Carnets de Voyages en Syrie avec la Communauté syrienne de France

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vendredi 23 décembre 2016

Alep : Éric Denécé dénonce la falsification de l'information face au terrorisme islamique






Alep : Éric Dénécé dénonce la falsification de l'information par les médias (LCI, 21/12/16, 23h37)



Transcription :
Éric Dénécé : Un autre point me paraît tout à fait important de signaler, c'est ce qui se passe à Alep en ce moment. Parce que là, on est à mon sens sur une falsification de l'information qui est énorme. Bien sûr qu'il y a une guerre civile en Syrie, bien sûr que la situation est inadmissible. Ceci dit, ça ne concerne que 30% d'Alep, ça concerne soit des civils qui sont pris en otage par des djihadistes, soit des gens qui refusent de quitter les quartiers parce qu'ils soutiennent ces mêmes djihadistes. On ne vous parle pas de tout ce qui se passe ailleurs en Syrie.

Yves Calvi : On se fait rouler dans la farine avec Alep ?

Éric Dénécé : On se fait rouler dans la farine avec Alep. Ca ne veut pas dire qu'il n'y a pas des victimes innocentes qui périssent mais j'insiste sur ce point...

Yves Calvi : Il y a bien une ville qui est détruite quand même.

Éric Dénécé : Non. Il y a un tiers du quartier d'Alep, seulement un tiers, qui sont victimes des bombardements, et j'insiste, c'est un tiers de la ville dans lequel des djihadistes dangereux sont présents. Et ce sont ces djihadistes qui depuis des années tirent sur les quartiers chrétiens, tirent sur le reste de la ville, ce dont on ne parle jamais. On ne parle pas non plus du massacre humanitaire que conduisent les Saoudiens aujourd'hui au Yémen où systématiquement des hôpitaux sont ciblés, où des sites archéologiques sont détruits. Un de nos contacts qui est rentré du terrain l'autre jour nous disait la chose suivante : il nous disait qu'en Syrie, il y a des tas d'endroits où les choses se passent bien. C'est vrai qu'on peut aller dîner dans la rue le soir dans les quartiers de Damas, les gens de Damas vont passer l'été dans des bungalows à Lattaquié au bord de la mer...

Yves Calvi : Je rappelle que c'est une situation qu'on a connue notamment au Liban.

Éric Dénécé : Voilà, donc le pays n'est pas à feu et à sang. Au Yémen, c'est totalement différent, il n'y a quasiment pas 1 km² qui ne soit pas bombardé par les Saoudiens, dans lequel des combats n'aient pas lieu, et on ne parle pas de cela. Il y a un autre point que je voudrais évoquer, c'est que nous avons eu dans les années 90, dans une ancienne colonie française, le Congo, une guerre civile qui a fait 400 000 morts sur 4 millions d'habitants, c'est-à-dire 10% de la population. On n'en parle pas non plus. Donc aujourd'hui, le focus qui est mis sur la Syrie d'une part et sur Alep avec les désinformations qui les accompagnent est une falsification complète de la réalité, ce qui ne veut pas dire qu'on défende Bachar al-Assad, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de victimes civiles qui disparaissent, mais il y a quelque chose d'extrêmement dangereux : pour un jeune islamiste aujourd'hui, la façon dont les médias occidentaux présentent la crise d'Alep est une motivation pour passer à l'action.

Yves Calvi : Comment expliquez-vous justement cette situation, ce manque de lucidité ? En l'occurrence, ce que vous êtes en train de nous expliquer l'a été à ma surprise aussi en partie très largement par les invités de l'émission que nous avons consacrée la semaine dernière à Alep, donc...

Éric Dénécé :Je pense qu'il y a une stratégie...

Yves Calvi : ...je vous le dis franchement, je m'inquiétais tout simplement d'être en train de faire une émission révisionniste sur ce qui est en train de se passer au même moment et qui tire des larmes au monde entier...

Éric Dénécé : Par exemple, ce qui est très frappant, on voit la communauté syrienne en France et dans d'autres pays européens qui est absolument scandalisée de voir la façon dont les médias présentent la situation. Alors je pense que nos médias en France (et je suis obligé de rester un peu général) sont un peu suivistes du mainstream médiatique qui est impulsé et imposé par les médias anglo-saxons et par les médias arabes qui, eux, ont intérêt à présenter la situation en Syrie comme quelque chose d'absolument scandaleux. Et comme toujours, 300 000 morts dans cette guerre, 5 ans de guerre civile, c'est quelque chose d'horrible. Il y a à peu près 90 000 militaires qui ont été tués, il y a à peu près 60-70 000 personnes soutenant le régime ou en tout cas neutres qui ont été massacrées, on nous présente les faits comme si Bachar avait tué 90% de la population, ce qui est inexact, ce qui ne veut pas dire que ce soit un saint.

Yves Calvi : C'est extrêmement grave ce que vous nous dites, parce que ça veut dire que nous participons d'une façon ou d'une autre à la naissance des djihadistes et des assassins de demain.

Éric Dénécé : De deux façons : en étant toujours en relation avec des États qui encouragent directement ou indirectement le djihadisme - par le wahhabisme notamment, l'Arabie Saoudite et le Qatar -, et de l'autre côté, sur ce qui se passe aujourd'hui à Alep, le fait de mettre le focus en montrant à tort que les pauvres populations islamistes de ces quelques quartiers d'Alep sont des victimes de l'Occident, eh bien on redonne du carburant à ceux qui dans nos banlieues ou à l'étranger considèrent que le peuple arabe dans le monde est victime de l'ostracisme occidental, et ça les pousse à passer à l'action.

Yves Calvi : Et on a aussi des attentats sur le sol français.




Interview intégrale d'Eric Dénécé, directeur du CF2R - Alep, Terrorisme (LCI, 21/12/16, 23h30)


Interview le 21 décembre 2016 sur LCI d'Éric Dénécé (directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement - CF2R) qui s'exprimait sur Alep et sur le terrorisme. EXTRAITS :

"On est à mon sens sur une falsification de l'information qui est énorme. Bien sûr qu'on est sur une guerre civile en Syrie, mais ça ne concerne que 30% d'Alep, ce sont soit des civils qui sont pris en otage par des djihadistes, soit des gens qui refusent de quitter les quartiers parce qu'ils soutiennent ces mêmes djihadistes. On ne vous parle pas de tout ce qui se passe ailleurs en Syrie. On se fait rouler dans la farine avec Alep. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de victimes innocentes qui périssent (...) Seul 1/3 d'Alep est victime des bombardements, et j'insiste, c'est 1/3 de la ville dans lequel des jihadistes dangereux sont présents qui depuis des années tirent sur les quartiers chrétiens et le reste de la ville, ce dont on ne parle jamais. On ne parle pas non plus du massacre humanitaire que conduisent les Saoudiens aujourd'hui au Yémen où systématiquement des hôpitaux sont ciblés, des sites archéologiques détruits. Un de nos contacts qui est rentré du terrain l'autre jour nous disait qu'en Syrie, il y a des tas d'endroits où les choses se passent bien où on peut dîner dans la rue le soir dans les quartiers de Damas, aller au bord de la mer, donc le pays n'est pas à feu et à sang. Au Yémen, c'est totalement différent, il n'y a quasiment pas 1 km² qui ne soit pas bombardé par les Saoudiens, et on ne parle pas de cela. Dans les années 90, dans une ancienne colonie belge, le Congo, une guerre civile a fait 400 000 morts sur 4M d'habitants, soit 10% de la population. On n'en parle pas non plus. Aujourd'hui, le focus qui est mis sur la Syrie d'une part et sur Alep avec les désinformations qui les accompagnent est une falsification complète de la réalité, ce qui ne veut pas dire qu'on défende Bachar El Assad, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de victimes civiles qui disparaissent, mais il y a quelque chose d'extrêmement dangereux : pour un jeune islamiste aujourd'hui, la façon dont les médias occidentaux présentent la crise d'Alep est une motivation pour passer à l'action.

(Yves Calvi fait remarquer qu'Eric Dénécé tient les mêmes propos que les invités qu'il avait reçus la semaine précédente qui dénonçaient aussi la présentation biaisée de la crise d'Alep https://www.youtube.com/watch?v=k0XkDfi8OnY)

La communauté Syrienne en France et dans d'autres pays européens est absolument scandalisée de voir la façon dont les médias présentent la situation. Nos médias en France sont suivistes du mainstream médiatique qui est impulsé et imposé par les médias anglo-saxons et par les médias arabes qui, eux, ont intérêt à présenter la situation en Syrie comme quelque chose d'absolument scandaleux. Et comme toujours, 300 000 morts dans cette guerre, 5 ans de guerre civile, c'est quelque chose d'horrible, 90 000 militaires tués, 70 000 personnes soutenant le régime ou en tout cas neutres massacrés, on nous présente les faits comme si Bachar avait tué 90% de la population, ce qui est inexact, ce qui ne veut pas dire que ce soit un saint.

(Nous participons à la naissance des djihadistes et des assassins de demain) en étant toujours en relation avec des États qui encouragent directement ou indirectement le djihadisme - par le wahhabisme notamment - comme l'Arabie Saoudite et le Qatar. Et de l'autre côté, sur ce qui se passe aujourd'hui à Alep, le fait de mettre le focus en montrant à tort que "les pauvres populations islamistes" de ces quelques quartiers d'Alep sont des victimes de l'Occident, on redonne du carburant à ceux qui dans nos banlieues ou à l'étranger considèrent que le peuple arabe dans le monde est victime de l'ostracisme occidental, et ça les pousse à passer à l'action."

"Faire de la lutte antiterroriste, c'est chercher une aiguille dans une botte de foin. C'est ce qu'il y a de plus dur. Plus on augmente la taille de la botte de foin, plus le travail est dur. Ca veut dire qu'on cherche toujours que des aiguilles, ça veut pas dire que les migrants sont un danger en tant que tel mais à chaque fois qu'on fait rentrer 1 millier de migrants, il y a probablement 1 ou 2 terroristes. Donc, plus on fait rentrer de migrants, sans avoir les moyens de les filtrer, plus on augmente la difficulté du traitement du risque antiterroriste derrière, et c'est ce que les Allemands ont fait de manière un peu inconsidérée."



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