Extraordinaire document, ce portrait colorisé de Louis-Ferdinand entouré de ses parents… Nous les connaissions bien depuis le Voyage et surtout Mort à crédit, les avions imaginés passage Choiseul où immanquablement nous allions traîner lors de chaque séjour à Paris mais jamais nous n’avions vu ce portrait de famille… prélude à tant de rébellion ! Et en cadeau, comme en effet de miroir cette relation de la visite des parents au jeune Louis-Ferdinand blessé à la guerre !
Le jeune Louis Destouches, alors âgé de neuf ans, entouré de ses parents, Marguerite Guillou et Fernand Destouches, en 1903. |
"Et puis la première que je reconnais vraiment c'est ma mère, et puis mon père et puis plus loin Mlle L'Espinasse. Tout ça floute et vogue comme au fond d'un aquarium et puis ça se fixe finalement et ma mère je l'entends bien qui me dit :
- Voyons Ferdinand, calme-toi mon petit…
Elle pleurait un petit peu mais je la reconnaissais vexée de me trouver inconvenant. Tout de même en plein délire je comprends, mon père était là encore aussi, un peu en retrait. Il avait mis sa cravate blanche et son complet habillé pour venir.
- On vous a bien arrangé votre bras Ferdinand, qu'elle me fait alors L'Espinasse, le Dr Méconille est très content de votre opération.
- Oh nous vous sommes bien reconnaissants mademoiselle, que lui laisse à peine terminer ma mère. Je vous assure que mon fils lui aura une vive gratitude et à vous aussi mademoiselle qui le soignez avec tant de dévouement. D'ailleurs ils avaient ramené de Paris des cadeaux qu'ils avaient pris dans leur magasin, encore des sacrifices. Il fallait tout de suite qu'on prouve notre reconnaissance. Ma mère au pied du lit continuait à être horriblement gênée par mon dégueulage, et mes insultes, et mes ordures, et mon père me trouvait bien indécent encore dans l'occasion.
On avait dû trouver quand même des papiers militaires dans ma poche puisqu'ils avaient été prévenus. C'est une pensée qui me foutait comme un glaçon dans le milieu du cerveau.
Tout ça n'était pas marrant. Ils sont restés assis bien deux ou trois heures à me regarder revenir. Du coup j'étais plus pressé du tout pour les entendre et comprendre la situation. Et puis ma mère a recommencé à me parler. C'était son privilège de tendresse. J'ai pas répondu. Elle me dégoûtait plus que ça encore. Je l'aurais bien dérouillée elle, à la fin des fins. J'avais mille et cent raisons, pas toutes bien claires mais bien haineuses quand même. J'en avais plein le bide des raisons. Lui il disait pas trop de choses. On aurait dit qu'il se méfiait. Il faisait ses yeux de poisson frit. On y était à la guerre dont il avait toujours parlé, on y était. Ils étaient venus de Paris exprès pour me voir. Ils avaient dû demander un permis au commissaire à Saint-Gaille. Tout de suite ils ont parlé du magasin, des terribles soucis qu'ils avaient, que les affaires n'allaient pas du tout. Je les entendais pas très bien à cause de mon vacarme d'oreille, mais assez. Ça ne portait pas à l'indulgence. Je les regardais encore.
C'était bien des malheureux là au pied de mon lit, et pourtant c'étaient des puceaux."
Guerre (1934)
"Moi j'ai été élevé au passage Choiseul dans le gaz des 250 becs d'éclairage. Du gaz, des claques et des nouilles. |
Tom Vous Regarde : Louis-Ferdinand Céline
Louis-Ferdinand Céline en photos
Lorànt Deutsch : « Le seul endroit de Paris où il est fait mention de Céline… et bien modestement !!! La borne du passage Choiseul…Regardez bien cette borne. C’est la seule trace dans tout Paris du passage d’un des plus grands écrivains du XXe siècle. Mais qu’est-ce qu’elle nous dit la borne ? Pas grand-chose…
On en apprend plus sur Alphonse Lemaire ou sur Jacques Offenbach…
On nous dit simplement qu’il a passé ici au 67 puis au 64 une partie de son enfance.
Plus sobre y’a pas… relégué l’énergumène…
Ah ! Vous pouvez toujours gratter, y’a rien dans tout Paris… Montmartre, Clichy, Courbevoie, Meudon…
Les politiques de tous bords qui d’habitude ne sont jamais d’accord sur rien… Là, ils font l’union sacrée…
On n’a pas la moindre plaque, pas la moindre inscription… même pas le plus petit hiéroglyphe… Rien, zéro, nada…
Tous d’accord, il faut planquer le monstre, pas présentable qu’il est… mais alors pas du tout ! Super tricard le Ferdinand… »