Alger, extrait de l'épreuve de français du bac de juin 2012 : "Guillotine, le prix de la liberté" |
Bac 2012 / Filières communes
Sujet 1
Guillotine, le prix de la liberté
Elle a été utilisée, la première fois, le mardi 19 juin 1956, pour l’exécution des martyrs Mohamed Zabana et Abdelkader Ferradj, dans une intervalle de sept minutes.Pendant la guerre d’indépendance, plus de 2300 condamnations à mort furent prononcées par la « justice » française. D’après le « registre des grâces », consulté en 2011, on dénombre 217 condamnés qui ont été guillotinés ou fusillés entre 1956 et 1962, dans un contexte où, en vertu des « pouvoirs spéciaux », la justice militaire prenait le pas sue la justice civile. Ce chiffre est de 350 selon l’historienne Sylvie Thénault. À ce sujet, Jean-Jacques de Felice, adversaire infatigable de la peine de mort, avocat des condamnés à mort algériens, affirme qu’en cinq ans, le nombre d’exécution a été considérable. Ainsi, François Mitterrand a, en tant que ministre de la justice du gouvernement de Guy Mollet, entre 1956 et 1957, donné son accord pour l’exécution de pas moins de 45 nationalistes algériens. « Sous Mitterrand, la guillotine a fonctionné sans relâche », rapportent de nombreux témoignages sur les exécutions d’Algériens. Le 9 octobre 1981, François Mitterrand obtenait l’abolition de la peine de mort en France. Vingt-cinq ans plus tôt, il approuvait les premières exécutions d’Algériens. L’examen d’archives inédites de la chancellerie*, qui ont ou être consultées, montrent que Mitterrand, dans la majorité des cas, donna un avis défavorable à la grâce des condamnés. « Avis défavorable au recours » ou encore « recours à rejeter ».Benjamin Stora, spécialiste de l’Algérie contemporaine, dit avoir découvert des documents inédits qui expliquent comment, pendant les 16 mois passés à la tête du département de la justice, Mitterrand a laissé sans broncher couper les têtes des nationalistes algériens, qu’ils aient ou non du sang sur les mains, à l’exemple de Fernand Yveton. Seul français parmi les exécutés, Yveton n’avait pas commis de crime de sang mais Mitterrand a quand même exigé sa décapitation.Enfin, le temps n’est il pas venu pour l’institution judiciaire française de reconnaître que des fautes très graves ont été commises en son nom et qu’il n’appartient pas aux historiens de rétablir seuls la vérité ?D’après Amar MansouriDans la revue El Djeich N°576, juillet 2011
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Mitterrand et la guillotine au menu de l’épreuve de français du bac scientifique
Cette année, pour l’épreuve de français, les candidats au bac scientifique ont eu le choix entre deux sujets : l’un portant sur le texte historique, intitulé "Guillotine, le prix de la liberté" et l’autre, sur le clonage. Pour le premier sujet, c’est un texte extrait de la revue El Djaïch de juillet 2011 qui est proposé. Le texte revient sur l’utilisation de la guillotine durant la Guerre de libération et le rôle de François Mitterrand – alors ministre de la Justice – dans l’application de la peine de mort contre les moudjahidine. « Pendant la guerre de libération, plus de 2 300 condamnations à mort furent prononcées par la "justice" française. D’après "le registre des grâces", consulté en 2001, on dénombre 217 condamnés qui ont été guillotinés ou fusillés entre 1956 et 1962 », souligne le texte. Plus loin, il précise : « François Mitterrand a, en tant que ministre de la Justice du gouvernement de Guy Mollet, entre 1956 et 1957, donné son accord pour l’exécution de pas moins de 45 nationalistes algériens ». « "Sous Mitterrand, la guillotine a fonctionné sans relâche", rapportent de nombreux témoignages sur les exécutions d’Algériens », ajoute le texte proposé aux candidats.Ce n’est pas la première fois que la révolution algérienne est au menu des épreuves du bac. « Depuis que la dernière réforme des programmes est entrée en application au secondaire, en 2008, tout le premier trimestre, en cours de français, avec les classes de terminale, est consacré au texte historique, essentiellement à l'Histoire d'Algérie de 1830 à nos jours. Alors oui, tout ce qui peut concerner de près ou de loin la présence française en Algérie pendant toute la durée de la colonisation jusqu'à l'indépendance peut faire l'objet d'un sujet de bac. Même Mitterrand et la guillotine », explique Djamila Bouktab, professeur de français dans un lycée de Tizi Ouzou.
Mais en cette année de célébration du cinquantenaire de l’indépendance et alors que François Hollande, un socialiste se réclamant de l’héritage de François Mitterrand, vient d’accéder au pouvoir en France, ce choix très ciblé est loin d’être fortuit. Il montre à quel point les relations entre l’Algérie et les socialistes français restent marquées par le poids de l’Histoire.
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Lire : La vente "Fernand Meyssonnier" contrainte d'annulation tandis que le colloque FLN de la Criée à Marseille est maintenu : où est l'horreur ?
Autobiographie d'un homme "normal" de Bab-el-Oued qui votait SFIO… ou communiste :
Fernand Meyssonnier : "Paroles de bourreau : Témoignage unique d'un exécuteur des arrêts criminels"
Algérie (Batna) : J'ai assisté à ma première exécution en juillet 1947. J'avais tout juste seize ans. Ce matin-là, j'étais à deux doigts de dire : "Je n'y vais pas." Parce que quand même, voir un homme mourir comme ça… Ça a été rapide. À peine trois secondes depuis le pied de la guillotine. Mais toute cette attente et ce silence pesant depuis presque une heure m'oppressaient à un point tel que lorsque la lame est tombée, je me rappelle avoir poussé un petit cri : "Ahhh !" Oui... quand j'ai vu que sa tête était entre les montants et que ça allait être la dernière seconde... J'ai vu le gars basculer, la lame est tombée... Et puis alors le sang... Bon, la première, la deuxième et puis après, c'est pas qu'on s'habitue, mais une fois dans l'équipe, on a une tâche bien précise, on se concentre sur le travail à faire.
Fernand Meyssonnier est le premier et le dernier exécuteur de France à s'exprimer. Ce témoignage exceptionnel - que l'abolition de la peine de mort dans notre pays rend à jamais unique - expose en pleine lumière la mise en œuvre de la peine capitale et révèle le fonctionnement ambigu de "l'abattoir solennel" en Algérie depuis les années 30 jusqu'à l'Indépendance. Cette autobiographie d'un homme "ordinaire" ayant assumé une fonction extraordinaire, doté par la société du pouvoir exorbitant de tuer, retrace sans tabou ni censure la formation, la situation et la pratique de celui que l'on désignait communément sous le nom de "bourreau".
Faut-il rappeler que papa Hollande était proche de Jean-Louis Tixier-Vignancour et de l'OAS-métro… Une filiation qui a certainement marqué petit François le Normal. Sans doute en fait-il à présent un peu trop pour se dédouaner envers des Algériens qui ne peuvent être dupes… Un jour peut-être cela sera-t-il rappelé aux candidats d'une prochaine session du bac, au même titre que cette imposture d'un Mitterrand abolitionniste sans tache de la peine de mort.
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