De l’avis de l’islamologue, Mactar Seck
la musique fait partie de la vie de l’être humain. Son caractère licite
ou illicite dépend de l’orientation qui en est faite. Aussi, il
soutient que l’islam est pour la musique qui véhicule des messages
positifs.
Quelle est la position de l’islam par rapport à la musique ?
La
musique fait partie de la vie depuis l’antiquité. La preuve, on parle
de musique orientale, africaine, occidentale. L’Islam est une religion
globale, qui parle de tout et qui touche à la matérialité et à la
spiritualité. Dans la spiritualité, il y a l’aspect musical. Chez les
soufis, le rythme joue un grand rôle, et qui dit rythme, n’est pas loin
de la musique, du son.
Peut-être,
c’est la perception actuelle de la musique qui pose problème. Avant
l’islam, le folklore jouait un rôle prépondérant, et dans ce folklore,
il y avait le rythme, qu’il s’agisse de la musique, de la danse. Toute
chose qui rythme la vie en général, a le sens musical. Quand l’islam est
arrivé, le problème ne s’est pas posé parce que cela faisait partie de
la culture islamique. Avec la propagation de l’islam jusque dans de
grands pays comme la Perse, la musique jouait un grand rôle dans la
civilisation islamique.
Si
l’on étudie l’islam en Andalousie (l’Espagne actuelle), on se rend
compte que l’islam allait de paire avec la musique. A cette époque et
jusqu’à présent, les grands intellectuels notamment les écrivains, les
poètes étaient de véritables musiciens. En Andalousie, il y a des
chansons rythmées par la musique. On trouve aussi ce genre de musique au
Maroc. Donc la musique fait partie de la vie. En Arabie Saoudite, pays
qu’on peut considérer comme le centre culturel de l’islam, la musique
joue un grand rôle même s’il y a des différences au plan instrumental et
des objectifs avec le monde occidental. C’est vous dire que l’islam
n’est pas contre la musique. Nous les islamologues ou soi-disant
prêcheurs, nous avons des sujets à développer, une mission envers la
société et nos coreligionnaires. Les autres ont aussi leur mission. Par
le biais de la musique, ils véhiculent un ou des messages. On n’a jamais
attaqué la musique et la danse.
Où se situe donc le problème ?
C’est
durant ces quarante, trente voire vingt dernières années que le débat
s’est posé. Et cela fait partie de la lutte que des
islamistes-djihadistes mènent contre l’occident, et comme celui-ci
combat aussi l’islam.... Cette frange veut balayer tout ce qui est
occidental dans le monde islamique. Or, les gens doivent comprendre
qu’il y a dans chaque société deux tendances : les modérés qui acceptent
la modernité et les autres avec leur mentalité archaïque qui rejettent
tout.
La musique est l'un des dons que Allah a faits à l'homme. Par elle, ce dernier peut louer et remercier son Créateur, mais aussi exprimer son émotion, ses joies et ses peines. Si le chant jouait
un grand rôle dans le culte de Allah, la musique instrumentale, elle
aussi y avait une place de choix. Non seulement, elle accompagnait les
chanteurs, mais elle complétait aussi leurs chants. Il n'est donc pas
surprenant que du début à la fin des Écritures, il soit très souvent
question de la musique instrumentale et vocale en rapport ou non avec le
vrai culte. (Gen.4/21.31/27,I Chroniques 25/1, Apocalypse:18/22.)
La première fois que la Bible parle
de la musique, c'est à propos du monde antédiluvien, au cours de la
septième génération des descendants d'Adam. Elle déclare: "Jubal" fut la souche de tous ceux qui manient la harpe et le chalumeau." Il
peut être question ici de l'invention des premiers instruments de
musique ou de l'apparition d'une sorte de profession musicale. -
(Gen.4/21).
Il semble que dans les temps patriarcaux cet art faisait
partie intégrante de la vie des gens comme en témoigne le fait que
Laban voulait fêter le départ de ses filles et de Jacob en musique.
(Gen. 31:27). La délivrance opérée à travers la Mer Rouge et les retours victorieux de Jephté. David et Saül furent célébré par des chants et des mélodies - Exode 15:20, 21.
Sur la base de recherches menées dans le monde entier, Kurt Sachs est arrivé à la conclusion que "les choeurs et les orchestres attachés au temple de Jérusalem témoignent d'une instruction, d'une habilité et d'une connaissance musicale élevée". Il ajoute:"il
est important de se rendre compte que la musique du Moyen Orient
antique était tout à fait différente de ce qu'en ont dit les historiens
du 19ème Siècle (...) Quoique nous ne sachions pas quel son produisait
la musique ancienne, nous avons des preuves suffisantes des sa
puissance, de sa dignité et de sa maîtrise."
Au
XXe siècle, l'Islam est un vaste monde, dont les liens avec la musique
sont variables. D'un point de vue technique, le noyau médiéval
arabo-irano-touranien de l'Iraq abbasside a induit les actuelles
musiques arabes, de l'Iran et de la Turquie, tandis que la musique de
l'Inde peut leur être apparentée par l'existence de modes heptatoniques.
Mais avec l'islam du Sud-Est asiatique, de l'Indonésie, de l'Afrique
noire ou de l'Amérique, on perd tout lien avec les traités musicaux de
l'islam médiéval. On peut donc distinguer la musique de l'islam de la
musique des musulmans.
Les
chants propres à l'islamisme dépassent évidemment le cadre de l'appel à
la prière et du Coran sans atteindre le volumineux répertoire des
autres religions monothéistes. Il existe néanmoins des chants de
pèlerinage, des récits sur la vie du prophète, d'innombrables chants à
tendance religieuse, et des répertoires propres aux mois du jeûne
(ramadhân) ou du deuil chez les chiites (muharrâm), avec, dans ce
dernier cas, des cérémonies spécifiques (tachabî en Iraq, âzâdârî en
Iran) ou des représentations scéniques (taziyè).
la psalmodie
On peut considérer que la psalmodie est à mi chemin entre le chant et la parole. L'accent y est surtout mis sur le rythme, tandis que le ton est monotone et répétitif. Alors que ce style continue à être encore en vogue dans les autres grandes religions,
la Bible laisse entendre que son usage était limité au chants de deuil.
Ainsi, David psalmodia un chant funèbre en l'honneur de son ami
Jonathan et sur le Roi Saül. (II Samuel 1:17; II Chronique 35:25;
Ezechiel 27:32:32:16). De fait la psalmodie n'est préférable à la
mélodie de la musique ou à la modulation et à l'accentuation du discours
verbal que pour le chant de deuil ou la lamentation.
L'islam et la musique
La
musique islamique est la musique religieuse musulmane, chantée ou jouée
en public ou en privé. La musique islamique est issue d'une vaste
région géographique qui s'étend de l'Asie centrale à l'Atlantique
constituent les branches d'une même famille musicale ayant pris
naissance dans les foyers culturels du Proche-Orient et du
Moyen-Orient1. L'Afrique sub-saharienne et les Philippines méridionales
possèdent aussi d'importantes communautés musulmanes, mais ces zones ont
moins d'influence sur la musique islamique. Toutes ces régions étaient
reliées par le commerce bien avant les conquêtes islamiques du XIe
siècle et il est probable que les styles musicaux aient, tout comme les
marchandises, traversé les frontières. Comme l'Islam est une religion
multiculturelle, l'expression musicale de ses adhérents est différente
et variée. Les modèles musicaux indigènes de ces pays ont formé peu à
peu une musique dévotionnelle appréciée par les musulmans contemporains.
L'attitude des branches sunnites et chiites différe à l'égard de la
musique. La première affiche une interdiction mais une grande tolérance dans
les faits, la seconde au contraire favorise la musique mais l'interdit
dans les fait. Cette attitude contradictoire provient de l'influence
exercée par les confréries soufies, souvent adeptes de rituels liés à la
musique (dhikr et sama'). Certains musulmans pensent que seul le chant
est permis/licite (halal), et que les instruments sont interdits
(haram). Ainsi, il existe une forte tradition de chant a cappella
emprunt de Mélisme. Il n'y a pas une musique islamique mais plusieurs
selon les traditions des pays d'adoption. La musique arabe classique
n'est pas identique à la musique islamique car elle est profane. De
plus, les Turcs Seldjoukides, une tribu nomade convertie à l'Islam,
ayant conquis l'Anatolie (actuelle Turquie),
et instauré le Califat (formant ainsi l'Empire Ottoman), ont également
eu une forte influence sur elle mais la musique ottomane est elle aussi
profane. Il en va de même pour la musique persanne, par contre, on y
retrouve les mêmes modes (Maqâm ou Dastgah). En dépit de ses multiples
apparences, cette musique, qui appartient à la tradition orale, présente certaines caractéristiques communes, surtout dans l'art de
la musique savante de l’Islam ; cela est moins évident dans les
musiques ethniques, où les particularités régionales sont marquées. Cet
art revêt des réalités esthétiques voire ethnomusicologiques variées
marquée par le thème unificateur de l’Islam, lequel s’est principalement
exprimé en langue arabe
En
1926, l'écrivain égyptien non-voyant Taha Hussein fait exploser une
véritable bombe en rejetant l'idée selon laquelle la période
préislamique fut qualifiée d' "époque de l'ignorance".
En fait, les textes islamiques critiquent violemment cette période et
les récits des chroniqueurs ne nous ont apporté que de petites histoires
et quelques poèmes, pourtant l'écriture arabe existait bel et bien et
depuis plus de mille ans avant l'islam. Les recherches archéologiques
ont fourni des éléments montrant, depuis plus de trois mille ans, la
place des Arabes au Proche-Orient.
Des textes cunéiformes assyro-babyloniens, qui remontent à plus de 800
ans av. J.-C., parlent des royaumes et des reines des Aribi (Arabes).
Les villes, habitées entièrement ou majoritairement par les Arabes,
comme Pétra, Philippopolis, Palmyre, Hatra, Doura Europos, Bostra,
Hauran, Maïn, Saba, Teima, Al-Hira et des dizaines d'autres ont laissé
des souvenirs éclatants ; ce qui ne laisse aucun doute sur l'existence
d'une civilisation arabe. Comment ce monde, construit sur (et entre)
les civilisations antiques de la Mésopotamie et de l'Egypte, aurait-il versé dans cette "ignorance" ? Comment cette société arabe où se développent les premières écritures, la poésie, les observations scientifiques de l'univers, les questions métaphysiques, une réflexion sur la vie (dont
les traces écrites existent depuis trois mille ans av. J.-C.), ce monde
partagé entre zoroastriens, hébreux, chrétiens, philosophes,
polythéistes dont les cultes s'exprimaient déjà par l'art (sculpture,
peinture, musique, chant, danse), comment ce monde, subitement,
serait-il devenu "ignorant" ? Cette civilisation, les écrits des
historiens et géographes, comme Eratosthène (IIIe s.), Ptolémée (IIe s.
apr. J.-C.), Pline l'Ancien (Ier s. apr. J.-C.), Strabon (Ier s. av.
J.-C.) et d'autres, la confirment, et même les textes bibliques
(pourtant partiaux quant à ce qui sort du nationalisme hébreux) ne nient
pas cette vérité. D'autres historiens contemporains considèrent même
que cette civilisation existait avant les anciennes civilisations
gréco-romaine, byzantine et perse. Dans l'introduction à son "Histoire
naturelle", Pline l'Ancien découvre trois régions : l'Arabie Pétrée (du
nord-ouest du Sinaï à la Transjordanie), l'Arabie Déserte (y compris le
désert de Syrie), l'Arabie Heureuse (au nord de la péninsule). Dans ces
régions, on peut diviser les Arabes en nomades du désert et en citadins.
Les nomades n'avaient pas de lieu fixe et vivaient principalement de
l'élevage ; la razzia (ou pillage éclair) faisait aussi partie de leurs
activités. Par contre, les citadins comme les Sabéens, les Nabatéens,
les Palmyréniens, les Ghassanides, les Hirittes et autres royaumes,
contrôlaient de vastes territoires et vivaient, en paix ou en guerre,
soit indépendants, soit agissant comme protecteurs pour le compte des
grands empire de l'époque (Perse, Romain, Byzantin, etc.). Ces citadins
travaillaient principalement dans le commerce, de l'Inde à la
Méditerranée. Leurs caravanes convoyaient l'encens, la gomme la myrrhe,
la soie, la résine, les pierres fines, toutes marchandises précieuses
venant du Yémen ou du Hedjaz, et la chose écrite. Elles étaient souvent
accompagnées et protégées par les tribus arabes du Nord. La présence
culturelle des empires mentionnés ci-dessus a enrichi considérablement
les traditions culturelles propres aux Arabes. Grâce à ces contacts et
échanges, mais aussi à l'ouverture sur les mondes, à un esprit
particulièrement inventif, les Arabes ont poussé très loin l'évolution
de leur culture. En ces temps, la poésie, la musique, la danse devinrent
le symbole d'une prospérité qui permit à l'esprit de s'affirmer. A la
fin du VIe s. et au début du VIIe s., juste avant l'apparition de
l'islam, la plupart des Arabes étaient donc juifs, chrétiens et païens,
leurs villes vivaient dans une certaine opulence ; la Mecque était
un grand centre commercial, religieux et culturel. C'est la tribu des
Quraysh (prépondérante parmi les Arabes de la région) qui était
maîtresse de la Mecque depuis le Ve s. Au niveau politique, elle était
parfaitement et démocratiquement structurée. Abd Al-Mutalib, grand-père
du Prophète, était l'un des principaux responsables de la ville. Ceux-ci
organisaient deux foires annuelles qui leur permettaient de contrôler
les échanges et de gérer l'enceinte sacrée entourant la Ka'ba, au centre
de la cité, pour tirer profit des pèlerinages polythéistes accompagnant
les foires. La Ka'ba était (avant la récupération musulmane) un temple
orné de plus de 300 sculptures (idoles), elle servait de lieu de culte
aux païens. Les visiteurs des foires n'étaient pas uniquement arabes ;
ils étaient aussi perses, romains, byzantins et autres. Les Mecquois
contrôlaient la route caravanière (la route des aromates) et
organisaient chaque année deux grands voyages commerciaux vers le Sud et
vers le Nord. Plus de 1 500 chameaux (ce qui était grand pour l'époque)
s'ébranlaient à chaque voyage ? A cette prospérité économique
s'ajoutait une vie culturelle intense. Au temps des foires, de grandes
animations musicales et de danse s'organisaient, les rencontres et les
concours poétiques faisaient partie du calendrier. Les grands poèmes du
Souk A'kath (les Mu'allaquates) étaient chantés et suspendus sur les
murs du temple. Les chanteuses et chanteurs arabes, perses, byzantins,
avec leurs instruments, et en particulier le oud (luth), se produisaient
dans toute la ville, sur les places des marchés, chez les nobles (leurs
mécènes), et dans les cabarets. L'orientaliste Georges Farmer ("The
History of Arabian Music", p. 10-12) écrit qu'en plus de leur système
musical, les Arabes utilisaient le système de Pythagore ; que nombreux
étaient les rois, princes et nobles qui pratiquaient la musique et le
chant ; que la musique jouait un rôle déterminant chez ceux qui
prophétisaient et qu'à cette période, le harem clos n'existant pas, la
liberté de la femme était égale à celle de l'homme. Parmi les dizaines
de noms connus, on peut mentionner le nom d'Al-Khanssa qui chantait ses
poèmes avec accompagnement musical, ainsi que la mère de Hatem Al-Taay.
Le grand poète Al-A'sha, dont l'un des poèmes est devenu mu'alaqua,
était connu sous le nom de "Sanajet al-arabe" (Harpiste des Arabes), et
parcourait chaque partie de la péninsule pour chanter et jouer de son
instrument. Des dizaines d'autres faisaient comme lui ; cette tradition
sera reprise par des poètes chanteurs espagnols et français qu'on
appellera plus tard les troubadours. En réalité, les Arabes de cette
époque (sauf les monothéistes) avaient compris qu'il n'y avait pas de
vie (sous forme de survivance individuelle) après la mort, donc ils se
sont intéressés à vivre leur présent, à aimer, à danser, à écouter de la
musique et à chanter, sans oublier le vin (qu'ils
produisaient et faisaient aussi venir de très loin). Grâce à la
prospérité économique et à un mode de vie hautement culturel, la poésie
et le chant existaient dans chaque maison. C'est dans cette ambiance que
le Prophète Mohamed est né en 570.