Un peu plus, un peu moins… où est la différence ?
Les Français d'Algérie ayant été exclus du vote - démarche éminemment inconstitutionnelle, s'il en est - les Français patos ont approuvé le 8 avril 1962 la capitulation de l'infâme criminel compulsif DeGaulle imputant la France d'une immense partie de son territoire, les départements français d'Algérie… Par ce vote, les Patos acceptaient implicitement de livrer aux égorgeurs du FLN nombre de leurs compatriotes, de jeter sur les chemins de l'exil ceux qui auraient échappé aux couteaux égorgeurs… Et voilà que ces Patos, plus de cinquante après, s'inquiètent de l'invasion de leur territoire métropolitain par le djihad et d'une prochaine instauration de la charia islamique chez eux… Que répondre à ces Patos : un peu plus, un peu moins où est la différence fondamentale ? En vertu de quels principes, en vertu de quelle justice, ce qu'ils ont infligé aux Français d'Algérie devrait-il aujourd'hui leur être épargné… Bon vent…
Dire que l'article est intéressant, j'en donnerai ma conviction en soulignant que malgré sa longueur je l'ai lu en entier… Une exception par ces temps où la Toile croule sous le poids d'innommables imbécillités… Cet article, Aymeric Chauprade l'a profondément travaillé, très certainement avec l'intention de s'y référer dans l'avenir… Pourtant que cet article ait été travaillé et soit intéressant n'exclut pas qu'il suscite de nombreuses critiques. À la hauteur de son intérêt…
Aymeric Chauprade reste l'un des très rares parmi l'entourage du Nouveau Front National marinisé à tenir la route… Si lors des dernières élections européennes il était judicieux de voter pour ce parti que l'on dit dérangeant pour la simple satisfaction banderiller le pouvoir en place, je dois dire qu'étant dans la circonscription d'Aymeric Chauprade j'ai eu la chance de pouvoir voter pour un candidat me plaisant et pas seulement pour taquiner Flanby et sa clique malfaisante…
Puisque critiques annoncées, allons-y… La première critique serait de regretter qu'Aymeric Chauprade gaspille son talent au service d'un parti… et dans l'espoir - il s'y voit déjà ! - d'un poste de ministre des Affaires étrangères. Le temps n'est plus de militer pour un parti ou de briguer des honneurs, mais de servir la France, bien plus servir une civilisation. Aymeric Chauprade se veut géopoliticien. Dégagé des contraintes d'un militantisme racoleur Aymeric Chauprade aurait gagné en liberté de dire… En voulant réunir des contraires Aymeric Chauprade perd en crédibilité, se prive d'arguments qui n'auraient pas réjoui nombre de ses prospects de militant.
Aymeric Chauprade appelle au changement… Soit. Mais sa vision de géopoliticien l'empêcherait-elle de voir tout près ? Le changement implique que l'on sorte quelles qu'en soient les modalités, violentes ou plus douces, des institutions actuelles… Or Aymeric Chauprade fait fi du bouleversement attendu. En choisissant de militer pour un parti, il reste dans le moule d'institutions obsolètes, mieux néfastes… Des institutions qui font que les rênes du pouvoir en France sont confiées à des politiciens toujours plus nuls… Lignée dans laquelle s'inscrit Marine Le Pen. Elle ou, plus vraisemblable, un nouveau squat à Flanby. Qui se souvient de François Mitterrand, de son opposition autant à DeGaulle qu'aux institutions nourries du coup d'État de 1958 et de la rage suscitée par le geste courageux le 22 août 1962 de Jean Bastien Thiry et ses compagnons ? Dans cette opposition François Mitterrand était de tous les politiciens certainement l'un des plus crédibles, sinon le plus crédible. Après avoir roulé dans la farine socialistes et communistes puis s'être installé au pouvoir, il n'a eu pour dessein que de jouir de ce pouvoir se vautrant dans les draps du général tant honni… Aux oubliettes tout désir de changement institutionnel. Que le cas François Mitterrand ne se renouvelle pas. Alors foin de toutes promesses de changement d'institutions, de Bayrou comme de tout autre ! Le bouleversement attendu ne pourra être lancé que par des voies extra-électorales… Si par malheur - la France baigne depuis belle lurette dans le malheur - le grand bouleversement n'est pas survenu avant 2017, il conviendra alors de choisir qui pourra au mieux servir ce bouleversement, par sa nullité ou - ô espoir - par les forces qu'il véhicule… Aucun politicien ne suscite actuellement cet espoir. Surtout pas Marine Le Pen, et ses casseroles d'éloges au traître criminel compulsif DeGaulle, son entourage franc-maçon, sa défense de la Ligue de défense juive, ses militants dénués de tout bagage doctrinal…
Aymeric Chauprade prétend connaître et apprécier les Arabes… Félicitations ! Mais connaît-il vraiment l'islam ? Jamais Aymeric Chauprade ne conçoit l'islam comme ce qu'il est manifestement depuis sa genèse : un instrument de destruction du christianisme. Lorsque Aymeric Chauprade aura intégré cette réalité, soyons certains que ses sympathies tant pour les Arabes que pour la Russie de Vladimir Poutine et le monde orthodoxe contribueront pleinement à nous proposer de vraies solutions européennes pour neutraliser puis éradiquer l'islamisme. À condition aussi d'être libre de tout militantisme partisan. Une réflexion portant sur doctrine et stratégie nécessite une vision incompatible avec toute ambition politicienne immédiate. Les partis n'interviendront que dans la phase ultime, après le grand bouleversement et la consolidation des institutions nouvelles qui auront été mises en place.
Il n'en reste pas moins que le travail d' Aymeric Chauprade n'est pas inutile… pas même dénué d'intérêt présent, ne serait-ce que par les réactions suscitées.
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Les États-Unis judéo-maçonniques artisans de l’instauration du Califat islamique
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Le point de vue de Serge Ayoub : Les errements de la "doctrine" Chauprade
J'ai lu l’article d’Aymeric Chauprade sur l’importance de la lutte anti-islamique comme axe géopolitique.
Faut-il que notre milieu soit si mal formé pour qu’en lui servant une « doctrine » à ce point dépourvue de bon sens on obtienne immédiatement les félicitations d’une intelligentsia d’extrême droite avide de raccourcis vers une « victoire » dont elle entrevoit à peine les tenants et les aboutissants.
Je vais pour ma part répondre à la « doctrine Chauprade » en plusieurs points. Ce sera l’occasion de rappeler au Front National, que je considère toujours comme le meilleur espoir d’une France libérée, par une critique positive, ce que sont les fondamentaux du patriotisme en matière de politique internationale.
1/ Non seulement le nationalisme progressiste arabe n’est pas mort, mais il a gagné en Syrie. Gagné contre ce double ennemi que désigne Chauprade : les USA (et leurs valets) et les djihadistes. Ce n’est pas peu de choses. Si Chauprade et Cie arrivaient au pouvoir, c’est donc par exemple sur le régime syrien qu’une diplomatie française souveraine devrait s’appuyer prioritairement pour lutter contre l’influence islamiste au Moyen-orient et favoriser l’émergence de mouvements politiques laïcs dans les pays voisins. Chauprade enterre un peu vite le nationalisme libanais et le général Aoun (un chrétien), que notre diplomatie devrait soutenir officiellement, pour qu’il accède au pouvoir à la place de la mafia Hariri. Un peu vite oublié aussi le Fatah héritier de l’OLP. Pressé d’arriver à l’exposition des antagonismes binaires de sa version à peine déformée du choc des civilisations, Chauprade néglige cette Troisième voie.
2/ « Butter les terroristes dans leur chiottes ». Avant toute réponse je me poserai cette question : citer Poutine pour faire passer une absurdité stratégique relève-t-il du sacrilège chez les pro-russes ?
Reprenons une des bases de la guerre asymétrique pour le géo-politologue Chauprade : une guérilla se nourrit de la répression qu’on exerce contre elle. Ce fut le cas du FLN, des talibans, voire, si on pousse un peu, des chrétiens persécutés par Rome. Détruire l’EIL est-ce possible ? Militairement, c’est accessible. Lutter contre l’islamisme djihadiste et le terrorisme à l’échelle planétaire est bien plus compliqué. Combien de nouvelles recrues dans le monde musulman à chaque mort en martyr d’un djihadiste ? La satisfaction que Chauprade aura d’avoir éliminé une poignée de terroristes se paiera au prix fort. Une véritable doctrine stratégique doit être d’aider, en employant éventuellement des moyens conséquents, les États arabes à faire la loi chez eux, et ne jamais prétendre la faire à leur place. Si de surcroît, comme certains le pensent, il s’avère que l’EIL est une création des services spéciaux américains, alors sa destruction ne sera que du théâtre et son remplacement rapide par un groupe du même genre dans la région une presque certitude.
3/ « Les USA sont notre ennemi mais il faut les aider à bombarder les islamistes ». Est-il besoin de souligner l’incohérence de la proposition ? Les USA soutiennent le Qatar et les Saoudiens, arment des islamistes contre les régimes laïcs qui protégeaient les minorités que ces mêmes USA prétendent aujourd’hui protéger contre ceux qu’ils ont, indirectement voir directement armés. Si la diplomatie française veut avoir une chance au Moyen-orient, elle doit fuir le pompier pyromane. La Russie, oui. Les Chiites, oui. Les nationalistes arabes, évidemment. Les USA ? Le moins possible et uniquement parce que leur puissance de feu les rend incontournables.
4/ « S’allier avec Israël ». Alors là, Chauprade s’égare. Il faudrait qu’il puisse expliquer comment on fait simultanément une alliance avec les Chiites et Israël ? Comment tout simplement on mène une politique diplomatique efficace dans les pays arabes en étant ouvertement allié avec Israël ? Les USA peuvent se le permettre grâce à leur écrasante domination militaire et leur poids économique. Mais la France ? Vous imaginez vraiment, Aymeric Chauprade, que le Hezbollah, force chiite désormais incontournable au Liban, parlerait ou écouterait notre diplomatie si nous nous posions en croisés aux côtés d’Israël ? Quand bien même il voudrait le faire, il ne le pourrait sans s’aliéner sa base politique. Israël n’est pas que l’ennemi du fondamentalisme islamiste type Hamas. Il est l’ennemi des Palestiniens en tant que peuple et partant du monde arabe qui considère, plutôt à raison qu’à tort si on regarde l’histoire, l’État juif comme une colonie occidentale hostile.
4bis/ « Nous sommes victimes de la stratégie israélienne d’excitation du fondamentalisme islamique pour s’allier l’Occident, donc nous sommes leur alliés. » La tactique du pigeon qui s’assume, serait-ce la stratégie que vous avez appris à Sciences Po, Aymeric Chauprade ? Ce n’est pas la mienne. Mais quand vous demandez aux Gazaouis d’assumer leur bévue d’avoir accepté le pouvoir du Hamas, vous ne pensez pas demander à Israël d’assumer leur machiavélisme d’avoir joué le Hamas contre le Fatah ? Apparemment pas. Israël joue la politique du pire pour justifier les colonies et continuer à traiter les Palestiniens en méchants ennemis plutôt qu’en victimes de leur expansionnisme. Vous qui parliez de l’honneur de la France, comment pourrait-il être sauf si nous marchions dans une telle combine ? Comment les Arabes laïcs et modérés pourraient-ils s’appuyer sur notre diplomatie si nous validions une telle forfaiture et pratiquions un tel double-langage ? Comment nous opposerions-nous de manière cohérente à la stratégie de domination unipolaire des Américains, dont les liens avec Israël, soutenus par les énormes communautés juives et évangéliques américaines, sont quasi-indestructibles ?
Une stratégie française au Moyen-orient doit commencer par la rupture avec les intérêts israéliens, au moins jusqu’à leur reconnaissance d’un État palestinien aux frontières acceptables et souveraines. C’est d’ailleurs la condition de l’acceptation d’Israël par ses voisins et de sa viabilité à long terme. Cette rupture est aussi pour nous un moyen de s’émanciper de la tutelle américaine en nouant avec l’Iran et la Syrie une relation directe. C’est ainsi que nous redeviendrons un pivot de la diplomatie mondiale dans la région.
5/ « Le principe de solidarité civilisationnel » est quant à lui une aberration néoconservatrice. Tout d’abord parce que notre civilisation découle du catholicisme romain européen, pas de la chrétienté au sens large et œcuménique du terme. Il y a pas de solidarité civilisationnelle non plus entre la France et le Brésil, ou entre la France et les chrétiens de Chine. Les barbaries que subissent les chrétiens d’Irak doivent être empêchées, en armant les Kurdes et en soutenant Bachar et l’État irakien, certes, de même que doivent être empêchés le plus possible les barbaries que subissent toutes les communautés, pas seulement chrétiennes. Mais l’intervention militaire est dangereuse, car elle nous ferait trop facilement basculer dans le statut de puissance impérialiste qu’une diplomatie pragmatique doit à tout prix éviter.
6/ « Liquider les islamistes citoyens français ». Encore plus qu’une provocation, c’est une erreur. Tout d’abord Chauprade oublie que la France est un État de droit et que l’incitation au meurtre y est un délit, même quand elle vise une bande de perdus partis risquer leur vie gratuitement pour combattre, au milieu de mercenaires, au nom d’Allah, les intérêts de ceux qu’ils détestent le plus et croient naïvement combattre, les atlanto-sionistes. Aymeric Chauprade oublie aussi que la citoyenneté française protège non seulement les djihadistes, mais aussi les militants de son propre camp. Si j’étais cadre du FN et aux affaires, sachant que le pouvoir se perd plus facilement qu’il ne se gagne, j’éviterais de créer trop de précédents expéditifs en matière d’élimination d’opposants politiques. En revanche, rien n’empêche de déchoir ces Français coupables d’actions terroristes de leur nationalité, et de se prémunir ainsi de leur retour sur notre territoire. Après tout, ils ont choisi leur destin.
6/ « Protéger les juifs contre les arabes ». Les citoyens français quelle que soit leur confession doivent être protégés au même titre que tous les autres. Faire des lois ou prendre des mesures d’exception pour tenir compte des animosités de telle ou telle communauté ne fait que renforcer ces antagonismes communautaires. Serait-ce là votre but monsieur Chauprade ?
7/ « La remigration opérée selon les critères de nos choix internationaux… » et donc du choc de civilisation, n’aboutira qu’à un surcroît d’affaiblissement de la France.
Nous sommes ici au cœur de l’argumentaire hasardeux de monsieur Chauprade : mener la politique extérieure de notre conflit de civilisation intérieur. Si je ne crois pas au choc des civilisations autrement que comme le théâtre dissimulant l’expression de rapports de puissance internationaux, j’accepte volontiers l’idée que l’immigration massive de musulmans en France pose un problème de civilisation. Sauf que la solution de Chauprade à ce problème est le meilleur moyen de faire de la France une nouvelle Syrie, un nouveau Liban, une nouvelle Yougoslavie.
Anticipons la stratégie d’Aymeric Chauprade. On déclare la guerre militairement à l’extrémisme fondamentaliste sunnite, sous bannière pro-israélienne. Chauprade espère ainsi tacitement qu’une partie non-négligeable des musulmans présents en France le ressentiront comme une agression contre l’Oumma et déclareront une guerre terroriste au pays dans lequel ils vivent. D’où la riposte des patriotes qui en profiteront pour faire remigrer ces musulmans plus ou moins djihadistes. De deux choses l’une : ou les musulmans se laissent faire et la France s’isole pour plusieurs décennies pour avoir mené une politique d’épuration ethnique (c’est le terme qui sera employé par l’ONU, l’Union européenne et le reste du monde) ; ou c’est la guerre et dans ce cas la doctrine Chauprade n’aboutira qu’à un micmac militaire peut-être pire que le bourbier syrien dont Assad se sort tout juste. Un micmac qui nous apprendra vite que notre véritable ennemi est l’Occident anglo-saxon ligué contre les « démons résurgents du fascisme », comme ils se plaira à dire. Une guerre civile dans laquelle nous nous apercevrons vite aussi qu’Israël n’est pas un allié très fiable du parti fondé par Jean-Marie Le Pen (étonnant, non ?), surtout si les Américains leur demandent de « ne pas jeter d’huile sur le feu » en maintenant leur alliance avec une France gouvernée par le FN. Bref, pour ainsi dire, au XXIe siècle, la guerre civile ethnique ne se mène pas tout seul dans son pré carré territorial. Ça n’existe plus. Ceux qui essayent se prennent des missiles, des révolutions oranges, des embargos, et pour finir, au mieux, des procès au TPI, au pire des fins de vie à la Khadafi. Il faut compter avec les grandes puissances, la France existe dans le monde et ne peut en faire abstraction. D’ailleurs Chauprade, en cas de guerre civile, si les USA débarquent pour « remettre de l’ordre » et « protéger les minorités religieuses » au nom « des droits de l’homme », demanderez-vous à Marine de sortir la dissuasion nucléaire et de s’en servir pour sanctuariser notre territoire ? Ceux qui s’imaginent que les frontistes sont capables d’en arriver là sont des imbéciles.
Si remigration il y a, ça ne peut être qu’au nom du Droit, parce qu’un État, de nos jours, ne se gouverne que par le droit. D’abord par le simple non renouvellement des cartes de séjour, mais surtout par l’instauration et l’application de la règle de la réciprocité en matière de double nationalité, nous obligerons tous les citoyens français qui se sentent des solidarités culturelles avec un pays d’origine étranger n’appliquant pas la double nationalité à choisir. Pour ceux, et ils sont nombreux, qui ont investi « au bled » dans une maison ou un commerce, le choix sera très probablement celui du retour. Pour ceux qui auront mis toute leur énergie à se construire un avenir en France, le renoncement à leur nationalité algérienne, marocaine ou autre sera sentimentalement difficile, mais raisonnable. Cette suppression de la double nationalité est responsable. Elle peut se défendre devant nos partenaires internationaux, d’autant plus si elle vise des ressortissants de pays qui appliquent le droit du sang. Cette première vague de remigration en appellera alors d’autres, selon le cercle vertueux du développement économique. Le Maghreb et l’Afrique bénéficieront de afflux d’une population formée, parlant une langue étrangère, et ambitieuse car habituée à un niveau de vie élevé. Évidemment la France doit accompagner cette remigration par des projets de développement économiques tout aussi ambitieux et équitables pour ces pays. Déchirer la dette de ces pays, construire des accords bilatéraux gagnant-gagnants de coopération et d’exploitation des matières premières, voilà qui peut compléter les bases d’une politique de remigration efficace. Ces bases sont d’ailleurs bien plus conformes à la doctrine traditionnelle du FN que cet élan néoconservateur de monsieur Chauprade.
L’oppression religieuse de type néo-croisé, le conflit et la guerre civile en revanche, peuvent faire partir beaucoup de monde, mais pas forcément ceux qu’on avait prévu. Expulser les fondamentalistes hystériques qui vomissent leur haine de la France quotidiennement, d’accord. Pousser les musulmans au djihad pour mieux les expulser militairement, c’est jouer avec le feu.
De plus, si j’étais Aymeric Chauprade, je me méfierais. La guerre n’est acceptée du peuple que lorsqu’elle est un ultime recours. Lorsqu’elle est le moyen privilégié de la politique d’un gouvernement, le peuple peut aussi décider, après coup, de venger tous ses morts d’un tel gouvernement. Je ne suis pas sûr que Marine veuille finir comme Marie-Antoinette.
Une dernière chose, Aymeric Chauprade. Quand vous défendez Marine Le Pen de s’être opposée à la dissolution de la LDJ au nom de la liberté d’expression et de
« l’autodéfense juive », ne pensez vous pas qu’elle aurait pu s’opposer à celle de Troisième Voie, qui défendait les Français ? Qu’elle aurait dû soutenir Esteban et ses camarades, seulement coupables d’autodéfense française contre une bande de nervis trop fragiles pour leurs ambitions agressives ? La solidarité ce n’est pas que pour l’Irak, elle doit d’abord être pour les nôtres Aymeric.
(Serge Ayoub, le 16 août 2014)
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Dominique Reynié : Alors que "nous sommes entrés dans une époque de bouleversements"… "le FN c'est le socialisme pour les petits Blancs"
Dominique Reynié est professeur de sciences politiques à Sciences Po. Ses travaux portent sur les transformations du pouvoir politique, l'opinion publique et ses manifestations, les mouvements électoraux, en France et en Europe. Depuis octobre 2008, il est directeur général de la Fondation pour l'innovation politique. Il est notamment l'auteur de Populisme : la pente fatale (Plon 2011), Les nouveaux populismes (Fayard 2013). Son dernier livre, Révolution française parait le 16 octobre 2014 chez Plon.
Le Figaro : À la veille d'une rentrée politique qui s'annonce chaotique et alors que la France traverse une crise économique, mais aussi politique et morale majeure, quel regard portez-vous sur l'année politique qui vient de s'écouler. Quels sont les trois évènements majeurs que vous retenez ?
Dominique Reynié : Ce qui retient toute mon attention, au point que je dois résister à une sorte de fascination, est le débordement complet des politiques nationales par les puissances que l'Histoire est en train de libérer, ce qui fait craindre le pire mais ne doit pas nous décourager d'espérer le meilleur. La terre tremble, pour reprendre le titre du film de Visconti : le réchauffement climatique prend de la vitesse, l'islamisme chasse le christianisme de son Orient natal - excusez du peu ! -, les dettes - publiques et privées - sont devenues océaniques, la transition démographique recompose l'ordre politique planétaire, l'idée démocratique paraît épuisée par l'impuissance gouvernementale, quand les pays émergents, beaucoup plus autoritaires, ont le vent économique en poupe… la liste est longue des enjeux qui se présentent à nous, quand un seul est capable de bouleverser nos vies.
En France comme ailleurs les gouvernants perdent pied. En témoigne le contraste spectaculaire entre la vénération d'un passé morbide dans un usage démesuré de la commémoration et l'incapacité à regarder devant, à penser le futur et, bien sûr, à le bâtir.
Au cœur de ce grand tourbillon, je ne vois aucun dessein proposé aux Français, aucun horizon tracé, aucun rêve de conquête ni de grandeur.
Le Figaro : François Hollande est au plus bas dans les sondages, l'opposition apparaît déchirée et n'a pour l'heure aucun leader incontestable. Les grands partis traditionnels sont-ils selon vous en mesure de redresser le pays ? Leur logiciel politique est-il toujours adapté aux enjeux actuels ?
Dominique Reynié : C'est précisément pour répondre à cette question qu'il faut d'abord prendre la mesure de la situation historique dans laquelle nous nous trouvons. Notre ordre politique national est le résultat d'un état des choses qui n'est plus et chaque jour qui passe le montre avec plus de clarté que la veille. C'est l'esprit de l'innovation qui devrait animer nos débats et déterminer nos choix. La France existe quand elle est au rythme du monde. Au lieu de cela, nous assistons à l'engluement de notre classe politique, et syndicale, par un conservatisme de rentier, matérialiste, dominé par la peur d'agir, la crainte de devoir penser, de devoir imaginer un autre agencement des choses.
Seul se distingue le Front national qui propose le grand repli, l'État providence, encore et toujours, mais cette fois grâce au nationalisme. C'est un programme de chauvinisme social, une sorte d'ethno-socialisme, le socialisme pour les « petits Blancs ».
Le Figaro : Peut-on aller jusqu'à dire qu'on assiste à l'autodestruction de la politique ? S'agit-il d'une faillite des hommes ou des idées ? L'année a également été marquée par la victoire de Marine Le Pen aux élections européennes. Vous avez écrit plusieurs livres sur montée des populismes. Qualifieriez le FN de parti populiste ? Sa progression vous paraît-elle inexorable ? Jusqu'où peut-elle aller ?
Dominique Reynié : La plupart des idées et toutes les institutions connaissent un terme à leur existence. Si nous considérons que nous sommes entrés dans une époque de bouleversements, ce n'est pas tant le désarroi des politiques qui est problématique, car il pourrait se comprendre, mais le sentiment que donnent la plupart d'entre eux de pas parvenir à prendre la mesure de ce qui se passe, de ce que nous allons devoir accomplir, à l'échelle de notre pays comme à l'échelle de l'Europe, si l'on veut, au moins, persister comme communauté libre d'orienter son destin dans l'Histoire. Au cœur de ce grand tourbillon, je ne vois aucun dessein proposé aux Français, aucun horizon tracé, aucun rêve de conquête ni de grandeur. Seul se distingue le Front national qui propose le grand repli, l'État providence, encore et toujours, mais cette fois grâce au nationalisme. C'est un programme de chauvinisme social, une sorte d'ethno-socialisme, le socialisme pour les « petits Blancs» .
Le Front national est devenu la nouvelle gauche.
Au moins c'est une idée, même si elle est absurde ou mortelle. Dès lors, par un effet mécanique, le FN se trouve favorisé puisqu'il est le seul à porter un grand projet. Moins les partis de gouvernement se montreront capables de concevoir un grand dessein fait de renaissance et de conquête, plus la tâche du FN sera facile.
Le Figaro : L'ascension de Marine Le Pen semble être également le fruit de l'effacement du clivage droite/gauche. Quelles sont les différences fondamentales qui opposent encore la droite et la gauche ?
Dominique Reynié : La polarisation qui se met en place n'oppose plus la gauche et la droite, mais les partis de gouvernement, de gauche et de droite, aux partis populistes, de gauche et de droite. La fin du clivage gauche/droite est aussi ce par quoi prospère désormais le Front national. C'est pourquoi il affirme clairement depuis janvier 2011 un discours qui n'est plus seulement national mais qui est aussi social et étatiste, tandis que la gauche ne peut plus cacher son incapacité à être « socialiste ». Résultat, le Front national est devenu la nouvelle gauche. On en trouve une parfaite illustration lors des dernières élections européennes au cours desquelles 41% du vote ouvrier est allé aux listes FN et 8% aux listes PS.
La droite s'est opposée au mariage pour tous au nom de valeurs qu'elle n'avait pas l'habitude de brandir et sans en tirer de conséquences puisqu'elle a voté peu après sans difficulté aucune la suppression de la référence à la situation de détresse mentionnée dans l'encadrement législatif du droit à l'avortement.
Le Figaro : Les clivages « sociétaux » et identitaires ont-ils remplacé les clivages économiques et sociaux ?
Dominique Reynié : Il faut ajouter les clivages culturels, technologiques et générationnels. Les différents types de clivages se combinent entre eux, et ce n'est pas nouveau. En revanche, le changement tient au fait qu'aucun parti ne parvient à représenter ni à exprimer la variété et la force de ces clivages. Cela se passe ailleurs et autrement, en témoignent le mouvement altermondialiste, les « Indignés », la « manif pour tous », les divers mouvements antifiscalistes ou encore la défense des auto-enrepreneurs, pour ne prendre que quelques exemples de ces mouvements que les partis n'ont fait que suivre, de manière confuse et inconséquente, c'est-à-dire sans forger une doctrine. Par exemple, la droite s'est opposée au mariage pour tous au nom de valeurs qu'elle n'avait pas l'habitude de brandir et sans en tirer de conséquences puisqu'elle a voté peu après sans difficulté aucune la suppression de la référence à la situation de détresse mentionnée dans l'encadrement législatif du droit à l'avortement.
D'une manière plus générale, il faut comprendre que les clivages politiques sont aujourd'hui radicalement affectés par l'encastrement de nos vies dans un ordre existentiel global. Mille signes nous montrent à quel point les formes de l'appartenance tendent à devenir plus complexes, imbriquant différents univers entre eux : une nation, des origines, une religion, des goûts culturels, une orientation sexuelle, un niveau de vie, l'Europe, une région, etc. Un élève de collège n'est pas loin de passer plus de temps sur les réseaux sociaux et sur son téléphone qu'à suivre des cours à l'école ; lors de la coupe du monde de football, des milliers de Français ont fêté les victoires de l'équipe d'Algérie comme s'il s'agissait de leur seconde patrie ; d'autres sont allés regarder la finale à Berlin dans l'espoir de fêter la victoire de l'Allemagne, au nom d'un sentiment européen. Songeons encore à ceux, de plus en plus nombreux, qui estiment devoir quitter leur pays pour réussir, ou simplement pouvoir commencer, leur vie professionnelle, ou pour échapper à une pression fiscale jugée spoliatrice. Ils ne se sentent pas moins « Français ». D'autres, enfin, nés ici, passés par les écoles laïques de la République, se retrouvent en Syrie et en Irak au nom du Jihad. Il suffit d'observer ce qu'est devenue la famille, ce qu'est devenue l'école et ce qu'est devenue la nation pour comprendre que le civisme et le nationalisme républicains ont cessé d'exister.
Le Figaro : La France périphérique, celle des « petits Blancs » pour reprendre votre expression, qui vote Marine Le Pen ou se réfugie dans l'abstention, rejette à la fois « le social libéralisme » de la gauche et le « libéralisme social » de la droite. Na faut-il pas en tenir compte ? Ce constat appelle-t-il une recomposition profonde du paysage politique ? Dans quel sens ?
Dominique Reynié : Je ne vois pas de libéralisme dans notre débat politique, ni à droite ni à gauche. Notre pays ploie sous le poids d'une vie politique entièrement arrimée à une idéologie social-étatiste, de droite et de gauche. Cette idéologie constitue chez nous la véritable pensée unique. Elle est désormais aussi celle du Front national. Droite ou gauche, partis de gouvernement ou partis populistes, l'étatisme est leur pensée commune. Le plus terrible est que cette idéologie dominante étouffe tout débat sans parvenir à empêcher la faillite de l'État. [
Entretien avec Dominique Reynié, Le Figaro du 16 août 2014]
Aymeric Chauprade - La France face à la question islamique : les choix crédibles pour un avenir français