé des soldats pour t'abattre
Ils t'ont couché dans l'herbe du fort
Et ils ont basculé ton corps dans une fosse
Sous la pluie fine de l'aurore
Ils ont joué aux dés ta tunique bleue d'aviateur
Déchiré ton ruban rouge
Et dispersé tes galons d'argent et d'or au vent de l'Histoire.
Et ils ont cru, les déments
Que ta mémoire piétinée
Ton souvenir effacé par décret
Se tairait à jamais la voix d'un homme.

Alors que ta mort tranquille
Nous rendait un dernier service...

Regarde-nous mon Colonel
Du haut du paradis des croyants
Situé à l'ombre des épées :
Regarde-nous

Tu as maintenant dix mille fidèles
Que ton martyr d'officier
A rendu à la lumière ;
Qui jurent devant Dieu
De faire éclater nos chaînes,
Et de révéler ton image

Un jour au soleil d'été
Dans l'avenue qui portera ton nom
Des milliers d'hommes aux yeux fiers
Défileront d'un même pas
Guidés par les clairons de la postérité
Et d'un seul geste, au commandement,
Croiseront le regard de ton effigie
À jamais sanctifiée par les hommes.

Dors maintenant, mon Colonel,
Tu es entré dans la paix...
Mais qu'ici-bas sur la terre
La malédiction demeure...
Que ton sang retombe sur les têtes
Des Pilates et des Judas
Qui poursuivent leurs vies d'insectes
Au prix d'un forfait si grand...
Et que nos larmes brûlantes
De douleur et de colère
Fassent jaillir de la terre grasse d'Europe et d'Afrique
La race nouvelle d'Occident...
Merci pour tout, mon Colonel
D'avoir vécu en français
Et d'être mort en Officier.
Car le moment est venu
Où après un tel exemple
Tu vas nous obliger à vaincre...





À l’heure où j’écris ces lignes, il y a cinquante ans, nous étions dans l’angoisse de savoir, si, demain, à l’aube, Jean-Marie Bastien-Thiry serait ou non fusillé.

De tous côtés, les interventions auprès du « Château » se multipliaient… en vain. Celui qui devait devenir quelques années plus tard mon beau-père, tentait une ultime démarche au nom des anciens de Polytechnique. L’Élysée demeurait sourd.

En réalité, dès le premier de jour de son procès, dans sa déclaration qui reste un des plus nobles textes de la langue française, le jeune et brillant colonel de l’Armée de l’air avait signé lui-même son arrêt de mort. Les efforts admirables de ses avocats avaient la beauté triste des chants du désespoir.

« Que ce soit à Saint-Léon de Bayonne ou à Saint-Jacques de Lunéville, tous les matins, une messe est dite pour que la Divine Providence vous assiste, au moment de votre délibéré… Ne demeurez pas sourd, Messieurs, à l’invocation de l’Esprit qui, tous les matins, renaît à la prime aurore et retenez ces mots que je vous livre avec la plus intense de mon émotion : Et in terra pax hominibus bonæ voluntatis ».

Ainsi, après trois heures et demie d’une éloquence qui cherchait, en vain mais malgré tout, le cœur des hommes qui peuplaient une cour de justice qui, quelques semaines plus tard, sera déclarée illégale, Jean-Louis Tixier-Vignancour livrait-il un ultime combat. Celui qui avait constamment appelé DeGaulle « le Chef de l’état de fait » ne pouvait espérer aucune clémence. D’ailleurs la voulait-il ? Il était déjà ailleurs, devant le seul Juge qu’il reconnaissait, dans la vie qui ne connaît ni décrépitude, ni trahison, ni compromission.

C’est une grâce pour nous qui n’avions pas vingt ans d’avoir été les jeunes contemporains de Jean-Marie Bastien-Thiry. Antigone est une figure théâtrale, registre inépuisable pour les poètes et les dramaturges depuis vingt-cinq siècles… Mais cette figure n’a pas d’épaisseur historique. En aurait-elle que sa présence charnelle ne pourrait nous toucher. Elle vit dans les livres. Bastien-Thiry a vécu parmi nous. Certains de nos amis, de nos camarades de faculté – je pense particulièrement à mon ami Olivier Sers, devenu ensuite après la prison un brillant avocat, prince du Stage, et aujourd’hui le meilleur traducteur de Sénèque, de Lucrèce, de Pétrone, d’Ovide… – l’avaient fréquenté et, dans l’opération du Petit Clamart, l’avaient servi. Un jour viendra où un poète, un homme de théâtre, chantera ce drame, digne des plus grands moments de l’Antiquité, qui s’est déroulé, chez nous, il y a cinquante ans, à la fin de notre adolescence.

Le 11 mars 1963, pour beaucoup d’entre nous, sonnait le glas définitif de notre défaite. Un an avant, avec les accords d’Évian, c’était joué. Mais sous le feu éteint, une braise couvait encore. Avec l’énergie du désespoir et l’inconscience de la jeunesse, nous brûlions, dans tous les sens du terme, nos dernières cartouches. Maintenant c’était fini. Une immense dépression, un « à quoi bon ? » généralisé nous envahissait, accompagnant un irrépressible dégoût.

C’était le temps où Maurice Ronet incarnait, dans le Feu follet, le suicide logique de l’officier perdu. Louis Malle, Jeanne Moreau, Drieu La Rochelle parlaient à notre désenchantement d’une voix qui aurait pu être mortelle. Antoine Blondin nous traitait au vin de Bordeaux, aux calembours et à la poésie de la nuit de Paris. Nous lui en restons reconnaissants. Puis il y eut Jean Ousset, et, à peine dix huit mois après, le commencement de la campagne présidentielle de l’avocat de l’Algérie française. En France, rien n’est jamais acquis à l’homme, ni sa force, ni sa faiblesse… et encore moins son désespoir. Les facultés de rebondissement sont à la mesure de ses facultés héroïques. Car Jean-Marie Bastien-Thiry fut un héros, comme Harmodius – « auprès d’Harmodius, auprès de son ami… » – comme Charlotte Corday… un héros de notre antiquité, qu’auraient célébré Caton et Virgile, Cicéron et Plutarque. La poésie écrase le temps. L’héroïsme, qui est le sommet de la poésie, méprise le temps qui est l’insolvable créancier de la mort. Par lui, notre jeunesse rejoint l’aurore des civilisations. Le jeune Colonel, vêtu de probité candide et d’héroïsme désintéressé, affrontant un vieux général crispé sur un pouvoir si longtemps convoité et reçu par surprise, pour la survie de notre plus belle province d’Afrique, c’est un tableau intemporel pour enseigner le civisme aux jeunes générations de la République.

Il paraît que nous vivons une époque de décadence. Innombrables sont les signes qui fondent ce diagnostic. Mais, dans cette époque, brillent aussi des lumières qui attestent que le sang français, l’esprit du Royaume de France, la sève du renouveau est toujours là.

Dans moins de trois semaines, nous allons devoir manifester la permanence de cette présence. Nous allons dire, à la face du monde qui nous regarde, de la place de l’Étoile à la place de la Concorde, que les familles de France sont la France. Un après l’autre, les pays d’Europe acceptent une législation délirante, fruit de la déchristianisation de ce qui fut la Chrétienté. « L’état de fait » qui se dit présentement « Régent du Royaume de France » veut nous soumettre à la même ignominie. Répondons-lui avec l’énergie calme, droite et joyeuse qui sut aller jusqu’au don du sang pour « mettre en œuvre la grande loi de solidarité entre les hommes ». Il ne nous est pas demandé, le 24 mars prochain, de mourir sous les balles des fusilleurs… simplement de défiler, d’être là, de ne pas manquer le rendez-vous. Cet héroïsme modeste est à la mesure de nos forces déclinantes. Y renoncer tiendrait de la débilité. Je sais bien qu’ici ou là des paroles qui se veulent réalistes prétendent qu’on ne fait pas deux fois le même exploit, que le ressort serait sinon cassé, du moins détendu… que ceci… et que cela… il y a une infinité de raisons, plus sages les unes que les autres, pour ré-ouvrir ce discours de désespérance, paré de l’accent de la lucidité.

Mais ce qui fait l’histoire est toujours ce qui se dresse à contre-courant. Le Chevalier de la Barre, aujourd’hui, n’est plus l’homme qui garde son chapeau quand passe le Saint-Sacrement, c’est celui qui crie son dégoût devant les chars de la gay-pride. L’amour de ce qu’il y a de plus vrai et de plus beau dans l’ordre profond de l’univers se décline aujourd’hui sur le ton de la contestation radicale de l’ordre établi et du non-conformisme absolu à l’égard des mœurs dominantes. Suprême bénédiction céleste qui réunit le goût de la vérité et la passion de la liberté, la vénération de l’ordre et le penchant inné pour l’anarchie.

Ne manquons pas ce rendez-vous historique de nos passions nationales. Un nouveau printemps français nous attend.


*   *   *

Jean Bastien-Thiry a illuminé de son visage jeune et souriant la dernière scène de cette France de toujours, en même temps que s’avançait sur la dépouille de notre pays une sorcière hideuse et grimaçante qui allait garder son nom et prendre sa place.
Tout d’abord, il n’est pas illégitime de considérer la mort de Jean Bastien-Thiry comme le dernier acte de la Guerre d’Algérie. Certes, il y a eu encore des résistances héroïques et désespérées, l’activité du Conseil National de la Résistance à Rome, les actions d’officiers « perdus », la tentative d’attentat du Mont Faron, etc. Mais, à ma connaissance au moins, le sang n’a pas coulé.

Le sacrifice de Jean Bastien-Thiry a été incommensurable car, tout d’abord, il y a donné délibérément sa vie – comme tant d’autres combattants certes. Ses déclarations et son attitude lors de son procès confirment qu’il ne tenait pas à devoir la grâce à celui qui avait accumulé tant d’abominations. Mais il y a plus. La geste entreprise, qu’elle réussisse ou qu’elle échoue, devait jeter l’opprobre et la honte de la nation sur son nom et par conséquent sur sa famille, sans mesure car sans fin dans le temps. Quarante-cinq ans plus tard, si l’on évoque son nom dans un lieu public, on baisse la voix. En ce sens, il ne peut y avoir de sacrifice plus grand. Observons d’ailleurs que tant d’autres combattants de l’O.A.S. n’ont pas subi la même flétrissure ou, au moins, au même degré. Car quelles que fussent les actions menées, elles n’atteignaient pas le « sacrilège » de s’attaquer à DeGaulle qui incarnait la France – toutes tendances politiques confondues. Il cristallisait les péchés de son peuple et il l’avait débarrassé de l’Algérie.

Le sacrifice de Jean Bastien-Thiry a été encore grandi, anobli, par le fait qu’il était gratuit, à la limite qu’il risquait d’être inutile. Certes, si les rafales des FM avaient mis fin à la vie et à la carrière de l’homme de l’Élysée, en Algérie le bras des tueurs du F.L.N. serait resté suspendu dans la crainte d’un réveil de la France. Mais il n’y aurait eu là pour les candidats au supplice qu’un répit éphémère. En France, l’esprit de la population était trop profondément contaminé pour que ce geste salutaire amène un renversement significatif, tant de la politique suivie que dans le rétablissement de la vérité au sujet de l’Algérie.

La fin d’une civilisation animée par l’esprit de sacrifice

La tentative de Jean Bastien-Thiry, et de ses hommes, a clos un trait essentiel de notre civilisation, peut-être même le trait essentiel. Celui-ci se trouvait dans l’héroïsme surhumain d’aller au sacrifice pour une cause juste même si elle était évidemment perdue, pour une cause morale, pour l’honneur, par fidélité à l’égard des fidèles et tout simplement à l’égard du passé.

Les balles qui ont mis à mort Jean Bastien-Thiry, au fort d’Ivry, un sinistre matin de mars 1963, ont été d’abord les ultimes coups de feu qui ont mis fin à ce que l’on appelle les guerres de décolonisation. Pendant près de vingt ans, de l’Indochine à l’Afrique du Nord, de Cao-bang à Soukaras, nos soldats et nos officiers ont constitué une véritable « chair à canons coloniale ». Les parlementaires et les partis politiques qui tenaient la France dans leurs serres et qui les avaient envoyés à ces terribles combats lointains, se servaient des événements d’Indochine et d’Algérie pour renverser le gouvernement en place et s’y substituer par des crocs-en-jambe abjects. Tout au long de la guerre d’Algérie, ces gouvernements qui leur donnaient la mission de mourir pour combattre les rebelles traitaient, en sous-main, avec les organisations politiques de la rébellion, annulant ainsi les résultats si chèrement acquis sur le terrain. Et pendant les quatre dernières années (1958-1962), notre armée avait été soumise – parfois subjuguée – par un DeGaulle qui laissait, dans une indifférence glacée, massacrer des centaines de milliers de personnes en Algérie et qui poussait la cruauté la plus inhumaine jusqu’à laisser un général Jouhaud plus de 200 jours et plus de 200 nuits surtout, attendre l’aube où se pratiquent les exécutions capitales. Sous l’autorité de ces créatures misérables qui tenaient l’Élysée, Matignon, le Palais Bourbon et celui du Luxembourg, ces officiers mouraient pour la France, mouraient pour les populations qu’on les avait chargés de protéger, au début en y croyant, puis, au fil du temps, quand les illusions s’écaillaient, prenant conscience qu’ils mouraient pour rien et qu’ils faisaient mourir pour rien ceux qui étaient sous leurs ordres et également ceux d’en face. Ils sont restés courageux dans cette inimaginable épreuve. Ils sont restés fidèles au serment d’obéissance, liés à leur condition d’officiers. La plupart sont restés soumis, peut-être trop soumis.

Un des leurs, le colonel Jean Bastien-Thiry, qui n’avait pas été impliqué dans les combats et dans les massacres, a décidé qu’il était toujours temps de se livrer en holocauste. Il l’a fait dans un sacrifice aux dimensions exceptionnelles. Sa mort peut être considérée comme la fin d’une certaine France, laissant à sa place une autre France, nouvelle, habitée par une religion nouvelle, désorientée, une France défigurée, maculée, souillée, mûre pour mai 1968, mûre pour le suicide collectif de l’avortement et de la contraception, mûre pour la mise à mort de l’école et de la famille, pour la promotion de l’immoralisme. Aucune rupture de civilisation dans notre histoire n’a eu la même importance, les mêmes ravages foudroyants, la même irréversibilité. Avant, chez nous, l’esprit de sacrifice était vivace. Pendant plus d’un millénaire des missionnaires, des croisés, des chevaliers, de prestigieux officiers ou nobles fantassins, des médecins et des défricheurs d’empire ont donné leur vie pour la France. Par cet esprit de sacrifice, ils « faisaient du sacré ». Après le début de ces années 1960, l’esprit de sacrifice avait disparu ou, en tout cas, s’était singulièrement recroquevillé. Les douze balles qui ont tué, à l’aube du 11 mars 1963, un patriote et un héros, marquent allégoriquement l’achèvement du martyre de son pays. Jean Bastien-Thiry a illuminé de son visage jeune et souriant la dernière scène de cette France de toujours, en même temps que s’avançait sur la dépouille de notre pays une sorcière hideuse et grimaçante qui allait garder son nom et prendre sa place.



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Lettre de Georges Watin au commissaire Bouvier

Cette lettre est extraite du numéro spécial 61 bis, daté mai à décembre 1963, du Charivari consacré à Jean Bastien-Thiry :

Le procès de Vincennes
La mort de Bastien-Thiry
L’HONNEUR ET LE SANG


Le 24 octobre 1962, le commissaire Bouvier, qui avait mené à bien l'enquête sur l’attentat du Petit-Clamart et arrêté une partie des exécutants, recevait de Georges Watin, l'un des accusés en fuite, une lettre dont Le Charivari a présenté de larges extraits. Sans doute ne peut-on prendre comme argent comptant toutes les affirmations contenues dans ce texte. Du moins, à leur lumière certains contours demeurés mystérieux de l’affaire peuvent-ils être cernés. La vigueur pittoresque du style comme l'indéniable courage de son auteur confèrent en outre un intérêt à sa publication, pour la mémoire mais surtout pour les plus jeunes qui, avec bonheur, aujourd'hui découvriront ce texte magnifique.

Monsieur,

Je prends la liberté de vous écrire, bien que vous sachant toujours très occupé. Mais je ne puis accepter qu'un de mes camarades de combat risque sa tête par simple esprit de chevalerie, par le seul réflexe du véritable officier. En effet, Alain [de la Tocnaye] s'accuse, à tort, d'être le chef du commando de Villcoublay. Il serait injuste, voyez-vous, qu'Alain soit condamné à la peine capitale alors qu'il n'a fait que conduire la voiture P.C., qu'il n'a pas tiré un seul coup de feu, qu'il n'est venu en opération, les deux dernières fois, que parce que j'étais là. De toutes façons, il était bien décidé à obéir aux ordres reçus, c'est-à-dire se saisir de la personne du général pour jugement ultérieur (...).

Pour le commandant Niaux, j'affirme que cet officier intègre et droit n'a été absolument pour rien dans l'affaire. Il n'a jamais été à Clamart et il n'était même pas au courant de l'opération. Bien sûr, comme tous les patriotes, il attendait et espérait. C'est tout son crime. Et sa mort vous est comptabilisée, mon cher Bouvier (...). Pour Bastien-Thiry, c'est encore plus simple : il a pris le train en marche. Je dois dire qu'il est devenu un serre-frein plutôt qu'autre chose. Car vous qui savez tout, vous semblez ignorer que je suis sur cette opération depuis début avril. Oui, dix-sept fois exactement, nous nous sommes baladés à sept ou huit voitures, avec armes et bagages, sur les itinéraires de principe de l'objectif n° 1. Et je vous assure que ce n'était pas une opération d'enlèvement. C'était une embuscade de type fellouze. J'avais entre vingt-quatre et trente camarades triés parmi les durs et j'avais donné l'ordre de « griller » tout le monde (…). Il y avait entre 90 et 120 grenades défensives distribuées en plus des armes automatiques. Vous imaginez un peu le travail ! Lorsque j'ai contacté le colonel, il a été effrayé. Il ne comprenait pas cette haine profonde que nous avions, nous, pour vous tous (...).

Bastien était chargé de mission par le haut commandement rattaché au C.N.R. et cette mission, à mon sens trop humaine, était non pas de tout liquider mais de faire des prisonniers. Je dois dire que j'enrage encore en me remémorant notre petite sortie. Pensez donc, si au lieu de tenter de percer les pneus nos gars avaient flingué le pare-brise ! Pour des tireurs chevronnés, c'eût été un enfantillage. Quel gaspillage de compétence ! Bien entendu, Bastien ne voulait pas que nous tirions à tort et à travers (...). Sur ordre d'en haut, j’ai accepté d'essayer son truc deux ou trois fois. Hélas !... Comme vous le savez, les camarades de l'Estafette devaient arrêter la voiture du général et nous devions le transférer dans notre ID. Mais j'avais bien l'intention de désobéir car pour nous, Pieds-noirs, il y a fort longtemps qu'il est condamné et nous n'avons que faire de tout formalisme juridique. J'avais donc décidé, et sans le dire, de suivre ma petite idée. Le C.N.R. aurait toujours pu dire que j'étais un « groupe incontrôlé »… C’est d'ailleurs moi seul qui ai mitraillé le côté gauche de la voiture à la bonne hauteur. Et je dois à la vérité de dire que, malheureusement, j'ai eu un incident de tir — je n'ai pu tirer que huit balles de mon premier chargeur et j'ai dû le changer. Mais le convoi roulait à plus de cent kilomètres à l'heure (chapeau en passant pour le chauffeur. II n'a même pas oublié son clignotant pour s'engager vers l'aérodrome. Vous voudrez bien le féliciter et lui faire dire que je suis prêt à l'engager chez nous). Ce n'était vraiment pas de chance (...).

J'étais gaulliste, de 1940 jusqu'en 1958. Mais moi aussi j'ai fini par comprendre. J’aurais pu, bien sûr, écrire un gros bouquin sur mes espoirs déçus. Mais dans mon pays, un cocu ne plaide pas, il tue (ou, hélas ! il essaie)... J’ai donc revendiqué de prendre cette mission que j'avais étudiée déjà sous diverses formes depuis janvier 1961. Je n'avais pas de titres et pas plus de galons, mais un vrai chef n'en a pas besoin.

Il suffit qu'il soit là, présent, et qu'il fasse ce qu'il faut. J’étais le chef naturel, j'étais l’âme de ce groupe de braves. Je le dis simplement et sans forfanterie parce que je suis seul ou à peu près devant votre énorme appareil, Monsieur Bouvier. Peut-être un jour m'arrêterez-vous et, comme tout le monde, j'aurai très peur de mourir. Inch'Allah ! Je prierai et tâcherai d'être digne, au moins, de ce que je crois être.

D'ailleurs, et n'en déplaise à Témoignage Chrétien, je dois dire que déjà, dans les dernières minutes d'attente à Clamart, j'ai prié et prié avec ferveur, et vous me comprenez, vous, père Delarue. Mais Dieu n'a pas voulu (...).

Mais nous recommencerons, écrit Georges Watin :

Au nom des malheureux fauchés le 26 mars ;
Au nom des victimes de Katz ;
Au nom de nos harkis qu'ils ont cuits en d'ignobles bouillons ;
Au nom de nos filles et de nos femmes violées;
Au nom de nos soldats sodomisés ;
Au nom des torturés ;
Au nom des fusillés ;
Au nom du pays perdu ;
Des églises profanées ;
Des tombes abandonnées ;
De l'honneur oublié ;
Au nom de la vraie France… de la vraie…
Car la vôtre de France, c'est un pays malade. Mais, comme l’a dit Balzac : "Il est des maladies qui se soignent par le plomb."

Georges WATIN



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Autour du 11 mars des manifestations, chaque année toujours plus nombreuses, ont lieu partout en France en la mémoire de Jean Bastien-Thiry et des fusillés pour l’Algérie française.

Pour toute information :

CERCLE JEAN BASTIEN-THIRY

- Adresse du Cercle : B.P. 70 - 78 170 La Celle Saint Cloud (France)
- tél. et fax : 01 39 18 45 05
- courriel : basthiry@aol.com

http://www.bastien-thiry.fr  [ce site s'affirme comme un authentique "Lieu de Mémoire"]

Comité d'Honneur
- La Maréchale de Lattre de Tassigny, le Général Weygand, les Généraux Challe, Gardy, Salan, Zeller, l'Ingénieur Général Bonte, les Colonels Argoud, de Blignières, Garde, Moinet, le Bachaga Boualam, Monseigneur Ducaud Bourget, l'Abbé Bayot, l'Abbé Serralda, Jean Anouilh, Maîtres Richard Dupuy, Bernard Le Coroller, Jacques Isorni, Jean-Louis Tixier Vignancour ...

Objectifs
- Honorer et défendre la mémoire du Colonel Jean Bastien-Thiry, fusillé au Fort d'Ivry à Paris le 11 mars 1963, pour attentat contre le général De Gaulle .
- Faire connaître les raisons et promouvoir les valeurs qui ont inspiré son action .

Liste d'ouvrages disponibles au Cercle Jean Bastien Thiry, BP 70 (78170) La Celle Saint- Cloud - France
- "Déclaration du Colonel Bastien Thiry " à son procès - 35 pages - Dans une première partie, l'accusé rappelle les grandes étapes de l'abandon de l'Algérie Française : rébellion de 1954, intervention armée, engagements et reniements successifs du Général De Gaulle, tractations avec le F.L.N., journée des barricades à Alger, blocus de Bab el Oued, fusillade du 26 mars rue de l'Isly, signature des accords d'Évian, abandon des Pieds Noirs et génocide des Harkis .Dans la seconde partie, il justifie la révolte des populations abandonnées, la création de l'O.A.S. et du Conseil National de la Résistance et la décision d'arrêter le Chef de l'Etat afin de le traduire en Haute Cour pour forfaiture, crimes et trahison.
- "Présence de Jean Bastien Thiry" - Texte de la Déclaration et articles de Presse parus en 1963 - 110 pages.
- "Jean Bastien Thiry : Sa vie, ses écrits, témoignages "- 265 pages.
- "Bastien Thiry : Vérité " - Le Procès de l'attentat du Petit-Clamart " - Sous ce titre, c'est le procès et la mort du colonel Bastien-Thiry qui sont évoqués avec une intensité poignante par Geneviève Bastien-Thiry, sa femme, à partir des documents authentiques . - 247 pages.
- Médaillon à l'effigie de Jean Bastien Thiry - Bronze sur résine - diamètre 11 cm.
- Cassette du procès du Petit Clamart - Cassette audio enregistrée au cours du Procès en Cour Militaire de Justice
- "Plaidoyer pour un frère fusillé" de Gabriel Bastien-Thiry. Document exceptionnel écrit par son plus jeune frère où chaque mot a son poids de vérité- 208 pages. 



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(Texte et montage photographique réalisés par Bertrand) 


"… nous vous recevons parmi nos glorieux parachutistes
Car vous mon colonel, un patriote inconnu qui a senti son heure venue
Vous avez eu le courage de devenir "le glaive"

Merci encore, reposez en paix pour l'éternité." 








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Le culte de Mars, dieu de toutes les guerres…
Un article de Paul Véglio
Nous entrons dans le souvenir des mois de Mars, dieu de la guerre sous les romains, mois des tueries franco-françaises…

Nous entrons dans le souvenir des terribles mois de Mars, dieu de la guerre sous les romains, mois des tueries franco-françaises de 1962, prolongées en 1963.

26 mars 1962 : massacre de la rue d’Isly par l’armée française, j’y reviendrai plus longuement dans 15 jours, si BV le permet. 11 mars 1963 : fusillade du colonel Jean Marie Bastien-Thiry par un peloton de l’armée française dans les fossés du fort d’Ivry. C’était il y a exactement 57 ans.

On sait que Bastien-Thiry était ce colonel polytechnicien ingénieur militaire en chef de l’Air et concepteur des missiles SS10 et SS11, qui organisa l’attentat raté contre de Gaulle, le 22 août 1962 au Petit-Clamart. Arrêté peu après, il fut jugé au fort de Vincennes et condamné à mort par la Cour militaire de justice qui avait pourtant été déclarée illégale par l’arrêt du Conseil d’État du 19 octobre 1962, au motif qu’elle portait atteinte aux principes généraux du droit, notamment par l’absence de tout recours contre ses décisions.

De Gaulle refusa la grâce de ce chrétien exemplaire qui l’avait ridiculisé au cours de son procès. Arrivé sur les lieux de son exécution, Bastien-Thiry marcha vers le poteau en égrenant son chapelet, le visage calme et serein. Il refusa qu’on lui bande les yeux, voulant regarder la mort « en face ».

Les historiens s’accordent à peu près, aujourd’hui, sur le bilan de la guerre d’Algérie : de 700.000 à 750.000 morts. Plus de 95.000 tués par an (260 par jour !), pendant 7 ans et 8 mois de guerre. La toute dernière victime (recensée et connue) de cette guerre terrible et fratricide sera le Colonel Jean-Marie Bastien-Thiry, 34 ans, passé par les armes au fort d’Ivry le 11 mars 1963.

Ainsi, un an après le cessez le feu, l’Armée aura accepté de prolonger la tuerie en trouvant dans ses rangs 4 sous-officiers, 4 caporaux et 4 soldats, plus le gradé qui a donné le coup de grâce et l’officier qui a commandé le peloton d’exécution (avant lui, 18 autres s’étaient quand même récusés). J’ai cherché le nom de ce parfait gentilhomme pour le citer, en vain. Cette exécution politique qui a fait une veuve et trois orphelines est la dernière qu’ait connue la France à ce jour. Elle fut saluée à l’époque comme une action nécessaire par bien des gens qui, depuis, sont devenus de farouches adversaires de la peine de mort.

L’une des filles du fusillé a raconté dans un livre sa quête pour « retrouver » un père qu’elle n’avait pratiquement pas connu. J’ai eu l’occasion de rencontrer sa veuve plus de trente ans après (elle est décédée depuis), j’ai cru voir une crucifiée vivante qui m’a beaucoup ému.








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Comme chaque année, un hommage a été rendu au sacrifice du Colonel Jean Bastien-Thiry sur sa tombe au cimetière de Bourg-la-Reine. Ce dimanche 8 mars 2020, 57 ans après son exécution, et à la demande d'Hélène Bastien-Thiry, sa fille aînée, l'allocution était prononcée par Hervé Pignel-Dupont, président de l'Association les Amis de Raoul Salan.


« Mon Colonel,
Madame,
Chère Agnès,
Après la longue cohorte des Parents et des Amis de Jean Bastien-Thiry qui se sont exprimés en ce lieu de mémoire, de solidarité et de fidélité :
- Pierre Richard
- Hélène
- Hubert
- Bernard Coll
- Patrick Edel
- Georges Belmonte
- Nicole Ferrandis
- Alain Zeller
- Louis de Condé
-Maitre Olivier Sers
Et tant d'autres noms !
Que peux vous dire, aujourd'hui, le très jeune adolescent que j'étais en ce jour du 22 août 1962, j'avais 16 ans et à peine 17, le 11 mars 1963…
Une vraie émotion, une immense peine et une grande fierté qui m’ont bouleversé pendant ces deux journées et bien sûr, encore à ce jour.
L’émotion de voir le courage et la détermination de quelques-uns de mes jeunes adultes de mettre leur peau au bout de leurs idées ; quelle grande leçon pour ma vie future !
L’émotion de voir l’aboutissement (presque) du projet qui hantait nos pensées à tous : la disparition du responsable des malheurs de nos compatriotes d'Algérie, Pieds Noirs et Musulmans ; le parjure ne pouvait pas rester impuni !
Comme tous les Patriotes, on attendait et on espérait.
L’émotion de voir disparaître l’homme, le soldat Jean Bastien-Thiry qui symbolisait la vérité de notre juste combat et son corollaire un engagement total.
Son engagement précoce pour défendre les valeurs de la parole donnée à l’Algérie Française, la défense et la protection des Harkis dont il pressent la fin tragique ; et ceci dès novembre 1960 (rencontres avec le Général Zeller / Jean Bichon)
Son exécution marquait la fin d’un combat perdu pour une cause qui avait su rassembler le peuple de France, en Algérie et en Métropole, Européens et Musulmans ; ce fut le 13 Mai 1958.
Les acteurs de ces journées nous sont bien connus ; je me permettrais de citer le Général Raoul Salan qui a su prendre toutes ses responsabilités, comme plus tard après le putsch en restant en Algérie dans la clandestinité en prenant la tête de l’Organisation.
Dans sa déclaration au procès, Jean Bastien-Thiry nous dit "Les explications que nous avons données ne sont pas une justification car, ainsi que l’a dit avant nous le Général Salan, nous n’avons pas à nous justifier devant votre juridiction".
La peine ressentie de voir disparaître, à jamais, un héros de notre jeunesse ; peine en partie atténuée car Jean Bastien-Thiry a réussi l’exploit immense de transformer son procès en une victoire contre le "Chef de l’État de fait", contre le "Pouvoir de fait".
La peine ressentie de voir, très vite, la dignité de son épouse Geneviève, veuve si jeune entourée de ses trois filles ; merci à L’Esprit Public d’avril 1963 dont la magnifique photo de couverture nous a permis d’être en communion avec votre famille.
La fierté, enfin, d’avoir vécu ces moments après une prise de conscience des événements d’Algérie au travers les Barricades de janvier 1960.
La fierté de mon engagement modeste dans un réseau de jeunes à Paris ; et ceci sans connexion personnelle avec l’Algérie et l’Armée.
La fierté d’avoir brandi la Une du journal Combat  du 12 mars 1963 et de L’Esprit Public comme un étendard.
La fierté d’y avoir appris la solidarité, la responsabilité, l'honneur dans l'engagement.
Merci à vous Hélène, merci à vous Odile !
À Jean…
Parce qu'un matin très sombre de mars 1963,
La lumière de son offrande a envahi notre existence ! »
Hervé PIGNEL-DUPONT,
à Bourg la Reine, le 8 mars 2020








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