Qui ne risque rien n'est rien… sur le chemin de Damas, alors que les opinions ont cédé face aux faits…
on ne le dit assez : un âge n'en chasse pas un autre, tous les âges qu'on a vécu coexistent à l’intérieur de soi, ils s'empilent, et l'un prend le dessus au hasard des circonstances.

vendredi 15 septembre 2017

Découvrir l'authenticité de la jeunesse russe…



Un texte très vrai… Publié il y a deux ans, découvert avant un voyage en Russie qui n'a pu que confirmer ce qui est dit dans cet article… Un texte livré à la réflexion de tous ceux qui calent face à tout contact interculturel.
Une réflexion aussi sur le cas de la France… Quels seraient ses héros à la France ? Napoléon ? DeGaulle ? Ceux qui comme en Russie ont fait couler le plus de sang ? Napoléon, le sang de l'Europe… DeGaulle, le sang des Français, depuis l'Épuration jusqu'aux massacres des Harkis…
Le drame pour la France est que leur belle assurance les djihadistes qui y sévissent la doivent d'abord à DeGaulle, premier Français à avoir capitulé face au terrorisme… anéantissant les acquis des actes de bravoure d'autres vaillants Français, de Charles Martel à notre dernier roi, Charles X…  Pire, DeGaulle a retourné sa haine contre les Français eux-mêmes qu'il a combattus, condamnés, fait conduire jusqu'au poteau d'exécution. Ils doivent bien rigoler nombre de ces djihadistes quand ils constatent que de ce traître les Français font un héros - Marine Le Pen et Philippot en tête. Comment faire plus qu'en se morfondant de nostalgie face à DeGaulle, ce "grand homme irremplaçable", pour donner à des djihadistes lucides et le plus souvent pas cons du tout une formidable assurance ?
Souvenons-nous de la malédiction du Maréchal Alphonse Juin, dernier Maréchal de France, du 2 juillet 1962...

Novorossia Today




Toujours le ruban de Saint Georges !

J’ai un ami de longue date dont le nom est Gilles Arnaud. Lorsque je l’ai rencontré pour la première fois, il était sur le point de se rendre en Russie pour se renseigner sur la possibilité d’acquérir des films russes à projeter sur les chaînes web françaises. C’est que Gilles était persuadé, dur comme fer, que les Occidentaux sont tellement agressifs à l’égard des Russes parce qu’ils ignorent leur vie au quotidien, leur monde et leurs soucis.

Bien sûr, vous pourriez me rétorquer qu’un Français moyen se soucie comme d’une guigne de ce que pense un Moskoff à des milliers de kilomètres de son petit nid douillet. Mais il se trouve que, la guerre en Ukraine et la lame de fond migratoire aidant, les Européens commencent à se creuser les méninges et à réfléchir sur leur communauté continentale.

Gilles dont je vous ai parlé plus haut, était abasourdi par le nombre de films russes, genre séries télévisées, qui parlent de la religion au quotidien, de l’armée, et de la vie d’une société au quotidien. Une telle vision du monde répond à la force vitale qui meut les masses en Russie. Alors les hommes politiques de la trempe d’Ivan Blot ou de Carl Lang, se demandent comment faire pour réussir l’extrapolation de ce gène, cette composante de survie sur le sol européen.

J’avais plusieurs exemples à vous citer et des faits qui vont peut-être vous étonner. Tout d’abord lorsque les sociologues ont lancé récemment un sondage sur la figure de Staline, ils ont été sidérés en apprenant que Staline, bien que reconnu coupable des purges par 40% de citoyens russes, leur reste toujours vaguement sympathique au niveau de 51% de membres actifs de la société civile. Bien que tyran, il a réussi à faire promouvoir la Russie et a créé la puissance russe, inexistante au début du vingtième siècle lorsque le pays était agraire.

Un autre résultat d’un autre sondage recoupe celui que je viens de citer. Il y a un an et demi, les autorités ont lancé une enquête sur la figure la plus populaire en Russie. Force m’est de constater qu’ils ont vite fait de découvrir que Joseph Staline restait toujours la figure de proue dans le subconscient collectif russe. Comme disait Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». Faut-il en vouloir aux Russes de reconnaître le rôle de Staline ? Je n’en dirais pas tant ! Faut-il en vouloir aux Allemands de rester clandestinement fiers des grands héros militaires de leur histoire nationale (qui n’a duré que cent ans d’ailleurs parce que l’Allemagne n’existe qu’à partir de l’époque de Bismarck) ? Je n’en suis pas sûr. Faut-il en vouloir aux Italiens d’aimer Mussolini ? Tous ces chefs populistes ont contribué à faire connaître leurs nations respectives. Bien sûr, d’aucuns d’entre eux sont parfaitement scandaleux, mais pour en revenir à Staline, il incarne l’un des mystères de l’âme russe qui se reproduit à travers les générations. Il se trouve que c’est les jeunes qui ont massivement voté Staline : ceux qui ont moins de 35 ans et qui n’ont jamais vécu sous le régime communiste. À leurs yeux, Staline et son époque incarnait la victoire dans la Seconde Guerre mondiale : une victoire collective créée par l’effort continu de toute la nation soviétique (et non russe – ceci est très important).

Soudés par l’esprit de communauté anciennement soviétique et par tous les malheurs et grandes heures de l’époque communiste, les Russes et Biélorusses, Kazakhs et Ouzbeks ont très mal vécu que l’on s’immisce de leurs affaires intérieures lorsque les Occidentaux sont arrivés avec tout leur apparat en Ukraine pour prêcher la bonne parole de divorce avec les peuples limitrophes à leurs amis nazis ukrainiens.

Les Occidentaux auront tous les maux du monde à convaincre les Slaves, les Caucasiens et les Asiatiques de la zone ex-soviétique. Ces Européens seront toujours perçus comme étrangers et agresseurs. À titre d’exemple, je pourrais vous citer un autre cas de figure qu’est le Japon impérial. Quel qu’ait été le rôle joué par le Japon lors de la Seconde Guerre mondiale, quels qu’aient été les massacres commis par les Samouraïs en Corée ou en Chine, pour les Japonais, les étrangers ne peuvent faire partie de leur paysage ni leur apprendre quoi que ce soit sur la façon de régir leurs terres et leurs problèmes respectifs.

Il en va de même pour les Russes qui aiment bien parler aux Européens, mais qui, au fond de leur âme, ne les acceptent pas et très souvent les considèrent comme des êtres avachis qui ont bradé leur terre aux Barbares contre la sécurité de plusieurs générations ; qui ont renoncé à la spiritualité catholique au nom de la luxure. Tel est l’esprit russe traditionnel répondant à l’esprit samouraï japonais, ou encore à d’autres cultures eurasiennes.

Pour ce qui est des exemples de cette jeunesse russe dont je voulais vous parler, j’ai rencontré hier une amie russe de 35 ans que je n’avais pas revue depuis plus de 15 ans. À l’époque, nous avons travaillé ensemble au Ministère des biens publics. Âgée d’une quarantaine d’années, cette dame, blonde, aux yeux bleus, silhouette élancée, très belle de son physique, occupe le poste du directeur des Ressources humaines chez Soukhoi, le grand avionneur russe. On s’est causé sur nos 15 années respectives et puis on s’est mis à parler de nos passe-temps préférés. Quelle n’ait été ma surprise à découvrir que cette belle fille solitaire se passionne pour la peinture des icônes ! J’avais passé une heure à écouter une conférence générale sur les couleurs traditionnelles pour peindre une icône, la façon de préparer le bois, la technique du dessin. J’en suis resté bouche bée. Une commerciale ; parfaitement intégrée dans la vie des quartiers d’affaires huppés du tout-Moscou, peint des icônes et rêve de prendre le voile !

Quelques jours plus tard, je m'étais entretenu avec un jeune maître d’arts martiaux coréens qui a sa clientèle à Moscou. Non seulement le gars avait un langage racé et une culture à toute épreuve, mais, qui plus est, il m’a narré l’expérience de son club qui a passé tout l’été à débroussailler le terrain dans un bled abandonné à quelques centaines de kilomètres de Moscou pour y reconstruire une église brûlée par les Bolchéviques. Une fois les murs debout, les sportifs ont fait une quête dans leur milieu pour commander les icônes et faire repeindre les fresques. Et il ne s’agit que des gens normaux qui n’ont rien à voir avec la spiritualité et la religion dans leur vie de tous les jours !

Je vous ai fait étalage de ces réflexions et de ces histoires pour que vous ne vous leurriez pas : dans leur majorité absolue, les Russes restent très militarisés dans leur esprit, attachés à des valeurs traditionnelles et très fermés aux idées protestantistes de l’Occident. Ils peuvent se passionner à la technique moderne ou rouler, comme moi, avec une Land Rover. Cela ne change absolument rien à leur vision ancestrale où les contestataires, si chers au cœur d’une Laure Mandeville ou d’un Pierre Avril, ne représentent que la lie de la communauté russe.

Cela vous expliquerait aussi pourquoi les Occidentaux ne peuvent vaincre dans le Donbass avec leurs idées carrément nazies importées de l’Amérique par les suiveurs de Zbiegnew Brzesinski.











dimanche 10 septembre 2017

Poutine, honni par le "Nouvel Ordre Mondial' : un certificat de fiabilité !






Trois témoignages essentiels expliquant la haine nourrie par les Américains et le "Nouvel Ordre Mondial" à l'encontre de la Russie et son président Vladimir Poutine…




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Cercle de l'Aréopage : Politique/Géopolitique/Russie : une incomparable mine de références ! 


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   Poutine raconté par Sharon Tennison


Voici le témoignage d’une Américaine qui connaît bien la Russie. Sa vision de Poutine est aux antipodes de ce que nos médias nous disent souvent de celui qui est devenu le président de la Fédération de Russie. Un propos qui jette sur l’un des tout plus importants dirigeants de ce monde un éclairage pour le moins singulier.

Sharon Tennison
Sharon Tennison a travaillé pendant 25 ans, en Russie et dans la Communauté des États indépendants (CEI), à la création de nombreux programmes d’assistance technique pluriannuels de plusieurs millions de dollars, destinés à assurer la formation des citoyens soviétiques et russes pour leur permettre d’accéder à l’indépendance et à certaines compétences conçues en vue d’une auto-gouvernance. Elle est fondatrice et présidente du Centre d’initiatives citoyennes (CICSF) à San Francisco. Elle est l’auteur du livre The Power of Impossible Ideas: Evidence that Ordinary People can Accomplish Extraordinary Feats Even in International Relations, édité en octobre 2012. Elle vit une partie de l’année en Russie et y voyage beaucoup.


Chers amis et collègues,
Alors que la situation en Ukraine s’est aggravée, une désinformation et un battage inadmissibles sont quasi-quotidiennement déversés sur la Russie et sur Vladimir Poutine.
Les journalistes et les experts des médias doivent à présent parcourir l’Internet et sonder les dictionnaires pour produire de nouvelles épithètes diaboliques leur permettant de continuer à décrire leurs deux souffre-douleurs.
Partout où je fais des présentations, à travers l’Amérique, la première chose que l’on me demande, durant la séance des questions, c’est toujours, de façon assez sinistre : « Qu’en est-il de Poutine ? »
Il est temps pour moi de partager les réflexions qui suivent :
Il arrive à Poutine, évidemment, de commettre des fautes et de faire des erreurs. D’après l’expérience que j’ai de lui, et d’après les expériences de personnes de confiance, y compris celles de responsables américains qui ont travaillé en étroite collaboration avec lui sur une période de plusieurs années, Poutine est probablement un homme droit, fiable et extrêmement inventif. C’est de toute évidence quelqu’un qui pense à long terme et qui planifie, et il s’est avéré excellent analyste et fin stratège. C’est un leader qui est capable de travailler tranquillement pour atteindre ses objectifs, malgré les monceaux d’accusations et de mythes qu’on lui attribue régulièrement depuis qu’il est devenu le deuxième président de la Russie.
Je me suis tenue à l’écart, observant sans rien dire comment Poutine était diabolisé de façon croissante depuis le début des années 2000 ; c’est avec mon ordinateur que je réfléchissais, notant mes pensées et mes préoccupations, dont j’espérais en fin de compte parvenir à faire un livre (lequel fut finalement publié en 2011). Le livre explique mes observations de façon plus approfondie que dans cet article. Comme d’autres qui ont pu avoir une expérience directe avec cet homme que l’on connaît peu, je me suis efforcée, mais en vain, d’éviter d’être étiquetée comme une « apologiste de Poutine ». Si quelqu’un s’avise de rester seulement neutre à son sujet, il sera considéré comme « mou à l’égard de Poutine » par les experts et les citoyens, qu’ils appartiennent à la nouvelle meute ou qu’ils soient seulement des gens ordinaires, prenant leurs informations sur CNN, Fox et MSNBC.
Je n’ai nulle prétention d’être un expert ; j’ai seulement été développeur de programme en URSS et en Russie pendant ces 30 dernières années. Mais durant ce temps, j’ai eu, sur le terrain, avec des Russes de tous bords et dans 11 fuseaux horaires différents, des contacts beaucoup plus directs que n’importe lequel des reporters occidentaux ou, en ce domaine, que quiconque parmi les officiels de Washington. J’ai passé suffisamment de temps dans le pays pour réfléchir à l’histoire et à la culture russes en profondeur, pour étudier leur psychologie et la façon dont ils fonctionnent, et pour comprendre ces différences marquées entre les mentalités américaine et russe qui compliquent tellement nos relations politiques avec leurs dirigeants. Comme il en est de personnalités différentes au sein d’une famille, ou d’un club civique, ou dans une réunion municipale, il faut de la compréhension et une certaine dose de compromis pour parvenir à créer des relations viables lorsque les arrière-plans de base des uns et des autres sont différents. À Washington, on s’est notoirement désintéressé de la compréhension de ces différences et de la façon dont il y aurait lieu d’essayer de faire la moitié du chemin vers la Russie.
En plus de mon expérience personnelle avec Poutine, j’ai eu des discussions avec de nombreux responsables américains, ainsi qu’avec des hommes d’affaires américains qui ont eu des années d’expérience de travail avec lui : je crois que l’on peut dire sans crainte de se tromper qu’il ne viendrait à l’idée de personne de le décrire comme « brutal » ou « voyou », ni non plus d’utiliser aucun des autres noms ou adjectifs diffamatoires dont on l’affuble constamment dans les médias occidentaux.
J’ai rencontré Poutine des années avant qu’il eût même rêvé d’être un jour président de la Russie, de même que beaucoup d’entre nous qui avons travaillé à Saint-Pétersbourg dans les années 1990. Depuis que toutes les calomnies à son encontre ont commencé, je suis devenue presque obsédée à force de vouloir comprendre son caractère. Je crois que j’ai lu tous les discours importants qu’il a prononcés (y compris le texte intégral de ces longues heures de conversation téléphonique qu’il a annuellement avec les citoyens russes). J’ai essayé de vérifier s’il avait changé en pire depuis qu’il a été élevé à la présidence, ou si c’est un personnage droit qui s’est trouvé en situation d’avoir à jouer un rôle qu’il n’avait jamais prévu, et qui n’aurait à sa disposition que sa seule intelligence pour essayer de faire du mieux qu’il peut face à Washington, et ce dans des circonstances extrêmement difficiles. Si tel est le cas, et je pense que ça l’est, il a mérité de très bonnes notes pour la performance qu’il a accomplie au cours des 14 dernières années. Ce n’est pas par hasard que Forbes l’a qualifié de dirigeant le plus puissant de l’année 2013, en faisant ainsi le remplaçant d’Obama, qui avait reçu le titre en 2012. Les lignes qui suivent ne prétendent retracer que ma seule expérience personnelle avec Poutine.
On était en 1992, soit deux ans après l’implosion du communisme ; et l’on était à Saint-Pétersbourg. Pendant des années, j’avais créé des programmes destinés à permettre d’ouvrir des relations entre nos deux pays, et nous espérions pouvoir aider les soviétiques à dépasser cette mentalité bien ancrée qui les vouait au déclin. Une nouvelle possibilité de programme s’est fait jour dans ma tête. Comme je m’attendais à ce qu’elle nécessitât d’obtenir la signature des gens de la mairie au Mariinsky [1], je pris rendez-vous. Mon ami Volodia Shestakov et moi nous sommes donc présentés à une entrée latérale du bâtiment du Mariinsky. Nous nous sommes retrouvés dans un petit bureau brun et terne, face à un homme à l’apparence plutôt banale dans un costume marron. Il s’enquit de la raison de ma venue. Après avoir sondé la proposition que j’avais soumise, il commença à poser des questions intelligentes. Après chacune de mes réponses, il passait à la question pertinente suivante. Je pris conscience de ce que cet interviewer-là était différent des autres bureaucrates soviétiques, lesquels semblaient toujours transformer leurs conversations avec des étrangers en badinage de copains dans l’espoir d’arriver à obtenir quelque pot de vin en échange des demandes que présentaient les Américains. Le CIC [2] s’en tenait au principe de ne jamais, jamais donner de pot de vin. Mais ce fonctionnaire-là était ouvert, curieux, et son comportement restait impersonnel. Après plus d’une heure de questions et réponses attentives, il m’expliqua tranquillement qu’il avait essayé de son mieux de déterminer si la proposition était légale, et me dit alors que, malheureusement, au moment où nous parlions, elle ne l’était pas. Quelques bons mots furent prononcés au sujet de la proposition. Et ce fut tout. Simplement et gentiment, il nous montra la porte. Une fois dehors sur le trottoir, je dis à mon collègue : « Volodia, c’est bien la première fois que nous avons jamais eu affaire à un bureaucrate soviétique qui ne nous a pas demandé à faire un voyage aux États-Unis, ou quelque autre chose qui ait de la valeur ! » Je me souviens avoir jeté un œil à la carte qu’il nous avait remise, dans la lumière du soleil ; on y lisait : Vladimir Vladimirovitch Poutine.
1994 : le consul général américain Jack Gosnell me passe un appel d’urgence à Saint-Pétersbourg. 14 membres du Congrès accompagnés du nouvel ambassadeur américain en Russie, Thomas Pickering, doivent venir à Saint-Pétersbourg au cours des trois prochains jours. Il a besoin d’une aide immédiate. Je me suis précipitée au Consulat où j’ai appris que Jack m’avais chargée de donner à cette délégation de bon augure, ainsi qu’à l’ambassadeur arrivant, les instructions qui leur étaient nécessaires. J’étais abasourdie, mais il a insisté. Ils venaient de Moscou, et ils étaient furieux de la façon dont le financement des États-Unis y était gaspillé. Jack voulait qu’ils entendissent la « bonne nouvelle » au sujet des programmes du CIC, lequel présentait de beaux résultats. Dans les 24 heures qui suivirent, Jack et moi avons aussi mis en place des réunions de « domicile » dans les petits appartements d’une douzaine de chefs d’entreprise russes, à l’intention des dignitaires qui arrivaient (les gens du Département d’État de Saint-Pétersbourg étaient atterrés, car on n’avait jamais procédé de la sorte auparavant, mais c’est Jack qui avait la haute main en l’occurrence). C’est seulement plus tard, en 2000, que j’ai entendu parler de l’expérience antérieure de Jack, pendant trois ans, avec Vladimir Poutine, dans les années 1990, alors que ce dernier courait la ville pour le maire Sobchak. Davantage à ce sujet plus tard.
31 décembre 1999 : sans le moindre avertissement, alors que l’on changeait d’année, le président Boris Eltsine fit au monde l’annonce de ce qu’à compter du lendemain, il démissionnait de ses fonctions et laissait la Russie entre les mains d’un Vladimir Poutine inconnu. En entendant les nouvelles, je pensais qu’il ne s’agissait sûrement pas du Poutine dont je me souvenais ; celui-là ne pourrait jamais diriger la Russie. Le lendemain, un article du New York Times publiait une photo. Oui, c’était le même Poutine que j’avais rencontré des années auparavant ! J’étais choquée et consternée, et je disais à mes amis : « C’est une catastrophe pour la Russie. J’ai passé du temps avec ce type : il est trop introverti et trop intelligent, jamais il ne sera en mesure d’établir de rapports avec les masses de Russie. » De plus, je déplorais ceci : « Pour que la Russie, qui est à genoux, se relève, il lui faut deux choses : 1) que les jeunes oligarques arrogants soient retirés de la circulation de force par le Kremlin, et 2) il faut trouver un moyen de retirer leurs fiefs aux patrons des régions (les gouverneurs), et ce dans les 89 régions de Russie. » Il était clair pour moi que l’homme en costume brun n’aurait jamais l’instinct ou les tripes pour faire face à ces deux défis primordiaux qui attendaient la Russie.

Le 31 décembre 1999, Boris Eltsine transmet la Constitution
à Vladimir Poutine dans le bureau présidentiel du Kremlin

Février 2000 : presque immédiatement, Poutine a commencé à mettre les oligarques de Russie sur la touche. En février, la question des oligarques fut posée ; il la précisa par une question, suivie de sa propre réponse : « Quelle devrait être la relation avec ceux que l’on appelle oligarques ? La même qu’avec n’importe qui d’autre. La même qu’avec le propriétaire d’une petite boulangerie ou d’une boutique de cordonnier. » Ce fut le premier signal de ce que les magnats des affaires ne seraient plus en mesure de faire fi des réglementations gouvernementales ou de compter sur un accès privilégié au Kremlin. Cela rendit également les capitalistes occidentaux nerveux. Après tout, ces oligarques étaient des hommes d’affaires prospères et intouchables, de bons capitalistes, et peu importait qu’ils eussent obtenu leurs entreprises illégalement et que leurs profits fussent mis à l’abri dans des banques à l’étranger.
Quatre mois plus tard, Poutine convoqua une réunion avec les oligarques et leur soumit un accord : ils pourraient garder leurs entreprises de l’ère soviétique, productrices de richesse quoiqu’illégalement acquises, et ils ne seraient pas nationalisés… SI leurs impôts sur le revenu étaient acquittés et s’ils restaient, à titre personnel, en dehors de la sphère politique. Ce fut la première des « solutions élégantes » de Poutine aux défis presque impossibles auxquels la nouvelle Russie devait faire face. Mais l’affaire mit également son auteur dans la ligne de mire des médias des États-Unis et des officiels américains, qui commencèrent alors à défendre les oligarques, et en particulier Mikhaïl Khodorkovski. Ce dernier devint une figure hautement politique, ne paya pas ses impôts, et avant d’être arrêté et emprisonné, était en pourparlers avec Exxon Mobil en vue de vendre à celle-ci la majeure partie de la plus grande compagnie pétrolière privée de Russie, Yukos Oil. Malheureusement, pour les médias américains et les diverses structures du gouvernement des Etats-Unis, Khodorkovski devint un martyr (et le demeure encore à ce jour).
Mars 2000 : je suis arrivée à Saint-Pétersbourg. Une amie russe (une psychologue) que j’ai depuis 1983 est venue pour notre visite habituelle. Ma première question est : «Lena que penses-tu de ton nouveau président ? » Elle se met à rire et réplique : « Volodia ? Je suis allée à l’école avec lui ! » Elle commence à décrire Poutine comme un jeune tranquille et pauvre, aimant les arts martiaux, qui s’est dressé pour défendre les enfants victimes d’intimidation sur les terrains de jeux. Elle se souvenait de lui comme d’un jeune homme patriote qui avait demandé à entrer au KGB prématurément après avoir obtenu son diplôme de fin de secondaire (ils l’ont envoyé promener en lui disant de faire des études). Il est entré à la fac de droit, puis plus tard a postulé de nouveau et a été accepté. Je dois avoir grimacé en entendant cela, parce que Lena a dit : « Sharon, en ce temps-là, nous admirions tous le KGB et nous étions convaincus que ceux qui y travaillaient étaient des patriotes, et qu’ils assuraient la sécurité du pays. Nous avons donc pensé qu’il était naturel pour Volodia de choisir cette carrière. » Ma question suivante fut : « Que penses-tu qu’il va faire avec les criminels d’Eltsine au Kremlin ? » Elle a mis sa casquette de psychologue, et après avoir réfléchi, elle a répondu : « Si on le laisse faire les choses à sa façon, il va les observer pendant un certain temps, pour être sûr de ce qui se passe, et puis il va tirer quelques fusées éclairantes en l’air pour leur faire savoir qu’il les regarde. S’ils ne répondent pas, il leur parlera personnellement, et alors, si leurs comportements ne changent pas, certains se retrouveront en prison d’ici quelques années. » Je l’ai félicitée par courriel lorsque ses prédictions ont commencé à se réaliser pour de vrai.
Tout au long des années 2000 : de nombreux anciens du CIC de Saint-Pétersbourg ont été interrogés afin de déterminer comment fonctionnait le programme PAP [3] de formation d’entreprise et comment nous pourrions rendre l’expérience réalisée aux États-Unis plus profitable pour leurs nouvelles petites entreprises. La plupart croyaient que le programme avait été extrêmement important, au point de représenter un véritable tournant. Enfin, il fut demandé à chacun : « Alors, que pensez-vous de votre nouveau président ? » Aucun ne répondit de façon négative, même si, à l’époque, les entrepreneurs détestaient les bureaucrates russes. La plupart répondirent de la même manière : « Poutine a enregistré mon entreprise il y a quelques années. » Question suivante : « Et, combien cela vous a-t-il coûté ? » Quelqu’un obtint la réponse suivante : « Poutine ne nous a pas fait payer quoi que ce soit. » Un autre dit : « C’est au bureau de Poutine que nous sommes allés parce que les autres qui fournissaient des inscriptions au Marienskii, ceux-là s’enrichissaient sur leurs sièges. »
Fin 2000 : durant la première année de Poutine en tant que président de la Russie, les responsables américains m’ont paru suspecter qu’il irait à l’encontre des intérêts de l’Amérique : chacun de ses mouvements fut remis en question dans les médias américains. Je ne parvenais pas comprendre pourquoi et me contentait de relater ces événements sur mon ordinateur et dans mes bulletins d’information.
2001: Jack Gosnell (l’ancien consul général des États-Unis dont j’ai déjà fait mention) a expliqué sa relation avec Poutine lorsque celui-ci était adjoint au maire de Saint-Pétersbourg. Tous les deux travaillaient en étroite collaboration pour créer des coentreprises [« joint ventures »] et d’autres moyens de promouvoir les relations entre les deux pays. Jack raconte que Poutine avait toujours cette même rectitude, qu’il était courtois et serviable. Quand la femme de Poutine, Lioudmila, eut un grave accident de voiture, Jack prit la liberté (avant d’en informer Poutine) d’organiser pour elle une hospitalisation et un transport par avion en Finlande, afin qu’elle pût y bénéficier de soins médicaux. Quand Jack l’annonça à Poutine, il raconte que ce dernier resta comme saisi par l’offre généreuse, mais finit par dire qu’il ne pouvait pas accepter cette faveur, que c’était dans un hôpital russe qu’il faudrait que Lioudmila récupère. Ce qu’elle fit, alors même qu’en Russie, dans les années 1990, les soins médicaux étaient abominablement mauvais.
Un officier supérieur du CSIS [2]  avec lequel j’étais amie dans les années 2000 a travaillé en étroite collaboration avec Poutine sur un certain nombre de coentreprises au cours des années 1990. Il m’a raconté qu’il n’y avait jamais eu avec Poutine quoi que ce soit de discutable à chaque fois qu’il avait eu affaire à lui, et qu’il le respectait, estimant que c’était de façon imméritée que les médias américains lui faisaient une réputation aussi austère. De fait, il ferma la porte du CSIS quand nous commençâmes à parler de Poutine. Je devinai sans peine que ses commentaires n’auraient pas été considérés comme acceptables si les autres les avaient entendus.
Un autre ancien responsable américain, dont je tairai le nom, a également indiqué avoir travaillé en étroite collaboration avec Poutine, disant qu’il n’y avait jamais eu à son égard de soupçon de corruption ou de pression, qu’on ne lui avait jamais vu rien d’autre que des comportements respectables et de la serviabilité.
En 2013, j’ai rencontré par deux fois des fonctionnaires du Département d’État concernant Poutine :
Lors de la première rencontre, je me suis senti la liberté de poser la question à laquelle j’avais déjà tant soupiré d’obtenir une réponse : « Quand Poutine est-il devenu inacceptable pour les fonctionnaires de Washington et pourquoi ? » Sans une hésitation, on m’a répondu : « Lorsqu’il a été annoncé que Poutine serait le prochain président, c’est là que les couteaux ont été tirés ». J’ai demandé POURQUOI. Et la réponse fut : « Je n’ai jamais pu savoir pourquoi ; peut-être parce qu’il a appartenu au KGB. » J’ai fait remarquer que Bush n°1 avait été à la tête de la CIA. On m’a répondu : « Cela n’aurait fait aucune différence, c’était un homme à nous. »
La seconde rencontre était avec un ancien fonctionnaire du Département d’État avec qui j’ai récemment partagé une interview à la radio à propos de la Russie. Suite à l’interview, tandis que nous parlions, j’ai remarqué : « Cela pourrait vous intéresser de savoir que j’ai recueilli auprès de nombreuses personnes les expériences qu’elles avaient de Poutine, et pour certaines d’entre elles, c’est une expérience qui s’étend sur une période de plusieurs années. Et bien, toutes ont dit qu’elles n’avaient jamais eu d’expérience négative avec Poutine et qu’il n’y avait contre lui aucune preuve de corruption passive ». Il m’a fermement répondu : « Personne n’a jamais été en mesure de présenter une seule charge de corruption contre Poutine. »
De 2001 jusqu’à aujourd’hui, j’ai observé le montage négatif des médias américains contre Poutine… avec même des accusations d’assassinats, ou d’empoisonnements, pour finir par le comparer à Hitler. Allégations à l’appui desquelles nul n’a présenté à ce jour le moindre élément concret. Pendant ce temps, j’ai voyagé dans toute la Russie, à plusieurs reprises chaque année, et j’ai vu le pays changer lentement sous la gouverne de Poutine. Les impôts ont été réduits, l’inflation a diminué, et des lois se sont mises en place peu à peu. Les écoles et les hôpitaux ont commencé à s’améliorer. Les petites entreprises se sont développées de plus en plus, l’agriculture a montré des signes d’amélioration, et les magasins d’alimentation se sont trouvés de mieux en mieux approvisionnés. Les problèmes d’alcoolisme se sont faits moins évidents, l’interdiction de fumer dans les bâtiments a vu le jour, et l’espérance de vie a commencé à augmenter. On a construit des autoroutes à travers le pays, de nouvelles voies de chemin de fer et des trains modernes sont apparus même en des endroits reculés, et le secteur bancaire est devenu de plus en plus fiable. La Russie a commencé à ressembler à un pays décent ; elle n’a sans doute pas encore atteint le niveau que les Russes espèrent depuis longtemps, mais l’amélioration se fait progressivement, et pour autant qu’ils se rappellent, c’est la première fois.
Mes voyages en Russie de 2013/2014 : en plus de Saint-Pétersbourg et de Moscou, je suis allée en septembre dans les montagnes de l’Oural, et j’ai passé quelque temps à Iekaterinbourg, à Tcheliabinsk et à Perm. Nous sommes allés d’une ville à l’autre en automobile et en train ; les champs et les forêts semblent en bonne santé, les petites villes sont repeintes de frais et l’on y voit de nouvelles constructions. Les Russes d’aujourd’hui ressemblent aux Américains (ce sont les mêmes vêtements qui nous viennent de Chine, aux uns et aux autres). Les vieux blocs d’habitation en béton du temps de Khrouchtchev cèdent la place à de nouveaux complexes résidentiels privés à plusieurs étages, tout à fait charmants. Des centres d’affaires de grande hauteur, de beaux hôtels et de grands restaurants sont maintenant chose courante, et ce sont des lieux que fréquentent les Russes ordinaires. Des maisons résidentielles à deux et trois étages ceinturent aujourd’hui ces villes russes pourtant loin de Moscou. Nous avons visité de nouveaux musées, des bâtiments municipaux et d’énormes supermarchés. Les rues sont en bon état, les autoroutes sont neuves et leur marquage est enfin bon, les stations-service ressemblent à celles qui parsèment les routes américaines. En janvier, je suis allée à Novossibirsk, en Sibérie, où une nouvelle architecture de ce type a été observée. Les rues étaient maintenues ouvertes à la circulation grâce à un déneigement constant, un éclairage moderne gardait la ville éclairée toute la nuit, beaucoup de nouveaux feux de circulation (avec compte-à-rebours des secondes jusqu’au changement de feu) avaient fait leur apparition. Je suis étonnée de voir tout le progrès qu’a fait la Russie au cours des 14 dernières années, depuis qu’un inconnu sans expérience est entré à la présidence russe et a repris un pays qui gisait sur le ventre.
Alors pourquoi nos dirigeants et nos médias dénigrent-ils Poutine et la Russie ? Pourquoi les diabolisent-ils ???
Comme Lady MacBeth, ne protestent-ils pas trop ?
Les psychologues nous disent que les gens (et les pays ?) projettent sur les autres ce qu’ils ne veulent pas regarder sur eux-mêmes. Ce sont les autres qui portent notre « ombre » lorsque nous refusons de la posséder. Nous conférons aux autres ces mêmes traits que nous sommes horrifiés de reconnaître en nous.
Serait-ce la raison pour laquelle nous trouvons constamment à redire de Poutine et de la Russie ?
Se pourrait-il que nous projetions sur Poutine nos propres péchés et ceux de nos dirigeants ?
Se pourrait-il que nous condamnions la corruption de la Russie, en faisant comme si la corruption n’existait pas dans le monde de nos propres entreprises ?
Se pourrait-il que nous condamnions chez eux la situation en matière de droits de l’homme et les questions qui ont trait aux lesbiennes, gays bi et trans, sans affronter le fait que nous n’avons pas résolu ces mêmes questions chez nous ?
Se pourrait-il que nous accusions la Russie de tenter de « reconstituer l’URSS » à cause de ce que nous faisons nous-mêmes pour rester « l’hégémonie » qui domine le monde ?
Se pourrait-il que nous projetions des comportements nationalistes sur la Russie parce que c’est ce que nous sommes nous-mêmes devenus, et que nous ne voulons pas y faire face ?
Serait-ce que nous projetons une attitude va-t-en-guerre et belliciste sur la Russie, en raison de ce que nous avons fait au cours des dernières administrations américaines ?
Sharon Tennison

Traduit par Goklayeh pour vineyardsaker.fr


Notes de Traduction

[1] Le Mariinsky, ou palais Marie, fut construit à Saint-Pétersbourg, sur commande du tsar Nicolas Ier, pour sa fille, la grande-duchesse Marie Nikolaïevna, à l’occasion de son mariage ; ancien siège du Soviet de Léningrad, le bâtiment abrite depuis 1994 l’Assemblée législative de Saint-Pétersbourg. (wikipedia, anglais)
[2] Le Centre d’initiatives citoyennes. (wikipedia, anglais)
[3] Programme d’amélioration de la productivité


Source en anglais : PUTIN, BY SHARON TENNISON (vineyardsaker, anglais, 17-09-2014)


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Voir également :

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samedi 9 septembre 2017

Aux origines du terrorisme : "L'idéologie wahhabite, une menace mondiale"




Pour la première fois en France, le mercredi 18 janvier dernier, le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) a organisé un colloque consacré à l’analyse et à la dénonciation de l’idéologie wahhabite, véritable moteur du terrorisme islamiste contemporain, en France et dans le monde, en présence de nombreux experts réputés, et devant un amphithéâtre comble.

[Télécharger le rapport en pdf]




Huit points majeurs ressortent de cette réunion…

1. Une idéologie néfaste et illégitime

Ainsi que l’énonce Pierre CONESA, le wahhabisme est une idéologie religieuse profondément sectaire, antisémite, raciste et misogyne, prétendant revenir au temps du prophète.
Pour Alain CORVEZ, le wahhabisme est une « doctrine tournée vers le passé ».

Le wahhabisme est clairement une idéologie extrémiste, archaïque et haineuse, une dérive de l’islam apparue au XVIIIe siècle. C’est un courant largement minoritaire de l’islam sunnite dont l’influence est aujourd’hui immense en raison des moyens financiers consacrés à sa diffusion par l’Arabie saoudite.

Alain CORVEZ a expliqué comment cette secte minoritaire et fanatique de l’islam s’est imposée dans une grande partie de la péninsule arabique par l’alliance entre la famille guerrière des Saoud et la prédication de retour aux sources de l’islam primitif du mystique Abdul Wahhab, créant un État qui a pris le nom de son fondateur en bénéficiant des soutiens stratégiques des Britanniques, puis des Américains à partir du Pacte de février 1945 signé sur le croiseur Quincy, étendant son influence à toute la péninsule et au-delà grâce à la richesse de son sous-sol.

Citant Karim IFRAK, Alain CORVEZ rappelle que « le wahhabisme est un mouvement fondamentaliste aux soubassements politico-religieux sur lesquels les Saoud ont forgé leur politique de légitimité religieuse. Il repose sur une interprétation sommaire des textes […]. Victimes d’une vision idéaliste de l’islam, les adeptes du wahhabisme prêchent un retour vers ce dernier dans sa forme la plus originelle possible. S’estimant être les dignes héritiers du salaf (les pieux ancêtres), ils n’hésitent pas à taxer les autres musulmans de déviants, voire dans le cas de certains, d’hérétiques. Aussi, à travers un prosélytisme soutenu financièrement et médiatiquement, le wahhabisme ambitionne de ramener les non-musulmans à se convertir à l’islam, et les musulmans à épouser leur cause ».

Aujourd’hui, cette idéologie radicale désole les fidèles sincères de l’islam qui voient leur religion diffamée par cette vision blasphématoire et enjoignant tous les musulmans de tuer ceux qui n’y adhèrent pas. Malheureusement, l’idéologie wahhabite a trouvé des soutiens et des alliés puissants qui l’exploitent à des fins stratégiques, alimentant ainsi le terrorisme.

Alain CORVEZ explique qu’en réaction au terrorisme takfiri, a pris naissance un mouvement de rejet global de l’islam, en Europe et notamment en France. Il est vrai que la dénonciation de cette déviance criminelle par des autorités religieuses sunnites a été malheureusement peu audible dans les médias.

Pourtant un évènement d’une extrême importance a eu lieu à Grozny (Tchétchénie) du 25 au 27 août 2016, où 200 savants sunnites du monde entier – dont les Ulémas d’Al-Azhar – ont dénoncé les dérives du sunnisme qui encouragent le terrorisme, notamment le wahhabisme, ont émis une fatwa contre elles afin de distinguer l’islam véritable de l’erreur, et ont publié un communiqué appelant les autorités politiques à soutenir les instances religieuses modérées.

Selon Mezri HADDAD, les projets islamistes politiques et religieux guidés par l’idéologie wahhabite ne sont que la traduction de la négation de l’islam. À cet égard, les termes en « isme » (wahhabisme, salafisme, etc.) doivent être remplacés par un seul et unique terme : l’islamo-fascisme.

L’Arabie ne représente pas l’islam, ni ne l’incarne. Toute alliance avec elle est contre-productive pour envisager une réforme de l’islam. Il n’y a pas d’islamistes modérés et il est nécessaire de combattre cet islamo-fascisme.

2. Une idéologie au service d'un État

Comment une telle idéologie, extrémiste et archaïque, ultra-minoritaire au sein de l’islam, a-t-elle pu connaître un tel développement ? Rien de cela n’aurait été possible sans son instrumentalisation par une dynastie familiale qui s’est emparée d’un État, et consacre ses ressources à l’exportation de cette vision régressive et combattante de l’islam

Ainsi que l’explique Pierre CONESA, dès la création du royaume, le djihad a été le moteur idéologique de l’identité saoudienne. Au nom de cette justification religieuse, les Saoud ont lancé la guerre contre les autres tribus arabes pour unifier la péninsule et créer leur dynastie, puis ils ont fait de même contre l’Empire ottoman.

Dans les livres scolaires saoudiens, le djihad est décrit comme une geste héroïque et noble.

Voilà pourquoi les Saoudiens ont toujours représenté le contingent étranger le plus nombreux au sein des talibans, des commandos du 11 septembre (15 des 19 terroristes) ou de Daech. Le salafisme quiétiste n’est rien d’autre qu’une préparation psychologique à la violence.

Fondé sur cette doctrine politico-religieuse, l’Arabie saoudite, alliée de l’Occident, est l’un des États les plus rétrogrades de la planète. Ce pays est un royaume médiéval et intégriste dont les dirigeants laissent la majorité du peuple dans l’ignorance, avec pour toute éducation une lecture très orientée du Coran.

C’est l’un des États les plus inégalitaires au monde, une monarchie extrémiste, hypocrite et esclavagiste, bafouant les libertés politiques et religieuses, les droits de la femme et des étrangers, le droit du travail et soutenant massivement l’intégrisme religieux conduisant au djihad partout dans le monde, avec l’espoir illusoire que les créatures qu’il a enfantées ne se retournent pas un jour contre lui comme ce fut auparavant le cas avec les Frères musulmans.

3. Un prosélytisme tous azimuts

Riyad dispose d’un pouvoir d’influence et de nuisance considérable grâce à l’argent du pétrole et s’en sert pour jouer au pyromane en exportant le wahhabisme, qui est à l’origine du rejet dont souffrent de nombreux musulmans partout dans le monde 

Pierre CONESA explique que la diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite est un modèle d’endoctrinement et de prosélytisme d’État au service d’une idéologie. C’est une usine à propager le racisme, la misogynie, l’homophobie, la haine du dissemblable. Elle dispose de moyens logistiques illimités et bénéficie d’une totale impunité auprès de la communauté internationale corrompue par les achats de pétrole et les ventes d’armes.

Elle s’appuie sur le formidable réseau d’influence de la Ligue islamique mondiale, une ONG qui dispose d’un budget annuel estimé à 5 milliards de dollars.

Chaque jour, nous observons les effets dévastateurs de son influence partout dans le monde, notamment en France – tant par la radicalisation de certains de ses citoyens et de ses mosquées, que par les actes terroristes qui l’ont frappée – comme au Moyen-Orient, où elle est en partie responsable de la situation chaotique d’un Moyen-Orient aujourd’hui à feu et à sang (Syrie, Irak, Yémen). Depuis plusieurs décennies, en Orient comme en Occident, le wahhabisme s’est infiltré dans les sociétés avec le but clairement affiché de s’imposer comme la seule référence islamique et morale.

Sa diffusion se traduit systématiquement par la division entre les musulmans, l’élimination des minorités non islamiques, le rejet de l’Occident, la haine, la violence, les conflits.

Pierre Conesa rappelle notamment qu’au Royaume-Uni, où vivent 2,8 millions de musulmans, 100 000 enfants suivent les cours de 700 écoles coraniques. Il existe aussi des hôpitaux halal, des quartiers signalés « Sharia zone » sans alcool, sans tabac, sans femmes non voilées, sans homosexuels… Pire, des tribunaux islamiques sont autorisés à juger selon la loi coranique les conflits en matière commerciale et civile ; y compris les querelles de couple et de voisinage. Unique protection contre l’arbitraire, les décisions de ces juridictions sont susceptibles d’appel devant la High Court. Le ministère britannique de la Justice laisse faire et la naissance de ce système d’arbitrage parallèle n’a pas suscité de réaction outre-Manche.

Bien sûr, il existe de nombreux musulmans qui résistent à l’hégémonie wahhabite – en Tunisie, en Algérie, au Maroc notamment – mais pour combien de temps encore ? Personne ne leur vient en aide et ils risquent de ne pouvoir lutter durablement contre les pétrodollars islamistes. 




4. Un lien direct avec le terrorisme

Pour Alain RODIER, cette idéologie est si puissante qu’elle pousse – comme jamais auparavant dans l’histoire – des centaines d’individus au sacrifice suprême lors d’opérations suicides, comme à des actes d’une infinie barbarie au nom de leur pseudo-religion. Elle mérite donc d’être étudiée avec attention car on ne fait pas la guerre à une méthode de combat – le terrorisme – mais à ceux qui l’emploient et pourquoi.

Pour Alain CORVEZ, Al-Qaïda, groupe né en Afghanistan pour lutter contre les Soviétiques, a été la première structure rassemblant les djihadistes, financée par l’Arabie et les services pakistanais, avec le soutien de la CIA américaine.

Il a rappelé que « le wahhabisme a engendré le terrorisme qui a pu se développer grâce aux soutiens qu’il a trouvés auprès de nombreuses puissances l’utilisant à des fins stratégiques, portant atteinte à la réputation de l’islam du fait des amalgames que certains se sont empressés de faire ».

Avec la guerre en Syrie, les djihadistes ont multiplié leurs organisations, en fonction de leurs affiliations et de leurs financements mais tous s’inspirent du wahhabisme et montrent la même cruauté. Au nom de l’islam, leur but est de renverser le régime laïque de Damas, ce qui leur vaut le soutien massif de Riyad, Doha, Ankara, Washington, Paris ou Londres.

Daech n’est qu’une métastase du cancer d’Al-Qaïda, en poursuit les mêmes objectifs au nom de la même idéologie. Rappelons que l’organisation État islamique puise ses références dans les écrits d’Abdel Wahhab et des Frères musulmans. Elle adhère donc à la même idéologie que l’Arabie saoudite.

Ces extrémistes s’en prennent à tout le monde : à l’Occident bien sûr et à la France en particulier ; mais aussi aux Russes, aux Égyptiens, aux Pakistanais, aux Libanais, au Hezbollah, aux Iraniens, aux chrétiens, aux chiites… et aux sunnites qui n’adhèrent pas à leur conception de l’islam.

Si le financement direct qu’elle accordait au terrorisme semble bien s’être interrompu, l’Arabie saoudite, soutien idéologique et financier du wahhabisme, laisse certains de ses ressortissants fortunés, de ses ONG et de ses banques appuyer Daech.

Et la Ligue islamique mondiale continue de distribuer de l’argent à des mouvements qui utilisent ces fonds pour lancer le djihad. Ainsi, le soutien à Daech se poursuit via de nombreux canaux en provenance du monde arabe. L’organisation « État islamique » reçoit de nouveaux combattants, du ravitaillement et développe des trafics de toute nature pour assurer son financement. Daech est donc loin d’être asphyxié grâce à la bienveillance de Riyad, Doha ou Ankara.

Par ailleurs, de nombreux éléments tendent à montrer que l’Arabie saoudite – et le Qatar – auraient effectué des livraisons d’armes aux mouvements terroristes contre lesquels l’armée française opère au Sahel.



Richard LABÉVIÈRE a insisté sur le financement direct et indirect du terrorisme par Riyad, via les banques et ONG saoudiennes. Il a stigmatisé le rôle ambigu qu’ont joué les banques suisses et italiennes notamment, en acceptant d’abriter des fonds saoudiens suspectés de financer le terrorisme.

Afin de démontrer le double jeu auquel se livrent les Occidentaux dans la fabrication de l’ennemi, Richard Labévière a illustré ses propos à travers trois exemples.

– Lors de l’attentat de Louxor, au cours duquel 62 touristes furent tués par la Jamaa Islamiya, plusieurs éléments indiquèrent que le financement de l’opération avait été rendu possible par le biais d’une société financière appelée Al-Taqwa. Située dans les Bahamas, à Londres, ainsi qu’à Zurich (le Crédit suisse), cette banque servit de banque aux Frères Musulmans et permit le financement de leurs attaques terroristes, les fonds ayant été fournis par l’Arabie saoudite. Preuve de la duplicité qui règne, Carla Del Ponte refusa d’ouvrir une instruction sur cette affaire afin de ne pas conduire les Saoudiens à quitter la place financière suisse.

– à l’occasion des attentats perpétrés contre les ambassades américaines de Nairobi et de Dar-es-Salaam en 1998, il a été montré que l’ONG islamiste Mercy International a contribué au financement des opérations.

– et, enfin, le financement des activités du GIA algérien dans les années 90 s’est effectué par des fonds saoudiens via des banques suisses.



5. L’agression armée d'États voisins

L’Arabie Saoudite, non contente d’exporter le wahhabisme de par le monde et d’avoir soutenu les djihadistes, est intervenue au Bahreïn à l’occasion du printemps arabe (2011) pour mater dans le sang une révolte populaire sans que personne ne s’en offusque.

Surtout, depuis bientôt deux ans, elle a déclenché une guerre sanglante au Yémen (opération Tempête décisive), laquelle semble ne pas intéresser grand monde, contrairement au conflit syrien.

Depuis mars 2015, une coalition internationale menée par Riyad s’attache à remettre au pouvoir le gouvernement d’Abd Rabo Mansour Hadi, afin d’empêcher l’installation d’un régime chiite à sa frontière méridionale. Dans ce conflit, les Saoudiens sont aidés par les États-Unis qui leur fournissent armement, renseignements et ravitaillent leurs avions. Les combats ont déjà provoqué plus de 10 000 morts – dont beaucoup de civils et plus de 30 000 blessés.

L’Arabie saoudite bombarde systématiquement et sans aucun état d’âme les infrastructures du pays – y compris les hôpitaux et les quartiers historiques de Sanaa, ville vieille de près de 2 500 ans – et exerce un blocus sur les zones rebelles au point que des millions de Yéménites n’ont plus de quoi se nourrir ; 3 millions ont fui les zones de combat.



6. L'absence de participation à la lutte contre Daech

Mis à part contre les réseaux terroristes actifs sur son territoire et qui cherchent à s’en prendre au pouvoir en place, l’Arabie saoudite ne participe pas à la lutte contre l’organisation État islamique, dont l’idéologie est proche du wahhabisme. D’ailleurs, le nombre de Saoudiens parmi les combattants étrangers de Daech est particulièrement élevé.

Paradoxalement, pour conduire sa guerre d’agression au Yémen, Riyad, a été capable de réunir autour d’elle une coalition internationale de 150 000 hommes.

Les Saoudiens ont retiré en cette occasion la quinzaine d’aéronefs qui participaient mollement aux bombardements contre l’organisation État islamique en Irak. Rien qu’en avril 2015, la coalition dirigée par l’Arabie saoudite a conduit plus de 1 700 raids aériens, soit parfois 80 par jour ; l’on aurait bien aimé voir ses moyens engagés contre Daech.

Pour Pierre CONESA, le royaume est en réalité en danger, car il refuse de combattre Daech, dont les thèses trouvent un écho favorable au sein d’une partie de sa société. Et ce n’est pas un hasard. Aujourd’hui, les principes que l’État saoudien applique – la loi coranique et la haine des « mécréants » (les non-musulmans) – se rapprochent de ceux de Daech. Tous deux décapitent massivement en public et détestent les chiites.

Ainsi, la société saoudienne ne comprendrait pas que le royaume affronte les djihadistes. Or, comme chaque fois que le régime des Saoud est en danger, il fait appel aux « mécréants » : les Occidentaux. Cela a déjà été le cas en 1979, lorsque des gendarmes français du GIGN ont libéré la grande mosquée de La Mecque d’étudiants islamistes radicaux ou, en 1991, lorsque les soldats américains sont intervenus à l’occasion de l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein.


7. La complicité de l'Occident

En dépit de sa diplomatie religieuse agressive, de son soutien aux groupes islamistes armés en Syrie, de ses efforts douteux pour lutter contre Al-Qaida et Daech, et de ses crimes de guerre au Yémen, aucune critique n’est formulée à l’encontre de l’Arabie saoudite. Les frappes saoudiennes au Yémen relèvent pourtant pleinement d’un crime de guerre. Mais aucun État occidental ne l’a signalé ni n’a protesté et le conflit yéménite est quasiment absent des médias occidentaux. Tout juste les Américains ont-ils fait savoir qu’ils allaient reconsidérer leur soutien aux Saoudiens dans ce conflit.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les Américains ne cessent de désigner l’Irak, l’Iran et plus récemment la Syrie, comme fauteurs de troubles, alors que Ben Laden et la majorité des terroristes du 9/11 étaient Saoudiens et que l’idéologie dont se réclament les djihadistes takfiris est celle de Riyad. Nous sommes donc en présence d’une véritable stratégie d’alliance objective et machiavélique avec l’islam le plus radical qui soit.

Michel RAIMBAUD a rappelé le rôle essentiel qu’ont joué les États-Unis dans la fabrication de l’ennemi, avec le concept géopolitique de « Grand Moyen-Orient », cher à l’administration de George W. Bush, et dont le point d’orgue aura été l’élaboration du plan de démantèlement du Moyen-Orient qui s’est notamment traduit par l’invasion de l’Irak en 2003.

Ce concept a maintes fois évolué au gré des impulsions politiques de Washington, notamment dans les années 80. En effet, sous l’administration Reagan, les États-Unis n’hésitèrent pas à instrumentaliser les islamistes afin de contrer l’influence soviétique en Afghanistan, les conduisant ainsi à nouer un pacte d’alliance avec les Saoudiens et les Pakistanais. Sous l’administration Bush, le plan de démantèlement du Grand Moyen-Orient n’avait pour autre objectif que de transformer le paysage politique et économique de cet ensemble afin d’y apporter la « démocratie » et ainsi, assurer la sécurité des intérêts américains, dans la droite ligne des théories néoconservatrices.

Michel RAIMBAUD a dénoncé les alliances de circonstances qui ont été observées entre les Européens et les islamistes, que l’on songe à la guerre d’Afghanistan en 1979, aux bombardements dits « humanitaires » qui ont été effectués sur la Libye de Kadhafi, aux révolutions arabes ou à la guerre en Syrie.

Paradoxalement, alors que l’Occident est la cible de la haine et de la violence wahhabite, il continue de soutenir le régime saoudien. Les élites occidentales, complices ou clientes de ce royaume, ferment les yeux sur ses agissements qui pourtant sapent les fondements de leurs sociétés.

À l’occasion de ses enquêtes sur le financement du terrorisme par l’Arabie saoudite, Richard LABÉVIÈRE, s’est heurté aux injonctions du Quai d’Orsay dirigé successivement par Alain Juppé et Laurent Fabius, qui ne souhaitaient pas que soit mis en lumière le financement de l’islam radical par l’Arabie saoudite. 








Pierre CONESA a insisté sur l’ostracisme dont a été l’objet en France son dernier ouvrage qui a le mérite de dénoncer haut et fort la diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite.

Il plaide pour la levée des ambiguïtés qui sous-tendent nos relations avec ce royaume de l’extrémisme. À noter qu’en France, pas moins de cinq agences de conseil en communication se chargent de « corriger » l’image des Saoud dans l’opinion.


8. Comment éradiquer cette menace ?

15 ans après le début des attentats barbares qui ne cessent d’ensanglanter le monde arabo-musulman, l’Occident et la France, la menace terroriste n’a nullement diminué.
Les événements des années 2015 et 2016 dans notre pays en sont la triste illustration. Les autorités gouvernementales ont accru les moyens accordés à la lutte antiterroriste et ont mis en place, avec plus ou moins de réussite, un dispositif destiné à lutter contre la radicalisation.
Mais force est de constater que rien de concret n’a été fait pour lutter contre les idéologies (salafisme, wahhabisme, Frères musulmans) sur lesquelles se fondent ces mouvements radicaux terroristes  et les États qui les soutiennent, au premier rang desquels l’Arabie saoudite – mais aussi le Qatar et la Turquie. 

- Sur le plan intérieur

Il est essentiel de dénoncer l’idéologie wahhabite comme néfaste et hostile, incitant à la haine et au terrorisme, à l’antisémitisme et contraire aux valeurs et lois de la République. Cette idéologie – ainsi que celle des Frères musulmans – doit donc être déclarée hors-la-loi, ses textes interdits de vente et de distribution, ses mosquées fermées, ses associations dissoutes et ses représentants interdits de s’exprimer dans nos médias.

Nous devons les combattre avec la plus grande fermeté. Ce que nous avons fait jadis pour lutter contre Action directe et divers groupuscules d’extrême droite doit aujourd’hui s’appliquer aux wahhabites, aux salafistes et aux Frères musulmans. 

- Sur le plan international

Un virage à 180° vis-à-vis du régime saoudien s’impose, car cette monarchie prône une idéologie haineuse, contraire à nos valeurs ; elle encourage et soutient – directement ou indirectement – le terrorisme et l’extrémisme religieux partout dans le monde, et jusque dans nos banlieues. Il convient de dépasser les promesses – parfois illusoires – de contrats mirobolants et ne pas se laisser acheter par des cheiks autocrates, dont les comportements à l’égard de leur propre population et des étrangers sont incomparablement plus éloignés des règles démocratiques qu'on le prétend pour la Syrie et l’Iran. 

- Sur le plan religieux

Enfin, pour Alain CORVEZ, le défi que représente le wahhabisme doit entraîner chez les théologiens sunnites, comme les y a invités le président égyptien Sissi, un aggiornamento salutaire pour supprimer à l’intérieur du corpus religieux les ferments de divisions que le terrorisme takfiri a révélés et cristallisés.

La crise provoquée par cette vision inculte, haineuse et sommaire de l’islam sunnite entraîne en son sein des craquements et des divisions, et pourrait amener les grands théologiens à vivifier les saintes bases de la foi sunnite pour l’adapter au monde moderne, en l’orientant vers l’avenir, à l’instar du chiisme tourné vers la prophétie et l’attente d’un monde meilleur.

Des voix s’élèvent en ce sens, depuis deux ans environ, venant de responsables sunnites religieux, comme à Kazan et Grozny en 2016, et de chefs politiques, musulmans mais laïques comme le président Sissi en Égypte. 
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Comment éliminer radicalement le terrorisme wahhabite ?…

Wayne MADSEN - Les Dönmeh : le secret le plus chuchoté du Moyen Orient (25 octobre 2011)
Christophe Lamfalussy, Jean-Pierre Martin : Molenbeek-sur-djihad (Grasset, 18 janvier 2017)
Molenbeek. Le monde entier connaît le nom de cette commune de Belgique. Que se passe-t-il à Molenbeek, et depuis longtemps, puisque dès 2001, le commandant Massoud a été abattu par deux hommes qui y vivaient ? Pourquoi l’avant-garde d’un commando de l’Etat islamique en est-elle partie, une nuit de novembre 2015, pour assassiner 130 personnes à Paris ? Christophe Lamfalussy et Jean-Pierre Martin se sont plongés dans cet étrange creuset du terrorisme, étudiant sa réalité actuelle et son histoire pour essayer de comprendre l’explosion d’un islam radical au cœur de l’Europe.
D’argent saoudien en mères fanatisées qui envoient leurs fils en Syrie, voici la désolante rencontre du fanatisme religieux, du plus misérable gangstérisme et de l’incompétence politique. Trente ans de dérives. Une leçon, non seulement pour la Belgique, mais pour toute l’Europe.

Le terrorisme n’est pas un ennemi mais un moyen de faire la guerre, tous les États l'utilisent

*   *   *

Le site Stratpol (www.stratpol.com) dirigé par Xavier MOREAU, qui fournit des analyses politico-stratégiques et économiques sur toutes les zones, pays et continents, dans le but de permettre des prospectives réalistes, a publié une série de vidéos de ce colloque du Cf2R (Centre français de Recherche sur le Renseignement) sur le thème de l'idéologie wahhabite. Juste au moment où Trump arrive au pouvoir ? Assiste-t-on à un revirement géopolitique dont les Saoudiens vont faire les frais ?


Colloque sur le wahhabisme : Introduction d’Éric DENÉCÉ et intervention de Pierre CONESA (partie 1/7)

Éric Denécé, docteur ès Science Politique, habilité à diriger des recherches, est directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R). Pierre Conesa, auteur de "Dr Saoud et Mr Jihad, la diplomatie religieuse de l'Arabie Saoudite" (Robert Laffont) Ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défens.


Colloque sur le wahhabisme : intervention d'Alain Corvez (partie 2/7)



Colloque sur le wahhabisme : intervention d'Abderrahmane Mekkaoui (partie 3/7)



Colloque sur le wahhabisme : intervention de Richard Labévière (partie 4/7)



Colloque sur le wahhabisme : intervention de Mezri Haddad (partie 5/7)



Colloque sur le wahhabisme : intervention de Michel Raimbaud (partie 6/7)



Colloque sur le wahhabisme : allocution de Pierre Lellouche (partie 7/7)






Le terrorisme n’est pas un ennemi mais un moyen de faire la guerre, tous les États l'utilisent







« Les Français doivent être conscients que nous allons vers des attentats majeurs. Les pouvoirs politiques doivent dire aux Français que nous allons vers des attentats de masse. »
Général Vincent Desportes, le 29.10.2015

Il faut faire un peu d’ordre conceptuel dans le moment où les émotions, la propagande, et l’hystérie risquent de fourvoyer la considération équilibrée des événements du vendredi 13 novembre à Paris.

À Paris, nous faisons face à une Morale Operation. Dans l’art de la guerre non orthodoxe, sont appelées Morale Operations ces opérations dont le but est d’induire sidération, confusion et mystification pour semer défiance, terreur et désarroi dans les rangs de l’ennemi, ou de l’allié indécis et incertain. Il s’agit d’un type de guerre psychologique élaboré et mis en œuvre en 1943 par le colonel William J. Donovan de l’OSS américain [2].

Le haut commandement militaire français savait très bien qui se cache derrière Daech (État islamique), puisque le Général de division Vincent Desportes déclarait ouvertement, dès le 17 décembre 2014, juste avant l’opération Charlie Hebdo, dans un débat en séance publique au Sénat, en face de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

« Quel est le docteur Frankenstein qui a créé ce monstre [Daech] ? Affirmons-le clairement, parce que cela a des conséquences : ce sont les États-Unis. Par intérêt politique à court terme, d’autres acteurs – dont certains s’affichent en amis de l’Occident – d’autres acteurs donc, par complaisance ou par volonté délibérée, ont contribué à cette construction et à son renforcement. Mais les premiers responsables sont les États-Unis. » [3].

L’entrée en jeu en Syrie des forces russes contre l’État islamique a disloqué tous les plans des USA et d’Israël, dont l’État islamique est le coûteux jouet : la France, peu de jours avant Poutine, avait elle aussi pris l’initiative, de manière autonome, de bombarder l’État islamique, en Irak et (par deux fois) en Syrie. Pour les vrais patrons de l’État islamique cela était un défi : il s’agissait donc de rappeler à l’ordre la France, et de réunir le front occidental sous leur commandement.

Par une action diversifiée de commandos militaires en plein Paris, contre des lieux attentivement choisis et symboliques, les responsables politiques français ont donc été rudement avertis le 13 novembre.

Il n’existe nulle part dans le monde aucune guerre contre le terrorisme, puisque tous les États s’en servent : on sait bien que le terrorisme n’est pas un ennemi, mais simplement un des moyens pour faire la guerre.

Déjà en 2008 le lieutenant-colonel Jean-Pierre Steinhofer écrivait, dans la Revue Défense Nationale :

“La notion de ‘guerre mondiale contre le terrorisme’ est une perversion sémantique, stratégique, militaire et juridique qui, en confondant ennemi et méthode de combat de l’ennemi, a conduit les États occidentaux dans une impasse intellectuelle qui brouille leur réflexion dans de nombreux domaines et aboutit à des situations absurdes” [4].

Les velléités d’action indépendante de la France, laquelle semble oublier de faire désormais irrévocablement partie intégrante de l’OTAN, ainsi que la dispersion de ses forces armées dans trop de théâtres, de l’Afrique au Moyen Orient, les flottements et les hésitations gouvernementales, les embrouilles de la politique, l’intoxication schizoïde de l’information, condamnent son action militaire à l’échec, alors qu’elles exposent la France même à toutes les rétorsions. Ainsi que nous venons de le voir à Paris.

Les responsables politiques français se trouvent maintenant dans l’inconfortable situation de faire semblant de ne pas savoir d’où vient le coup, ils préfèrent comme d’habitude mentir à la population et passer pour des imbéciles inconscients plutôt que de risquer de fâcher ultérieurement leurs traîtres alliés. La population est sous contrôle grâce à l’État d’urgence. Les Allemands et les autres alliés de l’OTAN sont avertis du même coup.

Le spectacle des masques, le théâtre des ombres, le jeu de dupes, la mise en scène, la dramaturgie et la narration mainstream des choses font partie de ce que le lieutenant-colonel cité plus haut a appelé "l’impasse intellectuelle qui brouille [la] réflexion dans de nombreux domaines et aboutit à des situations absurdes".

Entre-temps on habitue les populations aux massacres qu’on leur prépare. Elles doivent apprendre dans le sang que complice du terrorisme n’est pas seulement qui le commande et qui l’exécute, mais aussi bien tous ceux qui croient les versions officielles. Sans eux, le terrorisme devient une arme peu tranchante, et même très dangereuse pour celui-là même qui s’en sert [5].

On se rappelle que le moderne terrorisme sous fausse bannière fut d’abord expérimenté, à partir de 1969, et pour quinze ans, par les services secrets en Italie, sur la chair des Italiens, ce qui est aujourd’hui universellement admis et prouvé par les historiens, ainsi que par les sentences des tribunaux. Lorsque je le dénonçai à l’époque, j’écrivais que :

« Le terrorisme italien est la dernière énigme de la société du spectacle… Il est donc nécessaire et suffisant de résoudre cette énigme pour mettre fin non seulement au terrorisme, mais aussi à l’État italien… Et quoi que l’on en dise aujourd’hui, dans dix ou vingt ans, ou avant, lorsque tout deviendra clair pour tous, c’est de ce que j’ai écrit sur le terrorisme que l’on se rappellera, et non point des fleuves d’encre que tous les menteurs professionnels et les stupides répandent actuellement à ce propos » [6].

Gianfranco Sanguinetti

Genève, le 15 novembre 2015


[2] cf. par exemple : https://en.wikipedia.org/wiki/Morale_Operations_Branch
[3] Présidée par Jean-Pierre Raffarin la Commission a interrogé lors des débats le Général Henri Bentégeat (2S), ancien chef d’état-major des armées, le Général de corps d’armée Didier Castres, sous-chef d’état-major Opérations, Monsieur Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, le Général de division (r) Vincent Desportes, professeur associé à Sciences Po Paris et Monsieur Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense. On peut donc conclure que non seulement les militaires, mais tous les responsables politiques étaient aussi au courant. Cf. : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20141215/etr.html.
[4] J.P. Steinhofer, L’Ennemi innomé. In Revue Défense Nationale, n°712.
[5] Dans un document militaire U.S. daté 4 Décembre 1942, déclassifié, au titre The Use of Terror Propaganda, on peut lire : « Terror propaganda, while immensely successful under proper conditions, may well be used imprudently to increase the resolution and determination of the enemy ». (National Archives, declassified by NARA.)
[6] Cf. Gianfranco Sanguinetti, Del Terrorismo e dello Stato, Milan, 1979, 1980. Traduit en français sous le titre Du Terrorisme et de l’État, Paris et Grenoble, 1980, 1981.

La source originale de cet article est Mondialisation.ca








[article écrit en janvier 2016]