Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

lundi 12 septembre 2016

Père Joseph Nasrallah : Le culte de Marie en Syrie [in revue "Marie", mai-juin 1949]



Le culte de Marie en Syrie
par le père Joseph Nasrallah
(texte d'origine : revue "Marie" mai-juin 1949 )






La dévotion à Marie est l’héritage d’un patrimoine commun à toutes les Églises d’Orient. Toutes les Communautés chrétiennes qui se partageaient la Syrie avant la Conquête musulmane, Orthodoxie chalcédonienne, Monophysisme, Monothélisme, rivalisaient de zèle dans leur dévotion à la Mère de Dieu et dans l’extériorisation de leur culte envers elle. Les liturgies lui appliquaient les épithètes les plus douces [1] ; architectes et artistes élevaient à sa gloire de belles basiliques ou représentaient ses prérogatives en des œuvres où leur tendresse envers la « Mère des Hommes » s’alliait avec le respect et la vénération dus à la « Toute Pure, la Panagia » et à la Théotokos, « la Mère de Dieu ». « À la piété pour Marie, de cet Orient Grec, nous devons, en partie du moins, ce que la dévotion à la Sainte Vierge a versé dans notre Christianisme, de tendresse, de joie, de confiance et d’esprit filial [2]. »

Les premières traces d’une dévotion à Marie sont à rechercher dans les Évangiles, Évangiles Canoniques, Évangiles Apocryphes, dans les écrits des premiers Pères, en particulier d’Origène et de saint Hippolyte, et dans quelques manifestations de l’art chrétien des catacombes. Au IVe siècle, nous sommes en présence d’un culte extérieur indubitable rendu à la sainte Vierge. La Syrie a été l’une des premières à apporter son hommage filial à Marie. Si la plus ancienne église dédiée à la Sainte Vierge, Maria Antigua, appartient à Rome et date de la première moitié du IVe siècle, une pauvre bourgade de l’est syrien, El Hazimé, au nord-est de Hama, peut se glorifier d’avoir eu la seconde. Elle date en effet de 390-391 [3]. L’Église d’Éphèse lui est postérieure d’une trentaine d’années.

« Peut-être sur la fin du IVe siècle, et sûrement au début du Ve siècle, dans certaines Églises d’Orient et d’Occident, on commence à honorer Marie d’un culte public par une fête spéciale. En certains endroits elle fait partie de ce qu’on appelle l’Avent primitif, qui se célèbre le dimanche qui précède la fête de Noël du 25 décembre. Elle est communément désignée sous le nom de Mémoire de Sainte Marie [4]. » Des Églises de Syrie furent les premières à adopter cette fête. Suivant A. Baumstark [5], Antioche la célébrait dès avant 375. Elle était solennisée au Hauran au début du Ve siècle ; nous en avons pour preuve deux homélies d’Antipater, évêque de Bosra (mort vers 458) [6].

La condamnation de Nestorius fut le triomphe extérieur rendu à Marie. Le peuple chrétien eut à cœur de réparer la diminution de la gloire de Marie, issue de la doctrine nestorienne ; il éleva une multitude d’églises en son honneur, il l’invoqua plus ardemment dans sa liturgie [7].

L’inventaire archéologique de la Syrie n’est pas achevé ; le mauvais état de conservation des monuments chrétiens ne nous permet pas toujours de reconnaître le patron auquel les églises étaient dédiées ; et pourtant nous retrouvons une quantité de basiliques de la Vierge, datant de l’époque byzantine. Dans le nord syrien, Édesse possédait un grand sanctuaire de la Théotokos qui occupait l’emplacement de l’École des Perses ; trois autres églises y étaient consacrées à Marie [8]. À Amid, les chrétiens avaient bâti leur église de la Vierge sur l’emplacement d’une synagogue [9] ; à Zeugma, une église de la Vierge fut élevée à la fin du VIe siècle [10]. Antioche avait au moins une église de la Vierge ; elle était nommée la Justinienne [11]. Au nord-est de Hama, dans cette région où depuis de longs siècles la prière chrétienne ne s’est plus élevée vers le ciel, M. Lassus a relevé trois sanctuaires de la Vierge, celui d’El Hazimé [12], celui de Hawa [13] et celui de Rouweida [14]. Un oratoire, datant des années 533-534, s’élevait aussi à Mariammé dans l’Apamène [15]. Salamia, au sud-est de Hama, avait son église de la Vierge, datant du début du VIIe siècle [16]. L’Expédition de Princeton a découvert à Hama un « refuge » dédié à la Vierge [17]. Nous glanons à travers les Villes Mortes de la Syrie une église de la Vierge à Sheikh Suleïmân (dans le Gebal Sim’ân) [18], un oratoire de la Vierge, mentionné dans deux inscriptions de Raam el Hadjal [9].

Dans la Damascène, Damas avait une grande basilique de la Vierge, al Mariamyat ; elle resta aux chrétiens après la Conquête Musulmane [20] ; Yabroud possédait deux églises, Macloula, une [21], et Saïdnaya, une [22].

L’étude du monachisme syrien nous révèle le nom de plusieurs couvents ayant Marie pour patronne et protectrice. La littérature monastique syrienne ne manque pas de témoignages touchants de la dévotion à la Sainte Vierge. Jean Moschus, qui visita les retraites isolées et misérables des anachorètes de Syrie et d’Égypte, y rencontra d’humbles images de la Panagia devant lesquelles brûlaient de petites chandelles allumées. Le pieux voyageur se plaît à énumérer les pratiques par lesquelles les moines honoraient la Mère de Dieu, tel le charmant prodige du cierge que ce bon anachorète allumait dans sa grotte devant une image de Marie chaque fois qu’il partait en voyage, en lui demandant de veiller à ce qu’il ne s’éteigne pas et qu’au retour il retrouvait allumé et intact, fut-ce après des mois d’absence [23]. Nous trouvons dans le Pré Spirituel de nombreux indices d’une dévotion profonde à Marie et d’un culte de ses prérogatives [24].

Il n’entre nullement dans notre plan d’étudier le culte de Marie dans les œuvres des Pères de l’Église. Nous ne pouvons pas cependant ne pas faire remarquer que c’est dans les écrits de deux Pères de Syrie, Saint Éphrem [25] et Saint J. Damascène [26] que nous recueillons les accents de dévotion les plus touchants envers la Sainte Vierge. Dans les strophes de Romanos le Mélode, autre Syrien, la piété envers Marie s’attendrit. « Alors qu’ailleurs on voit un être voisin de l’abstraction, qui ne pose pas pied sur terre, qui se réduit presque à une forme – maternité divine – chez Romanos, la Mère, la Vierge, la femme, la jeune fille, tout se distingue, tout luit admirablement. C’est une jouissance, pour un dévot de notre temps, de trouver là des expressions suaves, dont l’absence fait souffrir chez les grands docteurs où, par un naïf anachronisme, nous voudrions trouver la tendresse de Saint Bernard [27]. »

De très nombreuses inscriptions attestent le culte de la Vierge en Syrie, du Ve au VIe siècle [28]. Quant aux monuments iconographiques, ils sont peu nombreux, mais relativement importants par rapport aux autres monuments du monde chrétien. H. C. Butler en a publié deux [29]. J. Lassus en a ajouté deux autres provenant de la région de Hama, l’un de l’église de Hawa [30] et l’autre de celle de Rouweyda [31]. Nous y joignons deux autres, l’un de Salamia, obligeamment communiqué à nous par le Directeur du Services des Antiquités de Syrie, l’émir Ga’far, et l’autre recueilli par nous-même dans la cathédrale de Yabroud. Ce dernier monument représente une Nativité. On peut lui appliquer à la rigueur cette judicieuse remarque de Delahaye, prononcée à propos des peintures des Catacombes : les personnages qui y figurent sont plutôt là « comme acteurs dans les scènes bibliques choisies d’après un plan qui s’est constitué sans aucune influence du culte des saints  [32] ». On ne peut guère l’appliquer pour les autres représentations. Marie y est représentée pour elle-même, elle figure dans un cadre (comme à Khanaser) ou sur un trône (à Zebed), portant l’Enfant Jésus sur son sein. C’est bien la Vierge Théotokos triomphante, après sa victoire du concile d’Éphèse.

Avions-nous en Syrie, avant la Conquête musulmane, un lieu de pèlerinage vers lequel les foules accouraient pour honorer la Vierge Marie ? Il ne semble pas. Nous ne pouvons pas parler de pèlerinage avant le IVe siècle. C’est à partir de cette date, à partir du VIe siècle surtout, que les mouvements de pèlerinage se sont dessinés. Des Chrétiens venaient de loin retremper leur piété au contact des Lieux sanctifiés par Jésus et sa Sainte Mère. Or, en Syrie, aucun sanctuaire ne conserve le souvenir d’un passage de Marie. Les foules se pressaient, il est vrai, autour de Stylites célèbres de l’époque, comme Saint Siméon ; elles venaient des régions éloignées de Syrie, de Mésopotamie. Mais rien de semblable pour les sanctuaires de Marie, jusqu’au VIIe siècle.

À en croire certains pèlerins occidentaux du XIIIe au XVe siècle, comme Thietmar (1217), Mathieu Paris († 1259), Ludolphe de Sudheim (1348), c’est à l’époque byzantine qu’il faut faire remonter l’origine du couvent de la Vierge de Saïdnaya (à quelques dizaines de kilomètres au nord de Damas), qui attirera tant de foules au Moyen Âge. Une pieuse dame de Damas, désirant quitter le monde, se retira près du village et y bâtit un petit sanctuaire. C’est là qu’un moine venant de Jérusalem déposa une icône de la Vierge, après la manifestation miraculeuse de la volonté de Marie [33]. Des voyageurs du XVIIe-XVIIIe siècles, comme Maundrell (1697), Parsky (1728), Pococke (1738) et plusieurs sources orientales manuscrites  [34] attribuent à Justinien la construction du monastère ; d’autres à Euxodie [35Ø. Quoi qu’il en soit de la question de la fondation du couvent, qui est certainement d’origine byzantine, nous n’avons aucun renseignement sur les pèlerinages qui pouvaient y accourir avant la Conquête arabe.

L’Islam respecta cette tendre dévotion de l’Orient envers Marie. Un ancien hadith ne nous rapporte-t-il pas que Mahomet, après sa victoire sur les Mecquois, entra dans la Ka’ba et s’adressa à l’un de ses suivants, Shibat ibn Othman, en indiquant les murs : « Shibat, efface toute image peinte, sauf celle cachée par mes mains », et en disant cela il ôta ses mains de sur une fresque représentant Isa, fils de Mariam, et de sa mère [36].

Cependant après l’époque de tolérance des premiers califes Rachidites et Ommayyades, les Chrétiens d’Orient eurent à souffrir des vexations et des persécutions des Abbassides. Les manifestations extérieures du culte ne furent plus tolérées ; plus de construction de nouveaux sanctuaires ; plus de pèlerinages, plus de processions, plus de cloches. Les Chrétiens n’avaient plus pour soutenir leur foi que la récitation des hymnes liturgiques. Oh ! avec quelle ferveur ne devaient-ils pas répéter ces strophes brûlantes d’amour et de confiance en Marie « protectrice des affligés », « refuge des opprimés » et « force des persécutés » : « Vous êtes notre refuge et notre force, ô Mère de Dieu, ô secours puissant du monde. Protégez par votre intercession vos serviteurs, de toute épreuve, vous, la seule bénie [37]. » « Vous êtes la joie de tous les affligés, le secours des persécutés, la nourriture des affamés, la consolation des étrangers, le bâton des aveugles, la visitatrice des malades, le refuge et la protection de ceux qui sont dans l’accablement, et le secours des orphelins, Mère du Dieu Très-Haut. Vous qui êtes pure, nous vous prions de délivrer vos serviteurs [38]. »

C’est à cette foi filiale en Marie, à ce recours confiant et continu à elle, que nos ancêtres durent de se maintenir dans leurs croyances, malgré plusieurs siècles de vexations, d’avanies et de persécutions.

Au XIe siècle surgissent les Croisades. Les armées chrétiennes ne purent délivrer leurs frères de Syrie ; leurs établissements ne dépassèrent pas la région d’Édesse, celle d’Antioche et la côte méditerranéenne. Cependant, s’ils furent souvent en guerre avec les princes seljoukides qui se partageaient le pays, il y eut parfois de longues trêves, où Croisés et musulmans fraternisaient et vivaient côte à côte. Les Chrétiens indigènes profitèrent de ces moments d’accalmie et grâce à la présence de leurs frères d’Occident, ils jouirent d’une certaine liberté religieuse. Le couvent de Saïdnaya qui n’avait reçu, durant la période précédente, que des princes et des poètes musulmans, avec leur bruyante escorte, venus, loin des yeux indiscrets, goûter aux délices de son vin, ouvrir ses portes au pèlerin pieux et confiant, accouru présenter ses hommages à « Nostre Dame ». D’autres sanctuaires de la Vierge furent restaurés ou édifiés et devinrent des lieux de pèlerinage fréquentés.

Durant toute la première Croisade, on n’entend pas encore parler de Saïdnaya. C’est probablement durant l’inutile siège de Damas par Conrad III et Louis VII que les Croisés connurent Notre Dame et ses nombreux miracles. À partir de cette date, Nostre Dame de Sardenaye devint un centre célèbre de pèlerinage, à tel point que Shihab ad Dîn al Omari (1301-1348), qui occupa le poste de chef de la chancellerie des sultans mameluks du Caire affirme que « des groupes Chrétiens francs se rendaient à ce couvent et y venaient en pèlerinage. Je les voyais demander expressément au sultan l’autorisation de le visiter s’il leur était accordé de se rendre en pèlerinage à Qumâma (Église de la Résurrection), sans que Saïdnaya y soit mentionné  [39] ». Un anonyme du XIIIe siècle nous laissa une énumération des principaux lieux de pèlerinage de Terre Sainte ; le couvent de Sainte Marie de Sardinalli y est compris ; c’est dire l’importance de ce lieu aux yeux de l’Occident [40]. Un chroniqueur des premières Croisades, Mathieu Paris, rapporte ce qui suit : « Lorsqu’on était en paix avec les Sarrasins de Damas, les Templiers envoyaient prendre la liqueur miraculeuse (de Sardenaye), pour la distribuer aux pèlerins afin qu’ils publiassent dans toutes les parties du monde les merveilles opérées par la Mère de Dieu. Et, fait étonnant, un traité spécial avec le sultan de Damas, facilitait, à l’époque, le pèlerinage de Sardenaye. » Nombreux sont les chroniqueurs et les pèlerins occidentaux qui abondent en détails intéressants sur le monastère, l’icône qu’on y vénérait, le baume qui en découlait et ses nombreux prodiges [41]. « Nous constaterons… surtout au Moyen Âge, que la vertu miraculeuse de l’Icône sainte bouleversera l’Orient chrétien et que dans les châteaux d’Europe, dans les veillées, des chevaliers francs, des poètes, revenant de Terre Sainte, chanteront les miracles de Notre-Dame de Sardenaye [42]. »

Les foules de l’Orient n’accouraient pas moins empressées au sanctuaire de Marie. Les pèlerins venaient nombreux aux mois d’août et de septembre, surtout à la fête de la Nativité, fête patronale de l’Église. Le pèlerin Ulrich Léman (1472-1480) les évalua à 50 mille [43]. Même en faisant la part de la pieuse exagération, le chiffre est assez respectable. Trois siècles plus tôt, Amba Mikhaïl, évêque de Damiette, qui visita le monastère en 1184, donne le chiffre de quatre à cinq mille [44]. Ces pèlerins ne venaient pas tous pour prier. Il faut faire une part pour les curieux et les noceurs. Ces foules appartenaient à toutes les Églises chrétiennes d’Orient, melchite, jacobite, nestorienne, maronite. Car, comme au Saint Sépulcre, chacune de ces confessions tenait à avoir son autel ou son oratoire dans le célèbre monastère [45]. Les musulmans et les juifs ne se faisaient pas fort d’accourir eux aussi ; et bon nombre parmi eux venaient présenter leurs offrandes à Marie ou accomplir un vœu en son honneur [46].

Notre Dame de Tortose n’eut pas la même renommée que Notre Dame de Sardenaye. Bâtie au XIIe siècle et remaniée au siècle suivant, la basilique fut rendue célèbre par la croisade de Saint Louis. Il est vrai aussi que Mélissinde, la princesse lointaine de Jaufré Rudel, qui se rendait souvent à Tortose prier la Vierge toute sainte de veiller sur les destinées de Tripoli, contribua beaucoup de son côté à l’éclat de cette église. Mais seules les Chroniques de Joinville nous entretiennent des miracles de Notre Dame. « Il y avait là, raconte l’aimable chroniqueur, un très grand pèlerinage pour ce que c’est le premier autel qui oncques feust fait en l’honneur de la Mère de Dieu sur Terre. » Joinville, qui visita le sanctuaire, vit « les moult granz miracles » que Notre Dame de Tortose accomplissait, surtout en faveur des Croisés. Ces derniers chassés de la ville en 1291 emportèrent avec eux, à Nicosie, l’image miraculeuse de la Vierge.

La chapelle de la Vierge de Safita (Chastel-Blanc) et l’abbaye cistercienne de Balamand, érigée sous le vocable de Notre Dame de Belmont, remontent aussi aux Croisades (XIIe siècle). Mais rien ne nous dit s’ils furent à l’époque des centres de pèlerinage.

Avec la fin des Croisades cessa la popularité de Notre Dame de Tortose. Saïdnaya continua encore à être célèbre. Au XVe siècle, alors que la Syrie n’avait plus un croisé, le grand maître de Rhodes, Philibert de Neilhac, et le roi de Chypre réclamèrent en 1403, par un traité avec le sultan d’Égypte et de Syrie, un droit spécial sur Sainte Marie de Sardenaïra. Pèlerins et voyageurs du XVe au XVIIIe siècle continuaient à affluer au monastère [47]. L’attrait religieux n’était pas le seul motif déterminant de leur visite ; la curiosité y tenait une bonne part. Mais cela nous montre toujours l’importance du sanctuaire aux yeux des indigènes et des étrangers.

Les pèlerins orientaux [48] arrivaient aussi nombreux à Saïdnaya et à son sanctuaire, malgré le passage à l’Islam d’un certain nombre de villages environnants. Signalons d’une façon spéciale les pèlerins poètes. Ces trouvères, comme Mikhaïl ibn Hatem al Homsy, Yuhanna ibn al Masri, Yuhanna as Samin, Isa al Hazzâr, Ni’mat ibn al Khuri Tûma, Mikhail Tûma, etc., laissèrent dans un arabe dialectal, pauvre de facture et de style, des poésies touchantes de tendresse et d’amour filial envers Marie [49]. Notre Dame de Balamend eut un regain de popularité au XVIIIe siècle et le poète Mikhail Tûma la célébra en plus d’une poésie [50].

Marie, d’ailleurs, tient un rang privilégié dans la poésie arabe chrétienne du XVe au XVIIIe siècle même chez des poètes qui ne visitèrent pas ses sanctuaires. Poètes en langue dialectale ou de langue littéraire lui consacrèrent de longues strophes, chantèrent sa pureté virginale, sa maternité divine et sa puissance. Concert de louanges et d’amour qui tranche dans cette poésie habituée à chanter le vin et le plaisir.

Le XVIIIe siècle marque un tournant prononcé dans la vie intérieure des Églises d’Orient. Travaillées depuis la fin du XVIe siècle par des missionnaires latins, des fractions de fidèles, plus ou moins nombreuses, se détachèrent de leurs Églises respectives pour s’unir définitivement à Rome. Des branches catholiques de toutes les confessions orientales furent ainsi constituées. La Congrégation de la Propagande s’étant rendu compte qu’une action menée par le clergé indigène aurait plus d’efficacité que celle des missionnaires, multiplia le nombre des Orientaux étudiant Rome. Ce jeune clergé rapporta avec lui nombre de pratiques occidentales de dévotion et de piété. La dévotion à Marie, qui, jusqu’à présent était surtout liturgique – même dans les familles, c’était les hymnes liturgiques qu’on récitait – s’enrichit de formules neuves et se renouvela au contact de la piété occidentale. Elle conserve même de nos jours ce mélange de culte officiel et liturgique, d’aspect oriental, et ce culte privé d’allure latine.

La Syrie n’est plus un pays où domine le Christianisme. Aussi la dévotion populaire ne peut-elle pas s’y étaler comme elle le désire. Point de calvaires sur les chemins, point de ces niches où brûle une veilleuse devant une image de la Sainte Vierge, comme nous trouvons aux tournants des routes du Liban, point de médailles de Marie attachées au volant des automobiles. Le culte et la dévotion à Marie ne sont exercés que dans les sanctuaires et leurs alentours, les jours de fête patronale, ou dans les familles.

Nous pouvons distinguer dans ce culte deux aspects, l’un officiel ou liturgique et l’autre privé.

Nous ne dirons qu’un mot du premier, la question ayant été traitée dans les articles antérieurs. Les Confessions chrétiennes qui se partagent la Syrie ont chacune leurs fêtes mariales. Si certaines leur sont communes, d’autres sont particulières à l’une ou l’autre Église. Ces Églises ont aussi leurs pratiques liturgiques, office des vendredis du carême où se chante l’hymne acathiste, quinzaine préparatoire à l’Assomption, durant laquelle se récite la Paraclisis, dans l’Église melchite, catholique et orthodoxe ; jeûne et office précédant le 15 août dans l’Église syriaque ; mois du Rosaire, mois de Marie dans les communautés latines et maronites et dans beaucoup de paroisses melchites, catholiques et syriaques des centres ruraux. Dans ces centres où l’éducation de la jeunesse est confiée aux Religieuses des SS. Cœurs, fondées vers 1850, par les Jésuites, de nombreuses pratiques mariales, d’origine latine, jeûne du samedi, mois de Marie [51], du Rosaire, bénédiction de l’image sont suivies indistinctement par tous les rites catholiques. Le jeûne et l’office de la Paraclisis sont rigoureusement suivis dans l’Église melchite. Beaucoup de chrétiens manquant volontiers leur messe du dimanche se font un scrupule de ne pas assister à cet office ou de ne pas jeûner, le plus souvent à l’huile, le carême de l’Assomption. Il n’est pas rare de voir cette dévotion strictement observée par des musulmans ou des juifs.

Le culte privé de la Sainte Vierge revêt de multiples aspects. « De nos jours, en Orient, il n’est point d’église, point d’oratoire, point de maison où on ne trouve (son image) sans cesse répétée [52]. » Cette image, souvent fleurie, devant laquelle brûle une veilleuse, est l’objet d’une tendre dévotion. C’est autour d’elle que la famille s’assemble pour réciter le chapelet ou d’autres prières. « Dans les familles pieuses, on récite souvent en commun l’hymne acathiste et le petit canon paraclétique [53]. »

Le chapelet, le scapulaire, les médailles de Marie, surtout la Médaille Miraculeuse, « toutes choses excellentes et qui n’ont rien d’opposé au rite grec, quoi que veuillent en dire certains esprits bizarres [54] », sont des dévotions très répandues. Nous connaissons certaines régions du Hauran, contrée déshéritée de Syrie, où grâce à l’influence d’un saint prêtre, la récitation quotidienne du chapelet est de règle. Nous y avons rencontré souvent des paysans aller au labour, le chapelet en main.

Les Congrégations Mariales [55] sont en honneur dans toutes les paroisses : Congrégation de Notre Dame de Pompéi (surtout dans les églises syriaques), Congrégation de l’Immaculée-Conception pour les dames et les jeunes filles, Congrégation de l’Annonciation pour les hommes et les jeunes gens. Cette dernière date depuis plus de cent ans et c’est le patriarche melchite catholique d’Antioche, Maximos Mazloum (1779-1852), qui en composa l’office.

Marie est invoquée en Syrie sous tous les titres dont elle est connue dans l’Église universelle. Aucun exclusivisme dans son culte. Les catholiques invoquent, sans distinction, N. Dame du Perpétuel Secours, N. D. de Pompéi, N. D. de Lourdes, etc. L’image de N. Dame de Saïdnaya, la Shagoura, et de N. Dame de Bhamdoun sont surtout populaires dans les milieux orthodoxes. N. Dame du Liban, N. Dame de Bikfaya et N. Dame de Bzoummar sont invoquées dans les communautés maronites et arméniennes. Les neuvaines à N. Dame du Perpétuel Secours et à N. Dame de Pompéi sont assez répandues.

L’onomastique locale n’est pas sans être influencée par la dévotion populaire à la Sainte Vierge. Le nom de Marie, en effet, y est très répandu. Il est porté sous les formes les plus différentes ; sous sa forme sémitique de Mariam et de ses diminutifs, Marrum et Marrumi ; sous sa forme occidentale de Marie, Maria, et de ses nombreux composés, Marie-Rose, Marie-Claire, Marie-Reine. Le nom de Regina n’est pas inconnu. Il n’est pas rare de trouver aussi des hommes portant le nom de Bshâra (Annonciation).

Aujourd’hui, comme avant les progrès de l’Islam, le sanctuaire de la Vierge au couvent de Seydnaya… « domine une large part de la vie mystique des populations qui habitent le deuxième et le troisième plateau de Qalamûn. Seydnaya, en raison de sa proximité de Damas, a pris un caractère assez spécial : c’est un centre de piété populaire, mais c’est également un sanctuaire que l’on pourrait qualifier de mondain. Visiter la Vierge est un but d’excursion plus que de prière pour beaucoup de chrétiens de Damas. Nombreuses sont les familles orthodoxes qui estivent à Seydnaya : de juin à octobre, le couvent prend des allures de maison de famille où l’on se retrouve sans pieuse arrière-pensée [56] ». Les foules accourent de tous les coins de Syrie et du Liban, surtout le 8 septembre. Malgré les réjouissances populaires et foraines que cette réunion de pèlerins occasionne, la prière de la foule croyante ne manque pas de monter humble et pressante vers le trône de Marie. Il n’est pas rare non plus d’y rencontrer des âmes désireuses de paix et de recueillement. « De loin déjà, le pèlerin découvre, avec émotion, la silhouette blanche et majestueuse (du sanctuaire), son aspect de chrétienté dominante… Au seuil de la chapelle où veille l’image de la Vierge, nous nous déchaussions. Ma mère s’était agenouillée devant le tabernacle renfermant l’icône miraculeuse, visage contre terre. Debout, pieusement, je me tenais à ses côtés. Les nonnes commencèrent une prière. Leurs voix, d’une chantante monotonie émouvante et grave, psalmodiaient al BaraKlissi, vieille litanie en l’honneur de la Vierge sainte. Un refrain revenait sur leurs lèvres, comme une plainte, « Ô Toi, la très sainte Mère de Dieu, sauve-nous ! » Paupières closes, l’âme illuminée, je sentais vivre en moi des images, des visions, devrais-je dire. J’avais pris, dans le recueillement, une décision [57]. »

La spécialité de la Vierge de Saydnaya est de faire cesser la stérilité. C’est là une grande vertu en cet Orient où la naissance d’un enfant, d’un garçon, est le plus grand des évènements. « La suppliante dort devant l’Iconostase qui cache l’image miraculeuse et, au réveil, elle avale la mèche (al ftîlé) de la veilleuse. Cette pratique est non seulement connue de toute la Syrie, mais on cite même des jeunes femmes venues tout spécialement d’Égypte à Seydenaya pour avaler la ftîlé [58]. Si la grâce d’être mère est demandée par une musulmane, celle-ci promet le plus souvent de faire baptiser l’enfant dans le sanctuaire ; et la promesse est scrupuleusement accomplie. Les miraculées syriennes promettent généralement un ex-voto en or à la Shagoura. Aussi, parmi la multitude des ex-voto, découvre-t-on souvent dans la chapelle des icônes un enfant en or, témoignant d’un miracle de la fécondité. Les cas de guérisons miraculeuses ne sont pas rares à Saydnaya.

Les autres sanctuaires de Marie en Syrie ont perdu de leur popularité. Notre Dame de Balamend et Notre Dame de Tortose ne sont qu’un souvenir historique. La Vierge de Safita conserve quelque renommée parmi les chrétiens et les musulmans du pays alaouite.

Notre Dame de Harissa, au Liban, ne manque pas, depuis quelques années, d’attirer au mois de mai, de nombreux groupes de pèlerins syriens. Vers Notre Dame de Bzommar et Notre Dame de la Délivrance de Sharfé, seuls quelques arméniens catholiques ou quelques syriaques de Damas et d’Alep viennent déposer leurs offrandes ou demander une faveur.

Un sanctuaire qui est aujourd’hui en territoire libanais, mais qui garde l’affection et l’amour des chrétiens de Syrie, est celui de Notre Dame de Râs Baalbeck. Il est en très grande vénération dans toute la BQa’. Le serment le plus sacré qu’un métouali de la région puisse faire est celui prononcé au nom de Notre Dame, Sitt as Saîdé. Sa fête patronale tombe le 15  août ; des foules en nombre y viennent du Liban, de la Syrie, surtout de la région d’Alep.

En divers points du territoire, la Vierge Marie veille sur les chrétientés de Syrie, chrétientés désunies par le schisme et l’hérésie, mais ayant toutes ce trait commun, une tendre dévotion à Marie. La Sainte Vierge qui, à travers plusieurs siècles de persécutions et de vexations, garda vivace la foi chrétienne dans ces Églises, saura un jour les réunir dans son amour et dans celui de son Divin Fils, sous l’égide d’un seul Pasteur.


Père Joseph NASRALLAH (Harissa, Liban),  en la fête de l’Assomption, 1948.


[Paru dans la revue Marie en mai-juin 1949]


1 - Cf. les études précédentes. Nous ajoutons pour l’Église Byzantine, L’ARCHIMANDRITE MICHEL ASSAF, La place de la Vierge Marie dans le rite Byzantin, in AR RIÇALAT AL MOUKHALLISSIAT, XV, 1948, pp. 535-540.

2 - A. MOLIEN, La Liturgie des Saints, la Vierge Marie et St Joseph, Avignon, 1935, pp. 20-21.

3 - JEAN LASSUS, Inventaire Archéologique de la Région au nord-est de Hama, in Documents d’Études Orientales de l’Institut Français de Damas, t. IV, 1935, pp. 163-164.

4 - MARTIN JUGIE, La Mort et l’Assomption de la Ste Vierge. Étude Historico-doctrinale. Studi e Testi, n. 114, Cité du Vatican, 1944, p. 58.


5 - Das Kirchenjahr in Antiocheia swischen 512 et 518, in Roemische Quartalschift, 1897, pp. 55-56 ; cf. aussi M. JUGIE, La Première fête mariale en Orient et en Occident. Échos d’Orient, XXII, 1923, p. 137.


6 - Ces deux homélies sont reproduites dans la Patrologie Grecque de Migne, t. LXXXC, col. 1763-1792 ; cf. à ce sujet M. JUGIE, art. cit., pp. 135-136.


7 - « La querelle autour du Théotokos montre même que c’est par l’atteinte portée au culte populaire de la Vierge que Nestorius et les autres disciples de Théodore de Mopsueste heurtaient le plus vivement la sensibilité chrétienne.» J. LASSUS, Sanctuaires Chrétiens de Syrie, Paris, 1947, p. 306.


8 - R. DEVREESE, Le Patriarcat d’Antioche depuis la paix de l’Église jusqu’à la Conquête Arabe, Paris, 1945, p. 294.


9 - J. STRZYGOWSKI, Amida, Heidelberg, 1910, pp. 166, 187-195.


10 - MICHEL LE GRAND, Chronique, édition Chabot, II, p. 360.


11 - ÉVAGRE, V. 21 ; MALALAS, p. 423 ; PROCOPE, De Aedif., II, 10, 24, cité in DEVREESSE, op. cit., p. III. Cette église est antérieure au VIe siècle, puisque Sévère d’Antioche demande à ses auditeurs, dans l’une de ses homélies, de contribuer par des dons généreux à l’agrandissement et à l’embellissement de l’ancienne église Ste Marie, cf. MAI, Spicilegium Romanum, t. X, p. I, p. 220.


12 - Inventaire, p. 163.


13 - Op. cit., pp. 98-99.


14 - Op. cit., p. 123.


15 - Le Patriarcat d’Antioche, p. 183.


16 - W. K. PRENTICE, Syria. Publications of the Princeton University, arch. Exp., Sect. B. Northern Syria, n. 287.


17 - Op. cit., n. 350.


18 - Op. cit., pp. 338-341.


19 - L. JALABERT et R. MOUTERDE, Inscriptions grecques et latines en Syrie, pp. 319-320.


20 - J. NASRALLAH, Les Souvenirs Chrétiens de Damas, I, Les Souvenirs de St Paul, 1944, passim.


21 - Sur les deux localités, cf. J. NASRALLAH, Inventaire Archéologique du Qalamûn (en préparation).


22 - Histoire de Saidnaya, par HABIB ZAYAT, Harissa, 1932, p. 61 sq.


23 - Le Pré Spirituel, introduction et traduction de M. J. ROUET DE JOURNEL, in Les Sources Chrétiennes, n. 12, pp. 236-237.


24 - Op. cit., n. 45, 46, 47, 61, 75.


25 - « Parmi les Pères du IVe siècle, le docteur syrien St Éphrem est certainement celui qui a donné à Marie les plus belles louanges. » MARTIN JUGIE, La Mort et l’Assomption de la Ste Vierge, p. 59.


26 - C. CHEVALIER, La Mariologie de St Jean Damascène, in Orientalia Christiana Analecta, 109, Rome, 1936, 262 pp.


27 - C. CHEVALIER, Mariologie de Romanos, le roi des mélodes, in Recherches de Science religieuse, t. XXIII, 1938, p. 70, cité in P. REGAMEY, Les Plus Beaux Textes sur la Vierge Marie, Paris, p. 73.


28 - PRENTICE, Syria, en signale quelques-unes, cf. ns. 860, 880, 911, 953, 1024, 1149, 1151, 1149, 1212.


29 - Early Churches in Syria, Princeton, 1929, p. 246. Ils proviennent de la région de Khanaser et de Zébed.


30 - Inventaire Archéologique, pp. 98-99 et Pl. XVIII, I.


31 - Op. cit., pp. 121-122 et Pl. XXIII.


32 - Analecta Vollandiana, t. XXVIII, 1909, p. 27.


33 - HABIB ZAYAT, Histoire de Saïdnaya, p. 64, avec bibliographie.


34 - Op. cit., pp. 64-67.


35 - Op. cit., p. 67.


36 - AHMAD TIMOUR PACHA et ZAKI MOUHAMMAD HASAN, La Peinture chez les Arabes (en arabe).


37 - Théotokion du IIe ton de l’office grec des laudes.


38 - Dernier tropaire de l’office de la paraclisis.


39 - Masâlek al Absâr, I, pp. 356-357.


40 - Cf. liste de ces pèlerins in Histoire de Saïdnaya, pp. 70 sq. et JOSEPH NASRALLAH, Voyageurs et Pèlerins au Qalamoun, B E O, t. X., 1945-1946, pp. 13-16.


41 - P. GIROLAMO GOLUBOVICH, Peregrinationes Terrae Sanctae (Saec. XIII), extrait de Archivum Franciscanum Historicum, 1918, t. XI, fasc. IV, p. 6.


42 - RAYMOND LOIR, Saydenaya et son Couvent, 1944, pp. 43-44.


43 - R. ROHRICHT et H. MEISNER, Deutsche Pilgerreisen, Berlin, 1880, p. 106, in ZAYAT, pp. 20, 74.


44 - Cité in Zayat, op. cit., pp. 75-76.


45 - BERNARDIN SURIUS, Le Pieux Pèlerin Voyage de Jérusalem, Bruxelles, 1666, pp. 341-342 ; COTOVICUS, Itinerarium Hierosolymitanum et Syriacum, Anvers, 1619, p. 387 ; cf. à ce sujet ZAYAT, op. cit., pp. 96-97.


46 - MICHELANT et RAYNAUD, Itinéraires à Jérusalem, p. 173 ; Relation de Burchard de Strasbourg in Chronica Slavorum d’Arnold de Lubeck, Ed. Lappenberg M.G. Ser. t. XXI, p. 235 ; Epistola Magistri Thetmari, in Mémoires de l’Académie Royale de Belgique, t. XXVI, 1851, p. 28 ; cf. aussi ZAYAT, p. 76. Témoignages des musulmans eux-mêmes, comme Zeïn ed Dîn al Gaubari, cf. ZAYAT, op. cit., p. 105 et passim.


47 - Cf. Voyageurs et Pèlerins au Qalamoun, pp. 31-37.


48 - Art. cit., pp. 27-30.


49 - Zayat, Histoire de Saïdnaya, en publia quelques-unes, pp. 80-87.


50 - Cf. notre article, Un Poète melchite inconnu du XVIIIe siècle, (en arabe), in Al Maçarrat, XXXIV, 1948, pp. 273-281.


51 - Le mois de Marie fut célébré pour la première fois en Orient dans l’église de N. D. de Bikfaya (Liban) en 1836 par le R. P. Estève, s. j., († 1er déc. 1873) ; il se répandit dans la suite dans le Liban et dans toute la Syrie.


52 - CH. BAYET, Recherches pour servir à l’histoire de la peinture et de la sculpture chrétienne en Orient, Paris, 1879, p. 50.


53 - C. CHARON, Histoire des Patriarcats Melkites, t. III, p. 703.


54 - Op. cit., p. 704.


55 - La première congrégation mariale, fondée en Syrie, remonte à 1630. Elle fut établie dans l’église St Élie des maronites, à Alep, par le jésuite Aimé Chézaud († 14 sept. 1664). Il en érigea, bientôt après, deux autres, l’une pour les arméniens catholiques et l’autre pour les melchites ; tandis qu’un autre missionnaire, le P. Gilbert Rigault, en fondait une quatrième pour la colonie européenne si nombreuse à Alep. Le consul de France, Fr. de Picquet, en fut un membre assidu. Ces quatre congrégations étaient réservées aux hommes. Nous n’en connaissons pas pour les dames. Le P. Paul-Guillaume Godet établit dans la suite une congrégation mariale pour la jeunesse.
D’Alep les congrégations mariales se répandirent à Damas puis au Liban. C’est le P. Gérôme Queyrot († 8 septembre 1653) qui fonda la première congrégation de la Vierge dans la ville des Ommayades. Cf. L. CHEIKHO, Les Congrégations mariales en Orient, Al-Machriq, XV, 1927, pp. 321-330.


56 - R. THOUMIN, Le Culte de Sainte Thècle dans le Jebel Qalamûn, in Mélanges publiés par la section des Arabisants, t. I., p. 164.


57 - R. LOIR, Saydenaya et son Couvent, pp 23, 30-31.

58 - R. THOUMIN, op. cit., p. 167.



Source : "Le culte de Marie en Syrie" par le père Joseph Nasrallah

Sednaya et son monastère marial, abri de la Shaghoura

Marie la Mère de Dieu



dimanche 11 septembre 2016

Fêtons joyeusement ce 11 septembre…



Le monde civilisé sait que le 11 septembre est un grand jour… En effet ce jour marque l'anniversaire de la naissance du président Bachar el-Assad, le 11 septembre 1965. En ce 11 septembre réjouissons-nous de pouvoir fêter l'anniversaire de Bachar el-Assad toujours président courageux de la République arabe syrienne… Que Dieu vous bénisse, vous et votre famille, et vous donne longue vie, Monsieur le Président… Paix à la Syrie et à son Peuple.






Syrian President Bashar al-Assad's family photo album

samedi 10 septembre 2016

Soldats de Thaïlande…







Vrais soldats de Thaïlande…   Ils prennent leur repas comme ils peuvent  et là où leurs missions les appellent au cœur de la forêt, sur un tapis de feuilles… Ils dorment dans la boue ou la poussière… Valeureux soldats qui protègent leur Terre et leur Peuple au Royaume de Thaïlande. Une abnégation qui n'a d'égale que celle des moines bouddhistes tôt levés le matin, partout chaque jour sur les chemins quelque soit le temps… 



mercredi 7 septembre 2016

Sednaya et son monastère marial, abri de la Shaghoura





À Sednaya, à 30 km de Damas dans la montagne voisine de Maaloula, on y parle aussi l'araméen, la langue de Jésus. Comme à Maaloula sa population est presque exclusivement chrétienne, catholique comme orthodoxe. Le monastère marial de rite grec orthodoxe de Notre-Dame de Sednaya est le centre de pèlerinage le plus fréquenté par la chrétienté du Proche Orient. Ce monastère abrite la Shaghoura, une icône de Marie que l’on dit miraculeuse et qui serait la réplique d’une des icônes peintes par saint Luc. Sednaya est aussi une station estivale appréciée des chrétiens de Damas. Dans les derniers mois de l'année 2013, Sednaya a subi épisodiquement des incursions takfiries, a connu des martyrs mais sans jamais tomber aux mains des infidèles.



































بطريركية أنطاكية للروم الأرثوذكس - Antiochian Orthodox Patriarchate
http://www.antiochpatriarchate.org/en/home/


Our Lady of Saydnaya Patriarchal Monastery


Facebook : Saydnaya2Day صيدنايا اليوم

http://www.saydnayatoday.com/












Source des photos : Fête de Notre Dame de Sednaya et de la Nativité de Marie, 8 septembre 2015 - عيد سيدة صيدنايا


Facebook : مراسم دير سيدة صيدنايا





Que soit vivement remercié notre guide touristique officiel parfaitement francophone
qui nous a gracieusement accompagné durant tout notre séjour à Sednaya :
Mounir Élias Al-Ahmar
Courriel : mn.alahmar@yahoo.fr
Téléphone : 0958 774 734
Facebook : https://www.facebook.com/mounir.alahmar.7



Monastère de Saidnaya, gravure, éditions Chouha



Architecture religieuse du Patriarcat Orthodoxe d'Antioche

Père Joseph Nasrallah : Le culte de Marie en Syrie [in revue "Marie", mai-juin 1949]




mardi 6 septembre 2016

La Terreur, une manie bien française… pour une politique absurde contre l’intérêt de la Nation





Voici un article publié par la revue "Sans Frontières" particulièrement pertinent. Un article où l'on trouvera la justification idéologique de l'aide aujourd'hui apportée par les gouvernants républicains français aux terroristes qui sèment le malheur au Moyen-Orient, en Syrie en particulier… N'est-ce pas Vincent Peillon, premier choix de Hollande comme ministre de l'Éducation nationale qui écrit "La Révolution française n'est pas terminée" ? Choix lourd de signification. Ainsi la Terreur affirme clairement sa volonté de se perpétuer… Les grands ancêtres de cette Terreur sont honorés… N'est-ce pas un conseiller au maire socialiste de Paris, Danielle Simonnet qui voudrait créer une rue Robespierre dans la capitale française ? N'est-ce pas Alexis Corbiere, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon, qui proclamait que "Paris doit rendre hommage aux grandes figures de la Révolution", dont l’Archange de la terreur, Louis Antoine de Saint-Just ?…

Comment donc s'étonner que Hollande, et d'autres avant lui, affichent autant d'affinités et plus avec ceux qui usent du terrorisme pour infléchir le cours de l'Histoire ?

Le grand mérite de Hollande - et sa marque dans l'Histoire - aura certainement été, par l'étalement tenace de sa médiocrité et sa collusion appuyée avec le terrorisme, de démystifier les grands ancêtres de la Révolution française tels que présentés à des générations de jeunes lycéens par le Malet-Isaac. Les grands ancêtres, Louis Antoine de Saint-Just, Maximilien Robespierre et beaucoup d'autres, vils terroristes, n'étaient-ils pas à l'image de ce minable Hollande ? Démystifier aussi l'infâme traître et criminel compulsif DeGaulle qui comme Hollande aujourd'hui s'est allié avec les terroristes, à l'époque du FLN, ouvrant ainsi les vannes d'une immigration méprisante et incontrôlée vers une France vaincue et soumise…

Ainsi Hollande aura-t-il utilement contribué malgré lui au projet conçu par Albert Paraz de "rectification historique urgente et salvatrice". Albert Paraz, qui révolté par la mise en condition à laquelle l’intelligentsia terroriste au pouvoir soumet la France et par son acharnement à donner aux jeunes générations une image manichéenne totalement fausse des évènements, souhaitait la création d’un « gang des basculeurs de légendes ».

Hollande recrue inattendue de ce « gang des basculeurs de légendes » !



Nos deux pays la France et la Russie subissent dans leur chair les conséquences d’actes terroristes d’une violence sans limite qui frappent de préférence les populations civiles. Condamner ces actes parait une évidence. Vouloir s’organiser et coordonner nos forces pour combattre les groupes terroristes est une nécessité que personne ne conteste.

Il est pourtant un aspect qui n’est que très rarement abordé dans les médias et chez les analystes occidentaux, qui est celui de l’origine du terrorisme. Il s’agit non seulement de l’origine immédiate, comme par exemple la déstabilisation de la Syrie ou de la Libye, mais aussi de l’origine philosophique qui fait que certaines puissances occidentales acceptent délibérément de laisser faire, voire d’instrumentaliser et de soutenir les groupes terroristes les plus radicaux pour accomplir leurs objectifs géopolitiques. Pour comprendre le terrorisme et ceux qui l’emploient il faut remonter à l’origine de cette civilisation moderne qui considère que la terreur est un moyen légitime pour obtenir un changement, soit de type totalitaire, c’est-à-dire influer sur la vie et les conceptions d’une population, soit de type politique, c’est-à-dire influer sur la politique d’un État, jusqu’à obtenir le remplacement du gouvernement de cet État.

Nous tâcherons donc dans un premier temps de définir les fondements du terrorisme, puis nous définirons les utilisateurs contemporains du terrorisme et enfin nous tenterons d’entrevoir une manière de lutter contre le terrorisme, non pas dans le cadre d’une coopération technique, mais dans celui de la restauration de nos valeurs européennes chrétiennes.



I - Qu’est-ce que le terrorisme ?

Revenons à l’étymologie du terme « terroriste ». Il s’agit pour un acteur politique d’obtenir de ce qu’il souhaite par la terreur. On pourrait bien entendu revenir loin dans l’Histoire de l’humanité et considérer par exemple les armées mongoles comme des armées terroristes, elles qui menaçaient les villes assiégées de destruction totale si elles ne se rendaient pas. Pourtant il manque à cet exemple un aspect idéologique qui est omniprésent dans le terrorisme moderne. Car le terrorisme est un fruit de la modernité et de la crise de conscience européenne issue de la philosophie des Lumières. D’une civilisation qui considérait que tous les hommes étaient issus d’un même père et d’une même mère, que l’on devait aimer son prochain et pardonner à ses ennemis, l’Europe a basculé dans un modèle de civilisation totalement différent. La négation de la transcendance divine des êtres humains a cessé de les rendre égaux devant Dieu, puis les hommes ont cessé d’être égaux entre eux. Cette négation de l’humanité d’une partie d’une population par une autre a donné naissance au premier terrorisme de l’histoire qui est celui de la Révolution française.


Louis Antoine de Saint-Just, « l’Archange de la terreur »


Maximilien Robespierre, le grand ancêtre de tous les terroristes présents


De la fin de l’année 1792 au milieu de l’année 1794, s’étend ainsi la plus épouvantable des périodes de l’Histoire de France connue sous le nom de la « Terreur ». Ses acteurs seront appelés les terroristes dont les plus connus restent Robespierre et Louis Antoine de Saint-Just, surnommé « l’Archange de la terreur ». Le slogan de Saint-Just qui résume bien cette période est sans doute « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Prétextant la guerre, prétextant la chasse aux forces antirévolutionnaires, la révolution française a ouvert une époque de violence et de sauvagerie dans toute l’Europe.

Son fonctionnement a inspiré toutes les dictatures et tous les totalitarismes du XXe siècle. La révolution française est l’arrivée au pouvoir d’une élite non élue, auto-investie d’une mission sacrée qui consiste à faire le bonheur du peuple français, malgré lui et même contre lui. Ce système totalitaire qui fonctionne par la peur, par la dénonciation, par ce que Soljenitsyne a appelé la haine de tous contre tous enfantera la révolution bolchévique. Tout le XIXe siècle en Russie est secoué par le terrorisme. Lénine réclamera des « Vendée », faisant allusion à l’extermination de ces populations catholiques de l’Ouest de la France. Les bolchéviques massacreront ainsi dans leur campagnes de terreur, les Russes et les prêtres orthodoxes, comme les révolutionnaires français un siècle plus tôt. La Révolution française n’a pas inspiré que la révolution bolchévique mais tous les totalitarismes du XXe siècle, ce qu’a d’ailleurs souligné avec justesse l’ancien Président tchèque, Vaclav Klaus. Au nom du fait que la loi révolutionnaire justifie tout ce qui permet l’accomplissement de la révolution, le terrorisme est devenu l’instrument privilégié des idéologies modernes jusqu’à nos jours. Il peut être le fait d’un groupe organisé, mais il peut aussi être le fait d’un État. Si le terrorisme est un instrument, alors qui l’a fabriqué et qui l’utilise ?

II - Qui utilise le terrorisme ?

En 1998 Zgibnew Brezinski a donné une interview au magazine français « Le Nouvel Observateur ». Dans ce magazine il se vantait de la présence des services secrets américains en Afghanistan six mois avant l’intervention soviétique. Les alliés des services secrets américains s’appelaient Oussama Ben Laden et Gulbuddin Hekmatyar. Le 8 août 2008, dix soldats français trouvent la mort en Afghanistan lors de l’embuscade de Surobi, tendue par les troupes d’Hekmatyar.

Durant les guerres de Yougoslavie, la France a soutenu les islamistes bosniaques, fermant les yeux sur les volontaires français qui partaient combattre avec eux. En 1996, ces islamistes de retour en France et au nom du Jihad ont commencé à attaquer les banques. Ils ne sont mis hors d’état de nuire qu’après un assaut qui est une véritable scène de guérilla urbaine.


Miliciens du Bataillon Tornado


Nous aurions pu espérer que les gouvernements américains et français qui se sont succédé depuis ces guerres eussent tiré les leçons de ces engagements inconsidérés, pourtant tel ne fut pas le cas. À partir de 2011 les gouvernements occidentaux ont délibérément déstabilisé les gouvernements de la Libye puis de la Syrie et de l’Ukraine. Pour ce faire, ils ont soutenu des mouvements radicaux qui sont pourtant interdits dans leur propre pays. Néonazis en Ukraine, islamistes en Libye et en Syrie ont été instrumentalisés. La première conséquence a été de livrer les populations civiles de ces pays à la merci de ces groupes de sauvages. Les exactions du bataillon de représailles ukrainien Tornado n’ont rien à envier à celles des islamistes de l’État islamique ou du Front al-Nosra.

C’est sur ces populations civiles innocentes que s’abat le terrorisme islamique ou néonazi.

La deuxième conséquence est de permettre à ces groupuscules de fanatiques de s’organiser, de s’armer et de devenir des centres de formation et de recrutement pour le monde entier.

La troisième conséquence est que ces cellules structurées de terrorisme ont désormais la possibilité de rayonner bien au-delà de leur zone initiale de combat, comme dans le centre de Paris en novembre dernier.
Laurent Fabius, du "bon boulot" avec les terroristes
Le 28 janvier 2013, le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a déclaré que le Front al Nosra «vfaisait du bon boulot ». Le 26 février 2014, le même ministre déclare que le parti néonazi Svoboda s’est « recentré » alors que ce dernier se réfère ouvertement à Adolf Hitler. La diplomatie française a instrumentalisé des mouvements terroristes pour parvenir à des objectifs qui ne correspondent même pas à l’intérêt de notre Nation. Cette politique absurde, mélange de cynisme et d’amateurisme, nous l’avons payé le prix du sang. Ce n’était pas le sang de Laurent Fabius bien entendu, mais celui de citoyens français innocents, aussi innocents que les citoyens syriens ou que les habitants du Donbass. C’est pour cette raison qu’avant de s’interroger sur la manière de combattre le terrorisme, il est important de s’interroger sur la manière d’éviter de lui donner naissance.

III - Comment lutter contre le terrorisme ?

Pour traiter le problème sur le fond, les nations européennes doivent renoncer à soutenir les groupuscules radicaux pour accomplir leurs objectifs. Cela peut être considéré sous certains aspects comme un véritable changement de civilisation ou plutôt un retour à ce qui faisait la grandeur de la grande civilisation chrétienne européenne. Les valeurs occidentales sont en fait fondées sur le précepte du terroriste révolutionnaire Saint-Just, « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Les Lumières, la Révolution française, le darwinisme et l’exceptionnalité américaine ont abouti à une civilisation où ceux qui périssent n’ont en fin de compte que subi la loi de la sélection naturelle. Cette anti-civilisation pense que la fin justifie les moyens et que cette fin doit être définie par une élite autoproclamée sans aucune légitimité démocratique. Le Grand Prêtre Caïphe croyait aussi qu’il valait mieux qu’un homme meure, fut-il innocent, plutôt que tout le peuple. L’Occident pense que les départs de Bachar el-Assad et de Viktor Ianoukovitch valent un soutien aux terroristes islamistes ou nazis et peu importe que des innocents meurent. C’est en cela qu’existe effectivement ce choc de civilisation cher aux idéologues atlantistes. Mais contrairement à ce qu’ils affirment, ce choc n’est pas géographique mais historique, profondément marqué par les révolutions américaine et française. La civilisation qui est issue de ces chocs historiques inaugure un nouveau monde, celui des fanatismes idéologiques qui aboutiront aux nationalismes allemand ou ukrainien, à l’anarchisme, au bolchévisme et aujourd’hui au mondialisme comme idéologie. Tous ces fanatismes sont à la fois les enfants de la Terreur et leur principal utilisateur.

Jamais l’islamisme n’a pu, ne peut ou ne pourra par lui-même avoir les moyens de son fanatisme. Livrer à lui-même, il ne peut rien ni économiquement, ni militairement, ni politiquement. L’État islamique et le Front al- Nosra sans l’aide de la Turquie et de l’Occident ne seraient encore que des groupuscules insignifiants. Svoboda ou Pravy Sektor, sans l’aide de l’Occident n’auraient jamais pu avoir un ministre ou une influence quelconque sur la vie des peuples d’Ukraine.

Ainsi, la première étape de la lutte contre le terrorisme passe par le retour aux valeurs fondamentales de notre civilisation chrétienne. Une civilisation où la fin ne justifie pas les moyens, où l’on pardonne à ses ennemis, où la parole d’un chef d’État ou d’un diplomate a de la valeur, où la violence reste l’ « Ultima Ratio » et non pas le moyen privilégié et où on ne dine pas avec le diable même avec une grande cuillère.

X.M.