Et après le 26 mai ?
Elle est très intéressante, cette question qui circule sur les blogs, dans les courriels et dans les articles : que faisons-nous le 27 mai ? Gouverner, c’est prévoir.
Les Français sont un peuple de gouvernants. C’est pour cela qu’ils sont si difficiles à gouverner. Comme « le moindre avocat pelliculeux qui s’est fait applaudir par trente personnes dans une arrière-salle de bistrot se voit président de la république » (Léon Daudet), chacun de nous à son idée sur « les suites politiques à donner à cette manif ».
Pour ma part, il me semble que la première chose à faire, c’est de la réussir, cette manif, de la réussir en nombre, et en qualité. Et jusqu’au 26 au soir, rien est gagné.
Comme elle est pour tous, et que donc chacun apporte sa contribution, à cinq jours de l’échéance, voici la mienne.
1. – « En toutes choses, il faut d’abord considérer la fin. » Le but de cette manif est le rejet de la loi Taubira. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé.
Le président a décidé qu’il promulguait. Tout est perdu ?
Non. Tout est clair.
Maintenant, c’est l’épreuve de force. Non seulement on ne lâche rien, mais toutes les énergies sont lâchées.
J’achetais, l’autre jour, un nouvel antivol pour ce vélo qui ne me quitte plus et m’est bien utile, particulièrement dans les manifs. Comme je soupesais un modèle qui m’apparaissait décidément bien lourd, je dis au vendeur : au moins, celui-là, il est invulnérable. À quoi il me répondit, en souriant : face aux voleurs, monsieur, rien n’est invulnérable.
La résistance de monsieur Hollande à la voix du peuple est semblable à cet antivol. Elle semble assise sur un soc invincible : les institutions, le vote des assemblées, la complicité des grands médias… jusqu’au moment où une force plus forte que toutes ces fictions légales et figurations de mots et d’images fait enfin triompher la réalité. Et le voleur emporte la bicyclette.
Car ce qui est devant nous est moins solide qu’un bon antivol en métal bien trempé. Les institutions, qui sont par nature une fiction ; la loi, expression de la volonté générale ; la volonté générale exprimée souvent par les élus ; les élus censés être les représentants de toute la nation, le président élu par une minorité d’électeurs censé être le président de la république, c’est-à-dire le défenseur du bien commun – la chose publique – tout cela ne tient que si tout le monde y croit… ou, plus modestement, que personne ne le mette véritablement en cause. C’est ainsi, et, même si cela marche mal, mieux vaut encore le garder que connaître pire. Mieux vaut le mal qu’on connaît que celui qu’on appréhende, etc., mais lorsque, tout à coup, la coupe est si pleine qu’elle déborde, que l’évidence élémentaire de la chose publique n’est plus assurée, et que le peuple en colère est dans la rue, ces constructions de juristes apparaissent pour ce qu’elles sont : des abstractions. Le citoyen, désabusé, devient agnostique, voire incroyant.
Cela fait longtemps que notre « religion démocratique » a perdu ses fervents, ses apôtres. Il ne lui reste plus que des défenseurs intéressés : ceux qui en profitent en vivant de l’argent public, et la masse des « croyants sociologiques » qui, empêtrés dans l’habitude et ayant beaucoup mieux à faire toute la journée que de réfléchir au meilleur régime possible, acceptent celui qui est en place. Tout cela est bien faible… Si mon vendeur avait conclu sa petite démonstration par un « en somme, l’efficacité de cet antivol dépend de l’impression qu’il fait au voleur potentiel… », je ne donnerais pas cher de ma si précieuse monture à deux roues.
2. – Mais le 26 mai ne sera, probablement, qu’un très fort coup d’épaule et la porte de la liberté, du renouveau ne s’ouvrira que dans les temps qui suivent. Pourquoi ? Parce que si nous savons très précisément ce que nous ne voulons pas, nous ne savons pas encore clairement ce que nous voulons. Si nous étions certains – par millions – que, derrière l’écroulement de ce système fatigué mais malfaisant, il y avait la prairie fraîche et joyeuse d’un vrai printemps français, rien ne résisterait à notre enthousiasme. Et, c’est tout de suite que, par-dessus les barbelés et autre clôture fictive, nous sauterions dans cette nouvelle terre, en criant, comme Jeanne, « Tout est nôtre ! ».
3. – Dès lors la question centrale de l’après 26 mai est : qui nous donnera cet enthousiasme ? Qui dessinera, non pas le rêve, mais l’esquisse de cette réalité nouvelle, des traits rajeunis et souriants de la France qui vient ? Qui ?
La réponse est dans la question, comme elle est dans la journée du 26 mai. Qui ? Eh bien, nous ! Nous ! Vous et moi ! Chacun des participants… pas un autre… pas un maître, pas un soi-disant homme providentiel, pas un parti, surtout pas ! Et encore moins un candidat, quel qu’il soit !
Le neuf, c’est nous ! Nous, réunis à Paris, pour la fête des mères, et la fête des familles. Nous, en prenant conscience, dans notre compagnonnage de rues, de qui nous sommes, et que nous sommes, nous, le peuple de France. Peuple, famille de familles, prêt à faire, enfin, le gouvernement des familles, pour les familles et par les familles. Seul moyen d’en finir avec l’escroquerie plus que centenaire du prétendu « gouvernement du peuple, pour le peuple, et par le peuple »… derrière lequel partis, maffias, loges, lobbies confisquent le pouvoir, notre argent, et prétendent nous imposer, en notre nom, des lois iniques et destructrices de la famille.
Il a fallu mille ans à nos rois pour faire la France… et le peuple de France. Mais, maintenant, il est fait, ce peuple, et malgré les coups incroyables qui lui ont été portés, la saignée des guerres inutiles, les mensonges martelés par des médias inconscients, la confiscation de ces richesses par des aventuriers de passage, il est toujours là, vigoureux, jeune, décidé, renaissant.
Cette renaissance du peuple de France par lui-même, cette rencontre avec lui-même, c’est, au-delà du rejet de la loi Taubira, la grâce politique du 26 mai 2013.
4. – La première fois que j’ai rencontré, de façon sérieuse, le Prince de la Maison de France, il m’avait dit : « Nous autres, les rois, nous avons le temps avec nous. »
Je n’ai pas oublié cette formule. Je nous l’applique aussi, avec une évidence encore plus forte. « Nous autres, les peuples, nous avons le temps avec nous. »
Pourquoi ?
Parce que nous sommes des familles… et que les familles épousent le temps, le fécondent, et, par là le transcendent. Un député, un président, une assemblée, c’est élu à cinq ans, qui déjà ne sont plus que quatre. Une famille compte par génération – vingt-cinq ans – et déjà, en plusieurs générations. Qui a le temps est plus riche que celui qui a l’argent.
En politique, celui qui a le temps a tout.
Prenons le temps, sans précipitation mais sans aucun retard… hâtons-nous lentement ! Mais hâtons-nous !
Allons-y à cette manifestation, comme on va à une fête. Allons-y à cette fête, comme on va joyeusement, en bande, à de vrais repas de noces.
La loi est promulguée ! On s’assied, tranquillement, sur cette promulgation. Loi-fiction, loi-bidon.
Ce qui se passera, alors, sera au-dessus encore de ce que nous imaginons.
Et après, nous pourrons commencer à parler sérieusement du 27 mai.
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