Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

samedi 27 mai 2023

Louis-Ferdinand Destouches, né avec le printemps le 27 mai 1894…

 

Le 27 mai 1894, Louis-Ferdinand Destouches dit Louis-Ferdinand Céline,  de l'union de Marguerite Guillou (1868-1945) et de Ferdinand Destouches (1865-1932), voit le jour à Courbevoie au 11 rampe du Pont-de-Neuilly, aujourd'hui chaussée du Président-Paul-Doumer.

Louis-Ferdinand à 2 ans, il est alors placé en nourrice


« C'est sur ce quai-là, au 18, que mes bons parents firent de bien tristes affaires pendant l'hiver 92, ça nous remet loin. C'était un magasin de "Modes, fleurs et plumes". Y avait en tout comme modèles que trois chapeaux, dans une seule vitrine, on me l'a souvent raconté. La Seine a gelé cette année-là. Je suis né en mai. C'est moi le printemps. » [Mort à crédit (1936)].

Son père Fernand est correspondant d'une compagnie d'assurance. Pestant contre ses déboires professionnels, il a coutume de maugréer : « C'est la faute aux Juifs », juron d'humeur populaire que ne peut ne pas entendre Louis-Ferdinand…

De mauvaises affaires obligent la famille à déménager en 1899 à Paris, passage Choiseul. Il y vit une enfance choyée et protégée, même si ses parents ne roulent pas sur l'or : « Du gaz [qui éclairait le passage Choiseul] et des claques, voilà ce que c'était, de mon temps, l'éducation. J'oubliais : du gaz, des claques et des nouilles. Parce que ma mère était dentellière, que les dentelles, ça prend les odeurs et que les nouilles n'ont aucune odeur » (entretien de 1957). 

« Ma mère, c'est pas une ouvrière… Elle se répète, c'est sa prière… C'est une petite commerçante… On a crevé dans notre famille pour l'honneur du petit commerce… On n'est pas nous des ouvriers ivrognes et plein de dettes… Ah ! non. Pas du tout !… Il faut pas confondre !… Trois vies, la mienne, la sienne, et puis surtout celle à mon père ont fondu dans les sacrifices… On ne sait pas ce qu'elles sont devenues… Elles ont payé toutes les dettes… ». [Mort à crédit (1936)]

Sa voie est tout tracée : il travaillera dans le commerce. Après plusieurs séjours en Allemagne et Angleterre, le voici apprenti en bonneterie puis bijouterie. C'est peu dire que tout cela ne le passionne pas !

… ……

« Autant pas se faire d'illusions, les gens n'ont rien à se dire, ils ne se parlent que de leurs peines à eux chacun, c'est entendu. Chacun pour soi, la terre pour tous. Ils essaient de s'en débarrasser de leur peine, sur l'autre, au moment de l'amour, mais alors ça ne marche pas et ils ont beau faire, ils la gardent tout entière leur peine, et ils recommencent, ils essaient encore une fois de la placer. "Vous êtes jolie, Mademoiselle", qu'ils disent. Et la vie les reprend, jusqu'à la prochaine où on essaiera encore le même petit truc. "Vous êtes bien jolie, Mademoiselle !…"
Et puis à se vanter entre-temps qu'on y est arrivé à s'en débarrasser de sa peine, mais tout le monde sait bien n'est-ce pas que c'est pas vrai du tout et qu'on l'a bel et bien gardée entièrement pour soi. Comme on devient de plus en plus laid et répugnant à ce jeu-là en vieillissant, on ne peut même plus la dissimuler sa peine, sa faillite, on finit par en avoir plein la figure de cette sale grimace qui met des vingt ans, des trente ans et davantage à vous remonter enfin du ventre sur la face. C'est à cela que ça sert, à ça seulement, un homme, une grimace, qu'il met toute une vie à se confectionner, et encore, qu'il arrive même pas toujours à la terminer, tellement qu'elle est lourde et compliquée la grimace qu'il faudrait faire pour exprimer toute sa vraie âme sans rien en perdre.
La mienne à moi, j'étais justement en train de bien la fignoler avec des factures que je n'arrivais pas à payer, des petites pourtant, mon loyer impossible, mon pardessus beaucoup trop mince pour la saison, et le fruitier qui rigolait en coin de me voir compter mes sous, à hésiter devant son brie, à rougir au moment où le raisin commence à coûter cher.
 » [Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit p. 292]


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire